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L’OTAN : l’organisation la plus dangereuse de la planète

Tricontinental Institute

—18 juin 2025

L’OTAN manie le langage des droits humains et de la sécurité collective pour dissimuler les motivations sous-jacentes à sa naissance et à son existence actuelle : maintenir le système états-unien fondé sur des règles et empêcher d’autres pays de se développer.

L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) affirme qu’elle est confrontée à la plus grande crise existentielle de ses presque quatre-vingts ans d’histoire. Comme le président étasunien et son équipe de sécurité nationale ont – en apparence – tourné le dos à l’Europe et déclaré qu’ils ne paieraient plus pour sa sécurité, les dirigeants de la région se démènent pour trouver les fonds requis afin d’accroître leur soutien à la guerre en Ukraine et de renforcer leur propre production et capacité militaires. Pourtant, rien n’indique concrètement que les États-Unis, qui constituent la force dominante de l’OTAN, se retireront de cet instrument militaire ou chercheront à le démanteler. L’OTAN sert un large éventail d’objectifs pour les États-Unis, et ce depuis sa création en 1949. Faire pression sur les États européens pour qu’ils paient davantage pour leur propre défense est une chose ; confondre cela avec un retrait stratégique des États-Unis de l’Europe en est une autre.

Malgré la rhétorique, ce que fait Trump ne sort pas du cadre de l’approche globale de l’élite étasunienne. Il s’agit de maintenir la puissance mondiale du pays par le biais d’instruments tels que l’OTAN et un système étatique européen docile, plutôt que d’isoler les États-Unis derrière les océans Atlantique et Pacifique. L’OTAN demeurera un instrument de la puissance du Nord global, quelles que soient les secousses superficielles inévitables qui émailleront la période à venir.

Le titre de ce dossier, L’OTAN : l’organisation la plus dangereuse de la planète, est en phase avec le jugement du politologue Peter Gowan (1946-2009), qui écrivait à l’époque des bombardements de l’OTAN et de l’éclatement de la Yougoslavie en 1999 : « Nous devons garder à l’esprit deux faits regrettables. Premièrement, les États membres de l’OTAN ont été et sont toujours déterminés à exacerber les inégalités de pouvoir et de richesse dans le monde, à détruire tout obstacle à leur écrasante puissance militaire et économique, et à subordonner presque toutes les autres considérations à ces objectifs. Deuxièmement, les États membres de l’OTAN manipulent leur électorat national avec une facilité déconcertante pour lui faire croire qu’ils mènent la population mondiale vers un avenir plus juste et plus humain, alors qu’en réalité, il n’en est rien.»1

L’OTAN manie le langage des droits humains et de la sécurité collective pour dissimuler les motivations sous-jacentes à sa naissance et à son existence actuelle. Il serait utile de mettre de côté cette rhétorique et d’examiner le bilan réel de cette alliance qui est militaire, et non pas pour les droits humains.

Ce dossier se compose de trois parties. La première présente l’histoire de l’OTAN et évalue son rôle dans le système impérialiste dirigé par les États-Unis. La deuxième partie se concentre sur la manière dont l’OTAN, depuis la chute de l’Union soviétique, s’est redéfinie comme gendarme mondial et est intervenue, comme l’illustre la troisième partie, de différentes manières dans le Sud global.

Une alliance agressive

L’idée de l’OTAN est née durant les dernières années de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les États-Unis et le Royaume-Uni ont commencé à discuter de nouveaux accords de sécurité qui pourraient voir le jour après la défaite des puissances fascistes en Europe.2 En 1945, les États-Unis ont accueilli la Conférence de San Francisco, lors de laquelle les Nations unies ont été créées. La Charte des Nations Unies, ratifiée par les cinquante participants à la conférence, permettait (au chapitre VIII, article 52) la formation d’organisations régionales de sécurité et leur accordait des mesures d’exécution, telles que des sanctions et des interventions militaires, mais seulement avec l’autorisation du Conseil de sécurité des Nations unies (au chapitre VIII, article 53).3 C’est sur la base de cette autorisation de la Charte des Nations Unies que les États-Unis ont rassemblé dix pays européens et le Canada pour signer le Traité de Washington en 1949 et créer l’OTAN.

Les pays européens qui ont adhéré à l’OTAN ont connu des expériences d’après-guerre diverses : la plupart d’entre eux, comme la France et l’Allemagne, devaient reconstruire leur armée pratiquement à partir de zéro. D’autres, comme la Grande-Bretagne, avaient conservé une armée relativement intacte, tandis qu’un pays, l’Islande, ne disposait d’aucune armée permanente. L’OTAN offrait à ces pays le bouclier militaire (et nucléaire) états-unien. En 1949, la Central Intelligence Agency (CIA) a diffusé un mémorandum expliquant que le véritable objectif de l’OTAN n’était pas seulement de dissuader l’Union soviétique de menacer l’Europe, mais également de poursuivre le « contrôle à long terme de la puissance allemande » et de déterminer « qui allait contrôler le potentiel allemand et donc l’équilibre des puissance en Europe ». Cette analyse impitoyable dresse un portrait plus précis de l’OTAN qu’une exégèse de sa charte.4 L’interprétation de la CIA avait un équivalent européen. Comme l’a écrit le premier Secrétaire général de l’OTAN, Lord Hastings Lionel Ismay, dans un mémorandum interne datant de 1952, l’organisation devait « maintenir l’Union soviétique en dehors de l’Europe, les États-uniens en son sein et les Allemands à terre.»5

Il faut garder à l’esprit que les États membres de l’OTAN sont déterminés à accroître les inégalités mondiales et à étouffer dans l’œuf toute remise en cause de leur pouvoir.

L’année précédant la création de l’OTAN, George Kennan, du département d’État étasunien, s’interrogeait sur le fait que les États-Unis possédaient « environ 50 % des richesses de la planète, mais seulement 6,3 % de sa population ». Les implications de cette situation devaient être réglées. Comme l’a écrit Kennan dans le vingt-troisième rapport du Policy Planning Staff : « Cette disparité est particulièrement importante entre nous et les peuples d’Asie. Dans cette situation, nous ne pouvons manquer d’être l’objet d’envie et de ressentiment. Notre véritable mission dans la période à venir consistera à concevoir un modèle de relations nous permettant de maintenir cette position de disparité sans que cela ne porte atteinte à notre sécurité nationale.»6

Le « modèle de relations » qui devait être mis en place pour contrôler « la jalousie et le ressentiment » des peuples d’Asie et du Sud global au sens large, a pris forme l’année précédant la création de l’OTAN, lorsque les États-Unis ont remodelé les accords de sécurité dans les Amériques avec le Traité interaméricain d’assistance réciproque (ou Traité de Rio) de 1947. Cela s’est poursuivi en 1948 avec l’adoption d’une nouvelle charte pour l’Organisation des États américains (OEA) à Bogotá, en Colombie. Ces deux accords assujettissaient les pays d’Amérique latine aux États-Unis. Quelques années après la création de l’OTAN en 1949, les États-Unis ont conclu des pactes de sécurité en Asie de l’Est (le pacte de Manille de 1954, qui a donné naissance à l’Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est, ou OTASE) et en Asie centrale (le Pacte de Bagdad de 1955, qui a donné naissance à l’Organisation du traité central, ou CENTO). Parallèlement à ces pactes, l’OEA, dirigée par les États-Unis, s’est engagée dans une action anticommuniste, avec la Commission spéciale de consultation sur la sécurité contre l’action subversive du communisme international de 1962.7

L’Institut Tricontinental de Recherche Sociale est une institution de recherche internationale étroitement associée aux mouvements sociaux. Elle s’attache à stimuler le débat intellectuel qui sert les intérêts humains, et non ceux de l’argent.

