Le système est, après avoir tourné autour de l’opposition travail-capital, depuis quelques dizaines d’années sous le joug de la finance. Le règne de celle-ci s’affaiblissant, la course à sa succession est enclenchée.
Les chiffres de l’inflation globale (plus de 8 % aux États-Unis pour le troisième trimestre de 2022 et plus de 11 % dans l’Union européenne) recèlent des indices indéniables de l’émergence d’un nouveau régime macroéconomique. La flambée des prix contraste fortement avec les tendances déflationnistes qui ont suivi la crise financière de 2008 ou la « grande modération » des années 1990 et au-delà. Avec l’accélération de la hausse des prix au cours de l’année 2022, l ceux qui pensaient que l’inflation serait transitoire ont perdu en influence. En avril, la Banque des règlements internationaux (BRI) a fait le point1. Elle a mis en garde contre les débordements des prix entre secteurs et entre les prix et les salaires. Elle a par ailleurs averti que les facteurs structurels gardant jusqu’ici l’inflation à un faible niveau pourraient s’estomper avec le recul de la mondialisation. Le directeur général de la BRI a annoncé un virage politique : « L’ajustement à des taux d’intérêt plus élevés ne sera pas facile […] Et le changement de comportement nécessaire des banques centrales (BC) ne fera pas non plus l’unanimité. Mais les BC sont déjà passées par là. Elles savent très bien que les coûts à court terme en matière d’activité et d’emploi sont le prix à payer pour éviter des coûts plus importants à l’avenir2 ».
Les entreprises utilisent la hausse des coûts comme prétexte pour augmenter leur marge et empocher la différence.
Depuis lors, ses collègues, les banquiers centraux de la Federal Reserve (BC américaine), de la BCE et de la Banque d’Angleterre, ont promis de continuer à hausser les taux d’intérêt, tout en anticipant une hausse du chômage en raison d’une évolution mondiale vers ce régime monétaire plus strict3. Dans ses « perspectives économiques » pour 2023, le FMI a dressé un pronostic sombre : « Le ralentissement sera généralisé en 2023, des pays représentant environ un tiers de l’économie mondiale devant enregistrer une contraction de leur activité économique cette année ou l’année prochaine. La croissance dans les trois plus grandes puissances économiques, les États-Unis, la Chine et la zone euro, restera au point mort. De façon générale, les chocs de cette année vont rouvrir les plaies dont souffrait l’économie et qui ne s’étaient que partiellement cicatrisées après la pandémie. En somme, le pire reste à venir et, pour beaucoup, 2023 aura tout d’une récession4 ».
Cela annonce de lourdes difficultés pour les classes populaires et pour les pays à faible revenu avec de hauts niveaux de dette publique au bord du défaut. Mais en politique comme en finance, l’instabilité attise les enjeux. Nous entrons dans une période à haut risque, où il est important d’identifier la logique des mouvements tectoniques en cours. Les crises financières, écologiques et géopolitiques généralisées, exacerbées par les turbulences de la pandémie et de la guerre en Ukraine, alimentent l’instabilité actuelle. S’il s’agit bien de la toile de fond du retour de l’inflation, le phénomène a sa logique propre. Il implique trois mécanismes distincts, qui combinent différentes dynamiques politico-économiques : D’abord, la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales par la pandémie, provoquant des chocs et déséquilibres exogènes alors même que la demande était stimulée par un soutien massif de l’État. Il faut y ajouter un choc énergétique amplifié par la guerre en Ukraine5.
Ensuite, des luttes portant sur la répartition entre le capital et le travail, engendrées par la flambée initiale des prix et exacerbées par la baisse des salaires réels et les prix abusifs pratiqués par les entreprises.
Enfin, le détricotage d’une suraccumulation de capital fictif, qui donne à l’inflation son caractère structurel. Nous allons analyser chacun de ces facteurs. Mais d’abord, un petit rappel sur l’hégémonie de la finance. Le secteur financier a gagné en importance6avec l’épuisement de la dynamique de production dans les économies avancées, mais aussi avec la réorientation du capital. Celui-ci s’est en effet détourné de l’investissement productif national pour partir en quête de rendements plus élevés dans les profits financiers et dans les chaînes de production mondialisées, qui exploitent une main-d’œuvre moins chère.
Le crédit à effet de levier a donné un sursis aux économies moroses en stagnation, en stimulant la consommation plus que les salaires réels Mais l’autonomie de la finance est toute relative. Incapable de s’affranchir entièrement des réalités économiques de fond, elle procède par à-coups qui nécessitent toujours plus d’interventions publiques. Depuis l’effondrement de la bulle Internet en 2001, elle ne survit que grâce à un soutien politique continu. Cette finance hypertrophiée a cessé d’engendrer de l’accumulation (sauf, partiellement, dans le secteur du numérique). Au contraire, elle est devenue un poids mort pour l’ensemble de la reproduction sociale.
