Delhaize n’est plus qu’un lieu de passage pour les marchandises qui, en appliquant les méthodes inspirées de Toyota et de Walmart, comme à des endroits clés au Moyen Âge, ponctionne une rente au bénéfice des actionnaires.
C’est un coup de tonnerre dans le ciel déjà fort embrouillé de la grande distribution qui retentit le 7 mars 2023. Le groupe Ahold-Delhaize annonce qu’il va céder les 128 magasins qu’il détient en propre en Belgique à des franchisés. 636 établissements fonctionnent déjà sur ce mode sous les marques AD Delhaize, Proxy Delhaize et Shop&Go. Cette fois, c’est tout le parc immobilier destiné à la vente au détail de la multinationale belgo-néerlandaise qui passe sous ce régime. La mise sous franchise de l’ensemble des magasins transforme une grosse structure qui occupait 8.864 salariés temps plein et 5.876 temps partiel1 fin 2021 en une série de petites sociétés plus ou moins indépendantes, souvent de moins de 50 travailleurs. De quoi réjouir sans doute les libéraux qui ne jurent que par le développement des petites et moyennes entreprises (PME, maximum 250 personnes), censées représenter la croissance de l’économie mondiale, en particulier en Europe. Cette frénésie autour des PME est aussi le mot d’ordre de l’Union européenne (UE), depuis que la Commission a institué en 2008 un «Small Business Act»2 .
L’exemple de Delhaize démontre parfaitement la mystification des PME comme ciment de l’économie et l’innovation.
Dans celui-ci, il est noté : «Dans un paysage mondial en pleine mutation (…) les PME jouent un rôle plus important encore dans notre société en tant que créateurs d’emplois et d’acteurs clés de la prospérité des collectivités locales et régionales.»3 Depuis lors, dans les divers États européens, en particulier en Belgique, on ne parle plus que du rôle positif et dynamisant de cette petite structure qui détonne par rapport aux énormes «bureaucraties» des grandes multinationales. Les différents pouvoirs belges multiplient les actes pour encourager l’esprit d’entreprise et la création de nouvelles firmes. Si bien que l’administrateur-délégué d’UNIZO, l’Union des entreprises indépendantes du côté néerlandophone4, Danny Van Assche, peut s’écrier : «La Belgique est le pays européen des PME»5.Mais tout cela n’est que pure mystification. L’exemple de Delhaize le montre parfaitement. On détruit une grosse structure au profit de 128 établissements supposés indépendants mais qui, en réalité, ne le sont nullement. C’est le groupe multinational qui contrôle tout le processus de distribution, en récoltant le maximum de bénéfices et en investissant le moins possible.
Au début était l’intégration verticale…
En fait, il y a un problème permanent d’adaptation des productions des fournisseurs aux besoins des clients particuliers, et ce, sur une chaîne qui part des matières premières vers le bien final livré au consommateur. La science économique traditionnelle, libérale, résout cette difficulté par un tour de passe-passe. Elle affirme que c’est le marché qui le règle. Mais celui-ci désigne tout, aussi bien l’approvisionnement entre deux sociétés indépendantes, que celui de l’acquéreur définitif ou celui entre deux filiales d’un même groupe. Déjà au 19ème siècle, face à une concurrence féroce des industriels, les banques, comme la Société Générale de Belgique (SGB), ont créé un système pour procurer des matières premières aux sociétés métallurgiques et sidérurgiques pour que cellesci puissent vendre des rails aux compagnies ferroviaires. C’est une première forme d’intégration verticale6, car la SGB a racheté les firmes de ces trois secteurs, qui sinon seraient tombées en faillite 7. Mais, au 20ème siècle, celui qui va consacrer cette forme de propriété et de contrôle sur l’ensemble de la chaîne est Henry Ford. Son but est de fournir aux fermiers un véhicule facilement accessible sur le plan technique et financier 8.
Pour cela, il faut un modèle standardisé. Or, en ce début de construction automobile, les pièces sont achetées et utilisées un peu partout. Elles ne sont pas adaptées. L’usine est constituée d’une grande salle où le châssis de la voiture est installé au centre et les ouvriers tournent autour pour assembler les composants. Le grand problème est que ceux-ci ne correspondent nullement à la forme qu’ils devraient avoir dans l’assemblage. Dès lors, les travailleurs passent un temps extrêmement long pour les limer pour pouvoir les insérer correctement à l’endroit désigné. Du coup, le véhicule est très cher, car il coûte beaucoup de travail. Henry Ford a l’idée de reprendre les firmes produisant le matériel utilisé au montage et de les équiper de machines capables de fournir des pièces uniformisées. C’est sa première initiative et sans doute la plus importante. Ensuite, il dispose les salariés et les équipements dans l’ordre chronologique de production. C’est ce qui aboutira à la création en 1913 de la chaîne de montage. C’est un succès phénoménal. À partir de 1914, un véhicule sur deux dans le monde sort des usines Ford. Cette entreprise concentre alors toute la confection de la voiture, quasiment des matières premières jusqu’au produit final. Seuls quelques éléments comme les pneus ne sont pas fabriqués en interne. L’usine devient rapidement le modèle à imiter. Renault, Peugeot, Fiat et plus tard Volkswagen vont bâtir de tels édifices grandioses pour abriter une production quasi intégrale de l’automobile.
