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Pourquoi militariser l’économie européenne ne va pas sauver notre industrie

Avec le plan ReArm Europe, la Commission veut injecter 800 milliards d’euros dans l’armement. Faire de la militarisation le moteur de la réindustrialisation mènera soit à la guerre, soit à la crise — et dans les deux cas, au déclin industriel.

Un marché non durable et moteur de guerres permanentes

Quand on a faim, on achète de la nourriture, on la mange, puis elle disparaît : il faut donc en produire à nouveau pour assouvir les faims suivantes. Et ainsi de suite. On a besoin de se déplacer pour travailler, voir sa famille ou partir en vacances. Pour cela, on prend les transports en commun ou un véhicule personnel. Cette utilisation continue des transports publics ou d’un véhicule privé les use. Au bout d’une certaine usure, il faut réparer ou remplacer ces véhicules. Ainsi qu’investir dans le développement et l’entretien des infrastructures de transport et la production des véhicules. C’est le cycle de vie d’un produit qui assure une certaine durabilité à un modèle économique répondant à des besoins et une demande présents dans la société.

De son côté, l’investissement dans l’armement nourrit un cercle vicieux où la paix devient une menace pour les profits. Tant que les conflits – par exemple: guerre en Ukraine, génocide à Gaza, occupation du Congo oriental soutenue par le Rwanda (avec la bénédiction de l’UE) – font rage, les armes trouvent un “marché”. Mais si les États stockent sans les utiliser, le marché s’engorge et sature. Pour survivre, les fabricants ont besoin que ces armes brûlent sur les champs de bataille, générant de nouvelles commandes.

La militarisation de l’économie crée ainsi une incitation structurelle à la guerre, renforcée par le lobbying des industriels. Pire : les conflits servent même de vitrine commerciale. Certaines entreprises, comme celles fournissant Israël, n’hésitent pas à vanter des équipements «testés en conditions réelles», transformant les massacres en argument marketing1.

L’investissement dans l’armement nourrit un cercle vicieux où la paix devient une menace pour les profits. Les armes ont besoin d’un « marché ».

Les États-Unis représentent pleinement cette logique destructrice. Seul pays à avoir construit un énorme complexe militaro-industriel, donc un secteur industriel fort basé sur l’armement, ils enchaînent les guerres. Rien que depuis 2001 : Afghanistan (2001-2021), Irak (2003-2011,), Libye (2011), Syrie, Yémen, soutien à l’Ukraine et à la guerre génocidaire israéliennes contre les Palestiniens. Cette situation de guerre permanente alimente un secteur colossal : en 2024, les exportations d’armes américaines ont atteint 318,7 milliards de dollars, soit une hausse de 29 % en un an (Reuters, janvier 2025). Le département d’État lui-même justifie ces chiffres par la « reconstitution des stocks envoyés à l’Ukraine » et la préparation à de « futurs conflits majeurs »2.

Contrairement au discours officiel, militariser l’économie n’offre aucune protection – elle aggrave les risques de guerre. L’histoire européenne en témoigne : les vagues de réarmement, notamment en Allemagne au XXᵉ siècle, ont conduit à deux guerres mondiales et à un continent en ruines. Aujourd’hui, reproduire ce schéma reviendrait à sacrifier toujours plus de vies, à détruire des sociétés et des communautés pour nourrir une industrie prête à tout vampiriser et dont la survie dépend… de notre propre insécurité. Comme le résume l’économiste Michael Roberts, le keynésianisme militaire ne peut fonctionner qu’en situation de guerre.3

L’illusion d’une relance par des dépenses militaires

L’économie européenne est dans une impasse. L’Allemagne, première puissance industrielle du continent, est en récession. « Les chaînes de valeur ou les capacités de production existantes dans nos industries traditionnelles – automobile, acier, aluminium ou produits chimiques – peuvent trouver de nouvelles opportunités dans la reconversion et l’approvisionnement d’une empreinte croissante de la base industrielle de défense [TDLR] », affirme la Commission européenne.4 Mais l’espoir que la militarisation de l’économie remettra le Vieux Continent sur les rails de la croissance risque d’être de courte durée.

Benjamin Pestieau est responsable département Monde du travail du PTB

En économie, pour comparer l’effet de différents types d’investissements, on utilise ce qu’on appelle l’effet multiplicateur. Ce terme désigne le phénomène par lequel une dépense initiale entraîne une série d’autres dépenses, investissements et activités économiques. Par exemple, lorsqu’on investit dans un parc éolien, l’énergie produite peut alimenter des usines, attirer des entreprises et créer de nouveaux emplois. Investir dans des chemins de fer facilite les échanges et le transport de marchandises, ce qui stimule l’activité économique. Financer la recherche et le développement (R&D) peut déboucher sur des innovations qui renforcent le développement industriel. Produire une excavatrice ou un bulldozer aide à construire des bâtiments, des routes ou des ponts. En comparaison, un tank ne produit ni énergie, ni innovation, ni transport, ni bâtiments. Il mobilise des ressources, mais sans effet d’entraînement durable dans l’économie.

