Article

Vers un financement solidaire en Belgique fédérale

Damien Piron

+

Mathieu Strale

—22 mars 2024

Ce ne sont pas les transferts entre Régions qui sont importants dans les finances belges, mais la discipline d’austérité bien ancrée de la répartition du budget. Ou comment le “I want my money back” de Thatcher résonne dans les débats budgétaires en Belgique.

La question budgétaire occupe l’actualité belge. Que ce soit au sujet de l’état de la dette de l’État fédéral ou des Régions et des dépenses publiques qui deviendraient intenables ou du retour des règles budgétaires européennes, le discours dominant pousse à un retour de l’austérité comme seule alternative. Pourtant, la répartition du financement fédéral belge est le résultat de choix politiques: comment sont financés les budgets publics? Quel est le rôle de la dette pour «discipliner» les gouvernements? Comment la répartition des moyens entre l’État fédéral et les Régions et Communautés s’oppose-t-elle aux choix démocratiques?

Pour éclairer ces questions, nous avons interviewé Damien Piron. Ses travaux explorent la reconfiguration néolibérale de l’État belge à travers le domaine des finances publiques. Dans son travail de thèse en sciences politiques, il mettait en évidence la dimension politique de la répartition du budget fédéral belge, en particulier en étudiant la Loi Spéciale de Financement (LSF). On peut considérer la LSF comme la «colonne vertébrale de la répartition des moyens entre l’État fédéral, les Régions et les Communautés en Belgique» explique Piron. «J’ai tenté de reconstruire les causes et conséquences politiques de ce financement, alors que l’essentiel de la littérature sur le sujet étudie ces questions sous l’angle économique ou juridique.»

MATHIEU STRALE Justement, dans votre travail vous insistez sur le fait que le cadre idéologique dans lequel vont se dérouler les négociations sur la répartition des budgets au sein de la future Belgique fédérale commence à être fixé bien avant que l’on parle de réformes de l’État belge.

DAMIEN PIRON En effet, on voit que dès les années 1950, des économistes vont commencer à étudier la question budgétaire en Belgique sous l’angle des transferts interrégionaux. Cela va être en particulier le cas du Centre d’Étude économique de la KU Leuven, un centre de recherche fondé par Gaston Eyskens, plusieurs fois Premier ministre CVP (ex CD&V) durant les années 1950 à 1970 et considéré comme l’un des pères du fédéralisme belge.

L’objectif des recherches de ce centre était de nourrir le débat public sur la question de la redistribution des richesses en Belgique, qui se ferait au détriment de la Flandre. Mais l’ambition était aussi de former le cadre politique futur pour mener vers la fédéralisation de l’État belge. L’un des auteurs de ces études sur les transferts financiers est par exemple Paul Van Rompuy, qui sera ensuite expert pour le CD&V pendant les négociations de réformes de l’État et plus tard président du Conseil Supérieur des Finances, organe en charge de veiller au bon respect de la LSF.

Désolé, cet article est réservé aux membres. Abonnez-vous ou Connectez-vous si vous avez déjà un compte.