Depuis des siècles, ceux qui contrôlent le marché des énergies fossiles sont ceux qui déterminent le prix financier et environnemental de l’énergie. Les nouvelles sources d’énergie constituent une excellente opportunité pour une (re)collectivisation.
Les transitions énergétiques sont souvent présentées comme la conséquence d’un mécanisme de marché « neutre » : les combustibles fossiles ont été « nécessaires » parce qu’ils fournissaient une énergie bon marché. Les énergies renouvelables, quant à elles, ne perceront pas vraiment tant qu’elles ne seront pas compétitives. Lorsque quelque chose ne va pas sur le marché de l’énergie, comme c’est le cas aujourd’hui, on incrimine principalement des facteurs externes (la pandémie et la guerre en Ukraine) qui rendent l’énergie « importée » plus chère et retardent les transitions énergétiques.
Mais l’histoire montre que marché et énergie ne sont pas nécessairement indissociables et que l’un comme l’autre ont, de tout temps, été très politisés. Ça n’a jamais été le marché ou la source d’énergie qui ont déterminé les prix de l’énergie, mais bien le développement du capitalisme et les luttes sociales. Depuis près de trois siècles, l’énergie fossile règne sur notre pays, surfant sur les vagues du marché.
Nous allons ébaucher cette histoire en nous basant sur la notion de « pouvoir d’achat énergétique », une comparaison entre le prix de
l’énergie et les salaires ; en d’autres termes, quelle quantité d’énergie un travailleur peut-il se payer avec son salaire horaire1 ? Nous établirons ainsi un lien entre, d’une part l’expansion du marché de l’énergie fossile et, d’autre part l’histoire du travail et des niveaux de vie, mais aussi plus largement, l’histoire des changements sociaux, politiques et économiques des derniers siècles.
Remarque : pour chaque cas, le graphique divise le salaire d’un travailleur non qualifié par la source d’énergie la moins chère sur le marché. Jusqu’en 1970, il s’agit du charbon ; entre 1970 et 2013 du pétrole ; et ensuite du gaz.
Les débuts de l’énergie fossile en Belgique
L’ère de l’énergie fossile en Belgique (ou plutôt aux Pays-Bas méridionaux, à l’époque) a commencé au cours de la seconde moitié du 18e siècle. La demande croissante d’énergie due à l’urbanisation et à l’industrialisation a progressivement poussé le pays à abandonner le bois de chauffage, de plus en plus rare et donc de plus en plus cher, au profit du charbon, moins onéreux. Face à la demande croissante, les bassins miniers de l’axe wallon, de Mons à Liège, se sont rapidement développés. Le charbon offrait une énergie à un prix de marché historiquement bas, qui a même eu tendance à diminuer tout au long du 19e siècle.