Articles

Le procès contre Israël représente une épreuve de vérité pour l’ensemble du système international.

Maha Abdallah

—22 mars 2024

Maha Abdallah, chercheuse en droit international, examine les aspects humanitaires, juridiques et politiques de la plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud contre Israël. Elle présente la requête et les plaidoiries ainsi que les mesures que la Cour a déjà imposées à Israël.

Quels sont les principaux points de la requête que l’Afrique du Sud a déposée contre Israël devant la Cour internationale de justice pour crime de génocide ?

La requête déposée par l’Afrique du Sud le 29 décembre 2023 devant la Cour internationale de justice (CIJ) invoque la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 (Convention sur le génocide). Dans sa requête, l’Afrique du Sud fait valoir que les actes et omissions d’Israël tout au long de son agression contre les 2,3 millions de Palestiniens de la bande de Gaza depuis octobre 2023 revêtent un caractère génocidaire. L’Afrique du Sud formule neuf chefs à l’encontre d’Israël pour violation des obligations qui lui incombent en vertu de la convention sur le génocide.

Ces chefs portent sur le manquement à l’obligation de prévenir le génocide, le fait de commettre un génocide, l’entente en vue de commettre le génocide, l’incitation directe et publique au génocide, la tentative de génocide, le manquement à l’obligation de punir le génocide, l’incitation au génocide et la complicité dans le génocide, le manquement à l’obligation de promulguer la législation nécessaire pour donner effet à la Convention au niveau national et prévoir des sanctions efficaces pour les violations pertinentes, ainsi que le manquement à l’obligation d’autoriser et d’empêcher l’entrée d’organismes internationaux pour mener des enquêtes indépendantes et collecter des preuves.

Ces plaintes sont liées au comportement et à la rhétorique d’Israël depuis le 7 octobre 2023. Les actes génocidaires énoncés par l’Afrique du Sud dans sa requête sont les suivants : le massacre de Palestiniens en grand nombre, que ce soit en raison des bombardements incessants ou du siège ; l’atteinte grave à l’intégrité physique, avec plus de 55 000 blessés, dont beaucoup subiront des séquelles à long terme ou permanentes ; l’atteinte grave à l’intégrité mentale et les traumatismes ; la déshumanisation ; l’expulsion et le déplacement massifs qui ont lieu dans un environnement conçu pour entraîner la destruction des Palestiniens de Gaza ; la privation délibérée de nourriture, d’eau, d’abri, de vêtements, d’hygiène et d’assainissement, de fournitures médicales et d’assistance avec le siège total imposé ; la destruction de la vie palestinienne – en ciblant et en éradiquant de manière répétée les sites culturels, historiques, religieux et éducatifs, entre autres – ainsi que la destruction de l’environnement et la catastrophe écologique imposées ; et enfin, les mesures imposées par Israël aux femmes et aux enfants palestiniens de Gaza, qui ont pour but d’empêcher les naissances.

Maha Abdallah est chercheuse en doctorat de droit à l’Université d’Anvers. Son travail porte sur les flux financiers qui soutiennent le colonialisme israélien.

 

Quelles sont les mesures urgentes demandées par l’Afrique du Sud ?

L’Afrique du Sud demande à la Cour, de toute urgence, d’indiquer neuf mesures temporaires. L’Afrique du Sud demande notamment à la Cour d’ordonner à Israël de suspendre ses opérations militaires dans et contre la bande de Gaza. La requête faite à la Cour d’ordonner la cessation des attaques contre les civils est particulièrement importante compte tenu de l’échec délibéré et répété du Conseil de sécurité des Nations unies à demander un cessez-le-feu illimité – qui aurait épargné des milliers de vies et fourni d’urgence autant de protection que possible aux Palestiniens de Gaza. Sans surprise, c’est le droit de veto des États-Unis qui a brutalement empêché un appel international contraignant à un cessez-le-feu, exposant ainsi davantage la nature impériale et néocoloniale de ces institutions et la nécessité de les réformer, pour peu que l’on reconnaisse encore l’importance d’un ordre mondial.

Le droit de veto des États-Unis qui a audacieusement empêché un appel international contraignant à un cessez-le-feu

L’importance de la requête faite à la Cour d’appeler à la cessation de l’agression est aussi particulièrement pertinente pour empêcher des États tels que les États-Unis, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni (pour n’en citer que quelques-uns) de continuer à fournir à Israël l’équipement militaire et d’autres formes d’assistance matérielle et financière qui lui ont permis de poursuivre sa déshumanisation et son massacre impitoyable des Palestiniens.