Mais la finance excelle dans l’art du chantage. Depuis la crise de 2008, elle survit sous perfusion monétaire des BC, conservant ainsi sa position hégémonique. Cela lui a également permis de continuer à procéder à des valorisations complètement déconnectées de la réalité, comme cela a été démontré en mars 2020, quand le crash financier qui aurait logiquement dû avoir lieu suite au confinement a été évité seulement par des rachats massifs et concertés de titres financiers par les BC.
Mais dans le nouveau contexte inflationniste, cette garantie monétaire est en train de se heurter aux limites de son efficacité. Car si les BC continuent à réduire leur soutien monétaire, cela débouchera sur une crise financière de grande ampleur. On s’attend donc plutôt à une dévaluation réelle des actifs financiers en raison d’un ralentissement de la crise. Cela se manifesterait par une inflation permanente dont le rythme pourrait être modéré, mais avec des implications structurelles inévitables. Si l’hégémonie de la finance est sur le déclin, à qui ira le trône devenu vacant ? Les travailleurs et les écologistes devront se battre pour le conquérir ensemble.
Chocs et déséquilibres
Les causes immédiates du retour de l’inflation sont peu controversées : elles sont dues aux coûts7. Lorsque les confinements et les restrictions liés au Covid-19 ont frappé les usines et le système de transport international, la « gestion des stocks des entreprises » en flux tendu s’est avérée être un handicap coûteux8. La structure inflexible des chaînes d’approvisionnement a privé les réseaux complexes de production et de logistique de toute marge de manœuvre. Cela a fortement contribué à propager l’onde de choc lorsque, avec la propagation du virus, les usines ont fermé, les livraisons ont été suspendues, les travailleurs sont restés chez eux et les ports se sont vidés. Une fois rompus, ces liens se sont avérés difficiles à réparer.
Il faut adopter des mesures disciplinaires envers le capital, en plafonnant la hausse des prix en fonction de la dynamique des coûts de production.
En outre, les entreprises se sont adaptées stratégiquement à la situation, resserrant encore les goulets d’étranglement, avec un « effet boule de neige ». Les pénuries initiales les ont menées à anticiper de futurs problèmes d’approvisionnement et, donc, à se constituer des stocks de secours tout au long de la chaîne d’approvisionnement9. Ces contraintes sont restées d’actualité jusqu’en 2022 en raison des confinements stricts de la Chine, qui ont touché les principaux centres de production mondiaux.
Entre-temps, les économies des pays capitalistes avancés ont été inondées de liquidités via des interventions publiques vigoureuses destinées à empêcher une spirale d’appauvrissement et de faillites en masse. Aux États-Unis, l’extraordinaire relance budgétaire, observée entre mars 2020 et mars 2021, a dépassé les 5.000 milliards de dollars, soit un quart du PIB. L’UE aussi a connu une réponse budgétaire forte, bien qu’elle ait été deux fois moins importante en pourcentage du PIB.
Ce stimulus inédit a permis à la demande de rebondir très rapidement, stimulée par l’accumulation d’épargne de la moitié la plus riche de la population, après des mois de consommation apathique, dans ce climat de confinements et de restrictions. La poussée quantitative de la demande a été amplifiée par un changement qualitatif. En adaptant leurs dépenses aux normes sociales, les consommateurs ont déplacé la demande de services vers les produits manufacturés, accentuant la pression sur les usines, les transports et les services de vente au détail.
Le magazine professionnel de l’industrie automobile, Motor Trend, dépeint un exemple parlant des mécanismes qui ont fait flamber les prix dans ce secteur : « La crise remonte à mars 2020, lorsque la pandémie a obligé les constructeurs automobiles à fermer des usines et à suspendre temporairement les commandes des fournisseurs. En même temps, le secteur de l’électronique faisait face à une demande accrue de téléphones portables, de téléviseurs, d’ordinateurs, de jeux et d’appareils ménagers de la part de clients confinés chez eux. Les fabricants de puces ont réorienté leur approvisionnement vers l’industrie électronique, qui s’est également montrée disposée à payer plus cher pour les plaquettes de silicium. Lorsque l’industrie automobile a repris ses activités plus tôt que prévu, à l’été 2020, elle a constaté que les puces nécessaires n’étaient pas disponibles et que les fournisseurs se satisfaisaient de leurs contrats plus lucratifs avec d’autres clients. De grosses commandes ne se préparent pas du jour au lendemain; il faut environ trois mois pour fabriquer le plus basique des semi-conducteurs10. »
Privés de ces composants indispensables, les constructeurs automobiles n’ont pas été en mesure de répondre à l’explosion de la demande. Malgré l’assouplissement des restrictions sanitaires en 2021, le nombre d’immatriculations de voitures neuves aux États-Unis a plongé à un niveau inédit depuis les années 1950. On estime le déficit de production au niveau mondial à plus de 11 millions de véhicules et les pertes pour le secteur de 210 milliards de dollars11.
