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Les technologies intelligentes ne sont pas neutres

Ben Van Duppen

—30 décembre 2021

Aujourd’hui, la numérisation exacerbe les contradictions fondamentales du capitalisme. Toutefois, nous pouvons aussi nous servir des nouvelles technologies pour émanciper l’être humain et permettre à notre planète de rester vivable.

« Désolée, je ne pourrai pas venir boire un verre ce soir. Le bot intelligent au travail est encore tombé en panne, je vais encore devoir faire des heures supplémentaires. » J’ai reçu ce message récemment. Le bot informatique intelligent, baptisé Ariana, était un logiciel autonome et automatique supposé révolutionner le travail de Maria : finies les tâches répétitives, il devait lui permettre de travailler beaucoup plus facilement et d’avoir davantage de temps pour les cas plus complexes. Le reste serait pris en charge par Ariana. Les patrons de Maria étaient tellement euphoriques qu’ils ont par avance licencié deux de ses collègues. Ces derniers n’étaient plus nécessaires. Depuis lors, Maria a beaucoup plus de travail. Aujourd’hui, elle doit non seulement faire son propre travail, mais aussi corriger les erreurs d’Ariana, intervenir parce qu’un troisième collègue est en burn-out, former de nouveaux collègues d’Europe de l’Est via le logiciel de réunion en ligne Zoom, et préparer le prochain projet : Ariana 2.0, qui automatisera une grande partie de son travail grâce à l’intelligence artificielle. Maria n’en attend plus grand-chose, mais elle espère surtout conserver son emploi.

Il semble que nous soyons envahis de « technologies intelligentes ». L’utilisation de ces technologies devrait permettre de mesurer certaines choses, d’y coller un chiffre et ensuite de les optimiser. Du moins, c’est ce qu’on espère. En outre, ces appareils peuvent communiquer entre eux et donc travailler ensemble. Cette technologie intelligente nous place devant des défis de taille.

Dans le monde du travail, les technologies intelligentes sont utilisées de différentes manières, mais leur point commun est qu’elles permettent d’organiser le travail différemment. Les visseuses intelligentes dans le secteur automobile, par exemple, aident la direction à contrôler les ouvriers, mais aussi à mesurer en détail leur activité individuelle. Désormais, les ouvriers peuvent être contrôlés séparément, alors qu’auparavant il n’était souvent possible de réagir qu’aux résultats d’une équipe. Les technologies intelligentes permettent donc d’augmenter la productivité, mais aussi de saper l’organisation syndicale en licenciant constamment les travailleurs les moins performants, ou d’utiliser les données collectées pour monter les ouvriers les uns contre les autres.

À la maison, votre smartphone contrôle l’enceinte intelligente située à côté de votre téléviseur intelligent, et grâce à votre sonnette intelligente, vous pouvez voir que le livreur Deliveroo est arrivé avec votre pizza. Les technologies intelligentes nous ont facilité la vie à différents égards, et le smartphone a permis de connecter les gens du monde entier d’une manière inédite. Mais, dans nos foyers aussi, des mécanismes perfides sont à l’œuvre. Votre brosse à dents intelligente mesure la fréquence à laquelle vous vous brossez les dents et la qualité dudit brossage. Elle envoie les données sur votre bouche et vos habitudes de brossage au fabricant. Celui-ci calcule un score de brossage de dents et donne des conseils en matière de brossage via une application sur votre smartphone. Cette application peut même communiquer avec votre dentiste au sujet de votre hygiène des dents. On pourrait penser qu’il n’y a rien de mal à cela, jusqu’à ce que l’assurance dentaire vienne frapper à la porte. Beam, une start-up américaine d’assurance dentaire, a saisi sa chance et peut désormais suivre les habitudes de ses clients. Un faible score de brossage de dents entraîne une prime plus élevée. Si vous vous brossez bien les dents, votre prime diminue. De plus, l’entreprise obtient ainsi des informations uniques sur l’intérieur de milliers de bouches de citoyens américains. Ces informations sont extrêmement lucratives dans le secteur de l’assurance dentaire, qui représente plusieurs millions de dollars.

Un faible score de votre brosse à dents intelligente entraîne une prime d’assurance plus élevée.

La question clé concernant ces « technologies intelligentes » est la suivante : à qui bénéficieront-elles ? Qui contrôle ce qui est mesuré, la façon dont les données sont utilisées et qui en détermine l’optimisation ? En bref : qui possède la technologie intelligente ? Répondre à cette question nous permet de déterminer si l’utilisation de la technologie fait progresser, renforce et émancipe la classe travailleuse ou, au contraire, si son utilisation profite principalement à la classe dirigeante. La technologie n’est pas neutre, la technologie « intelligente » encore moins.