Plusieurs études récentes menées se sont penchées sur les effets des dépenses militaires sur l’économie. Selon le Kiel Institute for the World Economy, l’un des principaux instituts de recherche économique en Allemagne, ces dépenses ont un effet réduit sur la croissance car elles sont déconnectées des besoins de la société, que ce soient les entreprises privées, l’Etat ou les consommateurs.5 Comme l’a récemment rappelé l’économiste de l’Université Catholique de Louvain, Paul Van Rompuy, la banque d’investissement américaine Goldman Sachs a calculé quant à elle, que le multiplicateur des dépenses de défense de l’UE, dans le cadre du programme «Rearm Europe», n’était que de 0,5 après deux ans6.

Pour l’institut GWS (Gesellschaft für Wirtschaftliche Strukturforschung), elles peuvent générer un certain dynamisme économique à court terme, au moment des achats d’armes, mais sans impact significatif à long terme.7 Le CEO d’ArcelorMittal Europe, Geert Van Poelvoorde, résume la situation avec lucidité : « Fournir de l’acier pour la défense n’est pas un problème. 1 000 chars, cela représente 30 000 tonnes, ce qui ne correspond qu’à trois jours de production dans une seule usine. Donc non, le renouveau de la défense ne signifie pas automatiquement le renouveau du secteur sidérurgique. [TDLR] » 8

Il n’y aura pas d’industrie solide sur la base de dépenses militaires, comme il n’y aura pas d’industrie forte sans énergie abordable, verte et abondante.

Ces études soulignent également que même ces faibles effets positifs dépendent de plusieurs facteurs, notamment de la part des dépenses militaires qui profitera effectivement à l’industrie locale plutôt qu’à des importations, ainsi que de la manière dont ces dépenses sont financées — au détriment, ou non, d’autres postes budgétaires comme les infrastructures ou les services publics.

Or, aujourd’hui, une large part des commandes militaires bénéficie à des pays situés hors de l’Union européenne, et en premier lieu aux États-Unis. Entre juin 2022 et juin 2023, 78 % des dépenses d’acquisition militaire ont été attribuées à des fournisseurs non-européens, dont 63% à des entreprises américaines.9 « Nous n’avons que quelques années pour nous renforcer. Nous allons nous équiper auprès de celui qui peut produire vite. Nous n’allons donc rien exclure. Or, après trois ans de guerre en Ukraine, il y a beaucoup d’industriels européens qui n’ont pas encore vraiment augmenté leur capacité de production » reconnaît le chef de la Défense belge (CHOD), le général Frederik Vansina. Même le quotidien boursier L’Echo s’en inquiète : « Accroître massivement les achats de matériel ‘made in USA’ priverait en effet l’économie européenne d’une manne importante. Et cela ne ferait que prolonger la dépendance militaire vis-à-vis des États-Unis, tout en créant de nouvelles sujétions sur les plans industriel et technologique.»10

Deuxième problème: ces dépenses militaires s’accompagnent d’un retour de l’austérité budgétaire en Europe, au détriment des investissements sociaux et dans les infrastructures. Carsten Brzeski, directeur de la macroéconomie mondiale chez ING, prévient : « Il y aura un effet multiplicateur négatif si une partie des dépenses militaires est financée par des coupes ailleurs. »11 À court terme, les dépenses militaires ne seront donc pas un moteur économique : une grande partie des fonds partira à l’étranger, tandis que les coupes dans les dépenses sociales et les investissements productifs impacteront négativement la croissance.

A long terme, une étude de Giorgio d’Agostino, J. Paul Dunne et Luca Pieroni — professeurs d’université spécialisés dans l’analyse des dépenses militaires — montre que les dépenses militaires ont même un effet négatif, significatif et persistant sur la croissance économique. En utilisant des données sur 83 pays entre 1970 et 2014, les auteurs concluent qu’une augmentation durable des dépenses militaires réduit le niveau du PIB par habitant, en détournant les ressources d’investissements plus productifs12. Même la RAND Corporation, le think tank lié aux forces armées américaines, reconnaît que les investissements dans les infrastructures ont un effet multiplicateur supérieur à celui des dépenses militaires13. Elle conclut qu’une hausse des budgets de défense au détriment des infrastructures pèsera négativement sur la croissance à long terme14.