Il convient de noter ici que pour que la Cour prenne de telles mesures (ordonnances), il n’est pas nécessaire qu’elle décide si Israël est effectivement accusé d’actes et d’omissions génocidaires dans la présente procédure. La Cour pourrait mettre des années à statuer sur ce point, surtout si l’on considère le seuil de preuve élevé requis pour qualifier le crime de génocide, à savoir l’intention de l’auteur de détruire un groupe de personnes (en l’occurrence les Palestiniens de Gaza), que ce soit en totalité ou en partie.

Qu’est-ce que la Cour internationale de justice (CIJ) ?  Quelles sont les conséquences possibles pour Israël ?

La Cour internationale de justice est le principal organe judiciaire des Nations Unies. Elle règle les différends juridiques entre États qui lui sont soumis – comme dans l’affaire opposant l’Afrique du Sud à Israël – et ses arrêts sont juridiquement contraignants pour les États. La CIJ rend également des avis consultatifs sur des questions juridiques, à la demande ou sur saisine des instances de l’ONU, sans pour autant que ces avis soient juridiquement contraignants. Elle est composée de 15 juges élus par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies. Quelles que soient les mesures conservatoires (= temporaires) imposées par la Cour à Israël et quel que soit l’arrêt rendu à l’avenir, Israël est tenu de s’y conformer. Au vu des antécédents d’Israël, qui a systématiquement ignoré des résolutions contraignantes et non contraignantes de l’ONU, il est très probable qu’il n’en fera rien. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a d’ailleurs déjà déclaré que “Personne n’empêchera [Israël] – ni La Haye ni personne d’autre – d’atteindre ses objectifs, à savoir l’anéantissement de la bande de Gaza .

 

Qu’avez-vous relevé de particulier dans la plaidoirie des avocats sud-africains ? Et dans la réaction d’Israël ?

L’équipe d’avocats représentant l’Afrique du Sud a fait un travail remarquable en soumettant une requête bien documentée et bien écrite à la Cour, ainsi qu’en présentant oralement l’affaire avec force au cours de la session d’audience. Leurs arguments étaient bien articulés, fondés sur les informations, les faits et les preuves disponibles et analysés dans le cadre de la Convention sur le génocide et du droit applicable.

Il va sans dire que l’intention d’Israël de détruire les Palestiniens de Gaza a été largement, publiquement et à plusieurs reprises déclarée au cours des quatre derniers mois, notamment par le président, le Premier ministre et d’autres ministres israéliens, ainsi que par des généraux de l’armée, des soldats et des décideurs politiques et plus largement au sein de la société israélienne. Des centaines de déclarations de ce type font état de l’intention d’Israël de détruire Gaza, de n’y laisser que des ruines, de ne laisser personne ou rien indemne, et de déshumaniser purement et simplement tout ce qui est palestinien.

Plusieurs organes et représentants des Nations Unies ont mis en garde Israël contre les répercussions dévastatrices et catastrophiques pour des centaines de milliers de Palestiniens des “ordres d’évacuation” répétés et du siège total imposé dans un contexte de bombardements aériens, terrestres et maritimes incessants. Israël ne peut prétendre qu’il ignorait le mal (la catastrophe) que ses politiques et sa conduite allaient infliger à la population de Gaza. Les avertissements sur les risques de génocide ont été formulés à maintes reprises à l’intention d’Israël et de la communauté internationale, cependant la prétendue défense d’un État semble n’être soumise à aucune limite humaine, morale ou juridique pour Israël et ses alliés aux États-Unis et en Europe.

Comme l’indique à juste titre la requête, les actes génocidaires d’Israël contre les Palestiniens dans la bande de Gaza “s’inscrivent inévitablement dans un continuum”. Le génocide est bel et bien un processus et non un événement.

La requête introduite par l’Afrique du Sud se place dans le contexte de 75 ans de colonisation, d’occupation militaire et d’apartheid qui ont spolié le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination. La requête reconnaît en outre que l’agression actuelle contre Gaza s’inscrit dans le contexte d’un blocus terrestre, aérien et maritime de Gaza imposé depuis 16 ans, qui avait déjà rendu Gaza impropre à l’habitation humaine. Il s’agit là d’une reconnaissance importante, et ce non seulement pour des raisons politiques et morales, mais aussi parce qu’elle met en évidence la persécution systémique du peuple palestinien, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité perpétrés par Israël depuis des décennies.