Les gagnants de cette révolution intelligente apparaissent clairement. Alors qu’en 2009, les grandes compagnies pétrolières dominaient le top 20 des plus grandes entreprises cotées en bourse, aujourd’hui, Big Oil a cédé la place à Big Tech, qui fournit plus de la moitié des géants du top 20.1 La crise du coronavirus a provoqué une accélération de cette évolution. Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, souvent regroupés sous l’acronyme GAFAM, sont les multinationales américaines les plus connues. Outre Tesla Motors, le constructeur de voitures électriques, et le producteur de puces Nvidia, les autres grandes entreprises technologiques sont d’origine asiatique, notamment les géants de l’internet chinois Tencent et Alibaba, le producteur de puces taïwanais TSMC, et Samsung en Corée du Sud. Même si la valeur boursière est un concept relatif et sujet à des bulles, on ne peut nier l’ascension fulgurante de Big Tech. La croissance gigantesque de ces entreprises rend leurs propriétaires immensément riches. Huit des dix personnes les plus riches de la planète sont issues du secteur technologique. La fortune personnelle de Jeff Bezos et de Bill Gates flirte avec les deux cents milliards de dollars, et le PDG de Tesla, Elon Musk, vaut même plus de trois cents milliards depuis peu. De plus, ce secteur est devenu l’enjeu d’une bataille géopolitique entre la Chine et les États-Unis.

Si nous voulons comprendre le capitalisme mondial d’aujourd’hui, nous devons comprendre la gigantesque concentration de capital au sein de la Big Tech. Comment les Big Tech ont-elles pu se développer de la sorte ? Quelles sont les conséquences de ce développement sur les relations sociales quotidiennes, à la maison et au travail ? L’émergence de tous ces appareils intelligents dans les foyers et dans l’industrie est également appelée « la quatrième révolution industrielle ». La première révolution industrielle a eu lieu au XIXe siècle. Karl Marx a décrit comment celle-ci a radicalement changé la société. Deux siècles plus tard, ses analyses restent étonnamment pertinentes.

Marx et l’innovation

Dans Le Capital, Marx consacre plus de 100 pages du chapitre intitulé « Machinisme et grande industrie » à l’importance du développement technologique, à la manière dont celui-ci façonne la société 2 et dont il donne naissance à des contradictions fondamentales sous le capitalisme.3

Tout d’abord, il note qu’une « histoire critique de la technologie ferait voir combien il s’en faut généralement qu’une invention quelconque du XVIIIe siècle appartienne à un seul individu. »4 Au XXIe siècle aussi, il est important de s’en souvenir. En effet, Steve Jobs n’a par exemple pas développé l’iPhone à lui seul. Cet appareil n’existe que grâce à des programmes de recherche financés par des fonds publics et au travail collectif de milliers de personnes sur plusieurs générations, comme l’a démontré l’économiste italienne Mariana Mazzucato.5 De plus, il est produit aujourd’hui grâce au travail de milliers de personnes à travers le monde entier, souvent dans des conditions précaires.6 Mais en niant cette réalité, on tente de faire de cette élite des héros, et de passer sous silence leur immense richesse. Pour ne pas tomber dans l’idéologie7 de la Silicon Valley, il est nécessaire d’étudier la technologie. Aux yeux de Karl Marx, « la technologie met à nu le mode d’action de l’homme vis-à-vis de la nature, le procès de production de sa vie matérielle et, par conséquent, l’origine des rapports sociaux et des idées ou conceptions intellectuelles qui en découlent. »

Deuxièmement, il décrit la manière concrète dont les machines ont changé la société à Manchester, qui était à cette époque le cœur du capitalisme mondial. L’introduction des machines a concrètement réorganisé le travail dans les secteurs où elles ont été installées, mais aussi bien au-delà :

« La révolution dans l’industrie et l’agriculture a nécessité une révolution dans les conditions générales du procès de production social, c’est-à-dire dans les moyens de communication et de transport… [Ceux-ci] étaient complètement insuffisants pour subvenir aux besoins de la production manufacturière, avec sa division élargie du travail social, sa concentration d’ouvriers et de moyens de travail, ses marchés coloniaux, si bien qu’il a fallu les transformer. De même les moyens de communication et de transport légués par la période manufacturière devinrent bientôt des obstacles insupportables pour la grande industrie avec la vitesse fiévreuse de sa production centuplée, son lancement continuel de capitaux et de travailleurs d’une sphère de production dans une autre et les conditions nouvelles du marché universel qu’elle avait créé. »8

Pour rendre possible une révolution numérique dans l’industrie, les grandes entreprises ont besoin d’une numérisation de l’ensemble de la société.

Entre-temps, nous sommes trois révolutions industrielles plus loin. Néanmoins la même dynamique est toujours à l’œuvre. Pour rendre possible une révolution numérique dans l’industrie, les grandes entreprises ont besoin d’une numérisation de l’ensemble de la société. Tout ce qui n’est pas numérisé est une entrave au développement des moyens de production et est donc systématiquement numérisé.

Selon Marx, l’introduction des machines au XIXe siècle a eu trois effets majeurs sur les ouvriers. 1) Non seulement l’ouvrier lui-même, mais toute sa famille sont désormais impliqués dans l’entreprise, pour augmenter le niveau d’exploitation. 2) La journée de travail a pu être allongée, et 3) l’intensité a pu être augmentée de façon spectaculaire. Marx explique que l’allongement de la journée de travail entraîne des luttes sociales, dans lesquelles la question de l’intensification est un enjeu important. Finalement, les ouvriers travaillent aussi longtemps, mais plus intensivement, car la machine porte une partie de la « charge » de travail.