Et contrairement à une idée répandue par les va-t-en guerre, l’industrie de la Défense n’est pas non plus le moteur d’emploi qu’ils tentent de nous faire croire. Des recherches menées aux États-Unis montrent qu’à niveau de dépenses égal, des secteurs civils comme la santé, l’éducation ou les énergies propres génèrent nettement plus d’emplois.15 Une récente étude de Greenpeace, Arming Europe (2023), s’est également penchée sur les effets économiques de l’augmentation des budgets militaires entre 2013 et 2023 en Allemagne , en Italie et en Espagne arrive exactement à la même conclusion pour l’Europe16

C’est pourquoi l’économiste Thomas Piketty appelle à réorienter les priorités vers «le bien-être humain et le développement durable», avec des investissements massifs dans les «infrastructures collectives (formation, santé, transports, énergie, climat)».17

Le mythe des retombées technologiques

Le retard technologique de l’Europe par rapport aux États-Unis et à la Chine représente aujourd’hui un défi existentiel. C’est l’avertissement lancé par l’ancien directeur de la Banque Centrale Européenne (BCE), Mario Draghi dans son rapport sur la compétitivité européenne : « Le changement technologique s’accélère rapidement. (…) L’UE est en retard dans les technologies émergentes qui stimuleront la croissance future. [TDLR] »18

Max Vancauwenberge, membre du département Monde du Travail du PTB

Un domaine emblématique de ce retard est celui des batteries, une technologie-clé et indispensable pour la transition industrielle. La faillite de Northvolt, en est une triste illustration. Fondée en 2017 par un ancien de Tesla, cette start-up suédoise devait symboliser le sursaut industriel européen dans les batteries électriques, un secteur stratégique largement dominé par l’Asie. Northvolt a bénéficié de financements privés et publics spectaculaires (plus de 15 milliards d’euros) et a démarré une giga-usine de batteries en Suède, saluée à l’époque comme un modèle de souveraineté technologique européenne. Elle a compté jusqu’à 6.500 travailleurs. Mais en novembre 2024, Northvolt a déposé le bilan, faute de trésorerie, anéantissant les ambitions de l’UE et laissant les contribuables européens avec des prêts non remboursés. Ce fiasco met en lumière les lacunes structurelles de l’Europe en matière d’innovation industrielle. Ces chiffres qui paraissent impressionnants prennent une toute autre dimension quand on les compare à l’un des géant chinois de la batterie qui a 25 ans d’expérience dans le domaine et compte à lui-seul près de 21.000 (!) ingénieurs rien que pour la recherche et le développement19.

L’Union européenne est aujourd’hui à la traîne technologique dans de très nombreux domaines comme le numérique de pointe, les technologies vertes, la conduite autonome, la 5G et bientôt la 6G,…. Ses dépenses en recherche et développement sont nettement inférieures à celles des États-Unis et de la Chine, et ses efforts sont dispersés. La Cour des comptes européenne a récemment publié un rapport alertant sur le retard critique de l’Europe en matière de microprocesseurs. Les microprocesseurs, ou « puces », sont au cœur de tous les équipements électroniques, des voitures aux smartphones, des satellites à l’intelligence artificielle. La stratégie actuelle de la Commission européenne, ajoute la Cour des comptes, ne suffira pas à rattraper ce retard.20 Quelques mois plus tôt, la Cour des comptes européenne tirait déjà la sonnette d’alarme sur le manque d’investissement dans l’intelligence artificielle.[/note]

Face à ce constat, la Commission européenne tente de nous rassurer en prétendant qu’« une hausse des investissements dans la défense aurait des effets d’entraînement positifs sur l’ensemble de l’économie, contribuant à la compétitivité, à la création d’emplois et à l’innovation dans de nombreux secteurs, de l’aéronautique à la construction navale, de la sidérurgie à l’espace, des transports à l’intelligence artificielle. [TDLR] »21 L’exemple le plus souvent cité pour appuyer cette idée est celui d’Internet, présenté comme le fruit des programmes militaires américains.

Un tank ne produit ni énergie, ni innovation, ni transport, ni bâtiments. Il mobilise des ressources, mais sans effet durable dans l’économie.