Cette situation avec les semi-conducteurs illustre un point plus général. Les goulets d’étranglement ont été particulièrement graves dans les industries de base telles que les matières premières, l’énergie et les transports. Bien que chaque cas ait sa dynamique propre, une flambée des prix des produits de base se répercute sur l’ensemble de l’économie.
Prenons le cas des prix de l’énergie, qui alimentaient déjà l’inflation avant l’invasion de l’Ukraine. Mettre encore plus la pression sur des marchés déjà tendus en raison du défi de la transition carbone a eu des conséquences considérables12. Les prix ont flambé dès que les marchés européens ont dû se détacher de l’énergie russe. La hausse des coûts et la spéculation ont dégringolé des chaînes de production jusqu’aux consommateurs. Résultat : en octobre 2022, les taux d’inflation annuels atteignaient 11,6 % en Allemagne, 12,6 % en Italie et plus de 20 % dans les pays baltes.
La balance commerciale de la zone euro s’est effondrée, passant d’un excédent structurel à un déficit marqué. Cela montre que l’explosion des prix de l’énergie coûte à l’ensemble de l’économie européenne, avec pour corollaire des conditions commerciales moins favorables14. Les pays exportateurs de pétrole comme l’Arabie saoudite et, ironie du sort, la Russie, enregistrent quant à eux des excédents commerciaux records.
Les politiques de prix, de crédit et d’investissement redeviennent des instruments légitimes que les gouvernements peuvent déployer.
Si les seules causes de la hausse actuelle de l’inflation étaient les confinements et la guerre, le phénomène ne serait que temporaire. Il pourrait même s’inverser dangereusement, avec une baisse des prix rapide une fois les pénuries éliminées et les chaînes d’approvisionnement réalimentées. Et un cessez-le-feu et des négociations pour mettre fin à la guerre en Ukraine pourraient éventuellement calmer les prix de l’énergie, voire les faire s’effondrer si l’économie chinoise ralentit.
Mais si l’inflation trouve bel et bien son origine dans des déséquilibres temporaires entre secteurs, on ne peut pas faire grand-chose à court terme pour accroître l’offre15. Cela ne veut pas dire que l’inflation galopante est indolore, ni que l’austérité ou l’attentisme sont les seules voies de salut. Disons plutôt que la rigueur budgétaire ou monétaire n’est pas une solution satisfaisante à l’inflation à court terme, due à la pression des coûts, auquel elle ne fera qu’ajouter des souffrances inutiles16.
Pour les entreprises, cependant, une période d’inflation engendrée par les coûts est une occasion rêvée de pratiquer des prix abusifs. Les producteurs des secteurs concernés profitent de ces goulets d’étranglement en augmentant leur marge. Les profits exceptionnels des entreprises du secteur de l’énergie et du transport maritime en sont un bon exemple. De tels comportements perturbent encore plus les choses : non seulement les pénuries réelles sont problématiques, mais les acheteurs voient aussi leur bilan se détériorer en raison de ces factures en hausse, qui se répercutent sur l’ensemble de l’économie et compriment les revenus réels, ce qui mène, au bout du compte, à la stagnation.
L’assaut du capital
Une variation du niveau des prix n’est jamais répartie de manière homogène entre les secteurs et les acteurs. Elle entraîne toujours un changement dans les prix relatifs : certains secteurs et acteurs se retrouvent perdants et d’autres gagnants. Nous voyons ici les signes de l’émergence d’un nouveau régime macroéconomique. Les données des deux dernières années indiquent que le capital est passé d’une instrumentalisation de chocs sectoriels à une attaque généralisée contre les revenus du travail.
Tirant parti de leur pouvoir sur le marché, les entreprises prétextent la flambée des coûts pour augmenter leur marge bénéficiaire. Elles le reconnaissent d’ailleurs franchement lorsqu’elles s’adressent aux investisseurs. Andre Schulten, PDG de Procter & Gamble, explique qu’en « s’appuyant sur les forces de ses marques », P&G « met en œuvre de manière réfléchie des augmentations de prix adaptées ». Miguel Patricio, PDG de Kraft, Heinz, s’attend à « continuer à pratiquer une tarification positive17 ».
Entre-temps, il faut du temps aux syndicats pour réagir à cette nouvelle situation. L’affaiblissement du mouvement syndical depuis plusieurs décennies permet aux entreprises d’avoir un train d’avance. Lorsque les syndicats réclament des augmentations salariales, ils ont des mois de retard. Les entreprises empochent ainsi la différence, ce qui augmente le taux d’exploitation général de la main-d’œuvre. Les profits des entreprises étasuniennes ont explosé. 2021 a été leur meilleure année depuis 1950. Les plus grandes entreprises distribuent des dividendes records, poussant la tendance observable avant la pandémie à de nouveaux sommets18.
