Interview

« J’ai choisi mon camp »

Tony Busselen

—31 octobre 2018

L’histoire du Congo n’est pas une éternelle descente en enfer selon l’historien Elikia Mbokolo. Il offre une vision rafraîchissante sur un pays dont on parle souvent, mais qu’on écoute rarement.

Busselen. Les gens affirment que Kabila a eu le pouvoir pendant dix-sept ans et que, pendant ces dix-sept ans, il n’y a pas vraiment eu d’amélioration de la situation sociale.

Mbokolo. Ils oublient que le Congo a connu un certain nombre de guerres d’agression et de guerres civiles, sans compter les interminables manœuvres de nos partenaires, surtout occidentaux, ou les manœuvres et les grenouillages des requins de la nouvelle économie mondiale. Ils oublient aussi que l’État congolais, issu du monstre colonial, fragilisé et parfois annihilé pendant la Première République, asservi par la Seconde République, écartelé par toutes sortes de conflits violents depuis 1997, un tel État existe plus sur le papier et dans les chancelleries de nos partenaires que dans la maîtrise effective du territoire, des structures administratives et appareils de toutes natures qui définissent un État moderne. Sait-on, par exemple, qu’à ma connaissance, aucun Congolais ne paye l’impôt sur le revenu, ni les taxes foncière ou d’habitation ? Dans ces conditions les prétendus dix-sept ans de pouvoir relèvent d’un comptage qui ne correspond nullement aux réalités vécues sur le terrain. Entre 2001 et 2006 à peu près, le Congo se trouvait de facto dans une situation d’éclatement du territoire national. Pendant le reste du temps, une grande partie de son énergie à été consacrée, à juste titre, à ces moments intenses et répétitifs de « réconciliation », « concertation », etc., nécessaires à cette paix civile sans laquelle il n’existe ni nation, ni État.

Elikia Mbokolo (73 ans) est un historien congolais, spécialiste de l’histoire sociale, politique et intellectuelle de l’Afrique.
Il a, entre autres, été directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales et enseignant à l’Institut d’études politique à Paris. Il a longtemps produit l’émission Mémoire d’un continent sur Radio France Internationale. Il est directeur du comité scientifique du projet de l’Unesco pour l’Histoire générale de l’Afrique. Il enseigne l’histoire en qualité de Professeur Ordinaire à l’université de Kinshasa.

Certains affirment que l’histoire du Congo n’est qu’une éternelle descente aux enfers, que les choses se dégradent continuellement. Il y a par exemple ceux qui disent : « Sous Mobutu, on vivait mieux qu’aujourd’hui ». Qu’en pensez-vous ?

C’est totalement idiot. Au regard de l’Histoire, c’est une manipulation grossière. On oublie, par exemple, que sous Mobutu, Kinshasa a connu deux gigantesques pillages, en 1991 et en 1993. Des pillages aveugles et très violents, inefficaces mais légitimes, au cours desquels le peuple de Kinshasa a détruit tous les outils de production parce qu’il ne se reconnaissait pas dans ces outils. Quelques rares industries commençaient à se développer à l’époque, notamment dans le secteur automobile où des firmes américaines pensaient reproduire au Congo un modèle à la coréenne. On aurait produit des voitures bon marché pour le Congo et pour le marché Africain. Les Kinois on définitivement détruit ce projet parce qu’ils ne se reconnaissaient pas dans ce système capitaliste. Curieusement on ne parle jamais de capitalisme au Congo, on parle de démocratie, de droits de l’homme, etc. mais on ne parle jamais du capitalisme, c’est-à-dire du gigantesque pillage des ressources du pays.
Dire qu’on vivait mieux sous Mobutu est une mauvaise provocation. C’est à cette époque-là que s’est produite une érosion vertigineuse du pouvoir d’achat, sans précédent, notamment dans la classe moyenne qui l’a vécue comme une véritable tragédie. C’est l’époque où Mobutu et sa clique disaient aux gens : « Demain, vous allez vous manger les uns les autres. » Les gens ont continué à s’appauvrir massivement depuis une quarantaine d’années. Cela se traduit dans le fait que la résistance biologique aux maladies a dramatiquement diminué. Il suffit d’aller dans un cimetière de Kinshasa et d’observer l’âge de ceux qui y sont enterrés depuis les années 1980-90 : on voit que l’on meurt plus souvent à 20 ans qu’à 80 ans. Et c’est une situation structurelle.

