Articles

Liberté, Égalité, Beyoncé

Nedjib Sidi Moussa

—30 septembre 2021

Version PDF

Que l’on prenne au sérieux les convictions féministes de la millionnaire texane ou que l’on invite au contraire à s’en méfier, le recyclage d’un imaginaire contestaire par la culture de masse pose question. Le féminisme sera-t-il télévisé?

À rebours de l’engouement de la presse progressiste1, la réappropriation par la richissime artiste Beyoncé des symboles associés aux Black Panthers a suscité quelques critiques, notamment chez l’activiste et universitaire jamaïcaine Beverley Bryan qui a déclaré: «la lutte n’est pas une marchandise destinée à être emballée puis vendue»2. De son côté, l’éditorialiste états-unienne Kaila Philo soulignait que, si l’esthétique des Black Panthers offrait un modèle de radicalisme aux artistes noirs, cette reprise s’opérait au détriment de son contenu socialiste et anti-impérialiste, au profit de la recherche du pouvoir — économique3. Mais, dans le cadre de cet article, nous souhaiterions interroger un autre détournement, à savoir l’apparition, la diffusion et la signification du slogan «Liberté, Egalité, Beyoncé», clin d’œil ironique et hommage postmoderne à la révolution française, en particulier à l’une de ses figures les plus controversées, Maximilien de Robespierre4… D’une révolution, l’autre?

Détournement de la révolution?

D’après une page Facebook intitulée «Liberté, Egalité, Beyoncé», la devise républicaine aurait d’abord été détournée à Naples avec une pancarte brandie lors de la Campania Pride en juin 2011. Par la suite, on en retrouve la trace avec des graffitis dans les rues embourgeoisées de Paris: à Belleville en avril 2014, dans le Marais en août de la même année, aux Frigos en juillet 2015, etc. Grâce aux réseaux sociaux, le slogan connaît une diffusion rapide et une popularité internationale5, confortant la capitale française dans son rôle de plaque tournante de l’art urbain. Une vidéo filmée dans le métro parisien et mise en ligne en octobre 2014 sur YouTube montre Thomas Schmitt, alias Thom Thom, travaillant une toile à la lame. Achevé en 2016, le tableau représentant le visage de la célébrité est vendu par la galerie arlésienne collection SI particulière qui décrit son auteur comme un «ambassadeur» de l’art de rue. Se réclamant de l’esthétique situationniste6, Thom Thom ferait toutefois partie de ces artistes qui «perdent de leur véhémence en entrant dans le marché de l’art, bien que l’image de révolté serve encore comme argument de vente des œuvres7».

De nombreuses déclinaisons ont ensuite vu le jour sur la base de ce détournement. La soirée «Liberté, Egalité, Beyoncé» est lancée en l’honneur de la chanteuse en novembre 2018 dans la discothèque Prince Charles à Berlin8. Au même moment, John Davis alias DJ Argonaut publie à Melbourne un ouvrage à la gloire de la «déesse, féministe, femme d’affaires inspirante, chanteuse à couper le souffle, danseuse puissante, artiste révolutionnaire, mère iconique et ainsi de suite9». En outre, des vêtements sont mis en vente par la boutique Grafitee, les marques Love Sweat and Tees en février 2019 ou Lisa Macario deux mois plus tard. Sans oublier les accessoires incontournables comme les sacs fourre-tout, tasses, autocollants, etc. Ultime consécration: une exposition à la Haus der Kunst, musée munichois dédié à l’art contemporain, était annoncée pour avril 2020. Ses conservateurs, Raphael Fonseca et Anna Schneider, revenaient sur le succès virtuel de la photographie anonyme à l’origine de ce phénomène global: «tous ceux qui ont partagé l’image semblaient non seulement faire de la chanteuse un symbole de résistance, mais aussi postuler la grande affinité entre démocratie et culture populaire10».

C’est précisément au nom d’une conception exigeante de l’émancipation individuelle et collective que l’intersectionnalité doit être critiquée.