Les États-Unis ont mis en place cet écosystème de pactes militaires pour deux raisons : empêcher le développement de tout parti ou force communiste dans ces régions et permettre aux États-Unis d’exercer une influence sur les gouvernements du monde entier. Cela s’inscrivait dans le cadre d’une projection de puissance plus vaste qui a permis aux États-Unis de construire et de maintenir des bases militaires – dans certains cas dotées d’une capacité nucléaire – loin de leurs propres côtes, mais à proximité de la Chine et de l’Union soviétique, jetant ainsi les bases d’une présence militaire mondiale.

La nécessité de conclure des pactes militaires a commencé à décliner entre les années 1960 et 1980, et ce, pour différentes raisons. Tout d’abord, les États-Unis disposaient déjà d’une énorme empreinte militaire mondiale, avec des bases implantées du Japon au Honduras, créées par le biais de traités bilatéraux. Ensuite, la technologie militaire s’était considérablement améliorée, permettant aux États-Unis d’être beaucoup plus flexibles et mobiles avec leur arsenal de missiles à portée intermédiaire, leurs sous-marins à propulsion nucléaire et leur énorme capacité aérienne. Enfin, les États-Unis avaient développé une stratégie appelée « interopérabilité », qui leur permettait d’utiliser les ventes de leur propre technologie militaire à des pays alliés pour promouvoir des exercices militaires conjoints – menés sous le commandement de l’armée étasunienne, et surtout dans l’intérêt stratégique des États-Unis. Enfin, les États-Unis avaient créé des structures de commandement régionales – comme le Pacific Command en 1947 (Pacom, qui deviendra l’Indo-Pacific Command en 2018), le Southern Command (Southcom) en 1963, et le Central Command (Centcom) en 1983 – qui avaient déjà conclu des accords bilatéraux et multilatéraux avec des armées alliées.

D’autres alliances militaires régionales n’étaient donc pas indispensables. Ces nouveaux mécanismes de l’empreinte militaire mondiale des États-Unis rendaient des pactes de sécurité moins nécessaires dans des régions comme l’Asie et le Moyen-Orient. L’OTASE a été dissoute en 1977, en grande partie en raison du manque d’intérêt des pays d’Asie du Sud-Est et deux ans plus tard, après la révolution iranienne, la CENTO a également disparu.8 Le cas de l’Amérique latine était différent : l’OEA est toujours opérationnelle et se concentre, avec la précision du laser, sur la façon de minimiser le rôle de la gauche en Amérique latine (Cuba a été suspendue de l’organisation en 1962, après quoi Fidel Castro l’a qualifiée de « Ministère des colonies »).

Parallèlement à l’OEA, l’OTAN constituait l’autre exception cruciale. Elle n’a pas été dissoute. La formule de Lord Hastings est restée intacte. Il faut maintenir l’Union soviétique en dehors de l’Europe : conserver des bases militaires des États-Unis et de l’OTAN avec des armes nucléaires étasuniennes en Europe, afin de dissuader les Soviétiques de franchir les lignes de démarcation établies après la Seconde Guerre mondiale. Il faut maintenir les Étasuniens en son sein : du point de vue des États-Unis, cela signifiait en réalité qu’il fallait maintenir les Européens à terre, ce qui impliquait qu’ils ne devaient jamais être autorisés à créer leur propre armée continentale et que, chaque fois qu’il serait question d’élargir l’Union européenne (UE), l’élargissement de l’OTAN irait de pair, afin de maintenir l’influence étasunienne dans la région. Il faut maintenir les Allemands à terre : veiller à ce que les anciennes puissances impérialistes n’aient pas d’autres ambitions que d’être les alliés subordonnés des États-Unis, une vision que les États-Unis ont maintenue autant pour l’Allemagne, que pour l’ensemble de l’Eurasie, et en particulier pour le Japon. L’OTAN est donc restée un élément essentiel de l’architecture de l’impérialisme états-unien.

Lorsque l’Union soviétique s’est effondrée, l’industrie de l’armement a redouté qu’un « dividende de la paix » s’ensuive, mettant en péril ses profits.

Quoi qu’en aient dit les responsables des États-Unis et de l’OTAN, il était clair que ce pacte militaire avait pour eux un triple objectif : empêcher la gauche de se développer dans leur pays (en détruisant les fronts populaires en France, en Grèce et en Italie à la fin des années 1940 et dans les années 1950, ainsi que le mouvement anti-guerre en Allemagne de l’Ouest dans les années 1960 et 1970), contenir et faire reculer le bloc socialiste (y compris, après 1959, la Révolution cubaine), et empêcher les mouvements de libération nationale en Afrique et en Asie de triompher (notamment en soutenant les guerres coloniales du Portugal en Afrique des années 1960 aux années 1970, et en aidant les États-Unis en Corée au début des années 1950 et au Vietnam des années 1960 aux années 1970).9

L’OTAN dans le monde

En novembre 1991, un mois avant la dissolution officielle de l’Union soviétique, l’OTAN a publié un rapport intitulé « Nouveau concept stratégique », qui reconnaissait l’avènement d’une « ère nouvelle, plus prometteuse, en Europe ».10 Dans ce climat, les membres de l’OTAN auraient pu acquérir la confiance requise pour demander la dissolution de l’alliance. Au lieu de cela, ils ont légitimé le maintien de l’OTAN, en mettant en garde contre des menaces « multidirectionnelles » qui nécessitaient des interventions coordonnées, même en dehors du territoire de ses États membres.

En 1997, au siège de l’OTAN, à Bruxelles, la secrétaire d’État étasunienne Madeleine Albright a déclaré qu’avec la disparition de l’Union soviétique, « nombreux pensent que nous ne sommes plus confrontés à une telle menace unificatrice, mais je pense qu’ils se trompent ». Quel était donc l’objectif de l’OTAN ? Albright l’a expliqué : « Il faut mettre fin à la prolifération des armes nucléaires, chimiques et biologiques. Il faut neutraliser le mélange explosif de la technologie et de la terreur, la possibilité, aussi impensable qu’elle puisse paraître, que des armes de destruction massive tombent entre les mains de personnes qui n’ont aucun scrupule à les utiliser. Cette menace émane en grande partie du Moyen-Orient et de l’Eurasie, de sorte que l’Europe est particulièrement menacée.»11

En d’autres termes, l’OTAN devait intervenir dans des zones situées en dehors de l’Europe pour protéger cette dernière. Voilà pour l’interprétation charitable et superficielle. Mais, il y a une autre façon de comprendre ce qu’Albright a dit si franchement. Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, la Russie – sous la direction d’un président docile, Boris Eltsine (qui devait sa réélection en 1996 à l’ingérence des États-Unis) – s’était rendue aux États-Unis. Ceux-ci ont donc saisi l’occasion d’utiliser leur puissance militaire écrasante et celle de leur principal instrument mondial, l’OTAN, pour étendre leur domination sur l’Europe de l’Est et punir tous les « États rebelles » (comme Anthony Lake du département d’État étasunien les a qualifiés en 1994) qui refusaient d’adopter les politiques de la mondialisation, du néolibéralisme et de la primauté des États-Unis. En réalité, cette expansion vers l’est accroît l’insécurité des pays baltes.12