Ce raisonnement ne tient pas et cette stratégie risque encore d’aggraver notre retard technologique dans tous ces domaines civils. Dans son best-seller The Entrepreneurial State, l’économiste Mariana Mazzucato revient sur la genèse d’internet, financée à ses débuts par la DARPA, l’agence du ministère de la Défense américain22. Elle montre que ce n’est pas la finalité militaire des investissements qui a été déterminante, mais bien le rôle stratégique joué par l’État : financement de recherches à long terme, coordination entre universités, entreprises et laboratoires autour de projets ambitieux, indépendamment de leur rentabilité immédiate. En clair, si l’ancêtre d’internet a vu le jour dans un cadre militaire, c’est grâce à une politique publique visionnaire — pas à la logique militaire elle-même. Et ce n’est que dans un cadre civil et l’ambition de dizaines de milliers de chercheurs et scientifiques du Centre européen de recherches nucléaires (CERN) de faire circuler rapidement leurs découvertes scientifiques que la forme moderne de l’Internet, a pu se développer à partir du début des années 90.

Il n’y a donc aucune raison de croire qu’un détour par l’investissement dans la recherche militaire soit nécessaire. Au contraire, ce détour peut même s’avérer contre-productif, le secret défense freinant la diffusion des innovations vers les usages civils. Et surtout, une augmentation des crédits militaires se fera au détriment de la recherche & développement civile, avec même un possible impact négatif sur le volume global d’innovation.

Loin des illusions des retombées militaires, nous avons besoin d’un véritable plan d’investissements publics massifs dans les technologies civiles du futur, à l’échelle européenne. Sans cela, notre retard technologique — et la désindustrialisation qui l’accompagne — ne fera que s’aggraver. Nous n’avons ni un euro à gaspiller, ni un seul cerveau à détourner des priorités technologiques essentielles pour les consacrer à des programmes militaires.

Les dépenses militaires au détriment de la transition énergétique, industrielle et climatique

La militarisation de notre économie ne constitue pas non plus une réponse à la crise que les secteurs les plus énergivores comme la sidérurgie ou la chimie vivent en ce moment. Elle va détourner les moyens nécessaires qu’il faut investir dans la transition énergétique. Ces secteurs sont pris en étau entre la hausse des coûts énergétiques et – pour différentes raisons – une demande industrielle en berne. Sans solution structurelle à cette double pression, c’est tout l’avenir industriel du continent qui est mis en péril23.

L’énergie est le socle de toute activité économique. Elle fait tourner les trains, chauffe les logements, alimente les machines qui produisent les biens que nous utilisons chaque jour. Sans énergie abondante et abordable, il n’y a pas de relance industrielle possible. Mais aujourd’hui, l’Europe est prise dans une dépendance problématique : au gaz russe hier, au gaz liquéfié américain aujourd’hui. Une dépendance coûteuse – concrètement l’énergie coûte entre deux et quatre fois plus cher en Europe qu’aux Etats-Unis ou en Chine24 – , instable, et fondamentalement contraire aux impératifs de la transition climatique. Sortir de cette dépendance à une énergie fossile, chère et polluante nécessite des investissements massifs dans l’énergie renouvelable.

Pour atteindre ses objectifs en matière d’énergie renouvelable, l’Union européenne estime qu’il faudrait mobiliser plus de 570 milliards d’euros d’investissements par an d’ici 2030, et même 690 milliards d’euros par an durant la décennie suivante. Ces sommes colossales doivent financer à la fois la production d’énergies renouvelables, les infrastructures de transport et de stockage, et la transformation des réseaux25. Pourtant, à l’heure actuelle, les investissements atteignent à peine un peu plus de la moitié de ce niveau26.

Pourquoi un tel écart entre les besoins et la réalité ? Selon l’économiste et professeur de l‘université d’Uppsala, Brett Christophers, le marché capitaliste est incapable de répondre à ce défi. Dans son livre The Price is Wrong. Why Capitalism Won’t Save the Planet, il démontre que les perspectives de profits à court terme dans les énergies renouvelables sont trop faibles et incertaines pour attirer les capitaux privés à la hauteur des besoins27. Or, les plans de la Commission européenne continuent pourtant de s’entêter dans cette voie : la stratégie reste centrée sur le marché et le bon vouloir des grandes multinationales de l’énergie.

Les grands industriels à haute intensité énergétique manifestent également leur scepticisme face aux plans de la Commission. Aditya Mittal, CEO d’ArcelorMittal, souligne combien les coûts de l’énergie rendent les projets de décarbonation difficilement réalisables en Europe: « Il reste essentiel de s’attaquer aux coûts élevés de l’énergie, qui rendent très difficile pour l’industrie de progresser dans des projets de décarbonation d’envergure. [TDLR] »28 Wouter Remeysen, CEO de BASF Antwerpen et président de la fédération chimique Essenscia, déplore quant à lui : « Nous restons sur notre faim concernant le principal point sensible pour l’industrie : les coûts de l’énergie. À part les achats groupés, je ne lis pas grand-chose de concret à ce sujet. [TDLR] »29 Même si leur objectif est clairement aussi d’accentuer la pression pour obtenir davantage d’aides d’État et de subsides pour augmenter leurs profits, le problème énergétique qu’ils soulèvent n’en est pas moins réel — et les solutions avancées par la Commission, largement insuffisantes.