Très vite, des problèmes vont apparaître. Le plus important est que la centralisation des opérations en un seul lieu rassemble aussi les travailleurs, qui peuvent échanger leurs opinions notamment sur les conditions de travail et de rémunération. Pour le patronat, il est clair que ces énormes usines permettent de centraliser la production, mais elles ont aussi l’immense inconvénient de concentrer la contestation. Henry Ford engage une milice composée de gangsters de Chicago pour espionner ses travailleurs et repousser l’instauration d’un syndicat.
Les énormes usines permettent de centraliser la production , mais elles ont aussi l’immense inconvénient pour le patronat de concentrer la contestation.
Mais, en 1941, une lutte ouvrière va tout balayer sur son passage. Ford sera écarté et ce sont les nouveaux délégués syndicaux qui vont diriger la firme pendant un moment9. Ensuite, la guerre mondiale frappant les États-Unis, ils vont se plier aux injonctions du gouvernement pour fabriquer les équipements militaires nécessaires et donc laisser la place aux ingénieurs pour organiser les affaires. D’autres combats de salariés vont émailler les grandes cathédrales automobiles comme Renault-Billancourt ou Fiat à Turin.
Le toyotisme et la sous-traitance
La solution viendra de l’archipel nippon. Toyota a été créée en 1937 par la famille Toyoda, qui a réalisé sa fortune dans l’industrie textile. Toyota qui, comme les autres constructeurs, a fourni l’armée en matériel militaire, craint pour son intégrité, à la fin de la guerre mondiale. Anticipant une éventuelle déstructuration par les États-Unis qui occupent le pays et imposent leurs conditions, elle filialise une série de ses départements. Ce sera notamment le cas du sous-secteur qui s’occupe des composants électriques et électroniques et qui deviendra Denso, un des géants dans son domaine10.Durant les années 30 et 40, Toyota profite de l’installation d’un réseau de fournisseurs regroupés dans une organisation officielle, ce qu’on appelle dans l’archipel un kyoryokukai. Dès 1947, celui-ci est remis sur pied. Cela concerne les sous-traitants de premier rang, qui approvisionnent directement le constructeur. Mais ces équipementiers ont également des firmes qui leur livrent du matériel et qui sont aussi dans le même cas. C’est donc une véritable pyramide de sous-traitance qui est érigée de la sorte. En 1977, le Ministère japonais du Commerce international et de l’Industrie, le MITI11, a établi un tableau reprenant toutes les entreprises qui composaient cette immense structure liée à Toyota. Cela comprenait des sous-traitants de premier jusqu’au cinquième rang. Au total, il y avait 47.308 sociétés répertoriées et les grands secteurs traditionnellement fournisseurs de la construction automobile, comme la sidérurgie, l’industrie pneumatique, les compagnies pétrolières ou les fabricants de machines, ne sont pas repris. Le tout fonctionne sous la direction du constructeur, qui définit les différents modèles de voiture à produire. Un des atouts majeurs de cette formule est qu’il permet de payer des salaires de moins en moins élevés au fur et à mesure que l’on descend dans la pyramide. Toyota fixe également les prix des produits achetés aux soustraitants. En même temps, le groupe japonais introduit ses méthodes de production chez les sous-traitants, notamment le just-in-time qui permet de recevoir les composants en temps approprié pour leur montage sur la voiture. À la fin de la décennie, les principaux fournisseurs de premier et second rang appliquent les principes imposés par Toyota. En 1994, celui-ci a pu implanter son système jusqu’aux sous-traitants de niveau 4, sauf en ce qui concerne les matières premières12.De cette façon, la valeur créée par les salariés de la pyramide et qui aurait dû servir de bénéfice aux entreprises produisant les composants est tôt ou tard accaparée par le constructeur. Sa position de monopole dans la chaîne de fabrication comme acheteur en dernier ressort de toutes les pièces qui forment le véhicule13 lui permet d’instaurer ce transfert de valeur14. Vu les résultats obtenus par le groupe nippon, ses conceptions de production vont être imitées par les autres multinationales automobiles. À cette époque, dans les années 80 et 90, l’organisation de la sous-traitance est très horizontale : le constructeur a des relations avec un bon millier de compagnies qui l’approvisionnent en composants de toutes sortes. Les groupes ont commencé à imposer régulièrement des réductions de prix aux équipementiers. La transformation de l’industrie automobile initiée par Toyota est identique partout dans le monde. Ensuite, les méthodes de Toyota ont été utilisées et adaptées à d’autres activités. C’est le cas, par exemple, des magasins de vêtements comme C&A, H&M, Marks&Spencer ou Zara qui peuvent vendre des textiles à bas prix relatifs grâce à la ponction prélevée sur des fournisseurs souvent situés dans le tiers-monde avec des coûts salariaux et des réglementations environnementales très faibles.
La bande des Walton
Lorsque le toyotisme commence à être implanté au Japon, son principal initiateur, l’ingénieur Taiichi Ohno, explique que le fondement de ce système a été découvert au moment où il visite les États-Unis en 1956 et où il observe les achats clients, les réapprovisionnements et les commandes auprès des fournisseurs dans les supermarchés dans ce pays15. Il était donc évident que les géants de la distribution pouvaient sans problème utiliser le dispositif toyotiste à leur avantage, puisqu’ils en étaient la source inspiratrice. C’est Walmart, une firme fondée par les frères Walton en 1962 en Arkansas, qui va en bénéficier le plus. La firme, à l’origine située dans des territoires plutôt ruraux, va progresser de façon fulgurante. Le chiffre des ventes passe de 45 millions de dollars en 1970 à près de 26 milliards deux décennies plus tard16. Sa stratégie repose sur trois principes appliqués méthodiquement. Le premier consiste à utiliser une main-d’œuvre à bas salaire quelque peu au-dessus des minimums légaux, presque servile et qui, de préférence, n’est pas syndiquée.