Les gouvernements du Nord global ont besoin de l’image d’un ennemi menaçant pour légitimer l’existence de l’OTAN. Qu’il s’agisse de la menace perçue du communisme (l’Union soviétique pendant la guerre froide) ou d’allégations de terrorisme (Al-Qaïda) ou d’autoritarisme (la Russie et la Chine plus récemment), les États membres de l’OTAN sèment la peur au sujet des « ennemis du monde libre » pour convaincre leur population de la nécessité de militariser davantage leur société, en développant, par exemple, leurs forces militaires et policières.13

En réalité, en 1991, il était déjà clair que les États-Unis utiliseraient l’OTAN pour subordonner l’Europe de l’Est et la Russie, et qu’ils l’utiliseraient ensuite comme gendarme mondial contre tout « État voyou » qui déciderait de défier leur puissance dans cette nouvelle ère. Les lignes d’engagement de l’OTAN suivraient la politique des États-Unis à la lettre. En 2002, la Stratégie de sécurité nationale des États-Unis d’Amérique du président George W. Bush indiquait que « nos forces seront à la hauteur pour dissuader des adversaires potentiels de poursuivre un renforcement militaire dans l’espoir de surpasser ou d’égaler la puissance des États-Unis ».14 Le concept d’« adversaires potentiels » – d’abord des « États rebelles » ou des « États voyous » en 1994, puis une « catastrophe terroriste » en 1998 – serait bientôt axé sur la Russie et la Chine.15

Des exigences géopolitiques ont motivé cette décision, mais de l’argent était également en jeu. L’industrie de l’armement craignait que des « dividendes de la paix » ne suivent l’effondrement de l’Union soviétique et que ses bénéfices n’en pâtissent, alors qu’ils avaient augmenté de manière considérable durant la guerre froide. C’est pourquoi l’industrie de l’armement a créé le Comité étasunien pour l’élargissement de l’OTAN, présidé par Bruce Jackson (alors vice-président de Lockheed Martin), qui a fait pression sur le Congrès étasunien pour qu’il adopte le NATO Enlargement Facilitation Act en 1996. Lors des deux années suivantes, de 1996 à 1998, les six plus grandes entreprises militaires ont dépensé 51 millions de dollars en lobbying auprès du Congrès pour promouvoir l’expansion de l’OTAN.16 Comme l’a dit Joel Johnson, de l’Aerospace Industry Association, « les enjeux sont importants. Ceux qui arriveront les premiers contrôleront le marché pour le prochain quart de siècle » (puisque les ventes d’avions supposent d’énormes achats supplémentaires de pièces détachées et de nouveaux avions pour entretenir et développer les flottes).17

En 1999, l’OTAN est entrée en guerre en Yougoslavie pour démanteler le pays. Ce fut le premier signe qu’elle allait opérer en dehors de son mandat.

Les nouveaux membres de l’OTAN ont été fortement encouragés à s’approvisionner auprès de l’industrie étasunienne de l’armement, de sorte que l’élargissement de l’OTAN s’est également traduit par l’élargissement du marché de l’armement pour Boeing, Lockheed Martin, McDonnell Douglas, Northrop Grumman, Raytheon et Textron (connus à l’époque sous le nom des « Big Six », tous basés aux États-Unis).18 De 2015 à 2019, et de 2020 à 2024, les membres européens de l’OTAN ont plus que doublé leurs importations d’armes, dont 64 % en provenance des États-Unis.19

La dépendance de l’Europe vis-à-vis des fabricants d’armes étasuniens est un problème pour les bureaucrates de la région depuis des décennies. En 2003, une étude de la Commission européenne indiquait : « le risque est grand de voir l’industrie européenne ravalée au rang de sous-traitant de maîtres d’œuvre étasuniens et le savoir-faire réservé aux seules entreprises étasuniennes.»20 Cela s’inscrivait dans le cadre de la vision globale visant à subordonner l’Europe aux ambitions étasuniennes.

En 1999, outrepassant tout mandat de l’ONU pour le maintien de la paix, l’OTAN est entrée en guerre en Yougoslavie, pour briser le pays. L’OTAN a bombardé l’ambassade de Chine à Belgrade, ce que les Chinois continuent de considérer comme un acte délibéré.21Ce fut le premier indicateur de la sortie de l’OTAN hors de sa zone d’opération. Deux ans plus tard, l’OTAN a mené une autre opération « en dehors de sa zone » en entrant dans la guerre contre l’Afghanistan initiée par les États-Unis. L’OTAN a ainsi acquis la certitude qu’elle avait désormais la capacité et la permission d’agir comme gendarme de l’ordre dirigé par les États-Unis, comme l’ont décrit Ivo H. Daalder – devenu ambassadeur des États-Unis auprès de l’OTAN en 2009 – et James Goldgeier (un défenseur de longue date de l’expansion de l’OTAN) dans Foreign Affairs à propos de Global NATO en 2006.22 Si l’OTAN ne s’est pas officiellement engagée dans la guerre illégale contre l’Irak en 2003, elle a néanmoins soutenu la Pologne et la Turquie sur le plan de la logistique et des communications pendant la guerre. Pendant cette période, l’OTAN a commencé à étendre ses relations avec des forces militaires du monde entier, notamment en Europe de l’Est et en Asie de l’Est.

Avant l’effondrement de l’Union soviétique, et pour permettre l’annexion de la République démocratique allemande (RDA), le gouvernement des États-Unis s’était engagé auprès du gouvernement soviétique à ce que l’OTAN ne s’étende pas au-delà de la frontière est de l’Allemagne.23 Or, après la chute de l’Union soviétique, c’est exactement ce qu’a fait l’OTAN. Le bombardement de la Yougoslavie en 1999 a envoyé un message clair aux pays d’Europe de l’Est : vous êtes avec nous ou contre nous. Dans les années qui ont suivi, les pays suivants ont été intégrés à l’OTAN : la République tchèque, la Hongrie et la Pologne en 1999 ; la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie en 2004 ; l’Albanie et la Croatie en 2009 ; Le Monténégro en 2017 et la Macédoine du Nord en 2020. Durant ce processus, les États-Unis ont pris des mesures pour veiller à ce que l’Allemagne, désormais réunifiée, soit « maintenue à terre » et agisse uniquement dans les limites fixées par Washington.24 L’expansion de l’UE vers l’Est a été autorisée, mais elle a été précédée (ou du moins accompagnée) de l’expansion de l’OTAN. L’hégémonie étasunienne dans le bloc occidental était ainsi assurée, en particulier en Europe de l’Est.

Bien que quatre pays limitrophes de la Russie (l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie et la Pologne) avaient déjà rejoint l’OTAN au milieu des années 2000, le gouvernement russe n’allait pas permettre à la Géorgie et à l’Ukraine, deux pays qui partagent d’importantes frontières avec la Russie, d’y adhérer. Lors du sommet de l’OTAN en avril 2008 à Bucarest, dans le contexte de la dépendance croissante de l’Europe au gaz naturel et au pétrole russes, la France et l’Allemagne ont bloqué l’entrée de la Géorgie et de l’Ukraine dans l’OTAN. Le déploiement de l’armée russe à la suite d’une confrontation militaire entre la Géorgie et la Russie en Ossétie du Sud la même année a donné une première indication de jusqu’où Moscou était prête à aller pour empêcher les ambitions de ce pays du Caucase d’adhérer à l’UE ou à l’OTAN. La destitution du gouvernement ukrainien en 2014 sous l’influence des États-Unis, l’insistance du Nord global pour que l’Ukraine rejoigne l’OTAN et le retrait des États-Unis des principaux traités de contrôle des armements – notamment du traité sur la limitation des systèmes de défense antimissiles (ABM) en 2002, et du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire en 2019 – ont suggéré à la Russie que Washington avait l’intention de placer des armes nucléaires à portée intermédiaire à sa frontière.25 Ce point n’était pas négociable pour Moscou et a conduit à l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022.

