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60 ans d’étouffement pas les USA, mais Cuba persiste

Depuis plus de 60 ans, Cuba est étranglée par un blocus imposé par les États-Unis. Presque tous les pays condamnent le blocus illégal, tout en lui obéissant. Chronique d’un socialisme assiégé.

Il y a plus de 60 ans, Cuba, île petite, mais irréductible située à quelques encablures des États-Unis, a opté pour un système radicalement différent : le socialisme. Depuis lors, elle est étranglée par les sanctions nord-américaines. Comme Cuba n ’a obtenu son indépendance formelle qu ’en 1902, ce blocus couvre plus de la moitié de son existence. Le blocus est un réseau complexe de lois et de mesures qui empêche toute coopération économique, tout commerce et toute transaction financière entre Cuba et les États-Unis, mais aussi avec des pays tiers. C’est la série de sanctions étasuniennes la plus longue et la plus étendue de l’histoire moderne.

« Si le peuple cubain a faim, il jettera Castro dehors », soutenait déjà en 1960 le président américain Dwight Eisenhower1. Ce qui expose clairement le but de ces sanctions, de 1960 à aujourd’hui.

Isabelle Vanbrabant est politicologue, activiste pour la paix et la solidarité internationale et présidente de cubanismo.be.

Sait-on que le blocus coûte à la société cubaine 15 millions de dollars par jour ? Derrière ces chiffres stupéfiants, mais abstraits, il y a les histoires personnelles très concrètes. En 1997, l’Association américaine pour la santé mondiale notait déjà : « Une catastrophe humanitaire a été évitée parce que le gouvernement cubain a maintenu un niveau élevé de soutien budgétaire pour son système de santé. Celui-ci est conçu pour dispenser des soins de santé primaires et préventifs à tous les citoyens. »

En d’autres termes : c’est la forme d’État socialiste cubain qui utilise son économie planifiée pour protéger la population des effets dévastateurs du blocus. L’effet pervers de cette situation est que le blocus de Cuba est moins visible pour nos yeux occidentaux. En effet, on entend souvent dire qu ’à Cuba, il y a de bons soins de santé et un bon système d’enseignement. Certes, mais la réalité est beaucoup plus complexe : pour continuer à garantir ces victoires de la révolution cubaine, l’économie cubaine a besoin d’oxygène, et c’est justement ce dont le blocus prive Cuba et sa population depuis 60 ans. « On fait de notre mieux, mais c’est la survie au jour le jour » est peut-être l’avis le plus fréquemment entendu dans les rues de Cuba aujourd’hui.

Impact du blocus économique sur l’économie et la société cubaines

« L’embargo est absurde et cruel. Je rejette les arguments de l’administration Biden en faveur de l’embargo contre Cuba par l’administration Biden. Il n ’est jamais acceptable d’utiliser la cruauté comme levier contre les gens ordinaires. Nous devons faire en sorte que les États-Unis perçoivent la souffrance de Cuba : c’est notre embargo contre le pays vieux de 60 ans », a déclaré Alexandria Ocasio-Cortez, une sénatrice progressiste démocrate sous Biden2.

Les conséquences pour le pays et sa population sont en effet énormes. Tous les secteurs à Cuba sont confrontés à des pénuries : la nourriture, le carburant, les médicaments, les équipements, la technologie, les finances… Au cours des 60 dernières années, il est arrivé presque systématiquement qu ’un fournisseur étranger bien établi soit racheté par une société américaine et que les exportations soient immédiatement arrêtées. Le coût pour trouver des remplaçants non prévus et non budgétés exerce une forte pression sur l’économie cubaine.

Le blocus étasunien, depuis 60 ans, a coûté à Cuba 15 millions de dollars par jour.

Les sanctions ont bloqué les exportations cubaines et les revenus qui y sont liés. En 2018, l’Association nationale des économistes cubains a calculé le coût du blocus américain : 4,4 milliards de dollars par an. Peut-on imaginer cela ? Cela représente 12 millions de dollars par jour. Ce coût a ensuite encore augmenté suite aux mesures prises par Trump qui ont renforcé encore davantage le blocus. En 2022, Cuba a estimé le coût total cumulé à plus de 154 milliards de dollars sur six décennies et le coût quotidien à 15 millions de dollars.

Oxfam International a produit un rapport en 2021 sur l’impact du blocus sur la vie quotidienne des familles cubaines. Le titre du rapport était percutant : « Right to live without a blockade » ( le droit de vivre sans blocus ). Le rapport se penche plus en profondeur sur des exemples concrets du blocus, car derrière les chiffres vertigineux, il y a des histoires personnelles.« Nous souffrons à cause de ces pénuries de médicaments. Les pharmacies sont vides parce qu ’il est difficile pour notre pays d’obtenir des matières premières et du matériel médical. Par exemple, les matériaux utilisés pour produire les serviettes hygiéniques sont de mauvaise qualité, ce qui cause des problèmes aux femmes pendant leur cycle menstruel », explique Indira Pino, une Cubaine de 26 ans.