Or, quelle cause Beyoncé est-elle censée incarner? Hormis une référence à «la liberté d’expression et l’égalité des droits», le texte de présentation de l’événement reste plutôt vague à ce sujet. Pour sa part, Sophie Bramly, membre du collectif féministe Nous sommes 52, est plus explicite. Dans un entretien accordé au magazine M en avril 2017, la photographe et entrepreneuse affirme: «Les rappeuses ont à leur tour retourné la nudité forcée et utilisé leur corps pour prendre le pouvoir. Beyoncé, Rihanna ont plus fait pour la troisième vague féministe que beaucoup d’intellectuelles. Si l’on fait sentir aux femmes leur puissance, à long terme, ça aura un impact11». L’exemplarité des chanteuses aux visuels hypersexualisés – associée à un désir assumé de pouvoir – s’accompagnait chez l’activiste française d’une valorisation de la trajectoire des rappeurs qui, au début des années 1980, «étaient à l’échelon le plus bas de la société américaine» et auraient, en trente ans, «remporté une bataille culturelle, conquis le monde, jusqu’à l’industrie du luxe.»

Cette lecture, compatible avec la promotion d’un «féminisme qui affirme le pouvoir sexuel des femmes, ouvrant ainsi la voie vers les pouvoirs économique et politique12», est cependant loin de faire l’unanimité. En effet, dans un entretien aux Inrockuptibles, Richard Mèmeteau déclareen octobre 2014: «Le point de vue de certaines féministes américaines sur Beyoncé n’est pas tendre. bell hooks l’a traitée récemment de terroriste, à cause de l’image qu’elle donne du corps féminin noir. Sa perruque blonde et sa blancheur surjouée passent mal auprès du mouvement nappy. Si Beyoncé est utile comme ambassadrice mainstream des thèses féministes, elle n’est certainement qu’une petite écume sur la vague plus ample du féminisme. (…) Parce que ni sa musique ni ses paroles ne me semblent refléter parfaitement ses aspirations féministes. Je vois bien Beyoncé en personnage deShonda Rhimes, elle serait une sorte d’Olivia Pope: super ambitieuse, assoiffée d’argent et de reconnaissance, féministe davantage par opportunisme que par conviction13.» Le philosophe et auteur d’un essai sur la culture populaire14 — sa présentation indique qu’il aime citer sur son profil Grindr la drag queen RuPaul —, se fait le relais des controverses récurrentes dont sont friands admirateurs, journalistes et militants spécialisés dans les luttes contre les discriminations ou pour la reconnaissance des identités. Les intellectuels ne sont pas en reste comme en témoigne l’abondante production qui prend pour objet d’étude la chanteuse à succès.

Mais sans doute faut-il d’abord prêter attention au parcours de la première concernée, du moins dans les grandes lignes, pour tenter de comprendre l’engouement suscité par Beyoncé — qui illustre avec force l’enchevêtrement des enjeux de parité et de diversité — au point d’être associée, non sans ironie, au triptyque révolutionnaire, évinçant la fraternité au passage. On la trouve aussi accolée à d’autres figures du mouvement ouvrier comme à l’occasion des soirées queer «Marx, Engels, Lénine & Beyoncé» animées par DJ Tarik depuis le stand du NPA à la Fête de l’Humanité en 2015 en passant par le centre social milanais Ri-Make — avec le soutien du collectif féministe et LGBTQI Le Lucciole —, au grand dam de la presse conservatrice italienne15.

L’ère Obama a commençé par Beyoncé

Née en 1981 à Houston, Beyoncé Giselle Knowles grandit dans une famille méthodiste et aisée16. Matthew, son père, quitte son emploi pour gérer sa carrière qui débute avec le groupe de R&B Girls Tyme. En s’inspirant de Berry Gordy, le fondateur du label Motown, il crée World Music Entertainment — une entreprise vendue 10 millions de dollars en 2003. Girls Tyme devient Destiny’s Child en 1996, en référence au Livre d’Isaïe, et sort deux ans plus tard chez Columbia Records un premier album. Le groupe produit The Writings on the Wall — qui connaît un succès fulgurant — puis un troisième album, en 2001, Survivor, qui établit un record de ventes. La même année, Destiny’s Child chante à l’investiture du républicain George W. Bush, interprète l’hymne national pour la finale de la NBA en 2006 et se produit pour le Super Bowl en 2013. Mais la formation avait annoncé sa dissolution après la sortie, en 2004, de l’album Destiny’s Fulfilled, permettant à chacun de poursuivre une carrière solo.