Depuis le début des années 1950, les États-Unis se plaignent de devoir supporter le poids des dépenses de l’OTAN parce que les pays européens ne consacrent pas assez d’argent à leur capacité militaire.26 Les dépenses militaires des pays européens sont toutefois restées faibles et ont même diminué dans les années 1970 en raison du processus de détente qui a suivi la signature du traité ABM en 1972 et des accords d’Helsinki de 1975, ainsi que de la stagflation qui a étouffé leur économie au même moment. Dans les années 1980, l’administration du président états-unien de l’époque, Ronald Reagan, a fait pression sur l’Europe pour qu’elle augmente ses dépenses militaires. Dans l’après-guerre froide, les responsables états-uniens ont de nouveau martelé la nécessité d’augmenter les dépenses militaires européennes.

Dans le même temps, l’Europe reconnaissait que sa dépendance vis-à-vis des États-Unis l’empêchait de fonctionner de manière indépendante. Après les guerres de Bosnie en 1995 et de Yougoslavie en 1999, par exemple, les capitales européennes ont débattu de leur dépendance à l’égard des États-Unis.27 Cette inquiétude a largement motivé le projet de construction du système européen de navigation par satellite, Galileo. « Si l’UE juge nécessaire d’entreprendre une mission de sécurité que les États-Unis ne considèrent pas comme étant dans leur intérêt », notait un document de la Commission européenne en 2002, l’Europe « sera impuissante, si elle ne dispose pas de la technologie satellitaire désormais indispensable ».28 Lors du sommet de l’OTAN à Riga en 2006, les membres ont décidé de porter leurs dépenses militaires à 2 % de leur PIB, une norme renforcée lors du sommet de l’OTAN au Pays de Galles en 2014.29

Les États-Unis avaient promis au gouvernement soviétique que l’OTAN ne s’étendrait pas au-delà de la frontière orientale de l’Allemagne. Après la chute de l’Union soviétique, c’est pourtant exactement ce qui s’est produit.

Conscients des problèmes liés à la dépendance militaire, les États européens souhaitaient néanmoins rester sous la couverture militaire des États-Unis. Leurs dirigeants se sont empressés d’aller de sommet de l’OTAN en sommet de l’OTAN pour accepter d’augmenter leurs dépenses militaires, sans se soucier des dommages que cela causerait à leur société et à leur propre politique étrangère, qui devenait de plus en plus militarisée. En 2022, le chancelier allemand Olaf Scholz a prononcé un discours reconnu plus tard sous le nom de « Zeitenwende » (« changement d’époque »), dans lequel il promettait un fonds de 100 milliards de dollars pour augmenter les dépenses militaires.30 Puis, en 2025, lorsque les États-Unis ont décidé de réduire l’aide militaire à l’Ukraine, le gouvernement allemand (aujourd’hui dirigé par le chancelier Friedrich Merz) — qui prônait avec arrogance la prudence fiscale envers son propre peuple et contre les peuples des pays européens plus pauvres (comme la Grèce) – a ignoré sa règle de frein à l’endettement (un plafond limitant les emprunts de l’État, inscrit dans la constitution du pays en 2009) afin d’augmenter les dépenses militaires.31 La même année, l’UE a également annoncé son intention d’approuver 800 milliards d’euros de crédits de guerre.32 En d’autres termes, on trouve de l’argent pour l’OTAN, mais pas pour la sécurité sociale ou les infrastructures essentielles.33

L’OTAN et le Sud global

En 2023, un an après l’invasion russe en Ukraine, l’ambassadeur allemand, Christoph Heusgen, a demandé à la Première ministre namibienne, Saara Kuugongelwa-Amadhila, pourquoi son pays n’avait pas condamné la Russie. Elle a répondu que son pays « encourageait une résolution pacifique de ce conflit pour que le monde entier et toutes les ressources de ce monde puissent se concentrer sur l’amélioration des conditions de vie des êtres humains dans le monde entier. Au lieu d’être dilapidées pour l’acquisition d’armes, pour tuer des gens et créer des hostilités ».34 L’argent utilisé pour l’achat d’armes, selon Mme Kuugongelwa-Amadhila, pourrait même être utilisé en Europe, « où de nombreuses personnes sont dans la misère ». Ce qui ressort de cet échange, ce ne sont pas les propos de Saara Kuugongelwa-Amadhila en soi, mais le fait que son discours contredit le consensus qui règne entre les pays du Nord global.

La perplexité s’est répandue dans la salle et au-delà. Pourquoi ces dirigeants de petits pays pauvres du Sud global s’expriment-ils contre le Nord global, et pourquoi ne sont-ils plus aussi subordonnés qu’ils l’étaient autrefois ? Comme l’a écrit le ministre japonais des Affaires étrangères, Yoshimasa Hayashi, dans la préface du Diplomatic Bluebook 2023, qui vise à comprendre l’émergence du Sud global, « le monde se trouve aujourd’hui à un tournant de l’histoire ».35 Dans un rapport de novembre 2024, Audronius Ažubalis, rapporteur de l’OTAN et ancien ministre lituanien des Affaires étrangères, a reconnu les changements qui se produisent dans le monde avec l’essor du Sud global : « l’Occident semble ne pas s’être adapté assez rapidement à cette nouvelle réalité. Cela a permis à des puissances autoritaires telles que la Russie et la Chine de faire des percées significatives en Asie, en Afrique, en Amérique latine et dans le Pacifique, et d’en tirer des avantages économiques et géopolitiques considérables.»36

L’évaluation d’Ažubalis montre à quel point les dirigeants du Nord global ne comprennent pas l’essor du Sud global. En effet, c’est l’émergence d’un nouveau pôle industriel et de forces productives en Asie (de l’Inde et de la Chine au Vietnam et à l’Indonésie) et la création d’un nouvel ensemble d’institutions de développement (y compris la Nouvelle banque de développement) qui ont permis aux États les plus pauvres d’exercer une certaine pression sur le Fonds Monétaire International, dominé par le département du Trésor des États-Unis. En d’autres termes, ce n’est pas que la Chine fait des « percées significatives » sur ces continents, mais qu’elle et d’autres pays sont en mesure de soutenir les efforts de développement dans les nations les plus pauvres. Puisque les pays du Nord global ne le font pas, ces nations ne leur sont plus redevables.

En 2006, les États membres européens se sont mis d’accord pour augmenter leurs dépenses militaires à 2 % de leur PIB, quel qu’en soit le coût pour leurs sociétés.

Il est téméraire de considérer la Chine et la Russie comme des « puissances autoritaires » et de penser que le discours usé du libéralisme et de la démocratie occidentaux attirera les pays désireux de développer leur économie. Tout aussi absurde est l’accusation d’autoritarisme de la part de pays qui s’allient régulièrement avec des monarchies. L’incapacité à comprendre le mouvement actuel de l’histoire paralyse les intellectuels de l’OTAN, qui se rabattent sur l’hypothèse selon laquelle les peuples d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et du Pacifique sont simplement dupés par la Russie et la Chine, et que si seulement ils savaient la vérité sur le libéralisme et la démocratie en Occident, ils prendraient la bonne décision en se subordonnant au Nord global.