Kasper Libeert est responsable du mouvement à Cubanismo.be. Il suit de près la situation à Cuba et s ’est rendu sur l’île à plusieurs reprises.

Quand la pandémie de Covid s’est étendue au monde, les appels à lever le blocus — ne serait-ce que temporairement — se font plus pressants que jamais. En avril 2020, sept rapporteurs spéciaux de l’ONU ont écrit une lettre ouverte à l’administration américaine sur le blocus américain contre Cuba. « Dans la situation d’urgence de pandémie, écrivent-ils, le refus du gouvernement américain de suspendre les sanctions peut entraîner un risque plus élevé de souffrances à Cuba et dans d’autres pays visés par ces sanctions. »

Les rapporteurs spéciaux ont souligné « les risques pour le droit à la vie, à la santé et aux autres droits essentiels des groupes les plus vulnérables de la population cubaine ».La rapporteuse spéciale des Nations unies, Alena Douhan, autorisée à examiner l’impact négatif des mesures coercitives unilatérales sur les droits de la personne a été claire : le blocus frappe le peuple cubain de manière particulièrement dure, surtout en période de pandémie. Elle a donné comme exemple l’impossibilité d’utiliser les services Zoom sur l’île pour organiser des réunions et des séminaires virtuels pour former le personnel médical. L’experte de l’ONU a également constaté que l’entreprise étasunienne engagée par l’homme d’affaires chinois Jack Ma afin de transporter du matériel médical à Cuba pour lutter contre le Covid-19 a refusé d’effectuer cette livraison en raison du blocus. Le don de Jack Ma à 24 pays d’Amérique latine est partout arrivé à bon port, sauf à Cuba, qui n ’a donc pas reçu 10 000 kits de test.

Le rapport de Douhan montre que les sociétés suisses IMT Medical et Acutronic Medical Systems ont été empêchées d’envoyer des équipements médicaux à Cuba après leur rachat par la société américaine Vyaire Medical Inc. Cela a obligé les Cubains à développer leurs propres respirateurs. Les ingénieurs cubains ont créé des modèles basés sur des conceptions en libre accès du MIT et de l’University College London. En effet, il s ’agissait d’une question de vie ou de mort. Dans de telles situations, la société cubaine est habituée à agir rapidement. Qu ’une institution cubaine de recherche scientifique, qui mène normalement des recherches sur les maladies neurodégénératives, ait dû modifier complètement son fonctionnement normal pour produire 500 respirateurs, voilà qui montre bien cette réactivité. Malheureusement, cette victoire ne rend pas ce blocus moins cruel.

Un don de 10 000 kits de test Covid n ’a pu arriver à Cuba parce que l’entreprise de transport étasunienne s’est conformée au blocus.

Un exemple éloquent est celui de la difficile recherche de composants pour le développement de vaccins. La production de vaccins nécessite des substances pour reproduire les micro-organismes et les agents pathogènes. Le sérum de veau ou l’albumine bovine utilisés à cette fin à Cuba sont principalement produits en Nouvelle-Zélande ou en Allemagne. Le transport de ce produit, vendu par BIOCLOT New Zealand ( Christchurch), vers La Havane prend 24 jours et 17 heures. Les envois vendus par BIOCLOT GmbH, Allemagne ( Aidenbach ) prennent 18 jours et 18 heures. Or, si le même produit pouvait être obtenu auprès de Boca Raton Biotech Company aux États-Unis, il arriverait en 17 heures.Imaginez ce que seraient les soins de santé cubains avec les appareils de haute technologie de la plupart des hôpitaux occidentaux. Les résultats déjà remarquables des équipes médicales cubaines seraient encore meilleurs. Les conséquences du blocus sur les soins de santé ne se limitent pas à certains appareils de haute technologie qui ne peuvent être importés.

Rien Lybeer est responsable formation à Cubanismo.be.

Les médicaments destinés aux patients cardiaques ne sont pas non plus autorisés à entrer dans le pays, puisqu ’ils sont produits aux États-Unis. On ne trouvera pas de chimiothérapie pour certains cancers dans les hôpitaux cubains, autre conséquence du blocus. Et donc, pour certains Cubains, ce blocus devient chaque jour une question de vie ou de mort. Ce qui est cynique, c’est que le blocus nuit aussi à la population des États-Unis elle-même. La levée des sanctions contre Cuba permettrait à la population des États-Unis d’avoir accès à des traitements vitaux mis au point à Cuba, notamment contre des maladies comme le diabète qui touchent principalement la population active.

