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Martin Luther King rencontre Karl Marx

Sylvie Laurent

—19 avril 2024

1492 a subjugué le monde. L’historienne Sylvie Laurent part du point de départ qu’a constitué la conquête de l’Amérique pour décrire l’émergence d’un « capitalisme racial » où se mêlent exploitation économique et domination raciale.

On retient de l’aventure de Christophe Colomb sa « découverte » d’un continent providentiel, révélant à la fois les merveilles sans fin de la terre et la capacité inédite des hommes à s’affranchir des frontières et des entraves. Mais l’invention de l’Amérique fut plus qu’un récit : elle consacra un nouveau rapport à la nature et aux hommes qui vit alors capital et race s’unir irrémédiablement.

« Il faudra bien un jour poser la question du capitalisme. » Martin Luther King n’en doutait pas : « On ne peut pas parler de la condition des Noirs sans parler de millions de dollars ; on ne peut pas prétendre mettre fin à l’enfermement dans les ghettos sans dire d’abord que certains tirent des profits du ghetto. » Et d’ailleurs : « À qui appartient le pétrole ? À qui appartient le minerai de fer ? Telles sont les questions à poser. » Mais en disant cela, avertissait le militant antiraciste, « on entre dans des eaux dangereuses, parce que ce que l’on dit fondamentalement, c’est qu’il y a un problème avec le capitalisme1».

King n’avait pas 25 ans quand, après avoir étudié Marx, il comprit que le capitalisme, qui prétendait abattre les hiérarchies féodales du monde d’avant, n’avait en réalité fait que les réinventer, assujettissant les Noirs et bien d’autres peuples à peau sombre avec eux. Il a attendu pourtant le moment venu, au soir de sa vie, pour dénoncer cette hydre, créature à plusieurs têtes, qui se repaît de pauvreté et d’exploitation, de violence raciale et de guerres impériales. Beaucoup de militants l’avaient vue et analysée avant lui et il leur en coûta. Même le célèbre intellectuel W. E. B. Du Bois dut quitter le pays et mourir loin de lui.

Sylvie Laurent est américaniste, enseignante à Sciences-Po. Elle fut longtemps chercheuse associée au W.E.B. Du Bois Institute d’Harvard. Elle est l’autrice de plusieurs livres marquants, dont Martin Luther King. Une biographie (Points, 2016) et Pauvre petit Blanc. Le mythe de la dépossession raciale (MSH, 2020)

On invita ainsi King, dans un contresens, à taire sa critique du capitalisme afin qu’il s’en tienne à la question raciale, alors même qu’il les savait inséparables. Alors que l’insurrection des ghettos américains de la fin des années 1960 confirmait pourtant l’intrication entre exploitation, relégation, domination raciale et violence d’État, son premier cercle s’inquiétait qu’à trop politiser le capitalisme, il ne s’éloigne de son cœur de métier. King n’a en réalité jamais été aussi affûté dans sa critique de la suprématie blanche que lorsqu’il a dénoncé la fable d’une démocratie capitaliste bâtie sur la libre entreprise, le salariat et l’initiative individuelle et qui serait quitte de siècles d’exploitation raciale une fois le droit de vote des Noirs accordé.

Incriminer la structure capitaliste libérale du pays, nier que la prospérité soit désormais offerte à tous et que la propriété privée émancipe est alors une faute morale et une parole de pure déraison. Pour le gouvernement bien sûr, mais aussi pour les grands syndicats et la majorité du pays, qui s’exaspèrent de l’insatisfaction des Noirs d’Amérique, King est devenu un ingrat, égaré par sa fréquentation des socialistes et peut-être même un séditieux « à la solde de Saigon ». Après sa mort, la condition de sa popularité retrouvée fut l’effacement de son anticapitalisme des livres d’histoire pour ne célébrer que son combat que l’on dit « victorieux » contre le racisme2.

Cette injonction à ne pas poser la question du capitalisme lorsque l’on s’attelle à lutter contre les structures profondes du racisme, ou à l’inverse à minorer tout ce qui n’est pas de l’ordre de la classe lorsque l’on pense l’oppression capitaliste, n’a jamais cessé depuis la mort de King en 1968. De part et d’autre de l’Atlantique, des débats minés opposent race et classe, postulées dans une concurrence artificielle imposant de choisir son camp. Envisager exploitation et domination comme une hydre et souligner les accointances manifestes entre capital et race reste, aujourd’hui, toujours périlleux3. À rebours de ces sommations, ce livre se propose de faire découvrir l’histoire d’une relation symbiotique et de montrer que s’il a existé bien des formes de discriminations raciales et d’économies de marché, l’avènement du capitalisme dans l’espace atlantique à partir de 1492 a établi l’hégémonie du principe de race qui devint un fait social total et le modus operandi d’un capitalisme en formation.

On invita ainsi King à taire sa critique du capitalisme afin qu’il s’en tienne à la question raciale, alors même qu’il les savait inséparables.