La technologie numérique est utilisée par les capitalistes contemporains de manière similaire, et ils vont même plus loin qu’au XIXe siècle. Dans son dernier rapport sur l’impact de la technologie sur les conditions de travail, l’Organisation internationale du Travail écrit que la technologie prolonge aujourd’hui la journée de travail : « Souvent, les frontières entre domicile et travail s’estompent. Les travailleurs ont l’impression que rester connecté plus longtemps et être capable de réagir plus rapidement sont un signe de bonne performance, et ils continuent donc à travailler chez eux également, en dehors de leurs heures de travail.»9

L’intensification revient également. Par exemple, le nombre d’accidents graves dans les entrepôts fortement robotisés de la société américaine Amazon est trois fois supérieur à la moyenne.10 Dans ces entrepôts, les robots permettent d’augmenter le rythme de travail d’une manière jamais vue. Enfin, beaucoup de Crowdworkers11 sont des femmes, par exemple, qui ont à leur charge des tâches de soins, et espèrent gagner de l’argent supplémentaire, bien que ce travail soit moins bien rémunéré d’un tiers.12

La similitude des phénomènes entre le XIXe et le XXIe siècle n’est pas surprenante ; elle est inhérente à la manière dont le capitalisme organise sa production. La concurrence oblige le capitaliste individuel à tirer le meilleur parti de son investissement et à innover plus rapidement que son concurrent. Une fois installée, l’horloge commence à tourner et la machine et la technologie perdent de leur valeur, car les concurrents acquièrent des technologies moins chères et plus performantes au fil du temps. Un ordinateur était peut-être à la pointe de la technologie il y a quelques années, mais aujourd’hui, il n’est plus capable de faire fonctionner les logiciels les plus récents. Marx appelle cela « l’usure morale » et conclut : « Le danger de son usure morale est d’autant moindre que la période où sa valeur totale se reproduit est plus courte, et cette période est d’autant plus courte que la journée de travail est plus longue.»13 Ce sont ces lois coercitives qui ont conduit à une course à la technologie, dès les origines du capitalisme. Cela conduit à la contradiction fondamentale concernant la technologie :

« Parce que la machine, triomphe de l’homme sur les forces naturelles, devient entre les mains capitalistes l’instrument de l’asservissement de l’homme à ces mêmes forces ; parce que, moyen infaillible pour raccourcir le travail quotidien, elle le prolonge entre les mains capitalistes ; parce que, baguette magique pour augmenter la richesse du producteur, elle l’appauvrit entre les mains capitalistes… »14

Bien que les types de technologie actuels soient différents de ceux du Manchester du XIXe siècle sur lesquels Marx et Engels ont basé leur étude, les dynamiques en termes de temps de travail, d’autonomie et de qualité de vie sont similaires. Mais il faut faire une distinction entre la technologie d’une part et son utilisation d’autre part. Ce n’est pas la technologie elle-même que nous devons combattre, mais l’abus capitaliste qui en est fait.

Industrie 4.0 et développement de la technologie numérique

La machine à vapeur a donné lieu à la première révolution industrielle, l’électricité à la deuxième, et les ordinateurs personnels et Internet à la troisième. Le développement de la microélectronique, d’Internet et surtout de l’intelligence artificielle est désormais si avancé que leur utilisation simultanée jette les bases d’une quatrième révolution industrielle, également appelée « industrie 4.0 ».15

Deux développements techniques rendent cela possible.16 D’une part, depuis les années 1970, le développement des puces informatiques suit la « loi de Moore ».17 En conséquence, la vitesse à laquelle les ordinateurs peuvent traiter l’information a augmenté de façon exponentielle depuis un demi-siècle. Dès lors, la quantité d’informations, ou de données, pouvant être traitées augmente également de manière exponentielle. D’autre part, depuis les années 1980, le développement d’Internet connait également une évolution exponentielle, selon la « loi de Cooper ».18 Le nombre de connexions Internet est passé de 16 millions (0,4 % de la population mondiale) en 1995 à 4,57 milliards (58,7 % de la population mondiale) en janvier 2020.19 Ces deux développements créent des moyens inédits pour le capital de faire des profits.

L’évolution quantitative de la vitesse des puces électroniques et d’Internet pourrait, à un moment donné, se traduire en changements qualitatifs. Le smartphone en est un bon exemple. Cet appareil, dont la qualité diffère totalement de celle des ordinateurs fixes ou des gros ordinateurs portables, est de plus en plus utilisé par un nombre croissant de personnes. Cette technologie étant générique (elle n’est pas développée dans un but précis), une toute nouvelle économie d’applications permettant d’étendre considérablement les fonctionnalités de l’appareil a rapidement vu le jour. La croissance des grandes entreprises technologiques actuelles est directement liée à l’essor du smartphone, qui fait désormais partie intégrante de notre quotidien.

Le nombre d’accidents graves dans les entrepôts fortement robotisés de la société américaine Amazon est trois fois supérieur à la moyenne.