Un des atouts majeurs de la sous-traitance toyotiste est qu’il permet de payer des salaires moins élevés au fur et à mesure que l’on descend dans la pyramide.
L’antisyndicalisme est une profession de foi dans le groupe. En Amérique du Nord, aucune représentation du personnel n’a été admise jusqu’à présent dans un magasin du géant de la consommation des ménages. Un manuel a même été élaboré en 1997 pour empêcher cette réalisation : A Manager’s Toolbox to Remaining Union Free. Dans celui-ci, la conclusion sous forme de mot d’ordre à tout dirigeant et cadre du groupe : «N›acceptez jamais de discuter de la représentation de nos associés avec un responsable syndical»17. Ceci est encore résumé par le fondateur Sam Walton dans le magazine de la multinationale, Walmart World, en octobre 1989 : «Nous n›aimons pas les intrus qui viennent, profèrent des discours mensongers, et essayent de changer cette entreprise à laquelle nous sommes tant attachés» 18.
La seconde arme pour le géant américain est de disposer d’une logistique hautement informatisée qui peut suivre en temps réel la position des marchandises, la situation des stocks et l’acheminement de ses biens des lieux d’entreposage à ceux de vente. Cela lui permet de sauter une étape dans la chaîne de distribution, celui des intermédiaires et des grossistes et de traiter directement avec les entreprises industrielles19. Mais le troisième dispositif est sans doute le plus redoutable. Il s’agit de jouer sans cesse sur la baisse des prix. Cela peut apparaître bénéfique aux consommateurs, mais, en fait, cette réduction constante est reportée systématiquement sur plus de 100.000 fournisseurs20. Dès la fin des années 70, le géant de la distribution commence à s’approvisionner massivement en Chine. Il pousse même ses soustraitants à s’y délocaliser pour profiter des bas coûts salariaux21. La pression sur les sous-traitants est incessante. Les fournisseurs eux-mêmes exercent un contrôle permanent sur les firmes qui les approvisionnent. On retrouve ainsi la pyramide de sous-traitance élaborée par Toyota, avec la même conséquence qu’au plus bas de l’échelle les conditions de labeur et de rémunération sont déplorables. Même les normes légales chinoises pourtant relativement faibles (par rapport à celles imposées en Occident) doivent être violées pour respecter les contraintes imposées par la multinationale. C’est pourquoi Walmart cherche de plus en plus des sous-traitants plus loin dans les terres, voire même à l’étranger, au Vietnam, au Bangladesh et au Cambodge. Les grandes firmes sont également soumises aux diktats de Walmart. Ainsi, Procter & Gamble (Ariel, Dash, Lenor, Dreft, Pampers, Tampax…) qui réalise environ 20% de son chiffre d’affaires avec Walmart depuis les années 90, a dû fusionner en 2005 avec Gillette, le géant des lames de rasoir, uniquement pour conserver une petite marge de manœuvre dans les négociations avec son principal client.
Procter & Gamble a dû fusionner avec Gillette uniquement pour conserver une marge de manœuvre dans les négociations avec son principal client Walmart.
Mais même cette tentative est désespérée. Il ne faut pas demander alors pour de plus petites entités. Pour pouvoir traiter au plus près du pouvoir, les plus grandes multinationales ont établi une représentation en Arkansas. La première à s’y lancer est justement Procter & Gamble en 1987. Cette entreprise y dispose d’une équipe de plus de 200 personnes22. Levi Strauss, Nestlé, Coca-Cola, Heinz, Johnson & Johnson, et beaucoup d’autre ont suivi très rapidement. Au total, en 2007, 1.200 firmes ont au moins un bureau à Bentonville, adjacent à la ville de Rogers23. Nelson Lichtenstein en conclut : «Une grande partie de l’économie mondiale est aujourd’hui alimentée par les chaînes d’approvisionnement dont le centre névralgique se trouve à Bentonville»24. Et ce modèle est répété par les autres compagnies de distribution comme Zara, H&M, C&A, Ikea ou Carrefour. Cette concentration met la pression sur les concurrents qui ne peuvent suivre. Les faillites se succèdent rapidement si bien qu’à partir de 2010, on commence à parler d’apocalypse du commerce de détail aux États-Unis mais aussi dans le reste du monde. Pendant ce temps, la famille Walton s’est profondément enrichie. La fortune des trois enfants, deux petits-enfants et deux nièces de Sam Walton est estimée à près de 221 milliards de dollars en 2023 et en fait l’une des plus riche familles du monde avec une fortune principalement constitué de titres de Walmart25.
La stratégie de Delhaize en toute franchise
C’est dans ce contexte qu’intervient la décision de la direction de Delhaize de transformer ses 128 magasins belges en autant de franchisés. Le management explique : «Ce modèle constitue la seule option pour renouer avec la croissance pour ses 128 supermarchés en gestion propre»26. La principale raison du passage à la franchise est que cela coûte moins cher à la multinationale, le reste n’est qu’habillage pour faire passer la mesure.