La reconnaissance par la requête de la dépossession, de la discrimination institutionnelle et de l’apartheid d’Israël à l’encontre des Palestiniens sert d’éléments de preuve en tant que précurseurs et moteurs du crime de génocide dont Israël est accusé devant la Cour. Comme l’indique à juste titre la requête, les actes génocidaires d’Israël contre les Palestiniens dans la bande de Gaza “s’inscrivent inévitablement dans un continuum”. Le génocide est bel et bien un processus et non un événement. En décembre 2023, dans un discours commémorant les 75 ans de la Convention sur le génocide, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a déclaré : “Tout génocide est précédé de signes avant-coureurs. Il est toujours l’aboutissement de graves violations des droits humains : des schémas identifiables de discrimination systématique – fondée sur la race, l’appartenance ethnique, la religion ou d’autres caractéristiques – qui ont été ignorés”. Pour le peuple palestinien, la communauté internationale a volontairement choisi d’ignorer ces avertissements et de contribuer à l’ aggravation de leur réalité depuis plus d’un siècle.

Le jour suivant, l’équipe d’avocats représentant Israël s’est concentrée sur les arguments prévisibles de la “légitime défense”, que les avocats sud-africains avaient déjà réfutés. Israël a évoqué le Hamas plus souvent qu’il n’a fait référence au droit international. Les avocats d’Israël ont en outre fourni des informations incomplètes et fausses, notamment en ce qui concerne la conduite de l’armée face aux problèmes humanitaires dans le contexte de la catastrophe qu’Israël a infligée aux Palestiniens de Gaza. Ils ont suivi la tactique prévisible consistant à saper les capacités intellectuelles et les connaissances des gens afin de les convaincre au moyen d’arguments boiteux et lacunaires.

 

Quelle est la décision de la Cour internationale de Justice le 26 janvier ?

Le vendredi 26 janvier 2024, la Cour internationale de Justice a jugé plausible qu’Israël commette le crime de génocide à l’encontre des 2,3 millions de Palestiniens de la bande de Gaza, qui font partie intégrante du peuple palestinien, en tant que groupe distinct au sens du droit international.

En conséquence, et à la lumière des revendications et des demandes de l’Afrique du Sud, la Cour a ordonné des mesures conservatoires juridiquement contraignantes à Israël, pour qu’il prenne immédiatement et effectivement toutes les mesures en son pouvoir pour mettre fin à la commission des actes génocidaires énumérés à l’Article 2 de la Convention sur le génocide, notamment par ses forces militaires. La Cour a également ordonné à Israël de prendre des mesures immédiates et efficaces pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire dont la population palestinienne a un besoin urgent. En outre, la Cour a ordonné à Israël de prévenir et de punir l’incitation directe et publique au génocide, ainsi que d’empêcher la destruction et d’assurer la préservation des éléments de preuve pertinents pour cette affaire. La Cour a également obligé Israël à faire rapport dans un délai d’un mois sur la mise en œuvre de ces mesures conservatoires.

Si la Cour a reconnu l’urgence de la situation, puisqu’elle a rendu son ordonnance de mesures conservatoires deux semaines seulement après les audiences, elle n’a pas explicitement ordonné à Israël de mettre fin à ses opérations militaires contre Gaza. En pratique, l’ordonnance de mesures conservatoires ne peut être mise en œuvre sans une telle cessation des attaques. Cependant, compte tenu de la gravité de la situation – et alors que la survie de plus de deux millions de personnes et l’existence d’un peuple entier sont en jeu – beaucoup ont été déçu de l’appel implicite au cessez-le-feu de la part de la Cour.

Les avocats d’Israël ont en outre fourni des informations incomplètes et fausses, notamment en ce qui concerne la conduite de l’armée face aux problèmes humanitaires

Les mesures conservatoires ordonnées par la Cour sont tout aussi importantes pour la communauté internationale des États, qui doit s’assurer de la mise en œuvre et du respect de celles-ci par Israël. Les États eux-mêmes doivent également adhérer à l’arrêt de la Cour. À l’heure où la Cour mondiale estime que les actions d’Israël à Gaza peuvent être assimilées à un génocide, les obligations juridiques des États sont immédiatement déclenchées, ceux-ci étant signataires de la Convention sur le génocide, et en vertu du droit international coutumier.

Ces obligations englobent le devoir des États de prévenir et de réprimer les génocides, et de s’assurer qu’ils ne contribuent pas eux-mêmes à des actes et omissions génocidaires – directement ou indirectement. Les États, en particulier ceux qui fournissent des armes et un soutien matériel et financier à Israël, sont avertis de leur complicité potentielle dans le crime de génocide, et des conséquences juridiques qui en découlent. Dans un monde où Israël ne serait pas traité comme une exception au-dessus de la loi et des valeurs morales, ses partisans, représentés par les États-Unis et l’Europe, auraient déjà changé radicalement de discours et de politique à la suite de l’arrêt de la Cour de vendredi, afin d’éviter toute complicité et toute implication, dès lors qu’il existe un risque évident de génocide.