Décrire aujourd’hui comment cette prochaine révolution qualitative se produira relèverait de la prédiction. Toutefois, il existe actuellement un désir de connecter de plus en plus de types d’appareils différents à Internet, et de donner ainsi forme à ce que l’on appelle « l’Internet des objets ».20 En plus des utilisateurs humains, les « objets » peuvent également accéder à Internet. Par exemple, une sonnette numérique avec une caméra qui permet à votre smartphone de savoir que quelqu’un est à la porte ; ou les « haut-parleurs intelligents » qui écoutent ce que vous dites à la maison (comme Alexa d’Amazon).

Toutefois, les véritables progrès sont attendus dans l’industrie, car il sera désormais possible de suivre de près les processus d’entreprise en différents endroits. En suspendant des machines remplies de capteurs, il devient possible de détecter les défauts à un stade précoce, et les différentes pièces peuvent communiquer directement entre elles et répondre à leurs besoins respectifs. Mais les travailleurs sont eux aussi équipés de capteurs, qui peuvent être utilisés pour appliquer de nouvelles techniques de management susceptibles d’accroître les bénéfices de l’entreprise.

Enfin, l’Internet des objets est également à la base de la « Ville intelligente ». Il s’agit de bourrer les villes de capteurs qui mesurent les passants dans une rue commerçante ou même le taux de remplissage des corbeilles à papier, ou encore d’utiliser des caméras intelligentes pour surveiller les faits et gestes des citoyens.21 Ainsi, les maires ou bourgmestres peuvent gérer leur ville de la même manière qu’ils gèrent leur ordinateur.

Ces trois exemples de nouvelle industrie numérique sont en plein développement. Le capital financier mondial rêve que cela ouvre de nouveaux marchés valant des milliers de milliards, qu’il pourra monopoliser. La réussite ne dépend pas nécessairement de celui qui peut installer les dispositifs les plus rapides, mais de celui qui peut les utiliser au mieux pour son propre bénéfice. Outre le hardware, c’est-à-dire les appareils informatiques et leur connexion, il faut également disposer du logiciel adéquat, c’est-à-dire des algorithmes qui contrôlent les appareils. Ce sont les softwares, les logiciels qui distinguent la quatrième révolution industrielle de la troisième, grâce au développement de l’intelligence artificielle.

La bataille des données pour alimenter l’intelligence artificielle

Afin de développer ces nouveaux algorithmes, Big Tech cherche à collecter le plus de données possible dans tous les coins de la société. Vos photos de vacances peuvent aider à créer des programmes de reconnaissance faciale, et les vidéos des habitudes de conduite de nombreuses personnes sur les routes peuvent aider à fabriquer des voitures autonomes. Mais dans le même temps, Big Tech engage des armées d’ouvriers sous-payés, principalement dans les pays du Sud, pour nettoyer les données brutes, afin que l’ordinateur puisse les utiliser pour apprendre.22

En effet, les nouveaux algorithmes d’intelligence artificielle ne sont pas conçus par des programmeurs humains, mais par un algorithme « auto-apprenant ». Pour ce faire, un programme informatique de ce genre est alimenté par une grande quantité de données. Avec le temps, l’analyse de ces données lui permet d’identifier des modèles. De cette manière, l’algorithme s’entraîne à effectuer une tâche déterminée de manière exceptionnelle, souvent mieux et plus rapidement qu’un humain. Pour la reconnaissance d’images, par exemple, on utilise un algorithme de « deep learning » (ou apprentissage profond) qui, après avoir analysé un grand nombre de photos de chats, peut dire si une photo inconnue présente un chat ou non.23 De la même manière, l’objectif est de faire en sorte que les algorithmes effectuent des tâches plus complexes. Qu’il s’agisse de conduire des voitures autonomes, de contrôler des robots dans l’agriculture et l’industrie, de réaliser des transactions financières ou de prévoir le comportement des consommateurs, les algorithmes intelligents devront être capables de tout faire.24 Si vous voyez un message du type : « Les clients intéressés par le produit X sont généralement aussi intéressés par le produit Y » sur une boutique en ligne, vous savez que l’intelligence artificielle est à l’œuvre.

C’est pourquoi certains acteurs du secteur placent cette technologie au même niveau que la machine à vapeur ou le réseau électrique : il s’agit d’une « technologie à usage général » qui a un impact sur tous les secteurs de l’économie.25 Ce ne sont pas les appareils connectés eux-mêmes, ce sont ces algorithmes intelligents qui déterminent si la nouvelle technologie a un impact.

Les clients ne sont plus propriétaires des appareils qu ’ils achètent, ils ne sont que des utilisateurs.

Nous sommes au beau milieu d’une course mondiale aux algorithmes les plus intelligents. Les forces qui remporteront cette course seront également les plus fortes pour développer la prochaine génération d’algorithmes. Mais cela a un prix. Kate Crawford écrit dans « An Atlas of AI » (un atlas de l’IA)26 : « […] l’intelligence artificielle est une industrie extractive. La création des systèmes actuels ne peut se faire qu’en exploitant l’énergie, la planète, la main-d’œuvre bon marché et les données à une échelle gigantesque. » Cette course se déroule dans le monde entier et, à son tour, elle change le monde. Pour gagner cette course, Big Tech s’appuie sur un nouveau modèle économique, l’entreprise plateforme.