Il y a quelques années déjà, la chercheuse Violaine Wathelet soulignait à propos de cette méthode de gestion : «Ainsi, l’investissement consenti dans la création d’un contrat de franchise est moindre que le développement d’un réseau en propre. Il permet dès lors aux grandes enseignes de reporter la gestion de l’emploi salarié sur le franchisé, d’avoir une rentabilité immédiate (droit d’entrée, redevance pour l’exploitation, redevance pour les frais de publicité et de promotion), d’optimaliser la couverture géographique de l’enseigne, de se désengager de leurs obligations sociales (cotisations sociales, conventions collectives car trop peu de travailleurs), d’éviter la représentation syndicale, car généralement les magasins franchisés emploient moins de 50 travailleurs (leurs conditions de travail sont alors négociées en commissions paritaires)27.» Violaine Wathelet conclut : «Dans cette perspective, la franchise est un formidable outil de gestion financière puisqu’il permet aux enseignes de réduire leurs coûts tout en continuant à tirer profit de leur activité. Ainsi, le plan de restructuration du groupe belge Delhaize Le Lion, annoncé aux organisations syndicales le 11 juin 2014 et implémenté à partir du mois de mai 2015, a fait passer neuf magasins sous franchise. 14 magasins étaient alors menacés de fermeture. Actuellement, sur 880 magasins du groupe en Belgique, seulement 150 sont gérés directement par le groupe»28. On notera que, depuis lors, la multinationale, qui a fusionné avec Ahold en 2016, a réduit son offre à 764 établissements, dont plus que 128 en contrôle direct.Il est difficile de préciser la situation exacte de la concurrence en Belgique, étant donné qu’aucune instance officielle s’en est donné la tâche. Néanmoins, une association patronale tente de fournir des données à ce propos. Sur cette base, nous avons pu dresser le tableau 1.
On observe que les positions de Colruyt et de Delhaize sont stables. Celle de Carrefour décline dangereusement. Les discounts à bas prix (Aldi et Lidl) progressent. Et Makro, qui disposait de six hypermarchés (et onze magasins Metro davantage tournés vers les professionnels du secteur horeca), a disparu, ayant fait faillite en janvier 2023, laissant 1.400 travailleurs sur le carreau29. En ce qui concerne le nombre d’établissements, six enseignes concentrent 92,6% du total. La concurrence exacerbée dont se justifient les dirigeants des différentes entreprises du secteur pour expliquer les nombreuses restructurations n’est pas aussi forte qu’ils le prétendent. D’autant que chaque compagnie se profile d’une manière spéciale pour attirer un groupe particulier de consommateurs.Sur ce plan, Delhaize n’est pas mal situé, mais entretient une rivalité à l’intérieur de son propre conglomérat. En effet, la marque Albert Heijn, exclusivement présente en Flandre jusqu’à présent, se comporte comme un magasin discount de proximité à travers une politique agressive des prix promotionnels pour capter la clientèle jeune. De leur côté, les surfaces éponymes se positionnent plutôt sur la qualité et la santé, avec des tarifs un peu plus élevés. En même temps, la firme a de plus en plus recours, tout comme Carrefour, à des franchisés pour vendre les produits qu’elle achète. Les syndicats reprochent depuis des années à la multinationale de favoriser aux franchisés plutôt qu’aux établissements gérés en propre.
Delhaize a réalisé en 2022 son bénéfice net le plus élevé de son histoire : 2,546 milliards d’euros dont un milliard ont été distribué aux actionnaires.
Gino Van Ossel, professeur de la Vlerick Business School et spécialiste de la grande distribution, estime que Delhaize est le mieux placé à long terme sur le marché belge, grâce à l’e-commerce. Il estime que celui-ci devrait représenter à l’avenir entre 15 et 20% des ventes au détail. Or, pour ces livraisons à domicile, la filiale d’Ahold est en avance sur ses concurrents comme Colruyt, Aldi et Lidl et elle couvre aisément tout le territoire30.Mais cela ne suffit pas à Delhaize. En 2022, elle a réalisé son bénéfice net le plus élevé de son histoire : 2,546 milliards d’euros. Sur celui-ci, elle va prélever environ un milliard pour les distribuer aux actionnaires sous forme de dividendes31. Depuis 2017, elle rachète quasiment chaque année ses propres actions d’un montant d’environ un milliard d’euros pour faire monter le cours boursier, sauf en 2018 lorsqu’elle en a acquis pour plus de deux milliards.C’est pourquoi elle tente de tirer plus de profit de son marché belge. Il n’y a que cette explication qui tienne pour justifier le choix de franchiser les derniers magasins encore gérés en propre. De cette façon, la filiale devient purement et uniquement une centrale d’achat, avec une administration et de la logistique pour livrer les marchandises où elles doivent être vendues. Or, qu’est-ce qu’une centrale d’achat concrètement? C’est un pouvoir de négociation sur les fournisseurs. On peut résumer la situation future de Delhaize Belgique dans le schéma 1.
