Article

Le travail dans un monde dominé par des applications

Ursula Huws

—7 avril 2021

Version PDF

Les télétravailleurs et les travailleurs mobiles se partagent au moins une caractéristique en commun : faire l’objet d’une cybersurveillance. Mais qui sème le vent récolte la tempête.

Cet essai aborde les changements intervenus sur les marchés mondiaux du travail pendant la pandémie de coronavirus. Plus particulièrement cet essai s’intéresse à la concentration des capitaux, à l’expansion des parts de marché des entreprises transnationales, ainsi qu’à leurs corollaires, à savoir une gestion numérique accrue des chaînes d’approvisionnement et une croissance exponentielle du contrôle et de la surveillance algorithmiques des travailleurs.

Les conditions de confinement pandémique ont clairement mis en exergue les polarisations entre, d’une part, les télétravailleurs «fixes», physiquement isolés à domicile et néanmoins soumis à une cybersurveillance étroite et de l’autre, une main-d’œuvre mobile («libre»), soumise à des conditions d’emploi précaire et se composant de façon disproportionnée de travailleurs noirs et migrants. Tout aussi étroitement surveillés, ces derniers fournissent, au prix de grands risques personnels, les biens et les services physiques dont les personnes confinées à domicile ont besoin pour survivre et se soigner lorsqu’elles tombent malades.

Ce processus est marqué par une forte accélération de certaines tendances préexistantes où apparaissent, néanmoins aussi une série de nouvelles contradictions. L’accès quasi universel aux technologies du numérique, devenu une condition sine qua non dans le domaine de la gestion des travailleurs, fournit également à ceux-ci de nouveaux moyens de communiquer et de s’organiser. Le vide laissé par l’incompétence des pouvoirs publics a incité les communautés à se mobiliser au niveau local, pour élaborer leurs propres solutions en soutien aux personnes vulnérables, à explorer des pistes quant aux réformes à défendre, à se mobiliser contre les employeurs et à organiser des manifestations pour exprimer leur indignation contre le racisme et la violence étatique. On assiste à un foisonnement d’initiatives, dont beaucoup reposent de manière cruciale sur des formes d’organisation numériques, en ligne. Ce faisant, de nouveaux modèles sociaux voient le jour, qui préfigurent ce à quoi pourrait ressembler une société post-Covid plus inclusive.

2008-2019: une décennie de restructuration radicale

Lorsque la crise du coronavirus a éclaté en 2019, l’économie mondiale était déjà en proie à de graves difficultés. Au cours de la décennie précédente, la restructuration du capital subséquemment à la crise de 2008 a eu des répercussions sur l’ensemble de l’économie mondiale, ainsi que sur les marchés du travail. La quête désespérée de nouvelles sources de profit a précipité les entreprises manufacturières dans une véritable course vers le bas, intensifiant par là même la nécessité de commercialiser leurs produits le plus rapidement possible. Cela a entraîné des investissements dans les infrastructures, telles que l’initiative chinoise «Belt and Road» (la nouvelle route de la soie), qui se sont, à leur tour, répercutés sous forme de pressions accrues sur les travailleurs de la production et de la logistique, sur l’ensemble de la chaîne de valeur, des exploitations minières aux usines d’assemblage, en passant par les infrastructures portuaires, les navires, les routes et les entrepôts, et dans le «dernier kilomètre», jusqu’au domicile des consommateurs, sans les commandes desquels aucun profit ne pourrait être réalisé.

Bénéficiant de technologies numériques de plus en plus sophistiquées et de la connivence consentante des gouvernements néolibéraux, d’autres entreprises ont trouvé de nouvelles sources de profit sur les marchés artificiellement créés pour la sous-traitance des services gouvernementaux, ce qui a rendu une grande partie du travail du secteur public précaire, informel et mal rémunéré. Parallèlement, d’autres entreprises se sont transformées en «rentiers du 21e siècle», percevant la dîme du peuple pour l’utilisation (de plus en plus incontournable) de produits virtuels, tels que les licences de logiciels, les contrats de maintenance, les polices d’assurance, les contrats téléphoniques ou les réseaux Wi-Fi. Ailleurs, le travail lui-même s’est converti en une ressource sur laquelle une rente est perçue par l’entreprise sous forme de commission, chaque fois que sa plateforme en ligne est utilisée pour commander un taxi ou effectuer une tâche domestique, le tout dans le cadre d’un système qui transfère tous les risques sur les travailleurs.

