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La France Insoumise et le PTB, points communs et divergences

Augustin Renier

—30 juin 2023

Situés à gauche de la social-démocratie, le Parti du Travail de Belgique (PTB) et La France insoumise (LFI) sont souvent comparés… Ils diffèrent en terme de vision stratégique et d’organisation.

Dimanche 12 septembre 2021. Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise (candidat à l’élection présidentielle française de 2022) est l’invité vedette du grand festival annuel que le Parti du Travail de Belgique organise à Ostende : ManiFiesta.

20 mars 2022. Raoul Hedebouw (nouveau président du PTB) est au premier rang du défilé pour la VIe République que La France insoumise organise à Paris, deux semaines avant le premier tour des élections présidentielles.

La participation de ces deux leaders charismatiques aux manifestations initiées par leurs organisations politiques respectives permet-elle de conclure à une idéologie commune ? Suffit-il d’être à la gauche de la social-démocratie pour faire automatiquement partie de la même famille politique ? L’étude des programmes électoraux de ces partis, de leurs organisations et des interviews dans la presse de leurs leaders 1 a montré que les succès électoraux récents du PTB et de LFI sont pourtant attribuables à des stratégies discursives et organisationnelles très différentes.

LFI et le PTB sont parmi les formations de gauche radicale qui ont obtenu les résultats électoraux les plus importants ces dernières années.

La liste de ce qui rapproche les deux formations est assez longue : la volonté de se démarquer des partis « traditionnels » ; l’incitation faite aux militants à passer à l’action et à s’occuper de problèmes concrets de la vie quotidienne des gens plutôt que de débattre des grandes orientations idéologiques et stratégiques de l’organisation ; la centralité de la question socio-économique (plus axée à LFI sur le macroéconomique et au PTB sur les relations de travail au sein de l’entreprise) ; la mue écologique (plus affirmée à LFI cependant) ; l’encouragement au développement de la démocratie directe au sein des institutions ; un succès certain parmi les jeunes ; un anti-impérialisme conséquent…

Des stratégies couronnées de succès

Il suffit de jeter un rapide coup d’œil sur une carte des résultats électoraux en Europe pour voir apparaître une similarité entre les deux partis : LFI et le PTB sont parmi les formations de gauche radicale qui ont obtenu les résultats électoraux les plus importants ces dernières

Augustin Renier est diplômé de Science Politique à l’Université Libre de Bruxelles et auteur d’une étude comparative du PTB et de la France Insoumise.

années, qui plus est dans les élections les plus importantes de leurs pays respectifs (élections législatives et régionales de 2019 pour le PTB, élections présidentielles de 2017 et de 2022 pour LFI). Certes, Syriza a fait encore 30 % aux dernières élections législatives en Grèce, mais ce ne fut pas un score suffisant pour garder la majorité et le parti, qui fut rejeté dans l’opposition en perdant la moitié de ses députés, semble avoir pris davantage la place de la social-démocratie historique (le Pasok) plutôt que celle d’une gauche « de rupture », suite à sa participation gouvernementale et au renoncement dans sa lutte contre l’austérité imposée par la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international).

Partout ailleurs, les résultats sont nettement moins bons pour les partis à gauche de la social-démocratie : en Espagne, Podemos, tiraillé par des divisions internes, n’a pas réussi son pari de dépasser le PSOE et se contente aujourd’hui d’être une force minoritaire d’appoint à celui-ci ; au Portugal, le Parti socialiste, largement majoritaire, peut désormais se permettre de gouverner seul sans ses anciens alliés de la gauche radicale ; en Allemagne, Die Linke connaît un déclin tendanciel de ses scores électoraux d’élection en élection ; au Royaume-Uni, la figure radicale du Labour Jeremy Corbyn a été largement défaite aux dernières élections législatives par Boris Johnson avant d’être éjectée du parti ; en Italie, la gauche radicale a purement et simplement disparu du paysage politique. Dans ce tableau assez sombre pour ceux qui rêvent d’une rupture par la gauche avec les politiques européennes actuelles, les résultats du PTB et de LFI détonnent.

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