« Au commencement était l’Amérique », écrit ainsi l’Écossais John Locke, qui, comme tant d’Européens éclairés, fut fasciné par la conquête d’un continent qu’il voulait croire vacant où seul, dit-il, le travail de mise en valeur transforma une terre vierge illimitée en richesse matérielle et morale et justifia le droit à posséder. Une nouvelle relation au monde et à l’autre accompagne en effet l’expérience commencée en 1492, fondée sur l’idée inédite que la prospérité des sociétés humaines se trouve dans la soumission d’une nature sauvage et offerte au geste rationnel de valorisation. Désormais, l’ensemble du monde vivant est mis au travail et dans ce premier empire planétaire, hommes, plantes et bêtes deviennent des marchandises circulant d’un coin à l’autre de l’hémisphère.

La conquête des Amériques fut ainsi un chaos primordial qui fit naître l’illusion de l’infinitude des richesses du monde dont l’appropriation maximale ne devait être entravée par aucune contrainte. Deux techniques de production de valeur furent pour cela adoptées : l’esclavage de plantation et l’expropriation létale des indigènes. Telles furent les deux conditions de possibilité du « Nouveau Monde ». La conquête et la colonisation de celui-ci fut aussi, pour l’Ancien Monde, l’accumulation première du capital, fondatrice et structurante. Ce qu’il s’agit donc d’éclairer n’est ainsi guère lequel du capital ou de la race a engendré l’autre, mais la manière dont le moment inaugural de 1492, à la fois prise de terre(s) et prise d’hommes-marchandise, les a fait advenir et cheminer de concert. Loin de la coïncidence, de la contingence ou de l’accident historique, race et capital sont dès lors scellés l’un à l’autre. Colonisation, esclavage et exploitation des Amériques furent ainsi moins « l’aurore » du capitalisme, comme l’écrit Marx, que sa matrice.

Le sens des mots

Le capitalisme comme la race sont des « concepts contestés » : ils sont le mot distinct de la chose, chacun apparu à distance de l’autre. Ils furent à la fois des théories, l’objet de formalisations abstraites et d’un langage visant à organiser le monde et à produire une réalité sociale et politique. La race comme le capitalisme sont à la fois des réalités « empiriques », des expériences historiques concrètes et un ensemble de récits et de fantasmes qui les conçoivent comme des clés de lecture du monde. Ils sont tous deux des « sujets » et des philosophies de l’histoire sans pourtant exister en dehors des activités humaines et du sens politique donné à ces dernières.

Sans en être directement le produit à la manière de la classe, la race s’est manifestée dans l’histoire comme l’une des infrastructures essentielles du capitalisme.

Il importe de rappeler que le mot « capitalisme » fut inventé par ses contempteurs pour décrire et dénoncer, mais surtout afin de constituer un concept d’analyse critique et de compréhension4. Comme le mot « race », il est donc l’enjeu de batailles politiques et épistémologiques féroces depuis son apparition. Re-signifiés par chacun des théoriciens qui s’en sont emparés et par des générations de luttes, ces deux réalités ne sont de plus jamais fixées. Le capital de Marx n’est pas celui d’Adam Smith ni de Fernand Braudel ou de l’âge numérique et le racialisme des naturalistes du xviii e n’est pas le racisme que l’on a dit « sans races5 » ou le « racisme sans discriminations6 » de l’antisémitisme qui caractérisent, depuis la répudiation du mot « race » après la Seconde Guerre mondiale, les indignités raciales d’aujourd’hui. Aux États-Unis, la domination des Afro-Américains a pris différentes configurations, de l’esclavage à l’exploitation prolétarienne, de la réclusion dans les ghettos et les prisons à la surexposition à la violence environnementale7.

Concepts analytiques et politiques, le capitalisme et le principe de race sont donc des caméléons. Ils s’adaptent et se reconfigurent selon les temps, les conjectures et les lieux et nous les définissons avec les termes que nous impose leur emprise sur notre pensée. On pourrait douter de la possibilité d’un saisissement « objectif » des couples capital/capitalisme et race/racisme. Pourtant, ils reposent fondamentalement l’un et l’autre sur un rapport au monde dont on peut discerner l’histoire, les principes et les finalités.

Capital(isme)

Le capitalisme n’a jamais eu et n’aura sans doute jamais de définition arrêtée. C’est même sans doute là l’une de ses propriétés. Mais il s’entend a minima comme « le principe de valorisation des richesses qui n’a d’autre fin qu’elle- même8 », ou, pour le dire autrement, un mode d’activité humaine visant à la production toujours plus grande de marchandises à des fins de profits. Il s’organise pour ce faire en un système autonome fondé sur la propriété privée et le marché. Il se déploie dans l’histoire et, colonisant tous les aspects de la vie humaine, bouleverse irrémédiablement notre rapport à l’autre, à la nature et au temps9.