Le cabinet de conseil McKinsey estime que 30 % de l’activité économique mondiale passerait bientôt par les plateformes numériques.

Au fil de ces bouleversements, des pans entiers de la vie qui se trouvaient auparavant en dehors du champ d’action direct du capitalisme ont été intégrés à son orbite, générant de nouveaux types de biens et de services, allant des produits Bio aux plats préparés, de la chirurgie esthétique aux chaînes de divertissement en streaming1. Pendant ce temps, les conditions de travail de dizaines de milliers de travailleurs ont été transformées et sont désormais soumises à la discipline et à la gestion algorithmiques déshumanisées du capitalisme mondial.

Il est difficile de surestimer l’ampleur de ces changements. Voici quelques faits. En 2018, sept des dix entreprises les plus puissantes du monde (Apple, Google, Microsoft, Amazon, Facebook, Tencent et Alibaba) utilisaient des modèles d’entreprise de plateforme, alors que le cabinet de conseil McKinsey estimait que 30% de l’activité économique mondiale passerait bientôt par les plateformes numériques2.

La valeur globale des ventes au détail en ligne (principal moteur de la croissance des volumes de livraison de colis) a triplé, passant de 1196 milliards USD en 2013 à 3306 milliards USD en 20193. Au Royaume-Uni, en 2017, plus d’un tiers de toutes les dépenses publiques ont été consacrées à l’acquisition de biens, de travaux et de services auprès de fournisseurs externes4.

Mes propres recherches, au nombre de cinq, menées entre 2016 et 2019 dans treize pays européens, ont révélé qu’un grand nombre de personnes en quête de travail se tournent vers les plateformes en ligne.5 Le travail via les plateformes en ligne est généralement effectué en complément d’autres activités et représente pour la plupart des travailleurs moins de 10% de leur revenu total, alors qu’une petite minorité seulement déclare qu’il génère la totalité de leur revenu. Cette modalité de travail s’inscrit dans un éventail de boulots occasionnels et sur demande, qui assurent un revenu de subsistance aux travailleurs pauvres. Une partie de ces activités est réalisée en temps et en espace réels, souvent dans des espaces publics. Les transporteurs et les livreurs représentent entre 1,4% (aux Pays-Bas et en Suède) et 12,3% (en République tchèque) de la population adulte. Au Royaume-Uni (seul pays pour lequel nous disposons de données tendancielles), cette proportion est passée de 1,5% en 2016 à 5,1% en 2019, ce qui montre la rapidité de cette évolution.

La part des travailleurs sur plateformes, tous pays confondus, exerçant des activités très visibles dans les espaces publics, est largement surpassée par celle des travailleurs exerçant des activités moins visibles, notamment les services ménagers à domicile; ceux-ci représentent entre 2,4% en Suède et 11,8% en République tchèque. Cependant, cette catégorie est, à son tour, surpassée par un type de travail de plateforme encore plus répandu: le travail effectué virtuellement, à l’aide de dispositifs en ligne. Indépendamment de la localisation géographique, le travail sur les plateformes en ligne engendre une spirale concurrentielle directe entre les travailleurs des différentes régions du monde. Il n’est donc guère surprenant que les niveaux les plus élevés se trouvent là où les salaires moyens sont les plus bas par rapport aux concurrents internationaux.

Le travail via les plateformes en ligne est généralement effectué en complément d’autres activités.

Il semble évident que, dans un contexte de baisse ou au mieux, de stagnation des revenus réels et de politiques d’austérité draconiennes, les gens sont en quête de toutes les sources de revenus possibles pour joindre les deux bouts. L’un des mécanismes les plus importants à cette fin avant la crise financière —le crédit— est devenu beaucoup moins accessible après la crise, faisant de l’économie en ligne une ressource de plus en plus incontournable à exploiter.

