De plus en plus de citoyens soutiennent la nationalisation du secteur. De leur côté, les partis traditionnels et la multinationale Engie y voient l’occasion de socialiser les coûts des déchets nucléaires.

Aujourd’hui, même les architectes du marché de l’énergie européen doivent le reconnaître, la faillite de la libéralisation de l’énergie est évidente : des prix impayables et dont l’évolution est soumise au casino des bourses, poussant les gens à rester dans le froid et les usines à fermer ; une production énergétique qui repose toujours énormément sur des sources polluantes ; une dépendance forte aux importations d’énergie. La nationalisation du secteur de l’énergie est une réponse qui gagne en audience ces derniers mois.
Mais concrétiser cette ambition semble pour beaucoup inatteignable. Ne risque-t-on pas de socialiser les pertes et coûts futurs ? Que faire des centrales nationalisées ? Quelles indemnités devrions-nous payer ? Ne risque-t-on pas d’être punis par les autorité européennes et les géants du secteur ?

La Belgique est un cas exemplaire de ces enjeux. L’électricité y est majoritairement dans les mains d’une multinationale étrangère, Engie. Le récent accord au sujet de la prolongation de deux réacteurs nucléaires comprend d’ailleurs une nationalisation partielle des infrastructures. Alors, est-on sur la bonne voie ? Y a-t-il des bonnes et des mauvaises nationalisations ?
En Belgique, reprendre le contrôle d’Engie est indispensable pour avoir une politique énergétique pour les gens
En rachetant le producteur historique d’électricité en Belgique, Electrabel, la multinationale française Engie a pu s’emparer du marché belge de l’électricité. Engie détient à elle seule 70 % de la production électrique du pays. Elle contrôle la quasi-totalité du parc nucléaire, mais aussi la majorité des centrales au gaz, de nombreux parcs éoliens via différentes filiales, ainsi que la plus grande infrastructure de stockage d’énergie, la centrale de Coo, dans les Ardennes.
On estime qu’Electrabel a rapporté 15 milliards à Engie depuis 1998 et sa prise de contrôle de la majorité du capital de l’énergéticien belge.
En devenant propriétaire de ces infrastructures, Engie a aussi hérité d’investissements largement amortis et donc très rentables. Car la stratégie de l’État belge, appuyée par les représentants patronaux, a été de surfacturer l’électricité dans les années ’70, ’80 et ’90 pour rembourser au plus vite les investissements dans les centrales nucléaires et le réseau électrique, et profiter d’une électricité moins chère ensuite.
Tous les travailleurs belges ont donc payé ces infrastructures avec leurs factures, dont les bénéfices vont maintenant uniquement à Engie.
Electrabel est devenue la « vache à lait » de la multinationale. On estime qu’elle lui a rapporté 15 milliards depuis 1998 et sa prise de contrôle de la majorité du capital de l’énergéticien belge. La quasi-totalité de ces profits a été reversée en dividendes.

Ce pouvoir économique donne à Engie un pouvoir politique. Vu sa position dominante, elle négocie « dans un fauteuil » avec les autorités belges, que ce soit en menaçant de nous couper le courant ou en installant ses représentants dans les cabinets ministériels. Ainsi, Engie tire profit de toutes les décisions prises en matière d’énergie en Belgique. Depuis la fin des années ’90, l’objectif affirmé des gouvernements fédéraux successifs était de fermer les centrales nucléaires et de les remplacer par de l’énergie renouvelable. En 2003, une loi a même été votée puis adaptée et confirmée en 2015, avec un arrêt programmé de tous les réacteurs d’ici 2025. Engie en a profité pour obtenir de généreux subsides en vue de développer la production d’électricité éolienne ou solaire. Mais aussi de conserver et même construire de nouvelles centrales au gaz aux frais du contribuable, car ces centrales devaient assurer notre équilibre énergétique à la suite de la fermeture des centrales nucléaires, le temps de disposer de suffisamment d’électricité verte.