En tant que centrale d’achat, Delhaize presse les fournisseurs pour obtenir les prix les plus bas, en appliquant grosso modo les méthodes décrites pour Walmart. L’entreprise est d’ailleurs engagée internationalement dans des groupements européens comme Coopernic et AMS Sourcing, qui permettent d’affronter de puissants producteurs sur plusieurs marchés à la fois et donc de réduire leur potentiel pouvoir32. En tant que compagnie n’employant plus que des franchisés, elle peut pratiquer des tarifs élevés, puisqu’elle oblige ces magasins à acheter une grande partie des produits récoltés par la multinationale. Celle-ci n’est plus qu’un lieu de passage, mais qui, à l’instar des seigneurs, des propriétaires de ponts ou d’autres endroits clés où les marchandises transitaient au Moyen Âge, ponctionne une rente au bénéfice des actionnaires du groupe. Cette redevance sera obtenue par la différence de prix arrachée à la fois aux fournisseurs et aux franchisés.
C’est bel et bien une stratégie exclusivement financière qui va rémunérer les principaux actionnaires de Delhaize. Il s’agit de BlackRock33. Ensuite, on trouve Goldman Sachs, la banque d’investissement la plus importante dans le monde. State Street Bank, fondée en 1792 comme banque dépositaire où des particuliers pouvaient placer des biens dans des coffres et les retirer à tout moment, est devenue un des holdings les plus actifs dans la prise de participation de capital de sociétés diverses. Amundi Asset est une filiale de la firme française Crédit agricole, spécialisée elle aussi dans la gestion d’actifs. Norges Bank se réfère à la banque centrale de Norvège, qui dispose d’un fonds de pension investissant un peu partout dans le monde. D’après Zone Bourse, Vanguard aurait acquis 2,68% du capital du géant de la distribution34.Dans sa note explicative, Delhaize annonce qu’il «continuera également à investir dans sa propre logistique pour assurer un service optimal à l›ensemble de son réseau de magasins»35. Mais c’est évidemment absurde, puisqu’il n’a plus l’obligation de dépenser ses fonds dans les établissements de vente eux-mêmes. En outre, il limite le pouvoir syndical et devrait entraîner une pression supplémentaire sur les conditions de travail et de salaire chez les franchisés, puisque ceux-ci auront une marge bénéficiaire tellement faible qu’ils devront s’en prendre à ces situations pour rester rentables.Delhaize n’est pas seul à décider ou à songer à se transformer en pure centrale d’achat et à multiplier les contrats de franchise. En mars 2022, le groupe français Intermarché, qui appartient à l’association coopérative Les Mousquetaires et qui possède 77 établissements en Belgique (surtout en Wallonie), a repris le groupe Mestdagh, qui agissait comme franchisé pour 89 magasins Carrefour36 et qui emploie quelque 2.000 salariés. L’entreprise belge pourrait être soumise à la sauce mousquetaire : des points de vente officiellement indépendants avec quelques travailleurs fixes et une pléthore d’étudiants. Quant à Carrefour, perdant régulièrement des parts de marché, il pourrait être tenté de suivre l’exemple de Delhaize.
Le monde de la PME n’existe pas
Résumons notre propos. L’ère de l’intégration verticale fordiste présentait deux grands problèmes dans la perspective d’avoir la rentabilité la plus élevée possible : des grosses sommes d’investissement et une capacité d’action des travailleurs dans d’énormes centres de production. Le toyotisme a été la solution à ces problèmes filialisant plusieurs départements et développant des relations de vassalité avec leurs sous-traitants, permettant d’extirper une partie de la valeur créée vers la multinationale.
C’est dans ce contexte qu’opèrent aujourd’hui beaucoup de PME. Cela n’a rien avoir avec un grand restaurant, une boucherie, une boulangerie ou l’épicier du coin. Dès lors, les politiques en faveur de ces firmes par l’Union Européenne ou ces ÉtatsMembres ne les avantagent pas nécessairement. Ce sont surtout celles qui œuvrent dans une filière de production pour une multinationale ou qui sont en capacité de devenir à l’avenir des monopoles dans leur domaine qui sont encouragées. Ce ne sont pas les petits commerces ou les «vieilles» industries.
Privilégier les PME peut ainsi se transformer en une manne pour les multinationales. Soit en tant que petite filiale, soit en tant que chaînon de la fabrication d’un produit, ces compagnies peuvent donc être aidées. Et cela profitera au grand groupe qui pourra se concentrer sur les activités les plus lucratives, tout en faisant peser le poids des coûts sur des PME, en les contrôlant en même temps. Le soutien apporté à une petite structure sera alors absorbé par la société géante. Ce n’est pas pour rien que la journaliste Sandrine Foulon d’Alternatives économiques a titré l’article de son enquête sur McDonald’s : «McDo, une multinationale déguisée en PME». Elle aurait même dû écrire en une multitude de PME.
La filiale Delhaize devient purement et uniquement une centrale d’achat qui presse les fournisseurs en appliquant les méthodes décrites pour Walmart.
Si l’économie des PME n’existe pas, celle des firmes géantes par contre est bel et bien présente et dominante. C’est la logique même du capitalisme. Dans un secteur particulier, toutes les compagnies, au départ peut-être petites, peu importantes, se livrent une compétition acharnée. Chacune tente de prendre l’avantage sur les autres. Et tous les moyens sont parfois bons pour y parvenir. La conséquence est que les entreprises les plus fortes, les plus solides, persistent et les autres disparaissent. C’est au moment des crises économiques que le grand élagage s’opère. Les sociétés aux bases financières moins sûres sont acculées à la faillite et les rivales reprennent leur part de marché.