La portée financière mondiale du blocus

Le blocus fait également de Cuba un paria sur les marchés financiers internationaux, d’autant plus que l’île figure à nouveau sur la liste des pays soutenant le terrorisme. Toute personne effectuant des transactions financières avec Cuba en ressentira les effets. Parmi les banques européennes qui ont écopé d’amendes pour des transactions avec Cuba ( entre autres pays sanctionnés ) figurent ING ( 619 millions de dollars), BNP Paribas ( 8,9 milliards de dollars), Commerzbank ( 718 millions de dollars), Crédit Suisse ( 536 millions de dollars ) et la Royal Bank of Scotland ( 100 millions de dollars ). Les banques du monde entier placent désormais Cuba sur la liste des pays avec lesquels elles ne veulent plus effectuer de transactions.

En conséquence, plusieurs entreprises et organisations belges ressentent également les effets du blocus. En 2022, le mouvement de solidarité belge Cubanismo.be a été victime du blocus : plusieurs versements de membres domiciliés aux Pays-Bas ou en France, par exemple, ont été refusés. Cubanismo.be a fait l’objet d’un audit par sa banque BNP Paribas Fortis et a dû prouver qu ’il n ’avait aucun lien avec Cuba. Un peu plus tard, le compte de l’organisation a été fermé. Il n ’y a jamais eu de justification claire de la fermeture du compte bancaire.

En août 2020, un énorme incendie s ’est produit dans l’une des principales raffineries de pétrole de l’île, dans la ville portuaire de Matanzas. Plusieurs pompiers — hommes et femmes — ont perdu la vie et des dizaines d’autres ont été gravement brûlés. Une campagne d’urgence pour l’achat de matériel pour les brûlés a immédiatement été lancée en Belgique. Mais les fonds n ’ont pas pu arriver sur place en raison du blocage des transferts vers Cuba par presque toutes les banques belges.

Le tourisme de la Belgique vers Cuba en souffre également. Un versement de 50 euros pour une nuitée dans l’une des nombreuses petites pensions cubaines, avec la mention « Cuba » dans le virement, peut suffire pour que votre banque locale bloque l’opération. De nombreux touristes européens sont également indirectement découragés de voyager à Cuba. S ’ils veulent aller aux États-Unis après leur séjour à Cuba, ils ne peuvent pas obtenir un visa de manière simple. Ils doivent passer un entretien à l’ambassade des États-Unis et se voient poser toute une série de questions sur leur voyage à Cuba.

Premières sanctions en réponse à la révolution cubaine

Depuis le 1er janvier 1959, les gouvernements des États-Unis — dirigés par les républicains comme par les démocrates — sont obsédés par Cuba. C’est à cette date que Fidel Castro et ses compagnons ont libéré Cuba du dictateur Batista. Il était l’homme de paille des États-Unis, servant les intérêts des multinationales nord-américaines alliées aux riches grands propriétaires terriens et commerçants cubains. La révolution cubaine naissante a immédiatement mis fin aux réjouissances. Fidel et Che Guevara ont très vite mis en oeuvre une réforme généralisée : les entreprises — aux mains des États-Unis — et les terres agricoles ont été nationalisées. La réaction des États-Unis ne s ’est pas fait attendre : le président Dwight D. Eisenhower a utilisé l’Export Control Act de 1949 pour restreindre les exportations de sucre cubain vers les États-Unis. Cuba a répondu par de nouvelles nationalisations d’entreprises étasuniennes. Le gouvernement étasunien a ordonné aux propriétaires de rejeter les offres de compensation cubaines.

Les entrepreneurs préfèrent obtenir moins que prévu plutôt que d’endurer des années de procédures judiciaires coûteuses et ils laissent tomber Cuba.

L’embargo nord-américain est apparu au cours de l’été 1960 : depuis lors, tous les échanges commerciaux, à l’exception des denrées alimentaires et des médicaments, ont été totalement interdits. En janvier 1961, l’un des derniers actes du président Eisenhower a été de couper les liens diplomatiques. En 1962, un ensemble complet de sanctions économiques, commerciales et financières a été imposé par le président démocrate Kennedy. Ces sanctions étasuniennes sont appliquées par le biais de diverses lois : le Trading with the Enemy Act de 1917, le Foreign Assistance Act de 1961 et le Cuban Assets Control Regulations Act de 1963. L’avant-dernier interdit l’aide au gouvernement cubain et aux pays qui soutiennent Cuba. Il a donné au président la possibilité d’imposer un blocus total à Cuba, ce que Kennedy a fait le 3 février 1962. Le dernier règlement a rendu impossibles les exportations directes et indirectes de produits, services et technologies étasuniens vers Cuba. Tout comme les exportations cubaines vers les États-Unis et les transactions en dollars US à Cuba par des citoyens de n ’importe quel pays. L’Office of Foreign Assets Control ( OFAC ) du département du Trésor nord-américain est depuis lors chargé d’imposer des amendes en cas d’infraction.