La richesse qu’il promet est perpétuellement différée et les forces productives existantes ne sont jamais suffisantes. Le « capital » est plus ardu à définir, selon qu’il est entendu comme « toutes les formes de richesses qui peuvent a priori être possédées […] et transmises ou échangées sur un marché10 » ou chez Marx, un « rapport de production singulier » visant à la circulation entre argent et marchandise afin d’extraire la valeur volée au travailleur. Mais il est par ailleurs du capital hors de la sphère économique et on l’a également décliné sous les noms de capital social, capital culturel, capital humain ou capital naturel, bien d’autres ressources susceptibles d’être possédées, transmises ou volées. En somme, le capital est un ensemble de biens et de liens susceptibles de produire des revenus et le capitalisme organise sa perpétuation et son accroissement.

Il y a ainsi un capital silencieux qui pourtant fut aussi puissant à Cuba qu’au Québec, des Antilles françaises au Brésil ou à la Californie : le capital racial des Européens et de leurs descendants. Plus qu’un simple privilège, le statut de Blanc aux Amériques confère pouvoir et ressources mais il est aussi un capital négocié, valorisé, soupesé et estimé, soumis aux instabilités des marchés sociaux.

Selon Marx, l’incarnation de la mystification du capital, c’est Robinson Crusoé, marin échoué sur une île déserte d’Amérique, qui aurait tout inventé de ses mains.

Une fois thésaurisé, le capital racial est la source d’une sécurité matérielle, économique et sociale sans cesse réinvestie dans l’avenir. « Capital social incorporé11 », il surdétermine la position sociale et la capacité à préserver un environnement vivable et même confortable. La transmission de ce patrimoine et des revenus qu’il génère sont l’objet d’une lutte existentielle en Amérique et la source majeure des inégalités entre les Blancs et les autres.

Race(isme)

Comme pour le couple capital/capitalisme, la distinction entre race et racisme est ténue et l’on prend souvent l’un pour l’autre. Le racisme est facilement appréhendé comme un ensemble de représentations, discours et pratiques discriminatoires qui visent à nuire, dégrader et subordonner un groupe de femmes et d’hommes au nom d’une race supposée. C’est lorsqu’il s’agit de saisir ce qu’est la « race » que les débats épistémologiques s’emballent12.

Idée, principe, concept, sortilège, fiction, châtiment ou condition, la race est comme le capital de Marx, une relation sociale. Fondée sur la classification et la hiérarchie des groupes humains, elle serait démasquée par un « signe » physique, un « marqueur », qui révélerait l’indignité ou la gloire d’une lignée, transmise depuis la nuit des temps. Cet indice est traqué, recherché, inventé parfois afin de faire sens d’une domination spécifique. L’antisémitisme est l’exemple paradigmatique d’une quête névrotique du signe invisible révélant l’indigne.

Médiation entre l’esprit humain et la nature, le corps est censé relever du stable, de la physique et non de l’histoire. Le principe de race se réclame de sa supposée immobilité13. On ne peut contrer les déterminismes qu’il impose qu’en forçant les organismes. Comme pour la classe, cette vue de l’esprit repose sur l’invention de la nature. Les travaux des féministes marxistes et des humanités environnementales ont insisté sur cette conception arbitraire et genrée de ce qui relèverait d’un hors de l’humain, d’un hors du social.

Plus encore, il s’agit d’affirmer « l’origine “viscérale” ou “programmée” des conduites humaines » qui « seraient inscrites dans la nature et jailliraient d’une différence d’avant l’histoire, précédant les relations réelles entre groupes »14. Comme le souffle du capital, l’ordonnancement racial de l’humanité apparaît comme spontané, existant en dehors des rapports sociaux. La physionomie dit l’essence et la valeur morale de chaque groupe humain ainsi circonscrit. Sa réalité est énoncée par les savants, surdétermine les trajectoires de vie et contamine l’ensemble de l’espace social dans lequel chacun doit être « à sa place ».

Cet ordre mental et social du monde n’est pas sans évoquer l’idéologie au sens marxiste, qui permet de légitimer les intérêts de la « classe dominante » et de pérenniser la nouvelle loi de la valeur. À la fois représentation biaisée du monde qui se prétend universelle et construction d’une autorité, l’idéologie est affaire de magistrats, de savants, de philosophes et de théologiens, prescripteurs de norme, mais aussi de l’État. Les mécanismes qui produisent le principe de race relèvent en effet d’institutions, qui codifient selon des grammaires raciales diverses ce qui ne serait que coutumes ou préjugés.

« Le travail sous peau blanche », rappelait Marx à ses amis états-uniens, « ne peut s’émanciper là où le travail sous peau noire est stigmatisé et flétri »

Parce qu’elle est l’instigatrice « d’honneur et de déshonneur publics15 » et que, comme pour le capital, elle en détermine le périmètre et l’emprise sur la société en en produisant et perpétuant les rouages indispensables, la puissance publique a historiquement surdéterminé le rôle de chaque groupe dans le processus de création de richesses (et donc dans la formation de classe). Selon des régimes raciaux variés, elle a classifié, distingué, exproprié et séparé mais surtout codifié, selon le statut racial, le libre accès aux ressources dont la première est la souveraineté de soi. Principe de gouvernement des hommes et des femmes, la race relève de l’objectification du monde qui permet l’universalisation douce des valeurs dominantes.