Les chiffres ci-dessus montrent un réel effondrement de l’économie zaïroise dans la période de Mobutu. Cet effondrement est dû à plusieurs mécanismes :
– Les « éléphants blancs ». La construction de mégaprojets non rentables ou non fonctionnels a surtout rapporté aux firmes de construction européennes. Par exemple, le barrage d’Inga et l’aciérie de Maluku sont responsables pour un quart de toute la dette congolaise. Or le barrage d’Inga n’a jamais tourné au dessus de 15 % de ses capacités et l’aciérie de Maluku n’a jamais été en production.
– L’évolution négative des termes de l’échange (rapport entre le prix des produits à l’exportation et ceux importés). Ceux-ci ont chuté de 24 % entre 1980 et 1984 et même de 98 % entre 1989 et 1996.‏
– L’effet boule de neige des intérêts sur la dette. En 1988, le Zaïre devait à l’État belge une somme de 110 milliards de FB pour une dette qui était initialement de 17 milliards de FB.
– La corruption et le vol par l’élite mise au pouvoir par les puissances impérialistes.
On constate par contre que pendant la période 1999-2014, le PIB a été multiplié par sept, le revenu de l’État par huit et que les importations et exportations ont considérablement augmenté, malgré les guerres et les déstabilisations, et malgré le joug du FMI qui, au nom de la dette laissée par Mobutu, a imposé au pays entre 2001 et 2010 une politique économique antisociale et ultra-libérale.
Sources : CEDAF 1999, Banque Mondiale, Observatory of Economic Complexity (import et export) et gouvernement congolais.

On dit de Kabila qu’il a poussé la RDC dans le chaos total.

L’une des choses dont on peut et dont on devrait savoir gré, non seulement à la personne de Kabila mais à tous les gens qu’il a su réunir autour de lui, ça a été d’avoir réussi à maintenir le Congo. De ce point de vue, Kabila se situe dans la continuité directe de Patrice Emery Lumumba. Maintenir le Congo. Maintenir le Congo à tout prix ! Pendant toutes ces années, le Congo, comme État et comme structure juridique, n’a pas disparu. Mais c’est aussi ce qui a permis le renforcement de cette bourgeoisie d’État qui éclate aujourd’hui dans la perspective des élections. Tous ces gens qui se nichent dans les différents partis politiques sont nés dans le processus de captation de la rente minière. Joseph Kabila fait partie d’un groupe plutôt jeune. Il y a avec lui des gens plus âgés avant lui, qui ont entre 60 et 80 ans, qui, tous, font partie du bloc au pouvoir et qui se trouvent souvent en désaccord parce que plus on contrôle le pouvoir, plus grande est la part de la rente que l’on peut recevoir et redistribuer. Donc se contenter de dire “Kabila, Kabila, Kabila pendant 17 ans”, ce n’est ne pas voir la forêt qui est derrière l’arbre et se fermer les yeux devant tous les autres qui font partie du bloc au pouvoir.

photo : Bendele Ekweya Te

Selon l’ONU, le peuple congolais est l’un des peuples les plus pauvres au monde, malgré son indépendance.

Lorsqu’on parle de politique au Congo, on parle d’individus, on parle d’argent, on ne parle jamais de groupes sociaux. Alors que, depuis la fin de la colonisation classique, on est toujours enfermé dans la stratégie déployée par le régime colonial dans les années 1950 qui a été de dire : « au fond nous les colonisateurs, nous pouvons partir, mais il nous faut créer sur place une classe sociale, une sorte de bourgeoisie locale, qui sera d’accord avec nous pour continuer à faire fonctionner le système économique que nous avons mis en place » combiné avec un système politique fondé sur l’autoritarisme, la violence de l’État et, au besoin, des manipulations psychologiques, religieuses et autres. Cette stratégie-là se prolonge jusqu’à aujourd’hui.
Il y a donc un processus sociopolitique, qui reste très ouvert, de constitution d’une sorte de classe dominante, installée dans l’appareil d’État, avec une légitimité très discutable, qui assure de fait le fonctionnement du système social et économique tel que la colonisation l’avait conçu et tel qu’il l’a laissé en place au Congo. Les colonisateurs ont été évincés du territoire national, mais les classes dirigeantes qui se sont constituées à cette époque continuent à faire fonctionner le même régime économique fondé sur les matières premières et sur la captation de la rente minière. Entre-temps, le peuple joue le rôle de spectateur qui applaudit les hommes politiques, comme on applaudit les musiciens ou les joueurs de foot. Et la question sociale du coup est totalement éliminée.

Comment cette question sociale est-elle mise sous le tapis et en faveur de quoi ?

En 2003-2006, on était parvenu à signer un grand accord social entre le gouvernement et les syndicats, appelé accord de Mbudi. Il prévoyait une sorte d’échelle mobile des salaires et un système de protection sociale relativement bien élaboré pour les salariés. Mais ce début de politique sociale n’a jamais été mis en place. Les gens oublient que le vice-président chargé alors de l’économie et des finances était un certain Jean-Pierre Bemba, qui n’a jamais fait fonctionner ce système.
Et en 2016, lors du dialogue de la Cité de l’Union Africaine, les personnalités indépendantes dont j’étais ont remis sur la table de discussion la question sociale. Le parti du président Kabila était assez ouvert à cette question sociale. Mais toutes les autres personnes présentes, notamment les délégués de l’opposition, ont déclaré que ce n’était pas à l’ordre du jour. Ce qui était à l’ordre du jour, c’était la discussion politique. Donc il y a une grande mystification au Congo qui escamote la question sociale : que fait-on de la rente minière en rapport avec cette question ? C’est ce que les Occidentaux aussi occultent en faisant croire que « la démocratie » se réduirait aux formes et aux mécanismes électoraux. Toute la classe politique veut sa part du gâteau et personne ne pose la question de la redistribution de la rente au peuple. La sécurité sociale, les écoles, les hôpitaux etc., ce n’est pas à l’ordre du jour. L’ordre du jour c’est : tous les partis doivent être là, tous les chefs de partis doivent être là. Si l’on pouvait refaire aujourd’hui le système de un président et quatre vice-présidents (comme en 2003-2006) ou un système rotatif, tout le monde serait évidemment très content.