Pourtant, cette évolution a surtout profité à Beyoncé qui apparaît en 2001 dans le téléfilm Carmen: A Hip Hopera puis dans le film Austin Powers in Goldmember, avant de sortir son premier album, Dangerously in Love, porté par un duo avec le rappeur et hommes d’affaires Shawn Corey Carter alias Jay-Z qu’elle épouse en 2008. Avec Tina, sa mère, Beyoncé lance une ligne de vêtements et signe des contrats publicitaires avec L’Oréal, Tommy Hilfiger ou Pepsi17. Elle chante «At Last» à l’investiture du démocrate Barack Obama et interprète l’hymne national pour sa réélection.

Après avoir interrompu sa relation de travail avec son père et donné naissance à une fille, Beyoncé sort en 2013 le documentaire Life Is But A Dream, apparaît presque nue en couverture de GQ, incarne le «féminisme moderne» avec son album Flawless18… L’année suivante, elle s’offre – légèrement vêtue – la couverture du Time qui la range parmi les personnes les plus influentes. Sa sixième réalisation, Lemonade — reçu tel un «manifeste afro-féministe», prétexte à l’enseignement de l’identité intersectionnelle19 —, devient l’album le plus vendu au monde en 2016, année durant laquelle elle emprunte des symboles au Black Panthers Party lors sa prestation au Super Bowl, tandis que Forbes désigne Beyoncé et Jay-Z comme le couple de célébrités le mieux payé du globe20.

Ainsi, le succès planétaire du slogan «Liberté, Egalité, Beyoncé» et de ses produits dérivés n’a fait que suivre l’ascension de la jeune texane dont le nom est très vite devenu une marque valorisée à hauteur de plusieurs millions de dollars alors que le revenu des Américains les plus pauvres a baissé de 15% entre 2000 et 2010 selon l’OCDE21. Devant une réussite personnelle aussi spectaculaire, Farah Jasmine Griffin, professeure d’anglais et de littérature comparée et d’études africaines-américaines à l’Université de Columbia, tente une explication au moment où les États-Unis sont dirigés par le premier président noir de leur histoire:

«Elle est aimée et imitée, par-delà race, classe, sexualité, génération et frontières nationales. Beyoncé s’inscrit dans la niche de la beauté sexuelle à la peau claire, éventuellement métisse: une catégorie née dans le Nouveau Monde il y a plusieurs siècles. Qu’elle ne paraisse ni en colère ni tragique, qu’elle n’ait pas connu la pauvreté matérielle, qu’elle ne se soit pas plaint du manque d’opportunités à cause de sa race: tout cela fait d’elle une diva pop de et pour notre temps. Elle représente l’Amérique. Elle n’est pas de l’ère Obama; elle a aidé à l’inaugurer22».

Le succès du slogan «Liberté, Egalité, Beyoncé» doit être compris comme le corollaire de la consécration du triptyque «sexe, classe, race» — mantra de notre siècle.

Cette analyse est caractéristique de l’obsession raciale qui travaille nombre d’intellectuels au détriment de la question sociale. Cependant, le constat établi par l’universitaire n’est pas complètement dénué d’intérêt à condition toutefois de préciser que le triomphe de l’artiste-entrepreneuse est concomitant de l’instauration du nouvel ordre intersectionnel faisant bon ménage avec le capitalisme néolibéral et une démocratie représentative en crise. C’est pourquoi les controverses qui ont émaillé la carrière de l’artiste richissime ne se sont guère éloignées de ce corset idéologique23, creusant le puits sans fond des politiques de l’identité.