L’essor des entreprises plateformes

Big Tech veut intervenir à tous les niveaux. Afin de s’approprier la plus grande part possible de la plus-value créée dans la société, ces entreprises utilisent leur technologie pour collecter le plus de données possible, et aussi pour rendre le plus grand nombre de personnes dépendantes d’elles. Pour elles, la meilleure façon d’y parvenir est de se transformer en une entreprise plateforme, et la technologie numérique rend cela possible.

Par exemple, l’App Store d’Apple ou le Play Store d’Android jouent le rôle de plateforme. Toutes les nouvelles applications sur votre smartphone doivent être achetées sur ces plateformes. Et puisque Apple et Google, le créateur d’Android, contrôlent ces plateformes, ils se servent au passage. Mais dans le même temps, ils disposent des meilleures informations sur les applications qui marchent bien, et peuvent donc développer eux-mêmes des applications similaires, afin d’évincer les anciennes du marché.

Les entreprises plateformes numériques se présentent sous différentes formes et tailles. Il existe des plateformes publicitaires comme Google et Facebook, des plateformes de transport comme Uber, des fournisseurs de repas comme Deliveroo, mais Netflix et Spotify sont eux aussi des plateformes qui proposent des produits. La boutique en ligne Amazon est évidemment aussi une entreprise plateforme, mais ce que l’on sait moins, c’est que le moteur de la croissance de ce géant technologique est en fait sa vision « cloud », Amazon Web Services. Avec ce service, Amazon offre une capacité de serveur sur laquelle d’autres peuvent faire fonctionner leurs logiciels. Plus d’un tiers de l’Internet total se trouve sur ces serveurs d’Amazon, et même d’autres entreprises plateformes comme Netflix et Facebook en dépendent. Il génère ainsi plus de la moitié des bénéfices propres d’Amazon. Cela permet à la société mère de gérer d’autres activités à perte et d’être la plus compétitive dans d’autres domaines.

L’élément central du modèle des entreprises plateformes est qu’elles fournissent des services « en tant que services ». Donc au lieu d’acheter un produit à l’entreprise, vous l’engagez pour fournir un service. Les clients ne sont plus propriétaires des appareils qu’ils achètent, ils ne sont que des utilisateurs. Le producteur en conserve le contrôle de l’utilisation. De plus en plus de sociétés veulent devenir des entreprises plateformes, car cela leur permet de réaliser des bénéfices sur une période beaucoup plus longue avec ce qu’elles produisent. Ce modèle gagne également du terrain en dehors du secteur technologique traditionnel. Que ce soit le célèbre constructeur américain de tracteurs John Deere, General Electric ou Siemens27, toutes se positionnent comme des entreprises plateformes.

Le producteur en conserve le contrôle de l’utilisation.

Cela ne devient vraiment intéressant pour les entreprises plateformes que lorsqu’elles peuvent utiliser l’effet de réseau28 pour monopoliser leur secteur. Les effets de réseau sont omniprésents dans l’économie, mais ils se manifestent surtout lorsque la communication est nécessaire. Vous n’achetez un téléphone que s’il vous permet d’appeler d’autres personnes, qui en possèdent un également. Inversement, l’utilité de votre téléphone augmente lorsque d’autres personnes s’achètent un téléphone. On peut dire la même chose des réseaux sociaux tels que Facebook, Instagram ou Whatsapp. Une fois qu’une entreprise plateforme domine un secteur particulier, il sera très difficile pour les autres de la détrôner pendant longtemps.

La crise financière a rendu possible le rêve de Big Tech

Les mastodontes de Big Tech que nous connaissons aujourd’hui ont atteint cette taille parce qu’ils ont su se positionner en tant qu’entreprises plateformes et exploiter pleinement l’effet de réseau. Mais ils doivent aussi leur domination actuelle à la crise financière de 2008. À ses débuts, Internet était encore essentiellement une entreprise publique dotée d’une infrastructure TIC publique, mais la situation a changé après 2008.

Pour sortir l’économie du marasme, de nombreux pays ont injecté des milliers de milliards de dollars par le biais de ce qu’on appelle le « quantitative easing ». Contrairement aux faibles taux de profit de l’industrie traditionnelle, le secteur technologique qui connaissait un développement rapide a pu attirer beaucoup de capitaux.29 En outre, ces acteurs technologiques promettent également aux gouvernements alors en difficulté la possibilité d’organiser le travail des autorités publiques de manière beaucoup plus économique. De nombreux acteurs technologiques sont également actifs dans le secteur militaire, ce qui leur permet de développer des armes de haute technologie sans être dérangés, mais aussi de concevoir tout un appareil de contrôle numérique.30

Des startups comme Uber qui promettaient de révolutionner l’industrie du taxi et de dominer leur marché en un rien de temps ont été les grandes gagnantes. Elles bouleversent un secteur existant grâce à une nouvelle technologie et tentent d’évincer « disruptivement » les anciens acteurs du marché en remportant la bataille des prix. Elles promettent à leurs financiers des profits monopolistiques à court terme, et aux gouvernements que les investissements dans les transports publics ne seront plus nécessaires.