Entre juin 2022 et juin 2023, 63 % des dépenses d’acquisition militaire ont été attribuées à des entreprises américaines.

À titre de comparaison, la Chine a investi plus que les États-Unis et l’Union européenne réunis dans les énergies renouvelables en 2023. Et 2023 n’a rien d’une exception : sur l’ensemble des dix dernières années, la Chine a systématiquement investi plus qu’eux.30 « La Chine, historiquement et encore aujourd’hui, est le leader mondial en matière d’investissements dans l’énergie solaire et éolienne – tant en ce qui concerne les centrales solaires et éoliennes produisant de l’électricité de manière renouvelable que les technologies de turbines et de cellules », explique Brett Christophers. Ces résultats « sont (…) aussi éloignés que possible de développements guidés par le marché. Il ne s’agit pas ici du secteur privé identifiant des opportunités d’investissement, évaluant les perspectives de rentabilité et décidant – investir ou non ? – en conséquence. Il s’agit de l’État, (…) mobilisant toutes les ressources nécessaires à sa disposition pour garantir qu’il tiendra ses engagements [TDLR] », continue le professeur de l’université d’Uppsala.

Répondre à ce défi énergétique est une condition sine qua non pour relancer notre industrie, réduire notre dépendance énergétique et respecter nos engagements climatiques. Les investissements dans l’infrastructure énergétique offriraient également d’importants débouchés pour notre industrie. La transition énergétique – de la construction des capacités de production d’énergie renouvelable au stockage de l’énergie, en passant par les infrastructures de transport et sans oublier tout ce qui concerne l’isolation des bâtiments – exige des volumes considérables de matériaux, de composants et de technologies, ouvrant ainsi des perspectives industrielles considérables pour la sidérurgie, la chimie et l’ensemble du tissu industriel.

Une étude du FMI, incluant également des pays européens, montre que les investissements dans les énergies renouvelables ont un effet multiplicateur élevé : un investissement équivalent à 1% du PIB entraîne une hausse du PIB total comprise entre 1,11% et 1,54% dans les années qui suivent, soit plus de deux fois plus que des dépenses équivalente dans l’armement. Cette efficacité s’explique notamment par le fait que les énergies renouvelables génèrent plus d’emplois locaux, stimulent davantage l’économie intérieure et dépendent moins des importations.31

Cela nécessite de sortir du dogme du marché et de reprendre en main le secteur énergétique pour investir massivement. Mais chaque euro alloué à l’industrie militaire est un euro qui manque pour ces investissements vitaux. On ne bâtira pas une industrie solide sur la base de dépenses militaires. Car il n’y aura pas de continent fort sans base industrielle solide, et pas d’industrie forte sans énergie bon marché, verte et abondante.

Une guerre sociale contre la classe travailleuse

Partout en Europe, les gouvernements ouvrent grand les robinets pour gonfler les budgets militaires. En Belgique, la coalition gouvernementale dite “Arizona” a décidé dans un accord au mois d’avril d’augmenter le budget militaire de 4 milliards d’euros supplémentaires par an, afin d’atteindre la norme des 2 % du PIB imposée par l’OTAN. Ce qui frappe, c’est la facilité avec laquelle ces milliards ont soudain été « trouvés », alors que depuis des années on nous répète que « le budget est serré », qu’« il n’y a pas d’argent » pour les pensions, les soins de santé, l’enseignement ou le logement.

Et ce n’est qu’un début. Au sommet de l’OTAN qui aura lieu à La Haye en juin, l’objectif est encore d’augmenter les dépenses militaires, bien au-delà des 2% du PIB. Les États-Unis avancent 5%, et parlent d’« une augmentation rapide, de plus du double [TDLR] ». Mark Rutte, secrétaire général de l’OTAN, fixe la barre à « bien au-delà de 3 %, c’est vraiment le minimum absolu. [TDLR] »32 Et chez nous, le ministre de la Défense Theo Francken est clair :« Nous avons convenu au sein du gouvernement que nous devions également atteindre cet objectif plus ambitieux. [TDLR] » « La seule question est la suivante : devrons-nous bientôt passer, selon l’OTAN, à 3 % dans les cinq ans ? Ou à 3,5 % dans les dix ans ? [TDLR] »33

À niveau de dépenses égal, des secteurs civils comme la santé ou l’éducation génèrent nettement plus d’emplois que l’industrie de la Défense.