Ils auraient déjà trouvé des moyens efficaces de mettre fin immédiatement et depuis longtemps à l’agression génocidaire d’Israël contre Gaza (et ils ne se seraient pas limités à des déclarations, souvent contradictoires avec leurs actions et leurs politiques). À tout le moins, ces États pourraient suspendre leurs contributions militaires et leur soutien diplomatique à Israël, à la suite d’un tel arrêt. Au lieu de cela, Israël et ses partisans instrumentalisent toute occasion de renforcer la campagne génocidaire contre les Palestiniens dans leur ensemble, que ce soit à Gaza, à Jénine ou dans les camps de réfugiés en exil. La suspension du financement de l’UNRWA (agence des Nations unies fournissant des services essentiels à des millions de réfugiés palestiniens) par un grand nombre de ces États, peu après l’arrêt de la CIJ, n’est qu’un autre exemple des efforts déployés pour effacer la Palestine en tant que cause, et les Palestiniens en tant que peuple.

Israël, ce projet sioniste colonial, dont la simple existence repose sur l’élimination et l‘extermination du peuple palestinien, fait enfin l’objet d’une investigation pour génocide de la part de la plus haute juridiction internationale. Il s’agit de la première affaire controversée portée contre Israël devant la CIJ. L’arrêt de la Cour pourrait marquer le début d’un long processus de démantèlement de l’impunité générale dont Israël et les puissances impériales occidentales ont longtemps bénéficié, notamment en instrumentalisant et manipulant les mécanismes et les outils du droit international pour maintenir leur hégémonie. Il est grand temps de mettre fin à l’impunité généralisée dont jouit Israël, qui continue de s’enhardir et d’intensifier sa brutalité à l’égard des Palestiniens dans le cadre de la réalisation du projet sioniste de colonisation qui cherche ouvertement à éliminer le peuple palestinien. N’oublions pas que dès 1937, Ben Gourion, qui deviendrait par la suite le Premier ministre de l’État d’Israël nouvellement créé, écrivait que “les Arabes devront partir, mais qu’il fallait attendre le moment opportun pour le faire, comme dans une guerre”.

 

Pourquoi cette initiative vient-elle d’Afrique du Sud ? Comment interpréter le soutien ou non-soutien d’autres pays sur le plan géopolitique ?

L’Afrique du Sud – ses dirigeants politiques et sa population – est depuis longtemps en première ligne pour soutenir la lutte des Palestiniens pour la libération et la justice. Il ne fait aucun doute que sa propre lutte pour la libération et sa résistance à la colonisation et à l’apartheid à différents moments de l’histoire ont inspiré, façonné et défini son rôle et sa responsabilité en matière de droits humains, de libertés et de justice pour la communauté mondiale et dans le cadre des mécanismes de justice internationale existants.

En plus de l’Afrique du Sud, plus de 100 pays ont salué et/ou soutenu et/ou réagi positivement à l’initiative sud-africaine notamment la Malaisie, la Jordanie, la Turquie, les Maldives, la Bolivie, le Venezuela, le Pakistan, le Bangladesh, la Namibie, le Nicaragua, l’Iran, le Brésil, la Colombie, le Liban, l’Algérie, Cuba, le Chili, l’Irak et la Belgique entre autres. La Belgique a affirmé son soutien à la Cour et à la requête de l’Afrique du Sud ainsi qu’à ses décisions et ordonnances.

Certains pays ont indiqué des positions relativement neutres, par exemple en déclarant qu’ils suivaient l’affaire, en réitérant leur engagement en faveur de l’État de droit et en soutenant fermement la Cour, comme la Slovénie, la Finlande et le Costa Rica, sans prendre position sur la procédure elle-même ou sur son bien-fondé. Le Canada et l’Australie ont publié des déclarations indiquant qu’ils soutenaient uniquement la Cour et non la requête, tandis que la France a eu une position fluctuante, mais a insisté sur le fait qu’Israël ne commettait pas de génocide et ne devait pas être accusé en tant que tel. Le Luxembourg a indiqué qu’il ne soutenait pas la procédure en faisant valoir qu’il se voulait “ami de la paix”. Comment peut-on envisager la paix sans la justice, pourrait-on se demander ?