Au bout d’un certain temps, il ne reste plus que quelques groupes par branche qui peuvent s’entendre sur les prix et les conditions de mise sur le marché de leurs produits. De ce fait, ces conglomérats ponctionnent une rente dite monopolistique qu’ils prélèvent sur l’ensemble de l’économie, donc y compris sur les autres branches. Les capitalistes de celles-ci n’apprécient donc guère les prix élevés que pratiquent leurs collègues en position de moindre concurrence. De cette façon, la concurrence tue petit à petit la concurrence. Ce ne sont pas les autorités antimonopolistes qui peuvent contrecarrer cette tendance profonde du système capitaliste.
Dans cette évolution parfois chaotique, les entreprises cherchent la plupart du temps à se retrouver en position de monopole. À la recherche des bénéfices les plus élevés possibles, elles essaient de se constituer en position de force pour pouvoir imposer leurs tarifs. Elles font donc tout pour y parvenir : baisser momentanément les prix pour éliminer les concurrents plus faibles, qui ne peuvent pas tenir une telle réduction, investir dans les moyens de production, augmenter la productivité, intensifier et flexibiliser le travail, payer le moins possible les salariés, sous-traiter un maximum d’activités pour faire supporter les coûts sur les autres compagnies de la chaîne…
Ainsi, Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie en 2001, divulgue ce témoignage : «Quand j’étais président du Council of Economic Advisers37, j’ai constaté que les chefs d’entreprise qui venaient nous demander de l’aide professaient presque invariablement trois principes. Premièrement, leur totale opposition aux subventions. Pour tout le monde. Sauf pour eux. (…) Deuxièmement, leur attachement profond à la concurrence. Dans tous les secteurs. Sauf le leur. (…) Enfin, leur volonté de promouvoir l’ouverture et la transparence. Partout. Sauf dans leur branche»38. Le but est donc bien pour ces dirigeants de se retrouver dans une situation où ils peuvent agir quasiment comme un monopole. Le monopole est donc bien l’ambition de tout capitaliste d’envergure.Pour se positionner de la sorte, les firmes ont besoin de capitaux. Elles peuvent s’en procurer par les bénéfices qu’elles réalisent. Mais, si c’est insuffisant, elles auront recours aux banques. C’est ce qui s’est passé à partir du 19ème siècle.
Quelle est l’utilité sociale d’avoir une enseigne qui se charge de pressurer les fournisseurs et de lier pieds et poings les franchisés dans ce qu’ils font ?
Mais, depuis lors, les organisations de crédit ont multiplié les crises. La plus violente est celle des années trente, lorsque de nombreuses compagnies financières ont dû faire faillite. Pour éviter la reproduction d’un tel cataclysme, certains pays ont obligé ces entreprises de séparer l’activité commerciale d’accorder des prêts à celle d’investissements et de prises de participations dans les autres secteurs. Malgré cela, les récessions n’ont pas été écartées. Au contraire, celle de 2007-2009 a révélé de nouveau l’avidité et la cupidité des dirigeants bancaires.
C’est dans ce contexte que d’autres organismes financiers sont apparus : des fonds qui récoltent de l’épargne pour la placer dans des affaires censées être lucratives. Les plus importants aujourd’hui sont les fonds de gestion d’actifs, comme BlackRock, Vanguard, Capital Group, State Street Bank… Les deux premiers détiennent des avoirs de plus de 8.500 milliards de dollars, alors que les plus grandes banques ne rassemblent guère plus de 3.000 milliards de dollars. Ce sont eux qui pèsent sur l’économie mondiale.
Comme ils ne sont arrivés que récemment, ils se retrouvent en position inverse des banques du 19ème siècle. Il ne s’agit pas en premier lieu d’aider les firmes à grossir, mais à tirer parti de leurs perspectives de profit pour en gagner un maximum au profit des épargnants et des dirigeants de la firme. Ils sont littéralement aimantés vers les entreprises en position de quasi-monopole, car ce sont elles qui ont les prévisions de bénéfices les plus élevés et stables dans l’économie actuelle. De cette façon, ils attisent la concentration capitaliste et aiguisent les contradictions du système (voir tableau 2)39.
La présence de ces fonds dans les actionnariats des entreprises monopolistiques renforce les politiques purement financières des multinationales. Globalement, les conglomérats financiers contrôlent ces firmes. Ils en ont vraiment le pouvoir, car aucun autre propriétaire n’a plus de 5% des titres de capital. Dès lors, il n’y a pas d’emprise alternative sur le management. Si les résultats et les perspectives futures s’améliorent, ces fonds investiront. La capitalisation boursière40 grimpera, attirant d’autres spéculateurs. Dans le cas contraire, des temps difficiles s’annoncent. Il n’y a donc pratiquement plus d’autres considérations que le profit. Inutile d’ajouter que c’est une vision très étroite et très pauvre de ce que devrait être l’action humaine.
Le capitalisme montre ainsi son vrai visage : celui du parasitisme au sens le plus large qui prédomine. Non seulement le capitaliste extorque une partie de la valeur créée à son profit, mais lui-même est de plus en plus dépossédé de cette richesse au profit des compagnies monopolistiques ou oligopolistiques et des grandes sociétés financières. Ce n’est plus la partie productive du capitalisme qui s’enrichit, mais sa portion la plus oisive qui se laisse tenter par les bénéfices faciles et la spéculation boursière.