Ainsi, lors de la conférence «Are You Still a Slave? » tenue en 2014 à la New School de New York, l’auteure féministe Gloria Jean Watkins alias bell hooks a qualifié Beyoncé d’«antiféministe» et de «terroriste» au regard de son influence sur les jeunes filles, ajoutant que de son point de vue déconstructiviste, l’artiste «est complice dans cette construction d’elle-même en tant qu’esclave». Cet argumentaire a été jugé outrancier par Roxanne Gay qui, dans une tribune pour le Guardian, estime que «l’industrie du divertissement exige trop souvent la sexualisation des femmes comme condition de leur réussite» mais que celles-ci peuvent néanmoins être «féministes, exemplaires et assumer leur sexualité24». L’auteure du livre à succès Bad Feminist livrait en introduction sa définition libérale du féminisme:

«Je crois dans les opportunités égales pour les femmes et les hommes. Je crois dans la liberté reproductive et abordable pour les femmes et en l’accès sans entrave aux soins dont elles ont besoin. Je crois que les femmes devraient être payées autant que les hommes pour faire le même travail. Le féminisme est un choix, et si une femme ne veut pas être féministe, c’est son droit, mais il est de ma responsabilité de me battre pour ses droits. Je crois que le féminisme est basé sur le soutien aux choix des femmes même si nous n’accepterions pas certains choix pour nous-mêmes. Je crois que les femmes, non seulement aux États-Unis mais à travers le monde, méritent l’égalité et la liberté mais je ne suis pas en position de dire aux femmes d’autres cultures à quoi devraient ressembler l’égalité et la liberté25».

L’insistance sur la notion de choix n’a rien de fortuit dans cette perspective antinomique de tout projet de transformation sociale malgré les références obligées à l’égalité et à la liberté vidées de tout contenu. De son côté, tout en décrivant Beyoncé comme une «femme qui prend en main son propre destin», l’auteure nigériane Chimamanda Ngozi Adichie estime néanmoins dans un entretien accordé en 2016 au quotidien néerlandais de Volkskrant que le féminisme porté par la célébrité américaine n’est pas le sien en raison de la place trop importante donnée aux hommes dans ses paroles26. Sa conférence «We should all be feminists», délivrée quatre ans auparavant à TEDxEuston, avait été reprise avec son accord pour la chanson «Flawless» dans laquelle Beyoncé se déclare féministe en tant que «personne qui croie dans l’égalité sociale, politique et économique entre les sexes27». Or, c’est précisément de cette orientation dont invite à se méfier bell hooks — en des termes plus nuancés que ses précédentes déclarations – à travers une contribution mise en ligne sur son site après la sortie de l’album Lemonade:

«Sa vision du féminisme n’appelle pas à la fin de la domination patriarcale. Il ne s’agit que d’insister sur les droits égaux pour les hommes et les femmes. Dans le monde du féminisme fantaisiste, il n’y a pas de hiérarchies de classe, sexe ou race qui rompent avec les catégories simplifiées de femmes et d’hommes, pas d’appel à défier et changer les systèmes de domination, pas d’insistance sur l’intersectionnalité28».

Le défaitisme identitaire

Ainsi, que l’on prenne au sérieux les convictions féministes de la millionnaire texane ou que l’on invite au contraire à s’en méfier, la référence au prisme intersectionnel paraît incontournable pour ces intellectuelles de langue anglaise, souvent noires mais pas toujours américaines. Dès lors, le succès du slogan «Liberté, Egalité, Beyoncé» doit être compris comme le corollaire de la consécration du triptyque «sexe, classe, race» — mantra de notre siècle — dans les débats savants et militants, depuis les campus nord-américains aux sièges des multinationales, en passant par les milieux contestataires du monde entier. Et ceci à tel point que sa remise en cause devient suspecte comme on peut le lire, en février 2020, dans CQFD:

«L’opposition au féminisme intersectionnel devient pour certains un support idéal pour tenir des discours pétris de racisme ou d’islamophobie. (…) Les discours antiféministes et masculinistes s’adaptent ainsi aux évolutions des discours féministes29».