L’OTAN n’en a pas moins développé une présence importante dans la région méditerranéenne, sur le continent africain et en Asie (et joue un rôle mineur en Amérique latine, où sa principale alliée est la Colombie). Dans la suite de cette section, nous nous concentrerons sur ces trois régions où l’activité de l’OTAN est importante.

La Méditerranée, la guerre contre le terrorisme et l’instrumentalisation des flux migratoires

Dans les années 1990, l’OTAN a étendu ses tentacules pour explorer des collaborations dans le monde entier, en commençant par ce qu’elle appelle son « voisinage méridional » (à savoir les pays situés au sud de la mer Méditerranée). En 1994, elle a lancé le Dialogue méditerranéen, un forum permettant aux pays situés en dehors de la zone de l’OTAN d’échanger avec ses pays membres. Plusieurs pays ont rejoint le dialogue par vagues, de l’Algérie, l’Égypte et Israël à la Jordanie, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie. Beaucoup n’avaient pas de relations avec Israël et s’asseyaient pourtant autour de la table avec le représentant de ce pays.

En 2004, un an après la participation des États-Unis et de plusieurs de leurs alliés de l’OTAN à la guerre illégale contre l’Irak, l’organisation transatlantique a réuni quatre pays du Golfe Arabique (Bahreïn, le Koweït, le Qatar et les Émirats arabes unis) dans le cadre de l’Initiative de coopération d’Istanbul afin de renforcer la coopération militaire entre l’OTAN et le Golfe Arabique. Plusieurs pays participant à ces initiatives (dont au moins le Qatar, les Émirats arabes unis, la Jordanie et le Maroc) ont pris part en 2011 à l’opération Unified Protector de l’OTAN qui a détruit l’État libyen. En 2016, l’OTAN a ouvert le pôle pour l’axe stratégique sud de l’OTAN près de Naples, en Italie ; en 2017, elle a ouvert un centre régional de l’initiative de coopération d’Istanbul au Koweït ; puis, dans le cadre de ce processus de dialogue, elle a suggéré d’ouvrir un bureau de liaison de l’OTAN à Amman, en Jordanie. La création de ce bureau a été décidée lors du sommet de l’OTAN de 2023 à Vilnius, et il a ouvert ses portes l’année suivante.

Dès les années 1990, l’OTAN avait étendu ses tentacules pour explorer des coopérations à travers le monde.

Ces déclarations et ces communiqués parlent de droits humains et de démocratie avec véhémence, mais les mots clés sont en réalité la lutte contre le terrorisme et l’interdiction de la traversée des eaux par les migrants. Après les atrocités de la guerre de l’OTAN contre la Libye en 2011, alors que l’alliance était déjà embourbée dans la guerre contre le terrorisme, elle a lancé une guerre contre les migrants de diverses régions du Sud global. Ceux-ci s’étaient rendus dans ce pays déchiré par la guerre pour tenter de traverser la mer vers l’Italie. Les dirigeants de l’OTAN ont décrit cette tragédie comme une « instrumentalisation des flux migratoires ». Cela signifiait pour eux que leurs ennemis déployaient les migrants comme une « menace hybride » pour submerger leurs pays (une expression utilisée spécifiquement lorsque la Russie a autorisé des demandeurs d’asile d’une série de pays à franchir la frontière avec la Finlande en 2024). Lors d’une réunion à Washington en 2024, l’ancien secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a reconnu sans détour que « l’OTAN avait un rôle à jouer » dans l’« instrumentalisation des flux migratoires ».37 Voilà l’OTAN qui déploie toute sa panoplie de moyens militaires pour défendre la « forteresse Europe », une idée anti-immigration et de la droite.

L’Afrique dit : « OTAN, dégage ! »

L’intervention la plus importante de l’OTAN au sud de la Méditerranée a été le recours à la force pour détruire l’État libyen en 2011. Cet acte a ouvert la porte aux Africains et à d’autres pour migrer vers l’Europe via la Libye et a déclenché une vague d’attaques terroristes en Algérie, au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Plus d’une décennie plus tard, les stigmates de l’intervention de l’OTAN subsistent.

Cette intervention a notamment été menée au prétexte de la « responsabilité de protéger » (R2P), une norme internationale, élaborée par des Nations unies assiégées, qui « cherche à garantir que la communauté internationale ne manque plus jamais de mettre un terme aux atrocités criminelles de masse que sont le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité ».38 Si la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États a développé la R2P en 2001, en réponse au génocide rwandais de 1994 et au bombardement de la Yougoslavie par l’OTAN en 1999, ce n’est qu’après que les États-Unis ont mis à mal l’idée d’« intervention humanitaire » avec leur guerre illégale contre l’Irak en 2003 que des mesures plus concrètes ont été prises pour consolider la R2P comme norme internationale, jusqu’à son adoption formelle lors du Sommet mondial de l’ONU de 2005.

La France, qui a participé à la destruction de la Libye, a utilisé les attaques terroristes qui ont suivi au Sahel pour légitimer sa propre intervention militaire dans la région, qui a récemment été repoussée par des coups d’État populaires sous le slogan « France, dégage ! »39. Ce slogan, « France, dégage ! », glisse vers une orbite plus large : « Europe, dégage ! » « OTAN, dégage ! »

Depuis 2009, les États-Unis considèrent de plus en plus la Chine comme leur principal rival, poussant l’OTAN à étendre sa zone d’action afin de maintenir les Chinois à leur place.

Pour la plupart des habitants du continent africain, il est difficile de faire la distinction entre l’UE, les États-Unis et l’OTAN. La politique de l’UE en matière de migration, par exemple, n’est pas une politique civile, mais une politique paramilitaire qui a fait appel à l’Arma de Carabinieri italienne et à la Guardia Civil espagnole pour patrouiller dans le Sahel par le biais des Groupes d’action rapide pour la surveillance et l’intervention au Sahel (GAR-SI) de 2017 à 2021. Pendant ce temps, les États-Unis ont fait voler des drones pour assurer une capacité de surveillance depuis AB 201, une énorme base militaire étasunienne située à Agadez, au Niger.40 L’intervention militaire française, les bases étasuniennes dans la région, l’utilisation au Sahel et au Sahara de technologies de surveillance strictement réglementées ou interdites en Europe : voilà comment l’Afrique du Nord vit le projet de l’OTAN. Pas pour les droits humains, mais pour la brutalité.41

Cependant, la présence de l’OTAN en Afrique a constitué un défi pour les gouvernements du continent, qui continuent à chercher des fonds et une assistance technique. En 2015, cette dynamique a permis à l’OTAN de créer un bureau de liaison au siège de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba, en Éthiopie.42 C’est cette concession à l’OTAN qui permet aux États africains de demander une formation et des fonds pour la toute jeune Force africaine en attente (l’une de ses cinq forces régionales étant la Brigade de la communauté économique régionale d’Afrique de l’Ouest, qui a failli envahir les États du Mali, du Burkina Faso et du Niger après leurs coups d’État populaires en 2021, 2022 et 2023, respectivement).43 Les chefs militaires africains continuent de faire des allers-retours entre les quartiers généraux militaires des pays de l’OTAN, ce qui a été officialisé sous la forme d’entretiens entre états-majors militaires de l’OTAN et de l’UA.44 Avec ce genre de complaisance, le fait que le Conseil de paix et de sécurité de l’UA ait fait une déclaration en 2016 demandant à ses États membres d’être « prudents » au sujet des bases militaires étrangères sur leur sol ne signifie pratiquement rien.45