Pour les travailleurs du pays, les conséquences directes ont été mitigées. D’une part, les salaires réels des travailleurs ont baissé : le salaire horaire moyen du secteur privé étasunien a diminué de 4,2 % entre janvier 2021 et octobre 2022. D’autre part, les revenus du travail ont été compensés par d’énormes transferts fiscaux pendant la pandémie. Le plan de relance Trump-Biden a non seulement sauvé les niveaux de profit et enrichi les plus riches, mais il a aussi aidé les travailleurs les plus pauvres à faire face à la flambée des prix, dans un contexte où le pouvoir de négociation des travailleurs n’était pas suffisant pour défendre leur part du gâteau. Globalement, malgré la baisse des salaires réels, cela a contribué à rendre la dynamique de l’emploi plus favorable aux travailleurs à bas salaires19.
En Europe, les profits des entreprises ont également grimpé en flèche, soutenus par les marchés de l’énergie20. Mais la situation a été bien pire pour les travailleurs en raison à la fois de politiques macroéconomiques moins favorables qu’aux États-Unis et d’une plus grande exposition au choc énergétique dû à la séparation avec la Russie. La BCE avertit que la zone euro est en pleine crise du coût de la vie, avec une baisse des salaires réels de plus de 4 % entre l’été (T3) 2021 et le printemps (T2) 2022. L’inflation a également plus durement touché les plus pauvres, dont les coûts de consommation augmentent plus rapidement que ceux des plus riches21.
On est, dans une certaine mesure, face à un mouvement autonome d’accélération des prix dans la zone euro, au-delà des chocs d’approvisionnement. Il ne s’agit donc pas d’une spirale prix-salaires mais d’une spirale profit-prix, qui appelle non pas une rigueur monétaire mais une politique disciplinaire sur le capital, avec un plafonnement de la hausse des prix lié à la dynamique des coûts de production. Inversement, il faut avant tout, pour défendre la classe travailleuse, agir sur les salaires et les avantages sociaux. Il faut aussi porter une attention toute particulière aux modèles de consommation réels qui se dissimulent derrière l’indice des prix et préserver le caractère abordable des biens et services essentiels.
La finance sous pression
L’inflation représente un double problème pour la finance. D’une part, elle exige une politique monétaire restrictive (c’est-à-dire, une augmentation des taux d’intérêts et la fin du recours à la planche à billets). Or, une réduction des liquidités priverait les marchés financiers du soutien continu qu’ils ont reçu au fil des ans sous forme de renflouements et d’assouplissement quantitatif. Elle pourrait provoquer un assèchement soudain des liquidités et le début d’un mouvement de panique financière22. D’autre part, l’inflation dévalorise le prix de la dette accumulée et le taux d’intérêt réel, donnant l’avantage au débiteur dans sa relation avec le créancier. L’érosion de la valeur de la dette signifie que le montant que doit rembourser le débiteur diminue en termes réels, appauvrissant d’autant les créanciers, propriétaires des actifs financiers.
Tirant parti de leur pouvoir sur le marché, les entreprises prétextent la flambée des coûts pour augmenter leur marge bénéficiaire.
Dans un cas comme dans l’autre, l’hégémonie financière diminue. Pour le secteur dans son ensemble, le problème de l’inflation revient à choisir entre un incendie violent ou une maladie en phase terminale qui tire en longueur. Toutefois, il y a de sérieuses raisons de douter que nous allons revivre une rigueur monétaire durable. Malgré la hausse des taux imposée par les BC, le coût réel des emprunts (c’est-à-dire le taux d’intérêt nominal moins le taux d’inflation) est toujours largement négatif de part et d’autre de l’Atlantique. Et pourtant, des signaux de détresse financière deviennent déjà visibles. L’indice Goldman Sachs, qui reflète la disponibilité du financement atteint des niveaux jamais vus depuis la débâcle de l’année 200923. Si les BC veulent éviter de provoquer une crise financière, elles devront donc changer de cap.
C’est ce qu’invite notamment à penser une intervention de la Banque d’Angleterre de cet automne, qui en quelques heures, a laissé tomber la rigueur monétaire pour remettre en place d’urgence un programme de rachat d’actifs. Ce soutien monétaire a été jugé nécessaire pour contrer la hausse du coût de la dette publique britannique et la dévaluation de la livre sterling, qui mettaient sous haute pression les finances des fonds de pensions britanniques et du gouvernement Sunak.
Même si personne ne sait d’où viendra la prochaine déflagration, il est certain qu’il y a d’autres bombes à retardement qui pourraient exploser. Les marchés immobiliers, en particulier, sont une grande source d’inquiétude. Et si ces risques se concrétisent, on peut tenir pour acquis que les BC voleront toujours, en cas de besoin, au secours d’un système financier non bancaire dopé à l’effet de levier.