Uber est un exemple instructif car l’entreprise n’a jamais réalisé de bénéfices.31 Afin de réaliser les profits futurs qu’elle promet à ses actionnaires, l’entreprise entre en collision avec le droit du travail et les services publics existants, qui sont meilleurs et moins chers. Ces deux éléments doivent donc être revus radicalement, et l’entreprise a beaucoup d’argent à dépenser pour y arriver. Elle mène ainsi une bataille intense contre l’obligation de reconnaître ses chauffeurs comme des salariés. Il est clair que si ses travailleurs devaient être considérés comme tels, c’est le modèle économique de Uber qui serait en danger, car les coûts salariaux seraient trop élevés. Récemment, Uber et consorts ont encore remporté une campagne dans l’État de Californie, qui vise à conférer aux travailleurs de plateformes, tels que leurs chauffeurs, un statut spécial, inférieur.32 L’entreprise a payé plus de deux cents millions de dollars pour cette campagne, un investissement lucratif sur le dos des chauffeurs.33 Dans le même temps, sous la pression de Uber, les autorités locales démantèlent presque complètement les transports publics, permettant ainsi à l’entreprise d’assurer pleinement son monopole.34 En Flandre également, le gouvernement flamand joue la carte des entreprises plateformes et de la « mobilité en tant que service », afin de supprimer des arrêts de bus et de laisser les transports publics locaux à des entreprises plateformes privées subventionnées.

Les entreprises Big Tech agissent comme des brise-glaces contre les lois sociales.

Les tactiques qu’utilise Uber pour assurer son pouvoir sont caractéristiques de la manière dont Big Tech façonne la société dans son intérêt. Et pour cela, elle se sert avidement des États bourgeois. Ainsi, la Big Tech est également devenue le plus grand lobbyiste auprès des institutions européennes, devant les compagnies pharmaceutiques et pétrolières.36 Ainsi, elle a récemment révélé son ambition d’investir massivement dans la production de ses propres puces informatiques européennes, afin de réduire sa dépendance à l’égard des entreprises extérieures à l’UE.37

Nous ne sommes qu’au début de la révolution numérique, mais nous la ressentons déjà fortement. Dans le monde entier, des gens se dressent contre le pouvoir croissant des entreprises plateformes. Bien que la technologie soit nouvelle, l’organisation reste la clé pour imposer de meilleurs salaires et conditions de travail et œuvrer pour une société à la mesure de la classe travailleuse. De ce point de vue, la technologie peut justement contribuer à l’émancipation de la classe travailleuse.

La lutte des classes à l’heure de la numérisation

Nous ne sommes qu’au début de la révolution numérique, dont les conséquences nous toucheront toutes et tous. La technologie des Big Tech donne à tous les capitalistes la capacité de nous contrôler davantage, de nous diviser et, surtout, d’exiger une part croissante de notre temps ; pendant la journée de travail, mais aussi sur notre temps libre. Cela ne fera que renforcer la vague de burn-out qui nous submerge déjà. En outre, il est illusoire de penser qu’elle ne concernera que les travailleurs âgés. Les jeunes doivent de plus en plus faire face au technostress, à la pression d’être toujours disponibles et de faire preuve de flexibilité pour répondre aux demandes du patron.38

La lutte pour la possession de la technologie et la manière dont elle est utilisée sont des aspects de plus en plus importants de la lutte des classes. La lutte pour la semaine de trente heures et contre la constante augmentation de la charge de travail y est directement liée. Cependant, cela concerne aussi de plus en plus la collecte des données sur les travailleurs et la manière dont les algorithmes utilisent celles-ci.

Les entreprises Big Tech en pleine croissance agissent également comme des brise-glaces contre les lois sociales. Dans les nouveaux secteurs créés par les entreprises plateformes, la technologie est utilisée pour contourner les lois sociales. Mais là aussi, la résistance grandit contre les conditions de travail précaires qu’elles imposent. Des chauffeurs de taxi manifestent à Barcelone et à Bruxelles contre Uber ; des préparateurs de commandes dans les entrepôts d’Amazon aux États-Unis et en Allemagne fondent des syndicats ; des coursiers de Deliveroo dans les centres-villes européens s’organisent pour exiger un statut de travail décent : la classe travailleuse résiste et c’est nécessaire.

Depuis plusieurs années, les syndicats belges ont des sections qui organisent les travailleurs de plateformes tels que les livreurs de repas et, aux niveaux européen et international, ils ont uni leurs forces pour lutter en faveur de meilleures conditions de travail pour les travailleurs de plateformes.39 Pour cela, ils se servent également de technologies numériques. Par exemple, le syndicat allemand IG Metal a créé la plateforme syndicale Fair Crowd Work.40 Cet outil permet aux crowdworkers d’attribuer une note aux plateformes et aux employeurs, et de se conseiller mutuellement sur la meilleure façon de travailler avec les plateformes. Il leur offre également un lieu pour rencontrer des collègues et s’organiser.