Le défi chinois de l’OTAN

Les guerres en Yougoslavie, en Afghanistan et en Libye ont fait sortir l’OTAN de sa zone d’opérations directe. Mais, cela est loin d’être la limite de la géographie de l’impérialisme de l’OTAN. Comme l’a écrit Sten Rynning, du Danish Institute for Advanced Study, dans son livre de 2024 NATO : From Cold War to Ukraine, a History of the World’s Most Powerful Alliance (De la guerre froide à l’Ukraine, une histoire de l’alliance la plus puissante du monde), « Naturellement, l’OTAN ne peut se permettre d’ignorer l’Indo-Pacifique, car ce théâtre est devenu la principale préoccupation géopolitique des États-Unis ».46 Cette formulation intéresserait un linguiste : l‘ OTAN « ne peut pas se permettre d’ignorer » les questions centrales qui préoccupent non pas les membres de l’OTAN dans leur ensemble, mais les États-Unis. En d’autres termes, Sten Rynning, dont le livre est ce qui se rapproche le plus d’une étude autorisée de l’OTAN, fait ouvertement deux aveux. Tout d’abord, la politique de l’alliance est déterminée non pas par le Conseil de l’Atlantique Nord (officiellement le principal organe de décision de l’OTAN), mais par les États-Unis. Ensuite, depuis 2009 (lorsque Barack Obama est devenu président), les États-Unis considèrent de plus en plus la Chine comme leur principal rival, ce qui conduit l’OTAN à élargir son orbite pour menacer les Chinois et les remettre à leur place.

Jusqu’à récemment, l’OTAN décrivait la Chine comme offrant à la fois des « opportunités et des défis », comme elle l’écrivait dans la déclaration de Londres de 2019. Deux ans plus tard, sous la pression des États-Unis, l’OTAN a décidé que la Chine n’offrait plus d’« opportunités », mais que ses « ambitions déclarées et son comportement affirmé posent des défis systémiques à l’ordre international fondé sur des règles et à des zones pertinentes pour la sécurité de l’Alliance » (selon la déclaration de Bruxelles de 2021). Dans un essai publié sur le site web de l’OTAN en 2023, Luis Simón, du Real Instituto Elcano, basé à Madrid (fondé et financé par l’État espagnol), affirme que « la Chine constitue un défi pour un système international qui reflète encore largement les valeurs et les intérêts transatlantiques ».47 Cette observation est juste : ce n’est pas que la Chine s’oppose à « l’ordre international fondé sur des règles », comme le prétend le département d’État des États-Unis, mais qu’elle pourrait s’opposer à la domination transatlantique de ce système.

M. Simón relève que la Chine est « importante » pour la sécurité de l’OTAN de deux autres manières clé.La Chine dispose de systèmes d’armes qui pourraient atteindre l’Europe et elle possède des « holdings d’infrastructures critiques en Europe ». De plus, la nouvelle guerre froide contre la Chine est « extrêmement importante pour les États-Unis » et l’OTAN doit donc être impliquée à la frontière indo-pacifique. Cela renforce le point de vue de Sten Rynning selon lequel si une chose est importante pour les États-Unis, elle doit l’être aussi pour l’OTAN (ici, Simón, un ressortissant espagnol, pense comme Rynning, un ressortissant danois, que la souveraineté des politiques étrangères de leurs propres pays peut être cédée face à Washington).

L’OTAN est déjà pleinement active dans la région indo-pacifique, comme en témoigne sa volonté de se joindre aux patrouilles américaines dans les eaux entourant la Chine.

C’est cette attitude qui a incité l’OTAN à utiliser son programme de partenariat personnalisé (créé en 2021) pour nouer des liens étroits avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande (toutes deux déjà membres de l’alliance de renseignement Five Eyes), ainsi qu’avec le Japon et la Corée du Sud. Ces pays font désormais partie de l’Indo-Pacific Fours (IP4) et ont participé au sommet de l’OTAN de 2022 à Madrid comme membres proches.48 Ensuite, en septembre 2024, le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba a appelé à la formation d’une « OTAN asiatique ». Toutefois, même si l’alliance a envisagé par le passé d’ouvrir un bureau de liaison à Tokyo, une OTAN asiatique serait largement redondante compte tenu des éléments déjà établis de la stratégie indo-pacifique des États-Unis, par exemple :

  • Five Eyes, un réseau d’agences de renseignement liées par des accords non divulgués, composé de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Canada, du Royaume-Uni et des États-Unis ;
  • Le dialogue quadrilatéral sur la sécurité (ou Quad), qui comprend l’Australie, l’Inde, le Japon et les États-Unis ;
  • The Squad, qui remplace une Inde peu enthousiaste par les Philippines ;
  • L’alliance Australie-Royaume-Uni-États-Unis (AUKUS) ;
  • L’alliance Japon-Corée du Sud-États-Unis (JAKUS).

En outre, le gouvernement des États-Unis a fait rentrer de manière très provocante la province chinoise de Taïwan dans le rôle croissant de l’OTAN en Asie. Par exemple, le projet de loi sur la politique taïwanaise du Congrès étasunien considère l’île comme un « allié majeur non membre de l’OTAN », tandis que la recommandation d’amendement à la loi de 1976 sur le contrôle des exportations d’armes l’inclut dans la liste des « bénéficiaires de l’OTAN Plus », ce qui lui permet de se soustraire à différentes règles de non-prolifération.49

En d’autres termes, il existe déjà plusieurs plates-formes qui font le travail d’une OTAN asiatique. L’alliance est également déjà pleinement impliquée dans l’Indo-Pacifique, comme en témoigne sa volonté de s’associer au projet états-unien de patrouille dans les eaux autour de la Chine et de construction de projets de sécurité tels que des bases et des alliances. L’alliance atlantique de l’OTAN a déjà pris le large dans l’océan Pacifique. C’est la diplomatie de la canonnière du XXIe siècle.

En 1839, les navires britanniques qui imposaient l’opium aux Chinois portaient des noms évocateurs tels que le HMS Volage et le HMS Hyacinth, le premier (Volage) indiquant l’inconstance et le second (Hyacinth) étant une référence à la mythologie grecque indiquant la jalousie. Ces noms méritent d’être préservés. Les alliances de l’OTAN sont, elles aussi, inconstantes. Les intérêts de l’OTAN sont, eux aussi, motivés par la jalousie, protégeant les intérêts de ses États membres plutôt que les intérêts mondiaux, comme elle le prétend. Elle veut maintenir le système états-unien fondé sur des règles et empêcher d’autres pays de se développer. C’est cela qui fait de l’OTAN l’organisation la plus dangereuse et la plus réactionnaire du monde actuel.