La BCE a d’ailleurs fait un pas préventif dans cette direction en juillet 2022 lorsque, en plein cycle de rigueur monétaire, elle a mis en place un « instrument de protection de transmission » pour soutenir la dette publique des États membres, de peur que celle-ci ne subisse le même type de pression que pendant la crise de l’euro. En prenant cette décision, elle a reconnu implicitement la primauté de la stabilité financière sur celle des prix24.
De plus, pour certains acteurs importants, l’inflation n’est pas forcément la pire option. En effet, les grands gestionnaires d’actifs (tels que BlackRock, Vanguard, State Street…) ne craignent pas autant l’inflation que les banques et autres prêteurs à long-terme. Ils la préféreraient d’ailleurs à une flambée des taux d’intérêt. Selon un analyste de BlackRock25, tant que l’inflation reste « ancrée » (c’est-à-dire, tant que les salaires ne rattrapent pas les prix), l’inflation résultant de la réaffectation sectorielle devrait rester sous contrôle. Surtout, ce qui intéresse le plus ces gestionnaires d’actifs, ce sont les prix globaux des actifs, car leurs commissions sont calculées sur base d’un pourcentage de la valeur des actifs de leurs clients. Cela explique la préférence de BlackRock pour des politiques macroéconomiques qui maintiennent les prix des actifs au plus haut, comme cela a été illustré par son lobbying persistant et stratégique pour les politiques d’expansion monétaire (= rachats d’actifs financiers par les BC)27. Les gestionnaires d’actifs préféreraient donc une posture plus accommodante de la part des BC. Or ils entretiennent des liens très profonds avec celles-ci.
Peut-on mesurer le déclin de la finance ? Tant au sein du capital que vis-à-vis du travail et de l’État, l’hégémonie financière ne peut être réduite à un seul indicateur. Cependant, on peut déjà commencer à estimer son intensité. La volte-face des marchés boursiers, après une décennie de hausse, a été une première indication. Sur un an à compter de novembre 2021, l’indice étasunien FT Wilshire 5000 a chuté de 17,5 %. En pourcentage du PIB, cette évolution est encore plus remarquable : aux États-Unis, la capitalisation boursière totale est passée de 200 % du PIB à 150 %, soit un niveau inférieur à celui d’avant la pandémie26. La tendance est similaire en Europe : le STOXX Europe 600 a perdu 12,6 % sur la même période. De manière plus spectaculaire, l’effondrement des marchés des cryptomonnaies (où s’échange la catégorie d’actifs la plus spéculative) reflète la fermeture brutale des nouvelles frontières de la finance. Une autre indication de l’affaiblissement de la position de la finance : aux États-Unis, les profits totaux du secteur financier sont passés d’une part maximale de 27 % début 2019 à seulement 15 % au deuxième trimestre de 2022. Dans la zone euro, ils sont passés de 10 à 6 %.
Et, bien sûr, l’inflation, en tant qu’assèchement financier, est aggravée par une politique monétaire plus restrictive. Il semble probable que le choc des rigidités de l’économie mondialisée révélées pendant la pandémie, combiné à la montée des tensions géopolitiques, ait contribué à réévaluer les mérites du secteur, amenant tant les décideurs politiques que les capitalistes prudents à le déclasser dans une certaine mesure. La législation fédérale, via les lois sur les soins, les infrastructures et les puces électroniques, a entretemps injecté des capitaux dans le secteur productif.
Leçons provisoires
En 1879, au plus profond de la longue dépression, Marx plaisantait en disant qu’il était nécessaire d’étudier le cours des choses jusqu’à leur maturité avant de pouvoir les « consommer de manière productive, c’est-à-dire de manière théorique27 ». Une même mise en garde s’impose ici; il est encore trop tôt pour prononcer un verdict sur la logique sous-jacente de la conjoncture hautement volatile que nous vivons actuellement. Nous avons encore beaucoup à apprendre. Mais on peut déjà tirer trois leçons provisoires, comme un bilan intermédiaire de l’année écoulée.
Un tournant vers la planification démocratique représenterait une revanche pour la valeur d’usage contre la valeur d’échange.
Premièrement, au sujet de la politique de la stratégie monétaire par rapport au contrôle des prix: Isabella Weber a eu raison d’affirmer que la rigueur monétaire était une réponse erronée et néfaste à l’inflation par les coûts; les contrôles stratégiques des prix sont un moyen plus efficace d’empêcher l’inflation de s’emballer sans faire s’effondrer l’économie28. Bien qu’ils ne soient pas une panacée, ils ont prouvé leur valeur à maintes reprises comme outil de gestion des dommages. Si l’argument de Weber a d’abord été attaqué par des gens comme Paul Krugman, il a depuis suscité un grand intérêt.