Le but du paquet de sanctions était clair : ruiner l’économie cubaine, qui repose sur la dépendance de l’île vis-à-vis des exportations de sucre vers les États-Unis. Ces premières sanctions auraient pu mettre la révolution cubaine à genoux. D’autant plus que le dollar américain — introduit en 1944 comme monnaie d’échange internationale — a donné aux États-Unis une influence énorme sur le commerce international. Mais Cuba n ’était pas seul. De 1972 à 1985, Cuba a entretenu des relations avantageuses avec l’URSS et d’autres pays du Comecon3. Ce commerce de Cuba avec l’URSS a limité l’impact des sanctions nord-américaines. Cela a été décisif pour la survie de la révolution cubaine.

Aux yeux des Occidentaux, le blocus est peut-être l’une des manifestations les moins visibles ( mais les plus percutantes ) de la politique américaine à Cuba, les plus de 600 tentatives d’assassinat de Fidel Castro étant plus spectaculaires4. Telles sont les obsessions des États-Unis, où il ne se passe pas un jour sans que le gouvernement ait tenté de renverser la révolution cubaine, en assassinant ses dirigeants, en perpétrant des attentats terroristes, en empêchant des relations commerciales et diplomatiques normales, en fomentant la misère sociale sur l’île pour alimenter le mécontentement… Pourquoi ? Ils voulaient détruire le rêve.

« Ce qu ’ils ne peuvent pas nous pardonner, c’est… que nous avons réalisé une révolution socialiste, juste sous le nez des États-Unis ! »
Fidel Castro, 1961.

Le prétexte des actions étasuniennes contre Cuba a peut-être changé en six décennies, mais pas les objectifs. L’homme qui a été le premier à lancer l’idée du blocus, Lester D. Mallory, secrétaire d’État américain adjoint, ne s ’en cachait pas. L’objectif était d’« affaiblir la vie économique de Cuba afin de provoquer la faim, le désespoir et le renversement du gouvernement », écrivait-il dans une note interne datée du 6 avril 1960.

Tant que la guerre froide a duré, les États-Unis ont justifié le blocus d’abord par le fait que Cuba avait nationalisé des entreprises, puis par sa politique étrangère : son alliance avec l’Union soviétique, son soutien aux mouvements de guérilla latino-américaine luttant contre les dictatures militaires et son assistance militaire en Afrique pour aider les colonies portugaises à obtenir et à défendre leur indépendance.Lorsque l’Union soviétique est tombée et que l’excuse de la guerre froide ne tenait plus, des sanctions ont soudainement été instaurées pour rétablir la démocratie et le respect des droits de l’homme. Le renforcement des sanctions est invariablement allé de pair avec des mesures visant à provoquer un changement de régime sur l’île. C’est le cas du programme People to People de Bill Clinton, du plan pour un Cuba libre de Bush, et de la Participation de la société civile d’Obama. Depuis la fin des années 2000, un budget annuel de 20 millions de dollars a été ouvertement alloué à ces programmes dits de promotion de la démocratie5.

Les sanctions deviennent un blocus en violation flagrante du droit international

L’effondrement de l’URSS en 1991 a eu un impact considérable sur l’histoire récente de Cuba. L’île est entrée dans une grave crise économique. En quelques mois seulement, Cuba a perdu 87 % de ses échanges commerciaux et de ses investissements, et son PIB a chuté d’un tiers en trois ans. Pour les partisans de la ligne dure au sein du gouvernement étasunien, c’était le moment ultime pour tenter de porter le coup de grâce à l’économie cubaine.

En 1992, le Congrès américain a adopté la loi appelée Torricelli Act, également connue sous le nom de Cuban Democracy Act. Entre autres choses, cette loi fait en sorte que les navires ( commerciaux ) qui accostent à Cuba ne sont pas autorisés à accoster aux États-Unis pendant au moins six mois. Le marché étasunien étant grandement plus important que celui de Cuba, il devient très déficitaire pour les entreprises de continuer à accoster à Cuba. Les filiales étrangères des entreprises étasuniennes dans les pays tiers ont également été interdites de commerce avec Cuba ou les ressortissants cubains. Enfin, la loi pénalise également les pays qui fournissent une aide à Cuba en réduisant proportionnellement l’aide qu ’ils reçoivent des États-Unis.

La loi interdit aux citoyens étasuniens de se rendre à Cuba et limite la possibilité pour les membres d’une famille cubaine vivant aux États-Unis de transférer des « remesas » ( envois de fonds à l’étranger ) à leurs proches sur l’île. L’aide étrangère et l’allègement de la dette des pays qui soutiennent Cuba sont refusés. La loi stipule que les biens médicaux ne peuvent être exportés à Cuba qu ’avec l’autorisation du président, après des « inspections sur place » destinées à vérifier l’utilisation et les bénéficiaires des articles médicaux. Il a été ajouté que « la nourriture, les médicaments et les fournitures médicales à des fins humanitaires » ne seraient autorisés que si Cuba prend des mesures pour instaurer des élections libres et ouvertes.Dès l’introduction de cette loi, les sanctions étaient clairement contraires au droit international et à la législation nationale. En effet, les sanctions américaines contre Cuba ne peuvent pas avoir d’impact sur la souveraineté d’autres pays, et c’est clairement le cas ici. Les autres pays ne peuvent plus décider librement de commercer ou de coopérer avec Cuba.