Kinshasa.
photo : Bendele Ekweya Te

Alexander De Croo, ministre belge de la Coopération au développement, a dit : « Le Congo n’est pas un État mais un système d’enrichissement personnel. » Et il conclut en affirmant que la communauté internationale devrait prendre les choses en mains. Que pensez-vous de ces affirmations ?

Monsieur De Croo oublie de dire que tous ceux qui ont voulu lutter contre cela ont été sauvagement éliminés. Je pense à Lumumba, Laurent Désiré Kabila, Pierre Mulele et tous les autres. Ils ont été sauvagement éliminés, justement parce qu’ils disaient « les ressources nous appartiennent, nous pouvons les exploiter quand nous voulons et, surtout, nous avons le droit souverain de les vendre à qui on veut ». Exploiter nos ressources à un rythme décidé par d’autres pour les vendre à tel partenaire exclusif, c’est le système colonial qui perdure. Et ce néocolonialisme est tellement enraciné dans la tête des gens qu’ils ne comprennent pas que l’on puisse faire un autre choix. Tout ce qui est dit sur la nouvelle économie, les nouvelles ressources énergétiques et les nouvelles matières premières, c’est impossible de le faire sans le Congo. Donc le rôle de fournisseur de matières premières est imposé au Congo.
En réalité, c’est aux Congolais d’envisager ce qu’il faut faire. On peut dès aujourd’hui imaginer des processus transitoires pour mettre en place une économie différente qui donnerait durablement du travail aux gens, qui nous permettrait de contrôler ces ressources et peut-être de les utiliser nous-mêmes. Car tous ces trésors, le Congo peut aussi les exploiter dans une stratégie novatrice d’industrialisation. Ce débat-là n’est pas présent dans la présentation paternaliste et erronée que Monsieur De Croo donne de la lutte politique au Congo. La « démocratie » est un slogan fourre-tout qui ne correspond pas concrètement aux situations vécues en RDC ni à ce qui est gérable par les Congolais.
C’est le même discours que celui de l’Association internationale africaine, fondée par Léopold II dans le but de conquérir le Congo. Il y a des problèmes au Congo, mais ce n’est pas l’Occident qui va les résoudre, c’est nous Congolais qui allons les résoudre. Et cela doit passer par la lutte des classes. Il n’a jamais existé et il n’existe aucun gouvernement étranger à un espace social qui puisse mener la lutte des classes en lieu et place des opprimés de cet espace. Les Congolais sont très conscient de ces enjeux.
Ce discours constitue aussi une approche apparemment morale, en réalité idéologique, visant à préparer une éventuelle intervention armée au Congo. On nous dit : « Oublions le passé, le problème aujourd’hui, ce sont vos propres dirigeants dont nous pouvons vous aider à vous débarrasser. » Mais le système économique mondial est toujours le même, il se durcit même aux dépens des pays du Sud. Si les gauches européennes oublient ce combat pour la distribution des richesses à l’échelle mondiale, au nom d’un douteux combat moral, ce sera un énorme problème pour nous tous.

L’État congolais, issu du monstre colonial, asservi par Mobutu, écartelé depuis 1997, existe plus dans les chancelleries de nos partenaires que dans la maîtrise du territoire

Le même De Croo a aussi dit : « La dernière chose que nous devons faire en l’Europe, c’est de tourner le dos à l’Afrique car il y a d’autres partenaires qui veulent nous remplacer. La Chine, on en parle déjà depuis longtemps, mais aussi la Russie jouent un rôle en Afrique. Ils prétendent qu’ils ont d’autres solutions pour vos problèmes que celles que propose l’Europe. »