Mais ce principe n’existe que par un régime de violence d’État particulier. Sans lui, il n’est d’accumulation primitive du capital, de lois prétendant à l’égalité, et surtout de police et d’ordre public. Les formes historiques multiples de production et de management de la différence ont institué jusqu’à aujourd’hui la vulnérabilité extrême de certaines populations, surexposées à la mort précoce. Il n’est pas qu’à l’époque des scalps ou du navire négrier qu’un corps indigène ou noir sans vie aura plus de valeur qu’un corps vivant.

Une hydre à deux têtes, accouchée par l’histoire et nourrie par la théorie

Sans en être directement le produit à la manière de la classe, la race s’est manifestée dans l’histoire comme l’une des infrastructures essentielles du capitalisme. Les transactions entre la race et le capital furent diverses et en apparence contradictoires, qu’il s’agisse de l’anticapitalisme « de pacotille16 » de l’antisémitisme hanté par le « Juif d’argent », ou encore de l’expropriation des peuples indigènes à qui l’on soustrait la terre. Mais accumulation, dépossession, ségrégation, violence et « privation de la propriété de soi17» structurent, à chacune des époques parcourues dans ce livre, l’histoire commencée par la colonisation des Amériques.

À les observer évoluer l’un et l’autre dans l’histoire, on ne peut qu’être impressionné par la validité de la philosophie marxiste pour penser la formation du capital et la production raciale d’une semi-humanité. Logique de race et capitalisme sont, si l’on y songe, deux mystifications : l’abstraction du capital, comme celle de la race, vise une même négation de l’histoire. Ils camouflent leur emprise « d’une brume fantomatique »18 qui voile l’historique et essentialise le capital.

La marchandise devient valeur par elle-même et le travail aliéné semble relever de la loi de toute éternité. La réification est le mot savant donné à ce processus. La race est aussi la fiction d’une existence immémoriale et évidente, répondant aux lois biophysiques : elle voile l’histoire de la dévalorisation, de l’appropriation et de la domination. Stable et visible, elle est, elle aussi, une fausse transparence, une vérité erronée qui postule « l’indélébile sous l’historique […] un être permanent, affranchi du temps19 ».

Selon Marx, l’incarnation de la mystification du capital, c’est Robinson Crusoé, marin échoué sur une île déserte d’Amérique, qui aurait tout inventé de ses mains sur une terre vide alors que ce n’est que par l’héritage social qu’il survit. Robinson est au cœur de ce livre car il détient l’un des « secrets » du raccordement de la race et du capital. Récit messianique du capitalisme, il est aussi celui du colonialisme, et de l’esclavage, et de la domestication raciale de la nature. Si, en Europe, les pourfendeurs du capitalisme peuvent clamer que « la propriété, c’est le vol », en ces terres coloniales peuplées de « sauvages », Robinson renverse la proposition : « le vol, c’est la propriété20 ».

« Être nègre, c’est n’être bon qu’à être exploité jusqu’à la dernière goutte de son sang ou qu’à être transformé en soldat pour la défense des intérêts du capitalisme »

Les vies des indigènes et des nombreux esclaves dans l’ombre du marin sont la part méconnue de son butin. On comprend avec le paradigme Robinson que la race est un rapport de pouvoir et de domination et relève donc de la politique. Production historique, politique et sociale, elle n’est pas une création mécanique et désincarnée du capitalisme. Mais leur lien semble relever de la nécessité, pour ne pas dire de l’organique.

Marx saisit qu’en Amérique la violence raciale instituée par la loi est indispensable au principe capitaliste de la « maximisation de l’utilité sous contrainte ». À étudier la condition des Noirs machinisés et marchandisés des plantations, devenus force de travail excédentaire, il voit en eux la personnification ultime de la déshumanisation capitaliste. Outre-Atlantique, « la classe des esclaves » est, écrit-il, « sacrifiée sans le moindre scrupule » ; il s’agit de les faire travailler jusqu’à la mort, car tel est le principe « le plus efficace »21 pour que les planteurs capitalistes extraient le maximum de survaleur en un minimum de temps. C’est en se plongeant dans l’expérience des États- Unis en pleine guerre civile, que Marx comme Engels comprennent que la révolution prolétarienne n’y sera possible qu’à condition que cesse la spoliation du travail et de la vie des Noirs : « Le travail sous peau blanche », rappelait Marx à ses amis états-uniens, « ne peut s’émanciper là où le travail sous peau noire est stigmatisé et flétri »22.

Loin de ne lire l’exclusion raciale que comme la ruse des possédants, il relève que les classes populaires elles-mêmes sont traversées par une subjectivité raciale qui les pousse à enfermer les Noirs à la façon d’une caste à l’intérieur même de la classe ouvrière. Ainsi, il ne fait aucun doute pour Marx que le maintien de 4 millions de Noirs dans les fers était l’inavouable raison d’un conflit dans laquelle une classe de planteurs capitalistes et une foule de « canailles blanches » étaient déterminés à maintenir la fiction du « nègre »23.