Un blocus beaucoup plus lourd qu ’un embargo

En 1996, la loi Helms-Burton a ensuite été adoptée. Cette loi pénalise toute entreprise étrangère qui s ’installe sur des propriétés nationalisées de personnes qui possédaient la nationalité cubaine au moment de la nationalisation. Cette loi viole le droit international de deux manières. Premièrement, comme la loi Torricelli, cette loi a un impact sur la souveraineté d’autres pays, et deuxièmement, son application est également rétroactive. C’est un principe général de droit que l’on ne peut pas être puni pour quelque chose qui a eu lieu lorsque la loi n ’existait pas. En outre, la loi constitue également une violation du droit étasunien, puisque les personnes lésées par les nationalisations n ’étaient pas des citoyens américains à l’époque. Pourtant, même cette loi est tous les jours appliquée par les États-Unis sans aucun état d’âme. Quant à la communauté internationale, elle reste spectatrice.

Trump a replacé Cuba sur la liste des États soutenant le terrorisme. Même les dons humanitaires sont depuis lors entravés.

Depuis la promulgation des lois Toricelli et Helms Burton, le train de sanctions nord-américaines contre Cuba est devenu un blocus économique, commercial et financier. Ce qui est plus qu ’un embargo. On parle d’embargo lorsqu ’un pays ne veut pas commercer avec un autre pays. Un blocus, c’est lorsqu ’un pays utilise une menace ou une force militaire pour fermer les frontières d’un autre pays au commerce international, empêchant ainsi les activités commerciales normales avec des tiers. Des règlements supplémentaires ont encore été ajoutés au fil des ans. Par exemple, les fabricants de pays tiers ne sont pas autorisés à exporter à Cuba des marchandises comportant 20 % de composants étasuniens et ils doivent demander une licence pour les marchandises comportant jusqu ’à 10 % de composants étasuniens. Le résultat est un réseau complexe de législations qui se chevauchent et dans lequel il est presque impossible de s ’y retrouver. Ces sanctions visent des domaines clés du développement économique et stratégique de Cuba : les exportations de sucre et de nickel, le tourisme, les hydrocarbures, les projets d’infrastructure et, plus récemment, la biotechnologie.

Obama, Trump, Biden… pour Cuba, la différence est minime

Et puis, Barack Obama est arrivé au pouvoir. Aujourd’hui, beaucoup de Belges pensent qu ’Obama a levé le blocus. Parce que c’est ce qu ’il avait promis. Sous sa présidence, les relations entre les États-Unis et Cuba semblent s ’être progressivement normalisées. Cuba, par exemple, a été retiré de la liste des États terroristes en 2015. Obama a également rouvert l’ambassade des États-Unis à La Havane et il a été le premier président américain à se rendre officiellement sur l’île depuis 1928. Son gouvernement a pris des mesures modestes, mais stratégiques concernant Cuba en signant des décrets pour contourner le Congrès. Les sanctions étaient en effet bétonnées dans une loi qui ne peut être levée que par le Congrès nord-américain. Mais le président des États-Unis peut lui-même prendre ou supprimer de nombreuses mesures par le biais de décrets. Par exemple, Obama a accordé des licences à une poignée d’entreprises américaines pour qu ’elles puissent commercer avec Cuba et opérer sur l’île.

« Yes we can », mais… Obama n ’a jamais levé le blocus

Mais Obama n ’a pas levé le blocus, qui est resté fermement en place. Il y a eu un fort travail d’image, mais en septembre 2015 et 2016, Obama, comme tous ses prédécesseurs, a signé des prolongations annuelles du Trading with the Enemy Act ( TWEA ) contre Cuba. C’est le seul pays — à ce jour — contre lequel ce TWEA impose des restrictions.

En 2020, la pandémie et les sanctions ont entraîné une baisse de 70 % du tourisme et de 11 % du PIB.

Les banques internationales continuent à craindre grandement des amendes, Cuba restant sur la liste des pays soumis aux sanctions américaines. Au cours des six premières années de la présidence de Barack Obama, cinquante-six amendes ont été infligées à des entités étrangères faisant des affaires avec Cuba, pour un montant record de près de 14,3 milliards de dollars, et encore 2,8 milliards de dollars même après l’annonce par le gouvernement américain d’un rapprochement avec Cuba en décembre 2014. Cuba ne pouvait toujours pas utiliser le dollar ni effectuer des versements via les banques internationales. Les marchandises cubaines ne pouvaient toujours pas être exportées vers les États-Unis.