Les Congolais voient comment et à quelle allure la Chine change. Ils voient aussi que le modèle occidental n’est pas le seul, qu’il existe des pays qui, il y a 50 ans, se trouvaient dans une situation comparable à la nôtre et qui fournissent désormais au marché mondial leurs produits finis. Donc tous les stéréotypes que nous avons hérités de l’Occident (« la Chine, c’est de la camelote », la Chine est impérialiste, la Chine est raciste… ») sont en train de partir en fumée.
Il semblerait normal à certains que le Congo doive ouvrir ses portes à tous les requins de la nouvelle économie mondiale. Le Congo devrait, nous dit-on, négocier avec certains, les grandes firmes occidentales, mais pas avec la Chine, pas avec la Russie, pas avec l’Inde. On se demande bien pour quelle raison. Géographiquement, nous sommes bien plus près de l’Inde et de la Chine que des États-Unis. Dans une vraie stratégie de développement, on peut imaginer que nous nous approchions des États dont le profil historique est le plus proche du nôtre. Prenons la Chine. C’est un pays qui a été dominé, exploité, humilié par l’Occident, qui a décidé que cela ne se reproduirait plus et qui a mis les moyens pour arriver au niveau de puissance requis. Donc, elle a pris en mains ses propres ressources matérielles, conçu et organisé sa volonté politique et pris en mains sa stratégie de développement.
Toute la propagande de la presse occidentale, des milieux politiques belge et autres, visant à faire croire aux Congolais que la seule voie à suivre est celle de l’Occident, conduirait le Congo à une impasse.

Comment concevez-vous la relation entre le Congo et la Belgique ?

Aujourd’hui, cela fait pratiquement soixante ans que le Congo est juridiquement indépendant. Pour quitter effectivement le temps de la colonisation, il faut que tout ce qui s’est passé à cette époque soit mis sur la table et connu des gens, en insistant notamment sur le discours « humanitaire » et charitable, aujourd’hui repris en partie par les ONG et qui a toujours été une sorte de masque pour cacher la réalité des intérêts, des enjeux économiques, stratégiques.
Ce travail-là, nous les Congolais, nous devons le faire. Mais cela reste très difficile à expliquer aux classes populaires et aux couches moyennes de la société. Une partie significative de l’opposition congolaise vit en Belgique. Et parle depuis la Belgique, avec des analyses et des opinions dont certaines sont issues directement du grand capital colonial belge. Ce cordon ombilical, il faudra bien le couper définitivement un jour.
Le moment n’est pas loin où les Congolais, à leur tour, parleront de la Belgique en montrant comment elle s’est construite grâce au Congo. Ils diront aussi qu’elle n’est pas un modèle ni de construction nationale ni de société équilibrée, et que nous, Congolais, devons inventer des formes de vivre ensemble qui nous soient propres et qui s’enracinent dans les réalités que les gens expérimenteront. C’est à nous de faire ce travail et non pas à une commission quelconque de l’Union européenne, qui se chargerait de nous ouvrir les yeux, parce que les yeux, nous les avons bien ouverts.
Au Congo, les gens qui se donnent aujourd’hui comme modèles se présentent en tant que personnes « riches ». Leur richesse, c’est de l’argent provenant des biens que Mobutu, lors de la zaïrianisation, a confisqués aux « petits blancs », Portugais, Grecs et autres qui vivaient au Congo. Lors de cette opération, destinée à asseoir financièrement la bourgeoisie d’État et à gagner durablement sa loyauté, Mobutu n’a jamais touché aux biens des grandes banques ni à ceux des grandes compagnies minières, industrielles ou agropastorales. Grâce à ce vol fondateur, beaucoup ont acquis une durabilité remarquable et plusieurs d’entre eux sont sur la ligne de départ des élections présidentielles. Il y a donc une gigantesque manipulation à nous présenter ces prédateurs du Congo comme des référents obligatoires.

Une idée, surtout répandue aux États-Unis, est que le Congo est trop grand pour être gouverné convenablement par un seul État, que le Congo n’existe pas. Ou encore que « la meilleure façon d’aider le Congo, c’est de le laisser se désintégrer ». Qu’en pensez-vous ?

Le discours sur la taille présumée et souhaitable du Congo est sans cesse présent dans les débats sur le Congo. Il est des gens qui répandent l’idée que le Congo serait trop grand. Trop grand par rapport à qui, par rapport à quoi ? Le Nigeria est grand, lui aussi ; les États-Unis sont grands, de même que la Russie ou la Chine.
Avant le déferlement de l’impérialisme colonial, cet espace était l’un des rares espaces africains reliés à la fois à l’océan Indien, à l’océan Atlantique et, par la vallée du Nil, à la Méditerranée : tout cela grâce à la multiplication des réseaux commerciaux à longue distance. Le colonialisme de Léopold II a eu la naïveté et l’orgueil de croire que c’était lui qui « ouvrait » le Congo au monde.
On ne peut pas dire que le Congo est trop grand. C’est un carrefour exceptionnel en Afrique. Et cela, Lumumba l’avait très bien vu, d’où son panafricanisme. Il expliquait que les Congolais doivent parler le français, le swahili, l’anglais parce que nous sommes au carrefour du destin de l’Afrique.
Heureusement, dans les luttes électorales actuelles, le séparatisme n’est plus au centre des discours. Les velléités autonomistes ou séparatistes qui ont naguère existé, notamment au Katanga semblent éteintes. La langue swahili, longtemps cantonnée dans l’est du Congo, est maintenant commune à Kinshasa et, de plus en plus, dans l’ouest du pays. C’est l’un des acquis des vingt dernières années, depuis la prise du pouvoir par Laurent-Désiré Kabila et l’AFDL.
Le lingala, la langue de la Force Publique coloniale et de l’État colonial, récupérée par le régime mobutiste, reste vivante mais ne semble plus exercer la même hégémonie. Avec le swahili, le Congo intègre un espace linguistique et culturel beaucoup plus grand.