Mais ces intuitions sont demeurées des échappées dans la théorisation marxiste du capitalisme. S’il place la colonisation et l’esclavage en bonne place dans son histoire du capitalisme et des conditions de possibilité de son développement et identifie l’esclavage comme une de ses modalités, il conçoit tout travailleur aliéné comme un esclave : « De te fabula narratur ! » (« C’est ton histoire qu’on raconte24 »), ajoute-t-il après avoir décrit la plantation, comme si les esclaves noirs n’étaient que des prolétaires plus intensément exploités.

Un problème avec le marxisme

Le philosophe allemand, sans avoir été aveugle à la réalité raciale, n’en fait pas grand cas. Le marxisme n’a certes jamais prétendu répondre à la question des minorités opprimées. Mais face au mouvement ouvrier juif d’Europe, pleinement socialiste mais qui refuse l’assimilation, ou aux camarades noirs des espaces coloniaux réclamant eux aussi la reconnaissance de leur singularité historique, le premier marxisme opposa que ces « particularismes » étaient en eux-mêmes une entrave à l’émancipation.

L’élucidation de la nature des « affinités structurelles25 » entre capital et race sera le travail des penseurs dissidents, marxistes, néo-marxistes ou revenus du marxisme. Pour beaucoup des militants de couleur engagés dans la lutte anticoloniale, la philosophie marxiste n’est pas à récuser en bloc. Outre la validité de son analyse du capitalisme, on lui reconnaît aussi d’avoir saisi trois aspects cardinaux de la question raciale : que la race et le racisme étaient profondément liés à la propagation impériale du capitalisme, que le racisme était lié à la concurrence interne au sein de la classe ouvrière et servait à saper les bases d’un mouvement révolutionnaire et, enfin, que le principe de race n’avait aucune existence, aucune « substance » en dehors de conditions sociales définies26.

Mais face à un marxisme orthodoxe dominant au sein des organisations ouvrières et des partis communistes et socialistes nationaux, la voix des peuples noirs et colonisés et en particulier de ceux qui refusaient de taire l’oppression raciale ou de la relativiser aboutira souvent à une rencontre « manquée27 ».

La classe est primordiale mais la vie des opprimés de couleur ne peut être subsumée, minorée, qualifiée de petite-bourgeoise et reléguée à un second temps de la lutte.

C’est donc à la marge que se constitua une tradition intellectuelle et politique qui, du Ghana à la France, d’Haïti au Pérou, dès le début du xxe siècle, a entamé un dialogue âpre avec le marxisme, qu’il a fallu « distiller28 », amender, décentrer et parfois même récuser. L’explicitation de la symbiose entre race et capital, qui ne fit que s’amplifier, irrigua ainsi en sous-main les luttes anticoloniales et dota certains militants d’un appareil critique redoutable. Bien tard dans le siècle, le penseur anglo-jamaïcain Stuart Hall décrira cette rencontre avec le marxisme comme un « engagement non pas avec une théorie, ni même avec une problématique mais avec un problème29 ».

W. E. B. Du Bois ouvrit la marche, mais l’espace transocéanique fut parcouru d’une même lecture : depuis la France, le communiste sénégalais Lamine Senghor rappelait en 1927 qu’« être nègre, c’est n’être bon [sic] qu’à être exploité jusqu’à la dernière goutte de son sang ou qu’à être transformé en soldat pour la défense des intérêts du capitalisme30 ». Amilcar Cabral, héros indépendantiste de la Guinée, en rappelle la genèse : « la déshumanisation systématique de certaines parties de l’humanité – le racisme – a été intimement liée à la naissance, à la croissance et à l’expansion continue du capital et reste la marque de son développement31 »

Toute une partie du mouvement de la négritude considéra également le lien inextricable entre capital et race depuis leur origine esclavagiste et coloniale. Le poète haïtien René Depestre rappelle que le travailleur noir « est, d’une part, aliéné (comme le prolétaire blanc) en tant qu’être doué d’une force de travail qui est vendue sur le marché capitaliste ; d’autre part, aliéné en tant qu’être au pigment noir, aliéné dans sa singularité épidermique32. »

Parce que race et classe se mêlent sous le capitalisme, si le prolétaire reçoit contrat et salaire pour subvenir à ses besoins essentiels, le Noir ou l’indigène n’a ni reconnaissance légale de sa personne ni ne reçoit même de quoi subsister et assurer sa descendance. Il faut donc comprendre, poursuit le militant et historien guyanais Walter Rodney, que « le racisme occidental est une partie intégrale du mode de production33 ». Même les plus universalistes des marxistes noirs, tels le communiste afro-américain Oliver Cox ou le penseur trotskiste trinidadien C. L. R. James conviennent que « traiter le facteur racial avec négligence, comme simplement accidentel, est à peine moins grave que de le considérer comme fondamental34 ». La classe est primordiale mais la vie des opprimés de couleur ne peut être subsumée, minorée, qualifiée de petite-bourgeoise et reléguée à un second temps de la lutte.