La lutte comporte également un enjeu démocratique. La technologie numérique permet une surveillance et un contrôle toujours plus poussés des citoyens par l’État, ce qui entraîne une atteinte toujours plus grande aux droits collectifs et individuels. Mais il s’agit aussi de savoir à qui appartiennent les données que nous produisons toutes et tous, et comment des algorithmes intelligents les utilisent pour maximiser les profits.

Enfin, il s’agit bien sûr d’une lutte à l’échelle planétaire. Non seulement les tentacules de Big Tech s’étendent à travers le monde pour exploiter les matières premières et la main-d’œuvre afin de développer de nouveaux produits et algorithmes mais, dans les pays du Sud, elles parviennent souvent à rendre toute une économie locale dépendante d’elles.41 En outre, l’impact climatique du secteur technologique augmente également.42

Les gouvernements européens sont sur le point d’injecter des centaines de milliards d’euros d’argent public dans l’économie numérique privée.

La numérisation exacerbe les contradictions fondamentales du capitalisme. La concentration de la richesse dans les mains de quelques-uns n’a jamais été aussi grande, et la production de cette richesse n’a jamais été aussi collective. Nous ne résoudrons pas ces contradictions au sein du capitalisme ; nous avons besoin d’un autre système : un socialisme dans lequel les plateformes numériques sont aux mains du public, l’accès est garanti pour toutes et tous, et les données sont gérées collectivement et démocratiquement ; un socialisme dans lequel la technologie peut être un élément clé pour organiser la production de manière démocratique, pour libérer du temps et rendre la démocratie participative ; mais aussi dans lequel l’innovation ne doit pas être axée sur la course au profit, mais sur les besoins des gens et de la planète.

Nous ne pouvons pas encore dire comment cela va prendre forme concrètement, mais nous pouvons déjà utiliser ces principes aujourd’hui pour défendre des projets publics concrets qui vont dans ce sens. Des projets qui, d’ailleurs, étaient beaucoup plus proches de nous dans les débuts d’Internet que nous ne pouvons l’imaginer aujourd’hui. À l’époque, les grands mastodontes privés ne le voyaient pas encore comme une vache à lait et Internet était un espace beaucoup plus ouvert.43 Il était encore possible de lancer des projets tels que Wikipédia, qui est aujourd’hui la plus grande encyclopédie du monde. Mais cela a également stimulé, par exemple, le mouvement open source, qui consiste à travailler ensemble dans le monde entier pour développer des logiciels libres et ouverts. Soit dit en passant, ces logiciels ont d’ailleurs servi de base à Android, le système d’exploitation qui fonctionne sur plus de 70 % des smartphones dans le monde.

Nous devons lutter pour le développement d’une infrastructure numérique publique moderne. Les gouvernements européens sont sur le point d’injecter des centaines de milliards d’euros d’argent public dans l’économie numérique, alors investissons-les dans des projets numériques publics. Par exemple, rendons public le nouveau réseau de fibre optique, qui est déployé partout en ce moment-même, et qui peut fournir à tout le monde un Internet super rapide. De cette manière, nous pourrons également garantir l’accès à Internet pour toutes et tous, et même le rendre gratuit. Nous pouvons également mettre en place un cloud public, afin de gérer nos données de manière démocratique et de disposer d’une infrastructure physique capable de soutenir les nouvelles plateformes numériques pour le bien public, plutôt que de devoir travailler uniquement selon les lois dictées par le marché privé.

Cela rendrait alors beaucoup de choses possibles. Nous pourrions lancer une puissante vague numérique créative, qui permettrait de mettre sur pied de nouveaux projets. Nous pourrions créer des plateformes de location permettant aux villes de réguler les prix des loyers ; des plateformes de transport public rendant les services accessibles mais fournissant également aux gouvernements des données leur permettant de démêler les nœuds de mobilité ; ou encore des plateformes capables d’analyser les données médicales de la population globale, tout en préservant la confidentialité de ces données, ceci afin de déployer des soins de santé préventifs. Ce ne sont là que trois exemples de ce qui serait possible si nous remettions les outils et le savoir-faire numériques entre les mains du public. La technologie intelligente n’est pas neutre. Utilisons-la au profit de l’être humain et de la planète, nous en avons besoin de toute urgence.