Cet article est une traduction de dossier nr. 89, NATO: The Most Dangerous Organisation on Earth du Tricontinental Institute for Social Research. https://thetricontinental.org/dossier-nato-the-most-dangerous-organisation/

 

Footnotes

  1. Peter Gowan, ‘ The NATO Powers and the Balkan Tragedy’, New Left Review, no. I/234 (mars-avril 1999), 103.
  2. Sevim Dagdelen, NATO : A Reckoning with the Atlantic Alliance, (LeftWord Books, 2024) ; Sten Rynning, NATO : From Cold War to Ukraine, a History of the World’s Most Powerful Alliance (Yale University Press, 2024) ; Grey Anderson, ed. Natopolitanism. The Atlantic Alliance Since the Cold War (Londres : Verso, 2023).
  3. Pour en savoir plus sur la conférence de San Francisco, voir Tricontinental: Institute for Social Research, The New Cold War Is Sending Tremors through Northeast Asia, dossier n° 75, 2024 mai 2024, https://thetricontinental.org/dossier-76-new-cold-war-northeast-asia/.
  4. ‘ Review of the World Situation’, Central Intelligence Agency, 17 mai 1949, https://nsarchive.gwu.edu/document/17548-document-03-central-intelligence-agency-review..
  5. ‘ Lord Ismay’, Organisation du traité de l’Atlantique Nord, consulté le 16 mars 2024, www.nato.int/cps/ge/natohq/declassified_137930.htm..
  6. Office of the Historian, Foreign Service Institute, United States Department of State, ‘ Report by the Policy Planning Staff’, rapport n° 23, 24 février 1948, inForeign Relations of the United States, 1948, General ; The United Nations, Volume I, Part 2(Washington, DC : US Government Printing Office, 1976), https://history.state.gov/historicaldocuments/frus1948v01p2/d4..
  7. Tricontinental: Institute for Social Research, ‘ The US Ministry of Colonies and Its Summit’, red alert n° 14, 25 mai 2022, https://thetricontinental.org/red-alert-14-summit-of-the-americas/.
  8. ‘ The US Ministry of Colonies and Its Summit’.
  9. Mascha Neumann, ‘ East German Weapons in the Fight Against Fascist Portugal’, Internationale Forschungsstelle DDR, 24 avril 2024, https://ifddr.org/en/east-german-weapons-in-the-fight-against-fascist-portugal/.
  10. ‘ The Alliance’s New Strategic Concept (1991)’, Organisation du traité de l’Atlantique Nord, consulté le 1e juillet 2022, www.nato.int/cps/fr/natohq/official_texts_23847.htm
  11. Madeleine K. Albright, ‘ Statement by Secretary of State Madeleine K. Albright During the North Atlantic Council Ministerial Meeting’, Organisation du traité de l’Atlantique Nord, 16 décembre 1997, www.nato.int/docu/speech/1997/s971216aa.htm..
  12. En 1997, Peter Gowan a écrit : ‘ En entrant en Pologne, l’OTAN accroît en réalité l’insécurité dans les pays baltes. La conclusion est inéluctable : la première et principale raison de l’entrée en Pologne n’est pas une menace russe, mais l’extrême faiblesse actuelle de la Russie. En raison de l’effondrement social et économique catastrophique en Russie et du fait que son État a, pour l’instant, été capturé par un clan de capitalistes gangsters autour du protégé de l’Occident Boris Eltsine, l’État russe n’est pas en mesure, à l’heure actuelle, de résister à l’élargissement. Cette faiblesse russe sera très certainement temporaire. Nous devons partir du principe que l’économie et l’État russes se relèveront. Elle pourrait facilement décupler ses ressources par rapport à aujourd’hui. L’OTAN exploite ainsi une ‘ fenêtre d’opportunité ’ qui ne restera pas ouverte très longtemps. Il s’agit donc d’établir rapidement un fait accompli contre la Russie’. Peter Gowan, ‘ The Enlargement of NATO and EU’, dans The Global Gamble : Washington’s Faustian Bid for World Dominance (Verso, 1999), 298-299.
  13. George Monastiriakos, ‘ Invite Ukraine to Join NATO and Win the Peace in Europe’, The Hill23 octobre 2024, https://thehill.com/opinion/international/4947010-ukraine-nato-membership-war-russia/
  14. Maison Blanche, ‘ The National Security Strategy of the United States of America’, septembre 2002, https://2009-2017.state.gov/documents/Organisation/63562.pdf
  15. Pour ‘ rogue states ’ ou ‘ backlash states’, voir Anthony Lake, ‘ Confronting Backlash States’, Foreign Affairs 73, n° 2 (mars-avril 1994) : 45-55. On ‘ catastrophic terrorism’, see Ashton Carter, John Deutch, and Philip Zelikow, ‘ Catastrophic Terrorism: Tackling the New Danger’, Foreign Affairs 77, no. 6 (novembre-décembre 1998) : 80-95. Lorsque Lake a écrit cet essai, il était conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, et Carter a ensuite été secrétaire à la défense des États-Unis (2015-2017). Deutch a été secrétaire adjoint à la défense (1994-1995), puis directeur de la Central Intelligence Agency (1995-1996), tandis que Zelikow a rédigé la stratégie de sécurité nationale de Bush en 2002.
  16. Katharine Q. Seele, ‘ Arms Contractors Spend to Promote Expanded NATO’, New York Times, 30 mars 1998, www.nytimes.com/1998/03/30/world/arms-contractors-spend-to-promote-an-expanded-nato.html..
  17. Jeff Gerth and Time Weiner, ‘ Arms Makers See Bonanza in Selling NATO Expansion’, New York Times, 29 juin 1997, www.nytimes.com/1997/06/29/world/arms-makers-see-bonanza-in-selling-nato-expansion.html..
  18. Seele, ‘ Arms Contractors’.
  19. Ukraine the World’s Biggest Arms Importer; United States ’ Dominance of Global Arms Exports Grows as Russian Exports Continue to Fall’, Stockholm International Peace Research Institute, 10 mars 2025, www.sipri.org/media/press-release/2025/ukraine-worlds-biggest-arms-importer-united-states-dominance-global-arms-exports-grows-russian
  20. European Union, Towards an EU Defence Equipment Policy (Brussels: Commission of the European Communities, 2003), 11.
  21. Tom Stevenson, Someone Else’s Empire. British Illusions and American Hegemony (Verso Books, 2023), 46-47.
  22. Ivo H. Daalder and James Goldgeier, ‘ Global NATO’, Foreign Affairs85, no. 5 (septembre-octobre 2006) : 105-113.
  23. Pour une évaluation de l’annexion de la RDA, voir Internationale Forschungsstelle DDR et Tricontinental: Institute for Social Research, Risen from the Ruins: The Economic History of Socialism in the German Democratic Republic, Studies on the DDR n° 1, 20 avril 2021, https://thetricontinental.org/studies-1-ddr/ ; pour la controverse sur l’expansion de l’OTAN vers l’Est, voir Mary Elise Sarotte, ‘ A Broken Promise ? What the West Really Told Moscow About NATO Expansion’, Foreign Policy 93, n°5 (septembre-octobre 2014) : 90–97, et son livre Not One Inch: America, Russia, and the Making of Post-Cold War Stalemate (Yale University Press, 2021).
  24. Tricontinental: Institute for Social Research, Hyper-Imperialism: A Dangerous Decadent New Stage, Studies on Contemporary Dilemmas n°4, 23 janvier 2024, https://thetricontinental.org/studies-on-contemporary-dilemmas-4-hyper-imperialism/.