Pour toute cette tradition intellectuelle anticapitaliste et antiraciste, il s’est agi de considérer la singularité historique et philosophique de la race sous le capital et même de la penser en dehors de lui : « Les Noirs ont été ainsi les seuls à avoir éprouvé de manière quasi ontologique ou du moins dans leur chair et dans leur psyché, la violence radicale dont est porteur le principe technologique moderne35. » La race s’échappe de sa matrice matérialiste américaine et devient affaire politique et métaphysique. La sous-humanité dans laquelle la colonisation et l’esclavage ont enfermé les peuples dont l’Europe avait usage créa des sujets révolutionnaires singuliers. C’est pour cela, poursuit Achille Mbembe, « que la question de la classe sociale n’épuisera jamais la question de la race36».

Itinéraire du « capitalisme racial »

Alors que dès l’orée du xx e siècle le monde anticolonial regorge de réflexions fructueuses sur les entrelacements entre capital et race et envisage les meilleures stratégies à même de les combattre, la répudiation conjuratoire du mot « race » après la Seconde Guerre mondiale, les décolonisations et les droits civiques aux États-Unis dès la fin des années 1960, ainsi que l’exceptionnelle prospérité des démocraties capitalistes les rendent inaudibles. Parce que l’on veut croire que l’invalidation du racisme biologique ou légal sonne la fin de la race, on ne pense plus celle-ci que comme le passé de l’Occident, le vocabulaire d’une honte également, alors que le capitalisme glorieux promet un avenir égalitaire et la meilleure garantie pour abolir les distinctions.

Il est pourtant un pays, excroissance de l’Europe sur une extrémité australe, qui voit sa pleine inscription dans la modernité capitaliste s’adosser à un régime de violence raciale nommée « Apartheid ». En 1948, l’Afrique du Sud formalisa en effet des siècles d’occupation coloniale et de politique raciale tout en attirant les investissements du monde entier. Face aux appels au boycott du pays par les activistes anti-Apartheid, élites et possédants prétendent que la croissance économique et le développement d’un extractivisme financier et industriel avant-gardiste permettront la réconciliation nationale.

En 1948, l’Afrique du Sud formalisa en effet des siècles d’occupation coloniale et de politique raciale tout en attirant les investissements du monde entier.

Le Parti communiste sud-africain, opposant principal au pouvoir raciste aux côtés de l’ANC (African National Congress), participe alors d’un renouveau théorique destiné à penser l’action. Dans la seconde moitié des années 1970, entre l’Afrique du Sud et Londres où ils sont bien souvent en exil, Martin Legassick, David Hemson et Harold Wolpe, marxistes dissidents blancs, démontrent que le capitalisme sud-africain prospère non pas malgré, mais grâce à la ségrégation et à l’exploitation des Noirs dans les Bantoustans, l’un des nombreux exemples de ce que le capital sud-africain doit à la race37.

Disputé, leur concept de « capitalisme racial » devient une grille d’analyse adoptée par l’intellectuel et militant sud-africain le plus important du temps, le combattant noir proche de Mandela, Neville Alexander. Incarcéré dix ans à Robben Island, il démontre à son tour dans l’ouvrage qu’il écrit en captivité qu’en Afrique du Sud, les relations sociales sont mystifiées en « relations raciales », c’est-à-dire que la race est la forme concrète sous laquelle la classe y apparaît et que l’on ne peut donc en aucun cas découpler la lutte38. Au Forum du Comité national (groupe proche du mouvement nationaliste de la Conscience noire) qui se tient à Hammanskraal en 1983, Alexander proclame : « La lutte contre l’Apartheid n’est que le point de départ de nos efforts de libération […] ; l’Apartheid ne sera vaincu qu’avec l’éradication du capitalisme racial39 ».

La même année, un chercheur noir états-unien du nom de Cedric Robinson, familier des analyses sud-africaines publie un ouvrage intitulé Marxisme noir40, qui reprend l’expression de « capitalisme racial ». Il postule que l’Europe avait déjà très tôt, en décrétant leur infamie héréditaire, racialisé Juifs, Slaves, misérables et autres parias de l’intérieur, avant même l’émergence d’un capitalisme qui se serait dès lors déployé naturellement sur ce terreau primordial. Par conséquent, tout capitalisme, pas seulement en Afrique du Sud, est racial en ceci qu’il produit et perpétue systématiquement la hiérarchie entre les groupes humains.