Pour les dirigeants européens, coincés entre leurs engagements envers l’OTAN et la crise du coût de la vie qui ravage leurs électorats, les exigences de la conjoncture ont constitué une dure leçon concernant un élément tenace de la sagesse économique dominante. La politique des prix fait son retour pour faire face à la crise énergétique, ce qui constitue une sorte de volte-face idéologique29. La reconnaissance du fait que les prix ne sont pas des phénomènes naturels, mais qu’ils peuvent et doivent être gérés afin d’éviter toute souffrance inutile, pourrait avoir des implications considérables. Les politiques de prix, de crédit et d’investissement redeviennent des instruments légitimes que les gouvernements peuvent déployer. Cette dénaturalisation du marché rouvre considérablement l’espace politique.
Il est vrai que l’UE a eu du mal à se mettre d’accord sur un mécanisme de contrôle des prix, mais Bruxelles est en train de passer un point de non retour. Puisque le plafonnement des prix doit être complété par des mécanismes non tarifaires pour réduire la demande et éviter d’aggraver les pénuries, une certaine politisation de l’allocation des ressources est inévitable. C’est là une voie aux antipodes du principe néolibéral. Lorsque le marché s’effondre, il faut négocier « des objectifs clairs et une répartition équitable des charges », afin que la demande s’adapte à la contrainte de l’offre, en utilisant des outils tels que la tarification progressive et la planification prioritaire de la distribution en cas de tension majeure30. Les négociations de ce type deviennent aujourd’hui une réalité en Europe.
L’effondrement des marchés des cryptomonnaies reflète la fermeture brutale des nouvelles frontières de la finance
La deuxième leçon de la nouvelle inflation s’inspire de Michał Kalecki. Dans un modèle de 1962, l’économiste polonais a identifié une triple dynamique de distribution des revenus qui permet d’éclairer l’expérience de l’année écoulée. Kalecki a souligné le caractère de classe de l’inflation : l’augmentation des profits des grandes entreprises, la baisse des salaires réels et l’appauvrissement (relatif) des rentiers31. Comme il l’a fait remarquer : « les salaires réels sont généralement en baisse et le fait que leur niveau est bien inférieur à la normale peut être constaté dans la répartition du produit national […] Un autre phénomène qui s’y reflète est l’appauvrissement des rentiers. En contrepartie, les entrepreneurs en général et les grandes entreprises en particulier réalisent des bénéfices énormes32
». Ainsi, l’un des traits caractéristiques de la conjoncture est l’envolée des profits accompagnée d’une baisse de la valeur des actifs. Cela a deux conséquences. Premièrement, la bataille pour des augmentations salariales réelles est une urgence absolue. Mais, deuxièmement, il ne faut pas la confondre avec une hostilité générale à l’égard d’une inflation modérée et de son aspect anti-rentier.
La troisième leçon à retenir, celle de Suzanne de Brunhoff, est que la persistance de l’inflation peut avoir une dimension monétaire.33 Comme elle l’expliquait à la fin des années 1960, « aucune politique monétaire ne peut supprimer les causes économiques des tensions financières; l’autonomie relative, qui permet à la politique monétaire d’avoir un effet fixe également les limites de son champ d’action34 ». Depuis 2008, les BC ont soutenu la valeur des actifs financiers grâce à leurs politiques monétaires expansives. Elles ont fourni une validation monétaire des anticipations privées des propriétaires d’actifs financiers, anticipations qui concernent une valorisation future réelle et reposent sur une multiplicité de processus de travail incertains et dispersés qui n’ont pas encore eu lieu. Comme cet activisme monétaire ne s’est pas accompagné d’une poussée de l’investissement productif, l’antévalidation, ou validation provisoire, a largement dépassé la capacité effective du système à générer de la plus-value.
La recrudescence actuelle de l’inflation révèle que la validation monétaire du capital financier par les BC était, en fait, une pseudo-validation. C’est à cela que se référait de Brunhoff lorsqu’elle écrivait que « l’inflation a formellement les caractéristiques d’une crise [financière] », mais que « l’effet de la non-validation est édulcoré et étendu35 ». En d’autres termes, l’inflation est une crise financière au ralenti.
Dans une telle perspective, le contexte de la nouvelle inflation ne se limite pas à la conjonction de la pandémie, des tensions matérielles issues de la transition verte et de la guerre en Ukraine. Il s’agit aussi, dans une certaine mesure, d’un effet retardé dans le système monétaire de la crise financière de 2008 et du boom financier qui l’a suivie dans les années 2010, alimenté par des politiques monétaires non conventionnelles. Grâce à la dévaluation actuelle des actifs financiers, le capital fictif suraccumulé est lentement digéré. Il est concevable que la grande « contraction des marchés financiers » qui n’a que trop tardé depuis 2008 puisse se produire de manière relativement ordonnée36.