Or, c’est précisément au nom d’une conception exigeante de l’émancipation individuelle et collective que l’intersectionnalité doit être critiquée — au même titre que tous les sous-produits du courant postmoderne —, condition nécessaire pour envisager un dépassement des controverses stériles fondées sur la concurrence victimaire ou le ressentiment identitaire. Cette réfutation doit prendre appui sur les acquis de la théorie critique — à ne pas confondre avec les «pensées critiques» réduites au féminisme, au post-colonialisme et à l’intersectionnalité comme on pouvait le lire, début 2020, dans une offre d’emploi pour enseigner la science politique à l’Université du Québec en Ouataouais — et du mouvement révolutionnaire pour contrer, dans le même temps, la tentation réactionnaire. En effet, en janvier 2020, 62 étudiants nationalistes ont publié dans le quotidien québécois Le Devoir un manifeste dénonçant la mainmise des universitaires de la gauche postmoderne:

«Ayant réussi à monopoliser les lieux de pouvoir, ils sélectionnent minutieusement leurs camarades idéologiques au sein du corps professoral. Véritables apôtres de la tolérance, ces enseignants ont ironiquement du mal à tolérer toute forme de pensée contraire à la leur. Leurs opinions sont présentées comme des faits, et les faits sont délogés au statut de ‘construction sociale’. Amateurs de l’intersectionnalité, ils accumulent les luttes victimistes propulsées par les campus américains, tout en évitant soigneusement d’aborder la question de la subordination du Québec au Canada. On ne sélectionne que les victimes utiles pour mieux resserrer le cilice de la mauvaise conscience occidentale30».

Cette rhétorique — qui amalgame gauche postmoderne et théorie critique, rejette ce qui provient des États-Unis pour mieux regretter la marginalisation des penseurs français — n’ouvre aucun horizon émancipateur. Car il serait erroné de ne pas suivre avec intérêt les débats menés aux États-Unis, tout comme il est fallacieux de présenter la France comme un modèle du genre, préservé de la vague antihumaniste mondiale. Or, s’il s’agit de prendre au sérieux l’acte de penser, sans doute est-il encore souhaitable de le faire en allemand, en compagnie de Max Horkheimer qui brossait en son temps le portrait du théoricien révolutionnaire: «Sa critique est agressive à l’encontre, non seulement des apologistes conscients de l’ordre établi, mais tout autant des tendances déviatrices ou utopistes, dans le camp même du prolétariat31».

Si les mots ont probablement vieilli plus vite que la réalité décrite, cette proposition qui refuse les compromissions n’en demeure pas moins valide à notre époque. Sans doute est-elle la seule qui mérite notre considération, n’en déplaise à ceux qui, à gauche, font carrière sur la détestation de la droite, voire du capitalisme ou de l’État, sans jamais porter la contradiction dans leur propre camp — celui du beau, du bien et du bon — au prétexte de ne pas l’affaiblir davantage. Pourtant, cette attitude antidialectique participe pleinement du défaitisme ambiant et cache mal les petits calculs politiciens qui conduisent à la stérilisation de la pensée comme le notait jadis Theodor W. Adorno: «La liquidation de la théorie par la dogmatisation et l’interdiction de penser fut une contribution à une praxis mauvaise; le fait pour la théorie de recouvrer son indépendance est l’intérêt même de la praxis32

C’est pourquoi, par-delà la mauvaise conscience et la fausse conscience de la petite bourgeoisie intellectuelle, il devient nécessaire — sinon urgent — de poursuivre la réfutation de la critique aliénée, en embrassant le marasme contemporain dans sa totalité afin de conjurer la fatalité totalitaire et imaginer, tant qu’il est encore temps, les alternatives qui préserveront les derniers spécimens du genre humain, désireux de vivre libres et égaux…sans préjuger de leurs préférences musicales.