Lui aussi sceptique sur la pertinence de la philosophie marxiste pour penser l’hydre moderne, Cedric Robinson suggère une contre-histoire de la résistance au capitalisme, menée par les premiers Noirs fugitifs des Amériques et poursuivie par une « tradition radicale noire ». Ici encore, son analyse est amendée, disputée et contestée, mais l’idée forte, celle qui faisait son chemin parmi les militants de part et d’autre de l’Atlantique, est aujourd’hui l’objet d’un questionnement scientifique et politique foisonnant. Les États-Unis sont bien sûr la source de cette réflexion renouvelée mais rappelons-nous qu’ils ne sont que l’aboutissement de la longue invention européenne de l’Amérique : Marx et Engels nous mirent en garde contre le mirage d’une Amérique qui serait un monde absolument « nouveau », territoire vierge dont l’immensité de l’espace abolirait l’emprise de l’histoire41. L’hydre du capital et de la race qui y a trouvé sa terre d’élection est le fruit d’une histoire et d’un dialogue transatlantique de cinq siècles à ressaisir.

L’ambition de ce livre consiste donc, en retraversant cette histoire, à reprendre la conversation trop vite interrompue entre Karl Marx et Martin Luther King.

Cette histoire débute comme ce livre en 1492 et voit l’hydre se déployer lors du colonialisme européen de l’âge mercantile où sont constituées les grandes institutions qui la produisent : la plantation, la multinationale, l’Académie et le code juridique. On comprendra ensuite comment, au nom de l’archaïsme et de l’inefficacité de ces institutions à l’âge du capitalisme moderne, les théoriciens et défenseurs de ce dernier ont prétendu que la domination raciale n’était qu’un vestige, et qu’une nouvelle société d’abondance, sans chaînes ni fouet, pouvait advenir.

“Capital et race, histoire d’une hydre moderne” est paru aux éditions du seuil en janvier 2024
https://www.seuil.com/ouvrage/capital-et-race-sylvie-laurent/9782021498882

Adam Smith et Robinson Crusoé incarnent la puissance de ce récit. Celui-ci accompagne sans discontinuité une hydre qui redouble pourtant de puissance lorsque l’impérialisme et l’ordre colonial se réinventent à la fin du xix e siècle. Les idéologies qui se constituent alors, du Tocqueville libéral aux socialistes français antisémites, cristallisent l’entrelacement jamais dénoué entre race et capital. L’ambition de ce livre consiste donc, en retraversant cette histoire, à reprendre la conversation trop vite interrompue entre Karl Marx et Martin Luther King.

Footnotes

  1. Extraits de son discours intitulé Where Do We Go From Here ? Atlanta, 16 août 1967, https://kinginstitute.stanford.edu/where-do-we-go-here
  2. Sylvie Laurent, Martin Luther King. Une biographie, Paris, Seuil, 2015.
  3. Sur ces débats, voir Elsa Dorlin, « Race contre classe ? Conceptum sacer ou la vie nue des concepts », Pouvoirs, vol. 181, n° 2, 2022, p. 5‑19.
  4. Jürgen Kocka, Histoire du capitalisme [2013 pour l’édition originale allemande], Genève, Markus Haller, 2017.
  5. « Un racisme sans races. Entrevue avec Étienne Balibar », Relations, n° 763, mars 2013. Voir également Eduardo Bonilla-Silva, Racism Without Racists. Color-Blind Racism and the Persistence of Racial Inequality in the United States, Lanham, MD, Rowman & Littlefield, 2003.
  6. Expression de Fabienne Messica, « À l’air libre », Mediapart, 9 novembre 2023.
  7. Expression de Fabienne Messica, « À l’air libre », Mediapart, 9 novembre 2023.
  8. Jérôme Maucourant, « Le capitalisme entre rationalité et poli‑ tique, Orient et Occident », Cités, vol. 41, n° 1, 2010, p. 16.
  9. Alain Bihr, « Capitalisme et rapport au temps. Essai sur la chrono‑ phobie du capital » [2004], reproduit dans Actes des congrès des sociétés historiques et scientifiques, Paris, Éditions du CHTS, 2007, p. 11‑20.
  10. Thomas Piketty, Le Capital au xxi e siècle, Paris, Seuil, 2013, p. 82.
  11. Jean-Luc Jamard, « Consomption d’esclaves et production de “races” : l’expérience caraïbéenne », L’Homme, n° 122‑124, 1992, p. 228.
  12. La position de cet ouvrage est que la race comme catégorie d’analyse critique est essentielle à la compréhension de l’histoire et s’utilise sans guillemets.