Il n’a jamais existé et il n’existe aucun gouvernement étranger à un espace social qui puisse mener la lutte des classes en lieu et place des opprimés de cet espace

Parlons maintenant de la situation politique actuelle. Vous avez signé la charte du Front commun pour le Congo (FCC). C’est quoi, ce FCC ?

Le front commun pour le Congo est un concept qui existe dans l’histoire politique du Congo depuis les années 1950. La vie politique congolaise est caractérisée pour toutes sortes de raisons par un émiettement des groupements politiques sur des bases très hétérogènes dues à des dynamiques régionales, sociales, culturelles, voire religieuses. Très peu de partis au Congo disposent d’une assise nationale équilibrée. Donc, cette idée de « front » est vraiment une idée centrale de la vie politique congolaise. Depuis la fin des années 1950, la formule « front » a été celle qui a permis aux Congolais d’arracher l’indépendance et de gouverner ensemble pendant quelque temps. Les colonialistes ont réussi à briser ce front. Mais cette idée de front réapparaît toujours : il s’agit d’une stratégie d’ouverture et d’alliance qui enrichit les options politiques et, en même temps, élargit la base électorale, sociale et géographique des formations politiques. C’est la condition impérative du succès, surtout dans une élection présidentielle à un tour. Si le pouvoir mobutiste a duré aussi longtemps, ce fut entre autres raisons à cause de la dispersion des forces d’opposition.
Lorsque le président Joseph Kabila et ses conseillers ont commencé à envisager les échéances électorales de 2018, ils ont pensé à juste titre que le PPRD, le parti de Kabila, ne réussirait pas à mobiliser tout le monde. Et qu’il fallait donc concevoir une structure dans laquelle pourrait naître une sorte de programme commun pour gagner les élections et gouverner le pays. Moi, cette idée-là m’a immédiatement plu. Parce que cela voulait dire travailler ensemble à un projet pour la société congolaise. Lorsque des personnalités indépendantes dont je fais partie ont rencontré le président Kabila, ils ont pu lui dire que la question urgente pour le Congo, c’est la question sociale, pas la question électorale. Et nous avons constaté de sa part une grande ouverture à notre approche.
Je n’ai donc pas hésité un seul instant à l’annonce de la création du FCC : ma place y était évidemment.

Toute la classe politique veut sa part du gâteau et personne ne pose la question de la redistribution de la rente au peuple

Qui fait partie de ce front et quel est son objectif ?

C’est un mouvement très, très, très large, comprenant le PPRD, des petits partis mais aussi beaucoup d’acteurs de la société civile et beaucoup de syndicalistes. Au Congo, les syndicats sont souvent des syndicats de fonctionnaires. La classe ouvrière, de son côté, est trop émiettée pour aujourd’hui donner naissance à un grand syndicat ouvrier dans une société dominée par les « petits métiers » et la débrouillardise. Nos ranges comptent aussi des mouvements de citoyens, notamment des mouvements de jeunes, des mouvements de femmes. Nous avons aussi une floraison remarquable de groupements religieux : les principales Églises protestantes, des kimbanguistes, des religions minoritaires au Congo, beaucoup d’Églises indépendantes, les musulmans du Congo.
Le groupe de jeunes cadres issus de la diaspora est également très important. Et beaucoup de ces jeunes cadres ont réussi, avec le label du Front, à s’inscrire sur les listes électorales en vue des législatives. Beaucoup de jeunes, cela veut dire qu’on va assister à un probable rajeunissement et et renouvellement des élus, ce qui serait une très bonne chose.
Pour fédérer toutes ces personnes et tous ces mouvements, il a fallu concevoir une vision commune. Cette vision commune, c’est le président Kabila et son équipe qui l’ont élaborée et déclinée en un certain nombre de principes : le principe de l’indépendance et de la souveraineté nationale ; le principe de la maîtrise des ressources du Congo ; le besoin impératif de faire « émerger » le Congo ; le refus de l’ingérence. Mais aussi le principe de solidarité agissante entre les Congolais, pas la charité mais la solidarité sociale ; la question de la laïcité et de l’égalité des citoyens quelle que soit leur religion ou leur absence de religion.
Et aussi l’engagement de tous à « soutenir une seule candidature à l’élection présidentielle » et l’effort conjugué de tous pour disposer de la majorité parlementaire.
Sur cette base là, je peux dire que ce fameux 14 juillet 2018, les gens étaient très heureux de signer enfin cette charte. On a l’impression d’avoir retrouvé le temps où les Congolais s’organisaient en masse dans la fraternité pour combattre les mêmes ennemis et commencer à construire ensemble le pays.