Footnotes

  1. « The 100 largest companies in the world by market capitalization in 2021 », Statista, mai 2021.
  2. Andy Merrifield, « Marx on technology », MR Online, 7 mai 2021.
  3. Karl Marx, Le Capital ; Critique de l’économie politique, Livre premier : Le développement de la production capitaliste, De Haan, Haarlem, 1981.
  4. Ibid, p. 275
  5. Mariana Mazzucato, De Ondernemende Staat, Nieuw Amsterdam, 2015.
  6. Jenny Chan, Mark Selden, Pun Ngai, Dying for an iPhone ; Apple, Foxconn and the lives of China’s workers, Haymarket, 2020.
  7. Richard Barbrook et Andy Cameron, « The Californian Ideology », Science as Culture 6.1, 1996, p. 44–72.
  8. Marx, p 285.
  9. « Digital labour platforms and the future of work : Towards decent work in the online world », ILO, 2018.
  10. Will Evans, « How Amazon hid its safety crisis », Reveal News, 29 septembre 2020.
  11. Les crowdworkers sont des personnes qui exécutent de petites tâches, comme décrire une photo, par l’intermédiaire de plateformes en ligne telles que Mechanical Turk d’Amazon, contre une petite rémunération. Leur travail est crucial pour le développement de l’intelligence artificielle.
  12. Michele Cantarella et Chiara Strozzi, « Workers in the crowd : The labour market impact of the online platform economy », Industrial and corporate change, mai 2019.
  13. Marx, ibid. p. 303.
  14. Marx, ibid. p. 334.
  15. Klaus Schwab, « The Fourth Industrial Revolution », Foreign Affairs, 12 décembre 2015.
  16. Matthew Cole, Hugo Radice, Charles Umney, « The Political Economy of Datafication and Work : A New Digital Taylorism ? », The Socialist Register, 2020.
  17. La loi de Moore stipule que le nombre de transistors, unités de calcul, dans les micropuces double tous les deux ans, et suit donc une tendance exponentielle.
  18. Emil Björnson et Erik Larsson, « How Energy-Efficient Can a Wireless Communication System Become ? », 2018 52nd Asilomar Conference on Signals, Systems, and Computers, 2018, pp. 1252-1256.
  19. Voir www.internetworldstats.com/stats.htm
  20. Ajay Raina et M. Palaniswami, « The ownership challenge in the Internet of things world », Technology in Society 65 101597, mai 2021.
  21. Francesca Bira et Evgeny Morozov, « Rethinking the smart city, Democratizing Urban Technology. », Rosa Luxemburg Stiftung, 2018. Voir aussi : Jathan Sadowski, Too Smart. How digital capitalism is extracting data, controlling our lives, and taking over the world, MIT Press, 2020.
  22. Will Douglas Heaven, « AI needs to face up to its invisible-worker problem », Technology Review, 11 décembre 2020.
  23. Vous trouverez ici une explication accessible des différents termes à la mode sur ce sujet, tels que « machine learning », « IA » et « deep learning » : www.datamation.com/artificial-intelligence/ai-vs-machine-learning-vs-deep-learning
  24. Artificial Intelligence in Society, OECD, 2019.
  25. Anderton et al, « Virtually everywhere ? Digitalisation and the euro area and EU economies », Occasional Paper Series, Banque centrale européenne, 2020.
  26. Kate Crawford, Atlas of AI, Yale University Press, 2021.
  27. Nick Srnicek, Platform Capitalism, Polity, 2016.
  28. Un effet de réseau est l’effet qui confère à un produit ou un service plus de valeur pour quelqu’un, à mesure qu’augmente le nombre d’utilisateurs du même produit ou service. Cela signifie également que lorsque quelqu’un commence à utiliser un produit ou un service, sa valeur pour les utilisateurs actuels augmente ou a le potentiel d’augmenter.
  29. Srnicek, ibid.
  30. Edward Ongweso Jr, « Big Tech Has Made Billions Off the 20-Year War on Terror », Vice, 21 septembre 2019.
  31. Mansoor Iqbal, « Uber Revenue and Usage Statistics (2021) », Business of Apps, 5 août 2021.
  32. Alex N. Press, « No Surprise, Uber and Lyft Lied About Helping Workers », Jacobin, 28 août 2021
  33. Alex N. Press, « Gig Companies Are Bringing the Disastrous Prop 22 to a State Near You », Jacobin, 16 août 2021.
  34. James Wilt, Do Androids Dream of Electric Cars ? Public Transit in the Age Google, Uber, and Elon Musk, Between The Lines, 2020.
  35. /note] Ces entreprises ont flairé la possibilité de se faire de l’argent dans les plans de relance de la Commission européenne, dont au moins 20 % devraient être consacrés à des projets numériques, et leurs « solutions intelligentes » sont adoptées par de plus en plus de décideurs politiques. Parallèlement, avec sa stratégie « Digital Europe », la Commission européenne veut percer dans le marché du numérique dominé par les mastodontes américains et asiatiques, en subventionnant des entreprises pour qu’elles deviennent des champions européens.35 « Le programme pour une Europe numérique », Commission européenne.
  36. « L’UE se dit prête à investir des fonds « importants » dans le secteur des puces », EURACTIV.com, 21 mai 2021.
  37. Stress 4.0 trifft vor allem die Jungen, Hans Böckler Stiftung, 2018.
  38. Anne Dufresne et Cédric Leterme, Travailleurs de plateforme. La lutte pour les droits dans l’économie numérique, rapport de la GUE/NGL, janvier 2021.
  39. Plus d’informations : faircrowd.work
  40. « Digital control : How Big Tech moves into food and farming (and what it means) », GRAIN, 21 janvier 2021.
  41. Cole, ibid.
  42. Robert McChesney, « Entre Cambridge et la Silicon Valley », Lava 6, 2018.