Au départ du capitalisme, il y a un vol, celui des salariés qui ne sont pas payés en fonction de la valeur qu’ils créent, mais en fonction de leur capacité à travailler et à revenir le lendemain dans les mêmes conditions de vigueur et de santé. Adam Smith et David Ricardo avaient dénoncé déjà à leur époque le transfert de richesse qui allait de l’industrie vers les propriétaires fonciers sous couvert de rente. Karl Marx a montré que, si le travail était source de valeur marchande (comme le reconnaissaient Smith et Ricardo), il n’y avait pas de raison que l’entrepreneur reçoive une telle part des revenus. Il pouvait être rémunéré en fonction de son travail personnel. Mais l’importance de sa fortune venait de sa possession exclusive du capital. Ce qui est accru aujourd’hui, en voyant que ce sont les firmes financières qui concentrent les sommes gigantesques d’actifs qui dominent l’économie mondiale.
Joseph Stiglitz exprime cette situation à sa manière, après la crise de 2000-2001 qui avait atteint surtout les firmes qui avaient massivement investi dans les nouvelles technologies : «Les barons du chemin de fer du 19ème siècle, qui s’étaient enrichis en usant de leur influence politique, ont au moins laissé derrière eux un patrimoine : des voies ferrées, des équipements, qui ont unifié le pays et dynamisé sa croissance. Quel patrimoine ont laissé tant de millionnaires et de milliardaires des point-com, (…) à part des histoires d’épouvante à raconter aux générations futures?»41
Avec le plan initié par la direction de Delhaize, on franchit une nouvelle étape. Delhaize se supprime pratiquement comme magasin en Belgique. Il y devient une sorte d’entreprise sans usine. Il n’est plus qu’un pouvoir de négociation (et une marque), avec quelques bâtiments pour gérer cela. Et cela, c’est en partie du vent. Franchement, quelle est l’utilité sociale d’avoir une enseigne qui se charge de pressurer les fournisseurs, de lier pieds et poings les franchisés dans ce qu’ils font et d’éroder les conditions de travail des travailleurs, au nom du passé et de la notoriété acquise dans l’histoire de la grande distribution en Belgique?
Du côté du vrai capital financier
Le slogan publicitaire de Delhaize est : «du côté de la vraie vie». Mais de quelle vie parle-t-il? Celle des gens de tous les jours ou celle des puissantes sociétés financières qui sont aujourd’hui ses actionnaires? Poser la question c’est y répondre.
Le capitalisme d’aujourd’hui n’est pas ce système bouillonnant de créativité et de dynamisme auquel veulent nous faire croire les dirigeants de l’Union européenne, à partir de structures libres et indépendantes qui fourmillent un peu partout sur le territoire. C’est au contraire un univers impitoyable de course à la rentabilité poursuivie avec acharnement, avidité et cupidité par les multinationales poussées en ce sens par des sociétés financières de plus en plus puissantes.
À cette aune, la majorité de la population mondiale est perdante. Une partie non négligeable n’a pas de travail, si ce n’est des jobs qui permettent à peine de vivre. Une autre partie trime pour enrichir une poignée de milliardaires, qui en veulent toujours davantage et qui aspirent à contrôler de plus en plus le comportement des gens. C’est pour cela qu’ils essaient de se positionner en tant que monopole sur leur marché.
Footnotes
- Delhaize Le Lion, Comptes annuels 2021, p.61.
- Une loi sur les petites entreprises, en traduction littérale.
- Unie van Zelfstandige Ondernemers (UNIZO), qui se vante d’être la plus grande organisation patronale du pays avec 110.000 membres.
- Commission européenne, Un «Small Business Act» pour l’Europe, Bruxelles, 25 juin 2008, p.2.
- The Brussels Times, 26 décembre 2019.
- L’intégration verticale désigne la possession et le contrôle par une même entité de divers stades de production depuis les matières premières jusqu’au bien final.
- Voir à ce sujet, Henri Houben, Le monde malade de la finance?, éditions Couleur Livres, Bruxelles, 2017, p.50 à 55.
- Robert Lacey, Ford. La fabuleuse histoire d’une dynastie, éditions Laffont, Paris, 1987, p.67-68.
- Voir à ce sujet Nelson Lichtenstein, «La vie aux usines Ford de River Rouge : un cycle de pouvoir ouvrier (1941-1960)», Le Mouvement social, n° 139, avril-juin 1987, p.77 à 105.
- Au 31 mars 2022, Toyota possède toujours directement 24,75% du capital de son ancien département électronique et 9,08% indirectement (Denso, Integrated Report 2022, p.122).
- Ministry of International Trade and Industry en anglais, qui a existé de 1949 à 2001. En regroupant d’autres départements, le MITI s’est transformé en METI, Ministry of Economy, Trade and Industry (Ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie).
- James Womack et Daniel Jones, Penser l’entreprise au plus juste, éditions Village mondial, Paris, 1996, p.291.
- Ce qu’on appelle en économie un monopsone, soit la position d’un acheteur unique pour une multitude de vendeurs. Un monopole est officiellement la situation d’un vendeur unique face à une multitude d’acheteurs.
- Il s’agit d’un transfert de plus-value. Cette part de la valeur produite par les travailleurs, qui aurait dû bénéficier à la firme où elle a été créée, est transférée vers une autre entreprise. Le constructeur s’approprie donc une rente monopolistique au détriment des sous-traitants, à travers une politique de prix orientée toujours à la baisse.