Footnotes

  1. Dave Zirin, «In Defense of Beyoncé’s Black Panther Tribute at the Super Bowl», thenation.com, 11 février 2016; Toiya Shester, « Beyoncé, the Super Bowl, and the Black Panthers », socialistalternative.org, 26 février 2016.
  2. Ricky Riley, «Former Female British Black Panther Critiques Beyoncé’s ‘Formation: ’ The ‘Struggle in Not a Commodity’», atlantablackstar.com, 24 mars 2016.
  3. Kaila Philo, «Fear of a Black Universe», thebaffler.com, 21 février 2018.
  4. «Discours sur l’organisationdes gardes nationales par Maximilien Robespierre, député à l’Assemblée nationale », Archives parlementaires de la révolution française, 1885, p. 249.
  5. Hrag Vartanian, «Liberté, Egalité, and…Beyoncé», hyperallergic.com, 12 août 2014.
  6. Florence Pacaud, «A coup de griffes sur les murs», franceculture.fr, 17 mai 2011.
  7. Christophe Gennin, «Le street art: de nouveaux principes? », Cahiers de Narratologie, 29, 2015.
  8. Michael Rädel, «Liberté, Egalité, Beyoncé», maenner.media, 6 novembre 2018.
  9. John Davis, Liberté Egalité Beyoncé. Empowering quotes and wisdom from our fierce and flawless queen, Melbourne, Smith Street Books, 2018.
  10. «Liberté. Egalité. Beyoncé», hausderkunst.de.
  11. «Sophie Bramly: ‘Beyoncé et Rihanna ont plus fait pour la troisième vague féministe que beaucoup d’intellectuelles’», propos recueillis par Aurore Merchin, lemonde.fr, 5 avril 2017.
  12. Collectif 52, «Le féminisme est-il devenu la vache à lait du capitalisme? », liberation.fr, 6 mars 2018.
  13. «Beyoncé est moins bonne métaphysicienne que Lady Gaga», interview de Richard Mèmeteau par Carole Boinet, lesinrocks.com, 23 octobre 2014.
  14. Richard Mèmeteau, Pop culture. Réflexions sur les industries du rêve et l’invention des identités, Paris, La Découverte, 2014.
  15. « Le NPA à la Fête de l’Humanité », npa2009.org, 10 septembre 2015; «Marx Engels Lenin & Beyoncé – Queer Part! », lelucciole.noblogs.org, 13 décembre 2015; Giusepppe De Lorenzo, «Viaggio nei centri sociali occupati, tra droghe, alcol e stanze del desso», ilgiornale.it, 22 décembre 2015.
  16. Beyoncé, Costa Mesa, Saddleback Educational Publishing, 2015.
  17.  John Wenzel, « Marketing’s child: Beyoncé », denverpost.com, 16 août 2007; «Beyoncé Inks $50M Deal with Pepsi», abcnews.go.com, 11 décembre 2012.
  18. Eliana Dockterman, « Flawless: 5 Lessons in Modern Feminism From Beyoncé », time.com, 17 décembre 2013.
  19. « The 80 best albums of the 2010s », pan-african-music.com, 23 décembre 2019; Alexandra Lynn Howell et Julie Louise Hillery, « Teaching Intersectional Identity through Beyoncé’s Lemonade », International Textile and Apparel Association (ITAA) Annual Conference Proceedings, 2017.
  20. Randall Roberts, « Beyoncé draws outrage and praise for Super Bowl set », latimes.com, 8 février 2016; Zack O’Malley Greenburg, «Beyonce And Jay Z Are The World’s Highest-Paid Celebrity Couple of 2016», forbes.com, 11 juillet 2016.
  21. OECD, United States. Tackling High Inequalities Creating Opportunities For All, juin 2014, p. 1.
  22. Farah Jasmine Griffin, «At Last…? Michelle Obama, Beyoncé, Race & History», Daedalus, Winter 2011, p. 138.
  23. Djavadzadeh Keivan, « The Beyoncé Wars: le Black feminism, Beyoncé et le féminisme hip-hop», Le Temps des médias, 2017/2 (n° 29), pp. 159-176.
  24. Roxane Gay, «Beyoncé’s control of her own image belies the bell hooks ‘slave’ critique», theguardian.com, 12 mai 2014.
  25. Roxane Gay, Bad Feminist. Essays, New York, Harper Perennial, 2014.
  26. Aimée Kiene, «The discussion about feminism has hardly even begun in Africa», volkskrant.nl, 11 octobre 2016.
  27. Chiamanda Ngozi Adichie, We Should All Be Feminists, London, Fourth Estate, 2014.
  28. bell hooks, «Moving Beyond Pain», bellhooksinstitute.com, 9 mai 2016.
  29. Lucile Dumont, «Antiféminisme, tu perds ton sang froid», CQFD, n° 184, février 2020.
  30. «Manifeste contre le dogmatisme universitaire», ledevoir.com, 30 janvier 2020.
  31. Max Horkheimer, Théorie traditionnelle et théorie critique, Paris, Gallimard, 1996, p. 49.
  32. Theodor W. Adorno, Dialectique négative, Paris, Payot & Rivages, 2016, p. 177.