Je pense que le processus de remplacement de la vieille classe politique a bel et bien commencé, très largement grâce au FCC

Un moment décisif pour le FCC a été l’élection du candidat pour les élections présidentielles. Avec Ramazani Shadari, on a choisi un compagnon de Laurent-Désiré Kabila. Cela vous a-t-il étonné que Joseph Kabila ne soit pas candidat ? Et comment est-on parvenu à ce choix ?

J’ai toujours pensé que le président Kabila ne se représenterait pas. Il l’avait clairement déclaré depuis longtemps dès après son élection en 2006. Et il a tenu parole, chapeau !
Une fois le FCC créé, on s’est attelé à un exercice de démocratie et organisé une sorte de « primaires ».. Le président a reçu en privé chacun des groupes politiques constituant le FCC. Il a d’abord défini le profil du président de la République. Il a précisé les onze qualités du futur président, qualités discutées et déterminées auparavant. Il a demandé à chaque groupe de lui proposer quatre noms de candidats (deux femmes et deux hommes). À ce jour, j’ignore quels noms ont été proposés, ce qui constitue une discrétion et une discipline exceptionnelles dans le monde politique congolais. Dans les autres familles politiques, c’est presque toujours le désordre qui règne : candidatures multiples, discordes, ruptures, chacun jouant finalement sa propre carte. Avec le résultat que l’on sait : 23 candidats présidentiels, avant le nettoyage opéré par la CENI (Commission électorale nationale indépendante). Un record mondial sans doute !
Il faudra se battre pour que ces élections aient bien lieu : en effet, tout est fait pour qu’on trouve un nouvel arrangement permettant à chacun de trouver une place à la table du pouvoir. Une partie de la bourgeoisie d’État congolaise s’acharne à rester indéfiniment au pouvoir. Plutôt que d’organiser de vraies élections qui installeraient au pouvoir des femmes et des hommes appartenant à un parti ou à une majorité clairement identifiée, on multiplie les prétextes, accusations, incidents, voire violences pour que les élections n’aient pas lieu. Des arrangements et des combinaisons douteuses permettraient alors à tous les groupes et forces politiques de participer au pouvoir, pouvoir, comme en 2003 (formule 1+4), (2013 et 2017 entrée
d’« opposants » au gouvernement). Beaucoup préfèrent que tout le monde soit « ensemble ». Et on sait que quand tout le monde est « ensemble », c’est le pire pour le Congo. C’est alors que l’exploitation désordonnée et incontrôlée des ressources atteint son maximum et que les détournements deviennent la règle. Au contraire, chaque fois qu’on dispose d’un gouvernement légitime relativement fort, appuyé sur une majorité claire et stable, liée par des engagements contraignants comme ceux qui lient les membres du FCC, on peut mener enfin une vraie politique, fondée sur des choix clairs et s’inscrivant dans la durée.

Kisangani.
photo : Bendele Ekweya Te

On trouve aussi dans le FCC une partie importante de cette classe politique que vous décrivez comme faisant partie du système néocolonial. Ne va-t-elle pas saboter cette stratégie de répartition des richesses ?

Je pense que le processus de remplacement de la vieille classe politique a bel et bien commencé, très largement grâce au FCC. Les vétérans, trop souvent incapables de se conformer à la discipline convenue dans le cadre du FCC, courent le risque de se discréditer, exactement au moment où beaucoup de jeunes, souvent issus des nombreuses associations de la société civile, se sont inscrits sur les listes électorales nationales et, surtout, provinciales.

On a aussi beaucoup parlé du rôle de l’Église et de la Conférence épiscopale nationale du Congo, la CENCO. Comment voyez-vous le rôle que joue la CENCO ?

Selon moi, le rôle des institutions religieuses dans la vie sociale et politique congolaise constitue un véritable problème, une sorte de bombe à retardement. Après une longue série de déchirements, les Congolais ont finalement appris à vivre ensemble. Cette quête de la paix civile se manifeste clairement sur le plan religieux. L’article 1 de la Constitution dispose que « la République démocratique du Congo est, dans ses frontières du 30 juin 1960, un État de droit, indépendant, souverain, uni et indivisible, social, démocratique et laïc ». Pour moi, c’est cela, la base de notre consensus national. Cette disposition fondamentale veut dire que l’État n’a pas de religion, que chaque citoyen est libre d’avoir ou de ne pas avoir de religion et qu’il n’y a aucune religion qui l’emporte sur une autre. Or, l’un des faits dominants des deux ou trois dernières décennies, c’est la diffusion rapide, généralisée et profonde de la religiosité dans la société congolaise. Cette prolifération des Églises va de pair avec l’idée selon laquelle « si vous avez des problèmes de quelque nature que ce soit, c’est parce que vous avez oublié Dieu ». Une propagande dangereuse qui déresponsabile tout le monde, et les individus et l’Etat.
Les Églises sont libres de s’organiser en respectant la loi. Et l’État est indépendant des Églises. Or, quand on observe notre scène politique, ce n’est pas ce qui se passe. Au plan institutionnel, la laïcité proclamée de l’État est contredite dans les faits par le maintien des privilèges reconnus à l’Église catholique depuis la signature de la « Convention » (une sorte de concordat, signé en 1906 entre l’État Indépendant du Congo ‒ l’ancêtre juridique de la RDC ‒ et le Vatican), un texte qui reste la base des relations entre l’État et l’Église catholique en RDC.
La CENCO est l’héritière de cette longue histoire qui pose tout de même de grosses questions. Est-il normal que l’Église catholique jouisse d’un statut différent de celui des autres religions ? Qu’elle reçoive des subventions de l’État, qu’elle prétende rendre des services particuliers à l’État ? Qu’elle prétende s’instituer comme l’interlocuteur privilégié de l’État ? Que le Vatican continue de jouer et prétende jouer un rôle spécial dans la vie politique congolaise ?