« America First » : 243 nouvelles actions

contre CubaEn 2017, le président Trump est arrivé au pouvoir et le rapprochement modeste, mais réel de l’ère Obama a été complètement inversé. Trump et son gouvernement ont à nouveau intensifié l’hostilité. Cela s ’est traduit par 243 nouvelles actions, sanctions et mesures coercitives contre Cuba, créant une nouvelle crise énergétique et une pénurie de produits de base ( carburant, nourriture et médicaments ). Cela a entraîné un remake de la grave crise économique que Cuba a connue dans les années 1990. Le gouvernement cubain a utilisé son contrôle sur la distribution pour rationner les marchandises au lieu de laisser opérer le mécanisme du marché. Mais cela a un inconvénient. Se lever avant l’aube pour faire la queue afin d’obtenir une nourriture rare est devenu le quotidien des Cubains.

Plus de 50 des mesures Trump ont été instaurées en plein milieu de la pandémie de Covid. En conséquence, Cuba a eu de grandes difficultés à importer des ventilateurs médicaux, des seringues et des réservoirs d’oxygène. Toutes les ressources financières limitées ont été utilisées pour soutenir le solide système de santé publique de Cuba et sauver des vies. Pour protéger la population, Cuba a fermé ses frontières au début de la pandémie, ce qui a entraîné une baisse de 70 % du tourisme et une perte de revenus correspondante. L’année 2020 s ’est terminée avec une baisse de 11 % du PIB. Contrairement à la plupart des pays, Cuba ne dispose pas de financement d’urgence pour l’aider à traverser une crise. Les États-Unis, acteur le plus puissant du marché financier mondial, considèrent Cuba comme un paria, de nombreux pays ne prennent pas le risque de coopérer avec Cuba.

L’émergence d’un ordre mondial multipolaire donne l’élan nécessaire pour renforcer la solidarité avec Cuba.

L’administration Trump est allée encore plus loin. Elle a activé une section — appelée Titre III — de la loi Helms-Burton de 1996, qui n ’avait jamais été active auparavant. Elle permet aux citoyens étasuniens de poursuivre toute personne ou entreprise ayant profité des propriétés nationalisées depuis la révolution cubaine de 1959. Cela pourrait entraîner jusqu ’à 200 000 plaintes et réclamations, ce qui pourrait représenter des dizaines de milliards de dollars. Les prédécesseurs de Trump avaient toujours mis de côté cette partie sensible de la loi, affirmant qu ’elle entraînerait une confrontation avec les alliés. Mais c’est justement ce que Trump recherchait. Ce sont surtout les entreprises européennes qui ont risqué des conséquences majeures. L’UE est le premier partenaire commercial de Cuba. Ces dernières années, les entreprises européennes ont investi massivement dans l’île des Caraïbes, notamment dans des actifs nationalisés des décennies plus tôt par la révolution cubaine. L’Espagne a investi à elle seule quelque 300 millions d’euros par an, principalement dans le secteur du tourisme. Plusieurs actions en justice sont aujourd’hui en cours contre des chaînes hôtelières hispano-cubaines. L’effet dissuasif de l’activation du Titre III ne peut être sous-estimé. Les entrepreneurs préfèrent obtenir moins que prévu plutôt que d’endurer des années de procédures judiciaires coûteuses et ils laissent tomber Cuba. Alors que Cuba a justement besoin de cet investissement étranger afin d’investir ces revenus dans le maintien de ses solides services publics.

Pour couronner le tout, Trump a replacé Cuba sur la liste des États soutenant le terrorisme quelques jours seulement avant son départ, ce qui a immédiatement étiqueté Cuba comme présentant un « risque élevé » pour les banques et les investisseurs internationaux. Il y a donc encore moins de banques internationales qui acceptent encore de faire des affaires avec Cuba par crainte d’amendes infligées par des agences gouvernementales nord-américaines. Même les dons humanitaires sont depuis lors entravés.

Joe Biden a d’autres priorités

Les attentes selon lesquelles le président démocrate Joe Biden — puisqu ’il était vice-président sous Obama — reviendrait sur les sanctions de Trump ont été rapidement dissipées lorsque son attachée de presse Jen Psaki a déclaré dès le début de son mandat qu ’« une politique cubaine ne figure pas actuellement parmi les principales priorités du président Biden. » Le gouvernement Biden laisse donc les choses suivre leur cours. Quelques assouplissements cosmétiques ont certes suivi, mais aucune intention n ’a été exprimée de retirer Cuba de la liste des États soutenant le terrorisme ; le Titre III reste actif et les voyages à Cuba depuis les États-Unis restent très compliqués. L’administration Biden a promis de faciliter les transferts de fonds familiaux et de traiter un plus grand nombre de demandes de visa, mais jusqu ’à présent rien n ’a été mis en oeuvre. Par ailleurs, elle a récemment annoncé qu ’elle allait inscrire Cuba sur la liste noire des pays qui n ’obtiennent pas de bons résultats en matière de traite des êtres humains. Il est totalement hallucinant qu ’elle qualifie la prestigieuse coopération médicale de Cuba de « trafic d’êtres humains ». Cela a fait réagir Noam Chomsky :