Selon Althusser, le cadre régulationniste propose que le capitalisme « ait l’unité d’une structure dominante »37. Si l’évolution de la productivité et des salaires et travail était lié dans l’après-guerre, le système est, depuis quelques dizaines d’années, sous le joug de la finance. Le règne de celle-ci s’affaiblissant, la course à sa succession est enclenchée. Quel pourrait être le prochain pilier de la structure ? Ce n’est pas clair et n’a pas encore été décidé. L’étendue des monopoles intellectuels pourrait constituer un point d’ancrage systémique, conduisant à un mode de production « techno-féodal » régressif38. Certains membres de la communauté des investisseurs espèrent peut-être plutôt que la répression financière et le dirigisme économique permettront un rebond productiviste de l’accumulation39. La gauche veut autre chose : Après des décennies de délire sur les marchés boursiers, un tournant vers la planification démocratique (canaliser les investissements en fonction des besoins sociaux et des limites écologiques) représenterait une revanche pour la valeur d’usage contre la valeur d’échange.
Version raccourcie de Cedric Durand, « The End of Financial Hegemony? », New Left Review, 138, nov-déc 2022.
Footnotes
- La Banque des règlements internationaux, créée dans l’entre-deux-guerres pour gérer le remboursement des dettes de guerre européennes, est une institution détenue par les banques centrales et fonctionne comme un intermédiaire entre celles-ci.
- Agustín Carstens, « The Return of Inflation », BIS, 5 avril 2022.
- Howard Schneider et Ann Saphir, « Fed Delivers Another Big Rate Hike; Powell Vows to ‘Keep at It’ », Reuters, 22 septembre 2022.
- Pierre-Olivier Gourinchas, « Alors que l’horizon s’assombrit, les décideurs doivent garder le cap », IMF, 11 octobre 2022.
- La production, le commerce et les investissements internationaux sont de plus en plus organisés au sein de ce que l’on appelle les chaînes de valeur mondiales (CVM). Ici, les différentes étapes du processus de production s’étendent sur plusieurs pays. La mondialisation incite les entreprises à restructurer leurs opérations à l’échelle internationale en externalisant et en délocalisant leurs activités. Les entreprises tentent d’optimiser leurs processus de production en répartissant les différentes étapes sur plusieurs sites. Au cours des dernières décennies, on a observé une forte tendance à l’internationalisation des activités de la chaîne de valeur, telles que la conception, la production, le marketing, la distribution, etc.
- De la libéralisation des taux de change après 1971 et de la déréglementation des grands fonds d’épargne, à la croissance spectaculaire du shadow banking, des produits dérivés et des opérations de change, ainsi qu’à l’explosion de la dette publique et privée.
- Dans l’économie dominante, l’inflation par les coûts, par opposition à l’inflation par la demande, tente d’expliquer l’inflation en mettant en avant l’augmentation du coût des produits de base et des salaires, qui est répercutée sur les prix de vente.
- Ben Bernanke, « The Great Moderation », discours prononcé devant l’Eastern Economic Association, Washington, DC, 20 février 2004; disponible sur le site Web de la Réserve fédérale.
- Daniel Rees et Phurichai Rungcharoenkitkul, « Bottlenecks: Causes and Macroeconomic Implications », BIS Bulletin, n° 48, 11 novembre 2021.
- Alisa Priddle, « What Happened with the Semiconductor Chip Shortage-and How and When the Auto Industry Will Emerge », Motor Trend, 27 décembre 2021.
- Données : OCDE et Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA).
- Cédric Durand, « Energy Dilemma », New Left Review –Sidecar, 5 novembre 2021.
- Alors que la balance commerciale de la zone euro entre 2000 et 2020 oscillait entre la neutralité et un excédent net de 20 millions d’euros, elle s’est effondrée avec un déficit de près de 50 millions d’euros après l’invasion russe.13Alors que la balance commerciale de la zone euro entre 2000 et 2020 oscillait entre la neutralité et un excédent net de 20 millions d’euros, elle s’est effondrée avec un déficit de près de 50 millions d’euros après l’invasion russe.
- C’est ce qu’a initialement reconnu la directrice de la BCE, Isabel Schnabel. « Nous ne pouvons pas faire grand-chose contre l’inflation élevée actuelle », a-t-elle déclaré au Financial Times. « Même si nous augmentons les taux maintenant, cela ne fera pas baisser les prix de l’énergie d’aujourd’hui » : interview, 15 février 2022; disponible sur ecb.europa.eu.
- Dans ces circonstances, comme nous le verrons plus loin, le contrôle stratégique des prix est un bien meilleur moyen d’empêcher l’inflation de s’emballer, sans pour autant faire s’effondrer l’économie. Voir l’argument convaincant d’Isabella Weber, « Could Strategic Price Controls Help Fight Inflation? », The Guardian, 29 décembre 2021.
- Dion Rabouin, « Big Companies Thrive During Periods of Inflation », Wall Street Journal, 10 février 2022.