- Taiichi Ohno, L’Esprit Toyota, éditions Masson, Paris, 1989, p.39-40. Les firmes de distribution ne pratiquaient pas une politique de sous-traitance, mais simplement de fournisseurs divers avec qui il fallait négocier les détails de la livraison dont le prix.
- Walmart, Annual Report, différentes années.
- Walmart, «A Manager’s Toolbox to Remaining Union Free», 1997, p.15.
- Sam Walton, «Keeping Our Partnership Strong», Walmart World, octobre 1989,p.3, cité par Nelson Lichtenstein, «Wal-Mart, John Tate et le combat pour une Amérique sans syndicats», Politique américaine, n°20, 2012, p.15. Selon Lichtenstein, entre 1988 et 2003, les organisations travailleurs ont alerté les autorités à 288 reprises pour violation du droit du travail. 41 portaient sur des licenciements abusifs, 44 sur des menaces en cas de syndicalisation, 59 pour surveillance exagérée. Mais, à chaque reprise, Walmart s’en est tiré avec au maximum des amendes relativement insignifiantes. Finalement, ce sera en 2006, en Chine sous pression politique que la multinationale devra accepter une organisation syndicale, celle de la All China Federation of Trade Unions (ACTFU). Mais, évidemment, cela n’a pas d’effet direct sur l’Amérique du Nord.
- Romain Gelin, «Walmart à l’assaut du monde», Gresea, 24 février 2016.
- Walmart, «Suppliers. Apply to be a Supplier», consulté le 23 avril 2023.
- Anita Chan, Introduction: When the World’s Largest Company Encounters the World’s Biggest Country, in Anita Chan (ed.), Walmart in China, Cornell University Press, New York, 2011, p.4.
- Nelson Lichtenstein, «Walmart’s Long March to China. How a Mid-American Retailer Came to Stake Its Future on the Chinese Economy», in Anita Chan (ed.), op. cit., 2011, p.14.
- René-Paul Desse, op. cit., p.39.
- Nelson Lichtenstein, in Anita Chan (ed.), op. cit., 2011, p.17
- Source : Forbes, World’s Billionaires List, The Richest in 2023.
- Ahold-Delhaize, «Delhaize annonce son intention de convertir l’ensemble de ses 128 supermarchés belges en gestion propre en magasins Delhaize affiliés indépendants», News, 7 mars 2023.
- Notons que les commissions paritaires sont différentes pour les travailleurs du régime franchisé. Le salaire y est moins élevé. Voir Direction générale de la Concurrence, «Étude : Niveau de prix dans les supermarchés», SPF Économie, 13 février 2012, p.51 (note de l’auteur).
- Violaine Wathelet, «Les filières de production orchestrées par la Distribution», Gresea, 9 juin 2015.
- La firme d’origine néerlandaise, rachetée en 1998 par Metro, un des leaders mondiaux de la distribution. Cette multinationale germanique a vendu ses actifs belges le 15 juin 2022 à un fonds d’investissement, Bronze Properties qui a tenté de trouver un repreneur. Sans succès. D’où la mise en faillite.
- Le Soir, 16 janvier 2023.
- Il y a 977 millions de titres en circulation et le dividende décidé se monte à 1,05 euro, le plus élevé depuis dix ans (Ahold-Delhaize, Annual Report 2022, p.88 et 89).
- SOMO, Eyes on the price. International supermarket buying groups in Europe, mars 2017, p.3.
- La monopolisation attire le capital financier, celui détenu par les sociétés financières les plus puissantes de la planète comme BlackRock et Vanguard. À ce sujet, pour l’exemple de l’industrie pharmaceutique, voir Henri Houben, «La santé version profit», Gresea Echos n°111, juillet-août-septembre 2022. Pour l’histoire du capital financier en Belgique voir Henri Houben, «De la Société Générale au fonds vautours», Lava 2, 2017.
- Zone Bourse, Ahold-Delhaize, consulté le 30 avril 2023., consulté le 30 avril 2023.
- Ahold-Delhaize, «Delhaize annonce son intention de convertir l’ensemble de ses 128 supermarchés belges en gestion propre en magasins Delhaize affiliés indépendants», News, 7 mars 2023.
- Mais le contrat avait pris fin en janvier 2022.
- Cet organe délivre des recommandations de nature économique au président des États-Unis. En l’occurrence, Joseph Stiglitz était à ce poste lors du premier mandat de Bill Clinton.
- Joseph Stiglitz, Quand le capitalisme perd la tête, éditions Fayard, Paris, 2003, p.198-199.
- Dans le tableau présenté ici ne figure aucune entreprise allemande. Les seuils à partir du moment où la transparence est exigée sur l’actionnariat varie de pays en pays, de 3% en GB et Pays-Bas à un niveau ridiculement élevé de 10% en Allemagne. Pour un tableau plus détaillé par secteur (pharmaceutique, armement, pétrolières, nouvelles technologies …) et des données sur des multinationales allemandes, voir Henri Houben, “Delhaize, le goût amer du vrai capitalisme”, Éconosphères, www.econospheres.be/Delhaize-le-gout-amer-du-vrai-capitalisme. Partout où la situation s’approche du monopole, on observe une présence massive des sociétés financières.
- La capitalisation boursière est la valeur d’une entreprise en Bourse. C’est le produit entre le cours de l’action et le nombre de titres en circulation.
- Joseph Stiglitz, op. cit., p.502-503.