« Les États-Unis imposent des sanctions dévastatrices — c’est le seul pays capable de le faire — et tout le monde doit suivre… Cuba est aux prises avec ce problème depuis qu ’elle est devenue indépendante. En fait, il est étonnant qu ’elle ait survécu, mais elle est restée résiliente. Et l’un des éléments les plus ironiques de la crise actuelle du coronavirus est que Cuba aide l’Europe. Je veux dire, c’est tellement choquant qu ’on ne trouve pas les mots. Que l’Allemagne ne puisse pas aider l’Italie, mais que Cuba puisse aider les pays européens… »6

Un exemple parfait de guerre hybride

Cuba défend un modèle de société différent : le socialisme. Un système où les gens et la nature, et non le profit, sont au centre des préoccupations. Un système qui s ’oppose à l’impérialisme étasunien. L’impérialisme, en tant que forme évoluée du capitalisme, est un système qui a toujours besoin de croissance, un système qui a toujours besoin de nouvelles matières premières et de nouveaux marchés, un système qui n ’est pas viable à long terme.Les États-Unis veulent prouver à tout prix que le socialisme ne fonctionne pas, sinon la classe travailleuse américaine pourrait s ’inspirer des Cubains. En effet, comme l’a dit Elizabeth Perez de l’UJC ( Union des jeunes communistes) : « Là où l’exemple marche, l’ennemi perd. » On peut effectivement se poser la question suivante : si le socialisme ne marchait pas, pourquoi faudrait-il un blocus étrangleur et illégal pour le prouver ?

Il y a également un facteur régional qui joue. Le triomphe de la révolution cubaine le 1er janvier 1959 est devenu un obstacle à l’enracinement de la domination américaine dans son propre hémisphère. Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont profité de la guerre froide pour instaurer des dictatures militaires et des gouvernements civils autoritaires dans leur arrière-cour. Ceux-ci leur ont permis d’imposer leur hégémonie dans toute la région. Le renversement du président Jacobo Arbenz en 1954, qui a liquidé la révolution guatémaltèque de 1944, a été utilisé par les États-Unis pour imposer le droit d’ingérence à l’Organisation des États américains ( OEA), une organisation régionale exclusivement dominée par les États-Unis.Dans les premières années de l’après-guerre, les États-Unis ont d’abord donné la priorité à la reconstruction des économies de leurs alliés en Europe, dans le contexte de la guerre froide et du « barrage contre le communisme ». L’Europe était le principal marché d’exportation des capitaux et des biens étasuniens. Dans les années 1950, lorsque les États-Unis ont voulu réaliser le rêve de leurs pères fondateurs — l’extension de leur domination aux quatre coins de l’hémisphère — la révolution cubaine est apparue comme un formidable obstacle à ces ambitions.L’exemple édifiant de la révolution cubaine, un peuple des Caraïbes qui écrit sa propre histoire, a suscité une nouvelle vague de lutte populaire dans la région. C’est aussi pour cette raison que la révolution cubaine devait être anéantie.

Les États-Unis n ’ont pas seulement Cuba dans leur ligne de mire. Ils ont actuellement émis des trains de sanctions contre plus de vingt pays. En 2019, 88 % des transactions internationales étaient encore effectuées en dollars US, ce qui confère aux États-Unis un pouvoir extraordinaire sur le commerce mondial. Tant que cette suprématie subsiste, les États-Unis restent capables d’imposer un blocus aussi large contre Cuba, avec des tentacules jusqu ’à l’UE. Les États-Unis utilisent leur supériorité financière pour contraindre d’autres pays à renoncer à leur souveraineté. Ainsi, ils ne peuvent pas développer des relations économiques et financières normales avec Cuba, même s ’ils le voulaient. Cuba est donc un exemple parfait du scénario de la guerre hybride. « Par essence, écrit Korybko, la guerre hybride est un chaos contrôlé. » Un conflit de faible intensité, qui affaiblit la résistance du pays et crée la confusion dans la région, est peut-être le véritable objectif des conflits menés par le biais de la guerre de l’information et des sanctions, deux outils clés de l’arsenal de la guerre hybride. Les guerres hybrides ne réussissent pas toujours, mais — même lorsqu ’elles échouent — elles menacent les liens sociaux fondamentaux entre les gens7.