  25. Pour une meilleure compréhension de la mainmise néolibérale sur les structures ukrainiennes, voir Yuliya Yurchenko, Ukraine and the Empire of Capital: from Marketisation to Armed Conflict (Pluto Books, 2017) ; pour une évaluation du contexte de la guerre en Ukraine, voir John Bellamy Foster, John Ross, Deborah Veneziale et Vijay Prashad, The United States is Waging a New Cold War : A Socialist Perspective, Tricontinental : Institute for Social Research, Monthly Review, et No Cold War, septembre 2022, https://thetricontinental.org/the-united-states-is-waging-a-new-cold-war-a-socialist-perspective/.
  26. Une première synthèse est disponible dans Karen Busler, NATO Burden Sharing and the Three Percent Commitment (Congressional Research Service, 1985) et une plus récente dans Assessing NATO’s Value (Congressional Research Service, 2019). La similitude de ton et d’argumentation sur trente-quatre ans et cinq présidents est stupéfiante.
  27. Pour en savoir plus, voir British House of Commons Defence Committee, Lessons of Kosovo: Fourteenth Report of the Defence Select Committee (London: UK Parliament, 24 octobre 2000) https://publications.parliament.uk/pa/cm199900/cmselect/cmdfence/347/34707.htm.
  28. Helen Caldicott et Craig Eisendrath, War in Heaven. The Arms Race in Outer Space (New York : The New Press, 2007), 31.
  29. ‘ Press Briefing by NATO Spokesman After the Meeting of the North Atlantic Council at the Level of Defence Ministers’, NATO Defence Ministers Meetings, 8 juin 2006, www.nato.int/docu/speech/2006/s060608m.htm.
  30. Olaf Scholz, ‘ Policy Statement by Olaf Scholz, Chancellor of the Federal Republic of Germany and Member of the German Bundestag, 27 February 2022 in Berlin’, Press and Information Office of the Federal Government, 27 février 2022, www.bundesregierung.de/breg-en/news/policy-statement-by-olaf-scholz-chancellor-of-the-federal-republic-of-germany-and-member-of-the-german-bundestag-27-february-2022-in-berlin-2008378.
  31. David McHugh, ‘ Germany to Ease Government Debt Limits in Major Step Aimed at Boosting Economy, Defense Spending’, AP News, 5 mars 2025, https://apnews.com/article/germany-ukraine-debt-brake-economy-military-spending-74be8e96d8515ddddd53a99a69957651.
  32. Le Monde with AFP, ‘ EU Chief Unveils €800 Billion Plan to “ Rearm ” Europe’, Le Monde, 4 mars 2025, www.lemonde.fr/en/european-union/article/2025/03/04/eu-chief-reveals-800-billion-plan-to-rearm-europe_6738782_156.html.
  33. Janan Ganesh, ‘ Europe Must Trim Its Welfare State to Build a Warfare State’, Financial Times, 5 mars 2025, www.ft.com/content/37053b2b-ccda-4ce3-a25d-f1d0f82e7989.
  34. Saara Kuugongelwa-Amadhila, ‘ Main Stage I: Defending the UN Charter and the Rules-Based International Order’, panel discussion at the Munich Security Conference, Munich, 18 février 2023, https://securityconference.org/mediathek/asset/main-stage-i-defending-the-un-charter-and-the-rules-based-international-order-20230218-0917/.
  35. Institute for Social Research, The Churning of the Global Order, dossier n° 72, 23 janvier 2024, https://thetricontinental.org/dossier-72-the-churning-of-the-global-order/.
  36. Audronius Ažubalis, NATO and the Global South, (NATO Parliamentary Assembly, 2024), 13, www.nato-pa.int/document/2024-nato-and-global-south-report-azubalis-055-pcnp.
  37. ‘ Speech by NATO Secretary General Jens Stoltenberg at the Wilson Center Auditorium Followed by Q&A’, North Atlantic Treaty Organisation, 17 juin 2024, www.nato.int/cps/en/natohq/226742.htm ?selectedLocale=en.
  38. ‘ What is R2P’, Global Centre for the Responsibility to Protect, www.globalr2p.org/what-is-r2p/#:~:text=The%20Responsibility%20to%20Protect%20populations,Background%20Briefing%20on%20R2P
  39. Vijay Prashad, ‘ In Africa They Say, “ France, Get Out ! ”: The Nineteenth Newsletter (2024)’, Tricontinental Institute for Social Research, 9 mai 2024, https://thetricontinental.org/newsletterissue/the-sahel-seeks-sovereignty/.
  40. ‘ Groupes d’Action Rapides – Surveillance et Intervention au Sahel (GARSI) ’ [Rapid Action Groups – Surveillance and Intervention in the Sahel (GARSI)], CIVIPOL, 15 juin 2021, https://civipol.fr/fr/projets/groupes-daction-rapides-surveillance-et-intervention-au-sahel-garsi.
  41. Tricontinental: Institute for Social Research, Defending Our Sovereignty : US Military Bases and the Future of African Unity, dossier n°42, 5 juillet 2021, https://thetricontinental.org/dossier-42-militarisation-africa/, and Antonella Napolitano, Artificial Intelligence: The New Frontier of the EU’s Border Externalisation Strategy (Copenhague : EuroMed Rights, juillet 2023).
  42. ‘ Cooperation with the African Union’, North Atlantic Treaty Organisation, 27 avril 2023, www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_8191.htm ?selectedLocale=en.
  43. Hanna Eid, ‘ A New World Born from the Ashes of the Old’, Interventions n° 5, Tricontinental Pan Africa, 8 octobre 2024, https://thetricontinental.org/pan-africa/eid-interventions-5/.
  44. ‘ NATO Delegation Takes Part in Ninth Round of Military-to-Military Staff Talks with the African Union’, North Atlantic Treaty Organisation, 28 novembre 2024, www.nato.int/cps/en/natohq/news_230897.htm.
  45. ‘ The 601th Meeting of the AU Peace and Security Council on Early Warning and Horizon Scanning’, African Union, 8 juin 2016, www.peaceau.org/ Sten Rynning, NATO: From Cold War to Ukraine, a History of the World’s Most Powerful Alliance (Yale University Press, 2024), 275.
  46. ‘ London Declaration’, North Atlantic Treaty Organisation, 4 décembre 2019, www.nato.int/cps/en/natohq/official_texts_171584.htm; ‘ Brussels Summit Communiqué’, North Atlantic Treaty Organisation, 14 juin 2021
  47. Luis Simón, ‘ NATO’s China and Indo-Pacific Conundrum’, NATO Review, 22 novembre 2023, www.nato.int/docu/review/articles/2023/11/22/natos-china-and-indo-pacific-conundrum/index.html.
  48. ‘ Relations with Partners in the Indo-Pacific Region’, North Atlantic Treaty Organisation, 24 octobre 2024, Tricontinental: Institute for Social Research, The Churning of the Global Order, dossier n° 72, 23 janvier 2024, https://thetricontinental.org/dossier-72-the-churning-of-the-global-order/.
  49. ‘ Shigeru Ishiba on Japan’s New Security Era: The Future of Japan’s Foreign Policy’, Hudson Institute, 25 septembre 2025, www.hudson.org/politics-government/shigeru-ishiba-japans-new-security-era-future-japans-foreign-policy; US-China Economic and Security Review Commission, ‘ Chapter 9: Taiwan », dans 2024 Annual Report to Congress (Washington, DC : US Government Publishing Office, novembre 2024), 443-485,www.uscc.gov/sites/default/files/2024-11/Chapter_9–Taiwan.pdf; US Senate Committee on Foreign Relations, Taiwan Policy Act of 2022 (Washington, DC: US Senate, 2022), www.foreign.senate.gov/imo/media/doc/Taiwan%20Policy%20Act%20One%20Pager%20FINAL.pdf; Clinton Fernandes, Sub-Imperial Power. Australia in the International Arena (Melbourne University Press, 2022) ; Clinton Fernandes, Island off the Coast of Asia. Instruments of Statecraft in Australian Foreign Policy (Monash University Press, 2018) ; Brendon Cannon et Kei Hakata, eds., Indo-Pacific Strategies: Navigating Geopolitics at the Dawn of a New Age (Londres : Routledge, 2021); Nanae Baldauff, Japan’s Defence Engagement in the Indo-Pacific (Springer Nature, 2024).