La question est “seulement” à quel rythme les investissements militaires doivent avoir lieu. Sur le reste, aucun débat n’est permis sur des sommes pourtant colossales. 3% du PIB représenterait près de 18 milliards par an pour la Belgique. C’est un montant comparable aux investissements annuels supplémentaires nécessaires pour réaliser la transition climatique en Belgique.34

Qui va payer l’explosion de ces budgets? Pour Mark Rutte, secrétaire général de l’OTAN, la réponse semble évidente: « En moyenne, les pays européens consacrent jusqu’à un quart de leur revenu national aux pensions, à la santé et à la sécurité sociale. Nous n’avons besoin que d’une petite partie de cet argent pour renforcer considérablement notre défense. [TDLR] »35. Selon l’économiste Geert Peersman, appliquer la norme de 3,5 % du PIB en dépenses militaires reviendrait, pour la Belgique, à réduire les pensions de 20 %.36

Le ministre de la Défense Theo Francken est clair sur la société vers laquelle il veut aller: « Pendant des années, nous nous sommes moqués des Américains à cause de leur pauvreté, de leurs addictions, de leur absence de filet social ou du fait qu’il faut payer 1 000 dollars chez le dentiste. Nous ne voulions pas y vivre parce qu’ils consacraient tout leur argent à la sécurité dure. Bien sûr, il est beaucoup plus agréable de dépenser de l’argent pour les pensions, le chômage, un système de santé cubain où l’on peut sortir de la pharmacie avec un grand sac de médicaments pour 13 euros. Mais qui a raison, finalement ? [TDLR] »37. En Allemagne, il est question de restreindre les droits sociaux, de permettre la réquisition de personnel et d’augmenter la durée du travail dans les secteurs concernés par la militarisation38. En Belgique, à la veille de la grève du 31 mars, la députée Vooruit Jinnih Beels a publié un article dans la revue de droite nationaliste Doorbraak pour contester cette grève au nom du danger de guerre et de l’urgence géopolitique39.

La militarisation est un choix de société brutal et une guerre sociale menée contre la classe travailleuse. En instrumentalisant la peur de la guerre, c’est une thérapie de choc que le gouvernement veut imposer pour casser la sécurité sociale et pour soumettre la classe travailleuse.

Réindustrialiser l’Europe plutôt que la militariser

La crise de l’industrie européenne s’explique par des prix de l’énergie trop élevés, un retard technologique, une trop faible demande et des multinationales qui refusent d’investir dans l’industrie de demain pour protéger les dividendes de leurs actionnaires. La désindustrialisation est déjà en marche. Et comme on l’a vu, ce n’est pas la militarisation de l’économie qui va arrêter ce processus.

Comme nous l’expliquions dans un article précédent – “L’industrie est à nous”: neuf principes pour sauver l’industrie en Europe40 : “Depuis plusieurs décennies, l’Union européenne n’a pas mis en place de politique industrielle volontariste visant à renforcer des secteurs industriels stratégiques. Au lieu de cela, elle a laissé le développement industriel entre les mains du marché. Avec la stratégie de Lisbonne dans les années 2000, l’UE a privilégié la compétitivité à travers le libre-échange, la dérégulation du marché du travail, la privatisation et la déréglementation. À partir des années 2010, l’accent mis sur l’austérité a entraîné une décennie de stagnation et de sous-investissement public. L’Europe est devenue une puissance en déclin, accumulant de plus en plus de retard par rapport aux États-Unis et dépassée entre-temps par la Chine.”

La militarisation est un choix de société brutal et une guerre sociale menée contre la classe travailleuse.

Aujourd’hui, la Commission européenne nous mène d’une impasse à une autre : après l’échec du tout-au-marché, elle nous entraîne dans celle du tout-à-la-guerre. La rupture avec le gaz russe, remplacé par du gaz de schiste américain bien plus coûteux, a plongé l’industrie européenne dans la crise. La poursuite de la guerre et la fuite en avant dans la militarisation ne feront qu’aggraver cette situation. Avec les plans de militarisation de l’économie, les cours boursiers des entreprises du secteur de la Défense comme Rheinmetall, Dassault, BAE Systems, Leonardo, Thales et Saab s’envolent dans les grandes bourse européennes41. Mais, comme nous l’avons vu, les profits des marchands d’armes se font aux frais de la classe travailleuse et sacrifient le développement de notre industrie.

Militariser notre économie conduit soit à la guerre, soit à la crise et dans les deux cas au déclin de l’industrie. La crise car sans guerre, pas de débouchés durables. La guerre car c’est alors le seul moyen d’éviter la crise du secteur. Et finalement au déclin de l’ensemble de notre industrie car les dépenses militaires se font au détriment d’autres investissements stratégiques pour notre industrie.