    Rappelons les mots de Jean-Frédéric Schaub : « La notion de race ne répond pas à une question sur l’objet (les races existent-elles ?), elle désigne une méthode de description de la société qui intègre les hiérarchies imaginées par les racistes comme une don‑ née de l’analyse sociale. De la même façon que la notion de genre est un outil qui permet de tenir compte des hiérarchies imaginées par les sexistes comme donnée de l’analyse sociale. De même, à tout seigneur tout honneur, que le concept de classe sociale, depuis le xix e siècle, n’a jamais cessé d’aider les historiens et sociologues à bâtir des hypothèses sur les processus sociaux, sans que les historiens et sociologues ne soient pour autant tenus de considérer que les classes sociales sont des réalités empiriques », in « Note sur l’histoire de l’usage du terme race. Le point de vue d’un historien », Revue Alarmer, 22 avril 2020, https://revue.alarmer.org/note-sur-lhistoire-de-lusage-du-terme-race- le-point-de-vue-dun-historien/

  13. Donald S. Moore, Jake Kosek et Anand Pandian, Race, Nature, and the Politics of Difference, Durham, NC, Duke University Press, 2003.
  14. Colette Guillaumin, Sexe, Race et Pratique du pouvoir. L’idée de Nature, Paris, Côté-femmes, 1992, p. 2.
  15. Loïc Wacquant, « La pentade de la domination raciale. 2 e par‑ tie », La Pensée, vol. 414, n° 2, 2023, p. 140.
  16. La formule est d’Étienne Balibar dans Étienne Balibar et Imma‑ nuel Wallerstein, Race, nation, classe. Les identités ambiguës, Paris, La Découverte, 2007, p. 278.
  17. Françoise Vergès, La Mémoire enchaînée. Questions sur l’escla- vage [2006], Paris, Hachette Littératures, 2008, p. 144.
  18. Il s’agit d’une expression de Karl Marx dans la sous-section du Capital intitulée « Le caractère fétiche de la marchandise et son secret » dans la traduction dirigée par Jean-Pierre Lefebvre (Paris, Messidor/Éditions sociales, 1983, p. 87).
  19. Maurice Olender, Race sans histoire, Paris, Seuil, 2009, p. 19.
  20. Robert Nichols, Theft Is Property! Dispossession and Critical Theory, Durham, NC, Duke University Press, 2020.
  21. John E. Cairnes cité par Karl Marx, Le Capital, Livre I [1867], Œuvres, Économie I, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1963, p. 801‑802.
  22. Karl Marx, Le Capital, op. cit., p. 835.
  23. Friedrich Engels et Karl Marx, La Guerre civile aux États-Unis, Paris, 10/18, 1970 [recueil d’articles de presse publiés initialement entre 1861 et 1862 pendant la guerre de Sécession, rassemblés pour la première fois en un livre en 1937].
  24. Karl Marx, « Préface à la première édition », Le Capital, op. cit., p. 548.
  25. Il s’agit d’une expression de Marx à propos du capital et de la religion.
  26. Robert Knox et Ashok Kumar, « Reexamining Race and Capitalism in the Marxist Tradition », Historical Materialism, vol. 31, n° 2, 2023, p. 25-48.
  27. Enzo Traverso, Mélancolie de gauche. La force d’une tradi- tion cachée ( xix e – xxi e siècle), Paris, La Découverte, 2016. Voir aussi Francesco Fistetti, « Marxisme, question coloniale et postcolonialisme. Dialogue avec Domenico Losurdo », Revue du MAUSS permanente, 29 décembre 2019, https://journaldumauss.net/./?Marxisme-ques‑ tion-coloniale-et-postcolonialisme
  28. Jean-Jacques Cadet, Le Marxisme haïtien, Paris, Delga, 2021, p. 74.
  29. Stuart Hall, Identités et cultures. Politiques des cultural studies, Paris, Amsterdam, 2017, p. 21. Hall évoque ici plus spécifiquement la position de la Nouvelle Gauche britannique.
  30. Lamine Senghor, La Violation d’un pays et autres écrits antico- lonialistes, Paris, L’Harmattan, 2012, p. 41‑42.
  31. Cité in Firoze Manji, « Culture, pouvoir et résistance : Réflexions sur les idées d’Amilcar Cabral », Possibles, vol. 42, n° 1, 2018, p. 83‑104, ici p. 88.
  32. René Depestre, « Jean Price-Mars et le mythe de l’Orphée noir ou les aventures de la négritude », L’Homme et la société, n° 7, 1968, p. 175.
  33. Walter Rodney, Et l’Europe sous-développa l’Afrique, Paris, Édi‑ tions caribéennes, 1972, p. 123.
  34. C. L. R. James, Les Jacobins noirs. Toussaint Louverture et la révolution de Saint-Domingue [1938], Paris, Éditions Amsterdam, 2008, p. 256.
  35. « Ré-enchanter l’Afrique. Entretien avec Achille Mbembe », Multitudes, vol. 81, n° 4, 2020, p. 140.
  36. Ibid, p. 140‑141.
  37. Martin Legassick et David Hemson, Foreign Investment and the Reproduction of Racial Capitalism in South Africa, Londres, Anti- Apartheid Movement, 1976.
  38. Salim Vally et Enver Motala, « Neville Alexander’s Struggle Against Racial Capitalism », Boston Review, 7 août 2023.
  39. Ibid.
  40. La traduction française est parue en 2023 aux Éditions Entre‑ monde (Genève).
  41. Vincent Bontems, « L’Amérique… selon Marx », Cahiers d’his- toire. Revue d’histoire critique, n° 103, 2008, p. 130‑144.