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Le nouvel état d’esprit dans le Sud global

Tricontinental Institute

—22 mars 2024

Le monde vacille. Dans le Sud global, de nouvelles alliances se forment et changent la face du monde, tandis que le Nord global perd de son pouvoir économique.

En janvier 2023, un journaliste du quotidien nippon Yomiuri Shimbun a demandé à l’attachée de presse du ministère japonais des Affaires étrangères, Hikariko Ono, de proposer une définition de l’expression «Global South» («Sud global»). Le gouvernement japonais n’a pas de définition précise du terme «Global South», a-t-elle répondu, mais «je crois comprendre qu’en général il fait souvent référence aux pays émergents et en développement»1.

Le gouvernement nippon s’est efforcé de trouver une évaluation plus précise du Sud, qu’il a tenté de présenter dans le Livre bleu diplomatique 2023. Dans un long chapitre consacré à la notion de «Sud», les responsables japonais reconnaissent que l’ancien «Tiers-Monde» semble avoir développé une nouvelle attitude. Lorsque les pays du Nord, sous l’impulsion des États-Unis, ont demandé aux pays du Sud d’adopter la position de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) sur la guerre en Ukraine (à savoir isoler la Russie), ils ont refusé, accusant l’Occident de pratiquer le «deux poids, deux mesures», puisque, comme le note le ministère japonaise des Affaires étrangères, il justifie ses propres guerres tout en décriant celles des autres. À la lumière du nouvel état d’esprit qui prévaut dans les pays du Sud, le ministère des Affaires étrangères du Japon a déclaré qu’il était nécessaire d’adopter de nouvelles attitudes, en adoptant une «approche inclusive qui dépasse les divergences de valeurs et d’intérêts». Comme a écrit l’ancien ministre japonais des Affaires étrangères, Yoshimasa Hayashi, dans la préface du livre bleu, «le monde se trouve aujourd’hui à un tournant de l’histoire»2.

Ce tournant est illustré par le fait que peu d’États du Sud ont voulu participer à l’isolement de la Russie, en refusant, par exemple, de soutenir les résolutions occidentales à l’Assemblée générale des Nations Unies. Tous les États qui ont refusé de se joindre à l’Occident dans sa croisade contre la Russie ne sont pas «anti-occidentaux» au sens politique du terme; nombre d’entre eux sont plutôt motivés par des considérations pratiques, telles que les prix réduits de l’énergie en Russie. Qu’ils en aient assez d’être manipulés par l’Occident ou qu’ils voient des opportunités économiques dans leurs relations avec la Russie, de plus en plus de pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine ont refusé de capituler face à la pression exercée par Washington les incitant à rompre leurs liens avec la Russie. C’est ce refus et cet évitement qui ont poussé le président français Emmanuel Macron à admettre qu’il était «très impressionné de voir à quel point nous perdons la confiance des pays du Sud»3.

 

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