Il est temps de changer de cap. Réindustrialiser l’Europe plutôt que la militariser n’est pas seulement une possibilité : c’est une nécessité.Ce choix dépasse largement la seule question industrielle. C’est un choix de société. Veut-on que les travailleuses et travailleurs d’Europe construisent des panneaux solaires, des éoliennes, des logements écologiques, le plus grand réseau de trains à grande vitesse du monde ? Ou préfère-t-on les voir produire des armes destinées à tuer et à détruire ? Veut-on investir l’argent public pour sauver le climat, créer des emplois utiles, garantir des soins de santé accessibles et des pensions décentes ? Ou veut-on le dilapider dans l’achat de F-35 et dans l’expansion d’un complexe militaro-industriel qui ne prospère qu’en temps de guerre ?

C’est ce choix fondamental qui se pose aujourd’hui – et il est radicalement opposé à celui que veulent nous imposer la Commission européenne et le gouvernement Arizona. Ce sont les investissements d’aujourd’hui qui détermineront le monde dans lequel nous vivrons demain, et celui que nous laisserons à nos enfants.

L’industrie européenne ne sera pas sauvée par la logique de l’« économie de guerre ». Cette stratégie n’est qu’un mirage dangereux : elle ruinerait les finances publiques, ne relancerait pas la demande, ne comblerait ni notre retard technologique ni notre handicap énergétique, et risquerait d’enfermer l’Europe dans une spirale de conflits.

À l’inverse, une politique industrielle, pensée sur le long terme, planifiée démocratiquement avec les travailleuses et travailleurs, peut répondre aux urgences économiques, sociales et climatiques. C’est cette voie-là qu’il faut prendre, si nous voulons une industrie au service des gens, et non du profit et des va-t-en guerre.

Les auteurs ont bénéficié de l’appui de Bram Deraedemaeker , Kirsten Van Gestel et Michele Daniele