Pourquoi trouvez-vous cette situation dangereuse ?

Je pense que nous devons éviter toute dérive vers des guerres de religion. Il existe aujourd’hui des « religions du réveil », comme on dit, qui ne supportent absolument pas l’Église catholique à cause de son rôle ambigu et controversé dans l’histoire du Congo. Dans d’autres Églises, l’idée de la souveraineté, de l’indépendance et de la prise en charge du Congo par les Congolais est très clairement énoncée. Par exemple, dans l’Église kimbanguiste, qui est en quelque sorte notre Église nationale et dont le prophète Simon Kimbangu et ses premiers fidèles, victimes d’une répression coloniale inouïe, sont morts pour notre indépendance. En RDC, les Églises protestantes n’ont pas été directement associées à la colonisation belge, elles en ont même été les premiers adversaires dès les années 1890. Donc, leur crédit mémoriel et social est beaucoup plus positif que celui de l’Église catholique.
Il existe aussi un islam congolais, diabolisé par la propagande européenne au nom de la lutte contre l’esclavagisme, comme si la déportation massive des Congolais à travers l’Atlantique n’avait pas été l’œuvre des nations chrétiennes européennes.
Des affrontements verbaux existent déjà, des affrontements idéologiques ou théologiques commencent aussi à affleurer. Donc, pour éviter toutes ces dérives incontrôlables, il vaudrait mieux que l’Église catholique se retire de la scène politique. Et que la CENCO ne se considère plus comme l’arbitre légitime, encore moins exclusif, d’un jeu politique très complexe qui n’est pas seulement celui des catholiques.
Le Front commun pour le Congo prend ce danger très au sérieux. C’est la raison pour laquelle au moment où il présentait Emmanuel Ramazani Shadary comme candidat, le ministre de la Communication et des Médias a tenu à ironiser : « C’est un chrétien pratiquant et tous ses enfants le sont aussi ». Comme ça, on va ne pas discuter de cela.

Vous avez pris un engagement politique en tant qu’académicien. Pourquoi avez-vous fait cela ?

La question du positionnement des intellectuels au Congo est un vrai problème. À l’époque de l’indépendance, il y avait peu d’intellectuels formés et on leur a fait croire qu’ils étaient en dehors du champ politique : ils avaient juste la possibilité de proposer une expertise. Ces intellectuels-experts sont devenus des sortes de wagons qu’on pouvait accrocher à n’importe quel train. On l’a vu avec les « commissaires généraux » (le collège des « commissaires généraux » installé par Mobutu le 19 septembre 1960 pour remplacer le gouvernement de Lumumba et composé par des étudiants et des universitaires). Ces intellectuels-experts ne doivent pas prendre de position politique claire ; ils doivent servir le pouvoir en place, quel qu’il soit.
Moi, je pense qu’il faut se déclarer dans la lutte et ne pas attendre la sortie du vainqueur, les bras levés, pour offrir ses services. Je pense que si nous optons pour cette posture, cela va introduire de la clarté dans le jeu politique congolais. En ce qui me concerne, par exemple, cela veut dire que si le Front perdait les élections ‒ ce que je ne crois pas ‒, je ne me rallierais en aucune manière à l’autre camp. Ce qui, hélas, n’a jamais été le cas au Congo. On a vu des mobutistes devenir kabilistes, de soi-disant « opposants », parfois armés, n’hésitant pas à changer de camp, le plus souvent bruyamment, quitte à rentrer ensuite dans l’opposition ! Il se crée donc un véritable vagabondage, une sorte de prostitution des intellectuels qui décrédibilise complètement les « élites » aux yeux des citoyens de base. J’en viens donc à affirmer qu’il faut préciser dans quel camp on se situe pendant la lutte électorale, pour quelle politique on prend parti et pourquoi.