L’Assemblée générale des Nations unies condamne chaque année le blocus illégal étasunien contre Cuba

La guerre hybride étasunienne ne rencontre donc aucune résistance ? Heureusement, si. En 2022, pour la 30e année consécutive, l’Assemblée générale des Nations unies a voté pour la fin du blocus étasunien contre Cuba. Seuls les États-Unis et quelques alliés, dont Israël, ont voté contre. Tous les pays européens ont voté pour. On peut difficilement qualifier tous ces pays de sympathisants de la révolution cubaine. Mais ils ont un point commun : ils condamnent la souffrance humaine, objectivement documentée par la population cubaine — ce qui fait que les sanctions américaines contre Cuba, ainsi que leur caractère extraterritorial, sont en violation des traités et conventions internationaux. Ils expriment donc — au moins diplomatiquement — leur indignation face à cette guerre hybride qui touche aussi indirectement leurs entreprises et leurs citoyens. Dans les années 1990, les sanctions étasuniennes et britanniques contre l’Irak ont tué des centaines de milliers d’enfants. Le fait que ce niveau de dévastation n ’ait pas eu lieu à Cuba conduit parfois à minimiser son importance. Mais il serait trop cynique de prétendre que la communauté internationale ne réagit pas de manière assez ferme parce que le pays n ’est pas totalement au bord de l’effondrement.

La Grande-Bretagne, l’Union européenne, le Canada et d’autres pays occidentaux tentent également de montrer les dents sur le front économique. En particulier depuis le durcissement des sanctions sous Trump, ils ont adopté des lois de « blocage » ( blocking statutes ) contre les sanctions américaines8. Ils tentent de protéger leurs propres entités et citoyens des sanctions anti-Cuba et autres sanctions étasuniennes. Toutefois, ils n ’appliquent pas pleinement cette législation par crainte de représailles américaines et d’amendes de l’OFAC.

En 2018, la haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Federica Mogherini, a publiquement qualifié le blocus américain d’« illégal ». Alberto Navarro, alors ambassadeur de l’UE à Cuba, a estimé que l’UE devrait être « plus ferme à l’égard de l’embargo américain » et a admis qu ’il s ’agissait du « plus gros fardeau pour le développement de Cuba ». Il a toutefois fait remarquer que Cuba représentait environ 0,1 % du commerce extérieur de l’UE, ce qui est minuscule par rapport au commerce des membres de l’UE avec les États-Unis. « Vous comprenez donc que les États membres sont parfois très prudents. »

Nous revenons donc à notre point de départ : tant que les États-Unis pourront se permettre de maintenir un ordre mondial unipolaire, le blocus de Cuba se poursuivra. Pourtant, la levée du blocus de Cuba profiterait au monde entier, y compris aux ressortissants étasuniens. Plus de 60 ans de blocus, et pourtant le socialisme est toujours là.

Dans un monde en pleine mutation, avec l’émergence de nombreux pays du Sud — Chine, Inde, Brésil… — un ordre mondial multipolaire voit le jour. Cela peut et doit être l’élan pour renforcer la solidarité cubaine. Nous espérons que d’ici dix ans, nous serons en mesure d’écrire un article dans lequel le blocus sera entré dans les annales de l’histoire.

Dans toute leur résilience, leur volonté et leur créativité, les Cubains ont toujours cherché un moyen de faire face à une réalité qui a longtemps semblé « insurmontable ». Tous les Cubains de moins de 60 ans ont grandi sous le blocus. C’est devenu un mode de vie. Mais à l’aube d’un ordre multipolaire, les Cubains auront, on l’espère, enfin la possibilité de développer leur pays comme ils l’entendent au lieu d’être préoccupés par leur survie jour après jour. Et d’ici là : vamos con todos (nous persévérons !) à Cuba et avec le soutien d’une solidarité internationale croissante.

Footnotes

  1. « 436. Memorandum of a Conference With the President, White House, Washington, January 25, 1960, 11:15–11:55 a.m.1 », Office of the Historian.
  2. « AOC breaks silence on Cuba protests, calls for end to ‘ cruel’ embargo », New York Post, 16 juillet 2021.
  3. Le Conseil d’assistance économique mutuelle ou COMECON était une alliance économique entre les pays communistes d’Europe de l’Est , Cuba, la Mongolie et le Vietnam, dirigée par l’Union soviétique. Il s ’agissait d’une réponse soviétique au plan Marshall.
  4. « The Castropedia: Fidel’s Cuba in facts and figures », The Independent, 17 janvier 2007.
  5. « Cuba: Issues and Actions in the 114th Congress », EveryCRSReport.com, 18 janvier 2017.
  6. « Noam Chomsky: Coronavirus — What is at stake ? | DiEM25TV », YouTube, 28 mars 2020.
  7. « Froides ou hybrides, les ( nouvelles ) guerres contre la Chine », Lava 17, 23 juin 2021.
  8. « Blocking statute », Service Public Fédérale Finances.