Footnotes

  1. « Israel Testing New Weapons In Gaza For Global Sales, Laying Blueprint For ‘Automated Murder’ With AI : Expert » . s. d. https://www.aa.com.tr/en/middle-east/israel-testing-new-weapons-in-gaza-for-global-sales-laying-blueprint-for-automated-murder-with-ai-expert/3137263#.
  2. https://www.reuters.com/business/aerospace-defense/ukraine-related-demand-sends-us-arms-exports-record-2024-2025-01-24/
  3. Roberts, Michael. 2025. « From Welfare To Warfare : Military Keynesianism » . Michael Roberts Blog. 22 mars 2025. https://thenextrecession.wordpress.com/2025/03/22/from-welfare-to-warfare-military-keynesianism/.
  4. « Future Of European Defence » . s. d. European Commission. https://commission.europa.eu/topics/defence/future-european-defence_en.
  5. « Guns And Growth : The Economic Consequences Of Defense Buildups » . 2025. Kiel Institute. 1 février 2025. https://www.ifw-kiel.de/publications/guns-and-growth-the-economic-consequences-of-defense-buildups-33747/.
  6. De Standaard. 2025. « Meer Defensie-uitgaven, Goed Voor de Economische Groei ? Dat Is Een Fabeltje » , 1 mai 2025. https://www.standaard.be/opinies/meer-defensie-uitgaven-goed-voor-de-economische-groei-dat-is-een-fabeltje/63759251.html.
  7. Kiara Langelage, Marc Ingo Wolter, Steigende Verteidigungsausgaben in Deutschland, Verteidigungsausgaben im ökonomischen Kontext und erste Wirkungsrechnungen auf Branchen, GWS KURZMITTEILUNG 2023 / 3
  8. Van Oost, Marie. 2025. « Geert Van Poelvoorde, Topman Bij Staalreus ArcelorMittal : “We Hebben Nog Één Jaar Om de Staalindustrie In Europa Te Redden” » . De Tijd, 7 mars 2025. https://www.tijd.be/ondernemen/zware-industrie/geert-van-poelvoorde-topman-bij-staalreus-arcelormittal-we-hebben-nog-een-jaar-om-de-staalindustrie-in-europa-te-redden/10596858.html.
  9. « The Draghi Report On EU Competitiveness » . s. d. European Commission. https://commission.europa.eu/topics/eu-competitiveness/draghi-report_en.
  10. Gosset, Olivier. 2025. « L’Europe À Marche Forcée Vers une Économie de Guerre » . L’Echo, 22 février 2025. https://www.lecho.be/entreprises/defense-aeronautique/l-europe-a-marche-forcee-vers-une-economie-de-guerre/10588845.html.
  11. https://www.reuters.com/world/europe/defence-surge-could-help-jumpstart-europes-flat-economy-2025-03-06/
  12. Giorgio d’Agostino, J. Paul Dunne & Luca Pieroni (2017) Does Military Spending Matter for Long-run Growth?, Defence and Peace Economics, 28:4, 429-436, DOI: 10.1080/10242694.2017.1324723
  13. Le rapport de la RAND Corporation mentionne explicitement les infrastructures de transport, telles que le système autoroutier interétatique, comme exemples d’investissements publics à fort impact économique. Par extension, ce type d’analyse s’applique aussi à d’autres infrastructures productives, comme les réseaux numériques ou énergétiques.
  14. https://www.rand.org/content/dam/rand/pubs/research_reports/RRA700/RRA739-2/RAND_RRA739-2.pdf
  15. https://watson.brown.edu/costsofwar/files/cow/imce/papers/2017/Job%20Opportunity%20Cost%20of%20War%20-%20HGP%20-%20FINAL.pdf & https://watson.brown.edu/costsofwar/files/cow/imce/papers/2019/March%202019%20Job%20Opportunity%20Cost%20of%20War.pdf
  16. Mario Pianta, Chiara Bonaiuti, Paolo Maranzano, Marco Stamegna, Arming Europe. The economic and social consequences of a European arms race, rapport pour Greenpeace, novembre 2023
  17. Piketty. 2025. « Reprendre Confiance En L’Europe » . Le Blog de Thomas Piketty. 18 mars 2025. https://www.lemonde.fr/blog/piketty/2025/03/18/reprendre-confiance-en-leurope/.
  18. « EU competitiveness ». s. d. European Commission. https://commission.europa.eu/topics/eu-competitiveness/draghi-report_en.
  19. Delbeke, Korneel. 2025. « 5 Minuten Laden, 520 Km Rijden : China’s Batterijproducenten Geven Europa Het Nakijken » . De Standaard, 22 avril 2025. https://www.standaard.be/economie/5-minuten-laden-520-km-rijden-china-s-batterijproducenten-geven-europa-het-nakijken/60331595.html.
  20. https://www.eca.europa.eu/ECAPublications/SR-2025-12/SR-2025-12_EN.pdf
  21. « Future Of European Defence » . s. d. European Commission. https://commission.europa.eu/topics/defence/future-european-defence_en.
  22. Mariana Mazzucato, The Entrepreneurial State: Debunking Public vs. Private Sector Myths, London, Anthem Press, 2013.
  23. Il serait trop long d’expliquer les raisons de cette demande en berne. Une partie de la réponse se trouve dans l’article: 9 principes pour sauver l’industrie européenne. https://lavamedia.be/fr/lindustrie-est-a-nous-neuf-principes-pour-sauver-lindustrie-en-europe/
  24. Ibid.
  25. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=CELEX:52025DC0079
  26. Holman, Rachel. 2024. « How The Energy Crisis Sped Up Europe’s Green Transition » . European Investment Bank. 13 décembre 2024. https://www.eib.org/en/essays/europe-energy-transition-renewable.
  27. Brett Christophers, The Price is Wrong: Why Capitalism Won’t Save the Planet, London, Verso Books, 2024.
  28. « ArcelorMittal CEO Comments On The European Commission’s Steels And Metals Action Plan | ArcelorMittal » . s. d. https://corporate.arcelormittal.com/media/news-articles/arcelormittal-ceo-comments-on-the-european-commission-s-steels-and-metals-action-plan.
  29. Van Oost, Marie, et Tom Michielsen. 2025. « BASF Zet Miljardeninvestering In Antwerpen Op de Helling » . De Tijd, 29 mars 2025. https://www.tijd.be/ondernemen/chemie/basf-zet-miljardeninvestering-in-antwerpen-op-de-helling/10600270
  30. 2024b. « How The Energy Crisis Sped Up Europe’s Green Transition » . European Investment Bank. 13 décembre 2024. https://www.eib.org/en/essays/europe-energy-transition-renewable.
  31. Di SerioMatteo FragettaGiovanni MelinaAnthony Waldron, Nicoletta BatiniMario. 2021. « Building Back Better : How Big Are Green Spending Multipliers ? » IMF. 19 mars 2021. https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2021/03/19/Building-Back-Better-How-Big-Are-Green-Spending-Multipliers-50264.
  32. Nws, Vrt. 2025. « VS Wil NAVO-bijdrage Verdubbelen Naar 5 Procent, Maar Dat Zal België Niet Kunnen Betalen | VRT NWS : Nieuws » . VRTNWS, 3 avril 2025. https:// 69 www.vrt.be/vrtnws/nl/2025/04/01/navo-top-brussel-belgie-zal-fors-hoger-navo-defensiebudget-niet/.
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