Sans surprise, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Hongrie, la République Tchèque, l’Autriche et les États-Unis, pour ne citer qu’eux, étaient critiques et/ou se sont totalement opposés à la requête. L’Allemagne est allée jusqu’à indiquer qu’elle interviendrait pour défendre Israël. Les États ne peuvent intervenir qu’à la demande de la Cour.

La différence de position entre les pays du Sud et ceux du Nord s’explique en grande partie par l’expérience des premiers en tant que nations ou peuples opprimés et colonisés, dont certains ont été soumis à des processus d’élimination et de génocide sous différentes formes et par différents auteurs. Leur réaction est probablement aussi largement influencée par leur frustration à l’égard du système international et de son aptitude réelle à leur garantir la justice et une vie véritablement libre et digne, loin de toute forme de colonialisme, d’impérialisme et de capitalisme.

Les pays du Sud se trouvent engagés dans une révolution qui cherche à faire basculer l’équilibre des pouvoirs, y compris pour ce qui a trait au cadre juridique international.

Les pays du Sud se trouvent engagés dans une révolution qui cherche à faire basculer l’équilibre des pouvoirs, y compris pour ce qui a trait au cadre juridique international, en affirmant courageusement leur refus de tolérer plus avant des injustices de longue date et en dénonçant la politique de deux poids deux mesures des pays occidentaux. C’est la Namibie qui a le mieux articulé cette position en rappelant à l’Allemagne son premier génocide au XXe siècle contre les Namibiens et en remettant en question l’engagement de l’Allemagne à l’égard de la Convention sur le génocide alors qu’elle soutient ouvertement et de manière persistante un autre génocide, cette fois contre les Palestiniens. Voilà pourquoi la procédure en cours devant la CIJ constitue une épreuve de vérité, non seulement pour le peuple palestinien, mais aussi pour l’ensemble du système international et du cadre juridique international. Il reste à voir si la CIJ parviendra à se préserver dans l’intérêt de l’humanité tout entière – indépendamment de la situation géographique, de la race, de l’appartenance ethnique, de la couleur ou de toute autre considération.

 

Comment pouvons-nous, depuis la Belgique, renforcer cette initiative et renforcer la solidarité avec le peuple palestinien ?

La mobilisation sur différents fronts, notamment dans les rues, les universités et la société civile, a contribué à influencer la position officielle de la Belgique, qui est progressivement devenue plus acceptable pour correspondre à ses devoirs en vertu du droit international dans un tel contexte. La Belgique a appelé à un cessez-le-feu à plusieurs reprises et a également dénoncé les destructions et les tueries à grande échelle à Gaza. En outre, la Belgique a réaffirmé son soutien à la CIJ et son respect constant de ses décisions et ordonnances. La Belgique a également déclaré qu’elle continuait à soutenir l’UNRWA. Peu après, Israël a bombardé et complètement détruit le bâtiment de l’Agence belge de coopération au développement (Enabel) à Gaza.

Malgré son soutien au droit international, les ports et aéroports belges continuent d’être utilisés pour le transfert d’armes vers Israël – ces mêmes armes, équipements et matériels que les forces israéliennes utilisent pour bombarder, tuer et mutiler les Palestiniens dans la bande de Gaza, en Cisjordanie, y compris à Jérusalem, et dans toute la Palestine. Cela doit cesser. Il ne s’agit pas seulement d’une question de moralité, mais aussi d’éviter toute responsabilité en cas d’implication ou de complicité éventuelle dans les nombreuses violations, infractions graves, crimes de guerre, crime contre l’humanité et génocide perpétrés quotidiennement par Israël.

À l’heure où elle assume la présidence du Conseil de l’Union européenne, la Belgique pourrait inspirer le bloc européen en vue d’une application normalisée du droit international et du respect de toutes les obligations pertinentes pour les pays tiers en vertu du droit international dans des contextes d’occupation militaire prolongée, d’apartheid et de génocide. La Belgique doit montrer l’exemple et adopter les contre-mesures appropriées, à savoir l’imposition d’un embargo militaire complet sur Israël, l’imposition de sanctions économiques et la garantie qu’il ne contribue pas directement ou indirectement – financièrement, matériellement ou politiquement – à des violations graves et à des crimes internationaux. Parallèlement, la Belgique doit continuer à étendre son soutien à la CIJ et à la Cour pénale internationale (CPI). Il incombe à la Belgique de prévenir et de faire cesser le génocide ainsi que d’autres actes prohibés et interdits en vertu du droit international, et de s’acquitter de ses obligations en ce sens.