- Pour les bénéfices : Matthew Boesler, « Profits Soar as us Corporations Have Best Year Since 1950 », Bloomberg, 30 mars 2022; Edward Yardeni et Joe Abbott, « S&P 500 Sectors & Industries Profit Margins (quarterly) », Yardeni Research, 28 novembre 2022. Pour les dividendes, voir « Janus Henderson Global Dividend Index », n° 36, novembre 2022, disponible sur janushenderson.com.
- Voir U.S. Bureau of Labor Statistics; Thomas Blanchet, Emmanuel Saez, Gabriel Zucman, Realtime Inequality database, Dept of Economics, Berkeley CA.
- Tajinder Dhillon, « STOXX 600 Q2 2022 Earnings Halfway Review: Growth Remains Resilient », Lipper Alpha Insight, 11 août 2022.
- Isabel Schnabel, « Monetary Policy in a Cost of Living Crisis », remarques lors d’un panel sur la « Lutte contre l’inflation » à la IV Edition Foro La Toja, 30 septembre 2022; disponible sur ecb.europa.eu.
- Un analyste du secteur ne mâche pas ses mots face à ce dilemme : « Dans un monde inflationniste, les banques centrales doivent se concentrer sur l’ancrage des anticipations d’inflation. Cela signifie que les préoccupations relatives à la stabilité financière, même si elles sont pertinentes pour les perspectives de croissance, deviennent secondaires. Cette situation est différente de celle que nous avons connue au cours des 20 à 30 dernières années, lorsque les banques centrales intervenaient toujours en cas de tensions significatives sur les marchés financiers » : Jens Nordvig, « Money Inside and Out », Exante Data, 16 octobre 2022.
- Davide Barbuscia et Lewis Krauskopf, « Analysis: Worries over Global Financial Stability Mount as Central Banks Tighten Policy », Reuters, 13 octobre 2022.
- Voir respectivement : Jamie McGeever, « Rare Swiss franc stress reflects deeper market strains », Reuters, 18 octobre 2022; Daniela Gabor et Jakob Vestergaard, Towards a Theory of Shadow Money, Institute for New Economic Thinking, avril 2016; ECB, 21 juillet 2022.
- Blackrock est le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, puisqu’il gère 10 000 milliards de dollars d’actifs.
- Données de Wilshire Associates et du Bureau of Economic Analysis des États-Unis.
- Marx à Nikolaï Danielson, 10 avril 1879, dans Marx et Engels, Correspondances, Moscou 1975.
- Weber, « Could Strategic Price Controls Help Fight Inflation ? ».
- Une illustration : Mario Draghi, alors qu’il était encore Premier ministre italien par intérim, a lancé une attaque cinglante contre Ursula von der Leyen, affirmant qu’en ne faisant rien pour réduire le lien entre les prix du gaz et de l’électricité, l’UE avait « commis une erreur colossale » et « appauvri des millions de personnes » : Virginie Malingre, « L’Europe peine à s’entendre sur un plafonnement du prix du gaz », Le Monde, 13 octobre 2022.
- Karsten Neuhoff et Isabella Weber, « Can Europe Weather Looming Gas Shortages »,Project Syndicate, 2 mai 2022.
- Michal Kalecki était un économiste marxiste polonais. Connu pour son intérêt pour la demande d’investissement et le cycle économique, il est arrivé indépendamment à des conclusions similaires à celles de Keynes. Dans son ouvrage « Political Implications of Full Employment », il a imprégné une étude des politiques du marché du travail sous le capitalisme d’une analyse de classe absente de la pensée économique dominante.
- « A Model of Hyperinflation », The Manchester School, vol. 30, n° 3, septembre 1962,p. 275-281.
- Suzanne de Brunhoff était membre du parti communiste français et économiste marxiste. Elle a publié de nombreux ouvrages sur la relation entre la masse monétaire, l’État et les écrits de Marx lui-même. Cfr The State, Capital and Economic Policy, Pluto Press, 1978.
- Suzanne de Brunhoff, Marx on Money, traduit par Maurice Goldbloom, London et New York 2015, p. 126; d’abord publié sous le nom La Monnaie chez Marx, Paris 1973.
- Suzanne de Brunhoff, Les Rapports d’argent : intervention en économie politique, Grenoble 1979, p. 126.
- James Crotty, « Structural Causes of the Global Financial Crisis: A Critical Assessment of the ‘New Financial Architecture’ », Cambridge Journal of Economics, vol. 33, n° 4, juillet 2009.
- La théorie de la régulation est un cadre d’analyse marxien du capitalisme développé par des économistes français depuis les années 70.
- Durand, « Scouting Capital’s Frontiers », New Left Review 136, juillet-août 2022. Le néologisme « techno-féodal » fait référence à une resocialisation de la production en contraste avec la structure de production privée du capitalisme, mais sous un régime régressif.
- Russell Napier, « We Will See the Return of Capital Investment on a Massive Scale », The Market nzz, 14 octobre 2022.