Je pense qu’il faut se déclarer dans la lutte et ne pas attendre la sortie du vainqueur, les bras levés, pour offrir ses services

L’engagement politique, même au Congo, ne saurait se réduire à une affaire d’intérêt personnel. La question est de dénoncer clairement le fait que les fabuleuses ressources du Congo aiguisent les appétits des grands capitaines d’industrie du monde. Pour enfin réaliser notre rêve d’indépendance, nous devons construire et assurer l’ « émergence » du Congo. Celle-ci passe, entre autres, par la maîtrise nationale de nos ressources. Il faut en finir avec l’exploitation sauvage et incontrôlée de nos ressources minières qui a trop longtemps pourri les classes politiques congolaises. Si on n’a pas une stratégie claire de développement, on ne s’en sortira pas. Chez nous au Congo, cette stratégie claire était celle de Lumumba et de Laurent-Désiré Kabila. C’est elle qui nous permettra de créer des emplois, de répartir et de redistribuer de manière équitable et féconde les ressources du pays. Toutes ces ambitions et les conditions de leur réalisation sont clairement énoncées dans le programme du Front commun pour le Congo en face duquel se trouvent, pour l’essentiel, des candidats autoproclamés et des politiciens au rancart.
Il y a des académiciens qui ont choisi le camp adverse. N’ayant jamais été un adepte du parti unique, je trouve cela très bien. À chacun ses choix. Mon camp, c’est le camp de l’indépendance, c’est le camp de l’anti-impérialisme, c’est le camp du refus des ingérences et c’est le camp de la solidarité nationale et de la justice sociale.

Annex

Situation sociale en RDC
Après 85 années de colonialisme, 36 années de dictature néocoloniale, 5 années de guerre ouverte et 15 années de guerre larvée, le peuple congolais est l’un des peuples les plus pauvres du monde, dans l’un des pays les plus riches en ressources naturelles indispensables pour la croissance de l’économie mondiale et pour le développement. Selon le Mineral Comodities Summaries, édité par le gouvernement étasunien en 2018, le pays possède 60 % des réserves mondiales de cobalt (indispensable pour la fabrication des voitures électriques), 12 % des réserves de diamant, 16 % des réserves de zinc, etc.
Au contraire, dans le classement des Nations unies des pays selon leur produit national brut (PNB) par habitant, le Congo se trouve à la 183e place sur 193 pays. Sur les 75 millions d’hectares de terres arables, il n’y en a que 10 millions qui sont cultivées. Le secteur agricole au Congo ne peut fournir que 75 % des besoins du pays. Chaque année, il y a pour environ un milliard de $ d’importations de produits alimentaires.

Aperçu des partis de l’opposition les plus importants
G7 : l’opposition considérée comme la plus radicale. C’est un groupe de sept partis parmi lesquels quelques anciens membres du parti de Kabila réunis autour de Moïse Katumbi, ancien gouverneur du Katanga, et de Pierre Lumbi, ancien conseiller à la Sécurité du président Kabila. Tous les dirigeants de ces sept partis ont occupé des postes importants dans les gouvernements congolais jusqu’en septembre 2015.

L’UPDS : le parti d’Étienne Tshisekedi, décédé en février 2017, et dirigé actuellement par Félix, son fils, candidat président pour l’UDPS. Étienne Tshisekedi a fait partie du gouvernement et de l’appareil étatique de Mobutu, de 1960 jusqu’en 1980. Lorsqu’on entama en Occident un débat sur l’après-Mobutu, Étienne Tshisekedi fonda avec douze autres parlementaires un parti d’opposition, s’affichant comme un opposant « radical » à Mobutu. Juste avant la chute de la dictature, il se réconcilia avec Mobutu dont il sera pendant quelques jours le Premier ministre !

L’UNC : dirigée par Vital Kamerhe, ex-secrétaire général du PPRD, le parti de Joseph Kabila, entre 2004 et 2007. Président de l’Assemblée Nationale en 2007, il le restera jusqu’en février 2009. Kamerhe restera dans le PPRD jusqu’aux élections 2011, en se profilant en même temps comme opposant à Kabila. Kamerhe a écrit Les Fondements de la politique transatlantique de la RDC, livre dans lequel il plaide pour une alliance tricontinentale entre l’Afrique, le continent américain et l’Europe. Il y loue aussi l’OTAN comme étant un mécanisme de sécurité qui fait de l’espace Atlantique Nord « une zone de paix ».

Le MLC de Jean-Pierre Bemba, fils d’un homme d’affaires proche de Mobutu devenu millionnaire grâce aux « zaïrianisations ». Deux mois après l’éclatement de la guerre d’agression rwando-ougandaise contre la RDC, Bemba fonde un mouvement militaire qui, avec l’appui de l’armée ougandaise, occupe le nord du pays. Suite aux accords de 2003, il devient vice-président, responsable pour les affaires économiques. Le MLC devient un parti politique officiel. Bemba perd le deuxième tour des élections en 2006 (avec 42 % des votes contre 58 % pour Kabila). Son refus de désarmer les restants de sa milice amène des combats de rue à Kinshasa, occasionnant des centaines de morts. Il sera arrêté en Belgique en mai 2008, accusé devant la Cour pénale internationale de crimes de guerre. Condamné en 2014, il sera acquitté en juin 2018. Néanmoins, sa condamnation pour subornation de témoins sera confirmée, raison pour laquelle la Commission électorale rejette sa candidature aux élections présidentielles.