Au Royaume-Uni (où nous avons réalisé des enquêtes en 2016 et 2019), nous pouvons constater une croissance exponentielle du travail de plateforme. Ainsi, le nombre d’adultes en âge de travailler qui ont déclaré avoir décroché un boulot via une plateforme en ligne au moins une fois par semaine a doublé au cours de ces trois dernières années, passant de 2,8 millions à 5,8 millions (de 4,7% à 9,6% de la population adulte), selon les estimations. Les gens se tournaient vers Internet pour gagner de l’argent par d’autres moyens également: au cours de la même période, le pourcentage de personnes louant des chambres via des plateformes en ligne comme Airbnb est passé de 8,2% à 18,7%, tandis que celui des personnes vendant des produits faits maison, via des plateformes comme Etsy, est passé de 10% à 20,2%. Une forte proportion de la population britannique (60,7%) a eu recours à des services de plateformes en 2019. Si les ménages plus aisés étaient plus susceptibles de le faire, plus de la moitié (50,9%) de la population avec un revenu annuel inférieur à 20 000 livres sterling a fait appel à des plateformes, y compris un grand nombre de personnes travaillant elles-mêmes pour des plateformes. Trois quarts (76%) des personnes qui ont déclaré fournir des services de VTC ou de livraison par l’intermédiaire de plateformes au moins une fois par semaine étaient également des utilisateurs de ces plateformes au moins une fois par mois (le pourcentage était de 92,8% pour les personnes qui le faisaient au moins une fois par an), tandis que deux tiers (67,2%) des personnes qui fournissaient des services à domicile au moins une fois par semaine étaient également des clients de ces services au moins une fois par mois (89,6% au moins une fois par an)6.

De fait, au cours de cette courte période de trois ans, l’offre et la demande de main-d’œuvre via ces plateformes ont doublé. S’agissant du marché du travail, le travail effectué via des plateformes en ligne officiellement désignées en tant que telles représentait la partie émergée d’un iceberg beaucoup plus vaste. Plus déterminante encore que l’augmentation du travail sur les plateformes en ligne a été la diffusion phénoménale des pratiques de gestion numérique à l’échelle de la population active en général. Alors qu’en 2016, au Royaume-Uni, une personne sur dix déclarait utiliser une application ou un site web pour être informée des nouvelles tâches, en 2019, ce chiffre avait plus que doublé, pour atteindre 21% de la population adulte en âge de travailler. La moitié à peine de ces personnes étaient des travailleurs de plateforme. L’utilisation d’applications ou de sites web pour enregistrer le travail effectué a augmenté au cours de la même période, passant de 14,2% à 24,6%. Là encore, la plupart des personnes qui signalent ces pratiques ne sont pas des travailleurs de plateforme. Près d’un quart (24%) des adultes britanniques interrogés en 2019 — dont près de la moitié (11,7%) n’étaient pas des travailleurs de plateforme — ont également déclaré que leur travail était évalué par les clients. Ainsi, en 2019, les bouleversements provoqués par la restructuration du capital au cours de la décennie précédente se traduisaient déjà par des turbulences formidables sur le marché du travail, avec une érosion des contrats de travail standard et une croissance spectaculaire de la gestion et de la surveillance numériques des travailleurs.

2020: retombées économiques et sociales de la pandémie de Covid-19

Le confinement général imposé à la plupart des populations au début de 2020 est donc survenu dans un contexte hautement volatile, telle la course folle d’un bolide lancé en roue libre. Dans certains secteurs, son impact a été comparable à un coup de frein subit, donnant lieu à un arrêt brusque et cinglant de l’activité. Ailleurs, l’effet a plutôt été ressenti comme un coup d’accélérateur tout aussi abrupt, qui a fait bondir en avant les tendances existantes à une vitesse folle.

Stop and go sur le marché du travail

La mise à l’arrêt quasi total des industries du transport a été suivie de licenciements en masse dans les compagnies aériennes, alors que des centaines de milliers de marins se sont retrouvés coincés à bord de leurs embarcations des mois durant7. Les entreprises du secteur du voyage et du tourisme ainsi que les prestataires Airbnb, quant à eux, couraient à la ruine8. De nombreuses industries de production, outre les commerces de détail traditionnels et d’autres industries de services, ont dû baisser le volet. Alors que les images de pétroliers en rade, de rues commerçantes condamnées et d’usines fermées envahissaient nos écrans, les retombées environnementales devenaient non seulement visibles, avec soudainement un ciel clair et des horizons dégagés à perte de vue, mais aussi audibles, dès lors que le chant des oiseaux n’était plus noyé par le bruit de la circulation.

Cependant, un tel coup de frein est susceptible de laisser des traces durables sur le marché du travail, à mesure que les licenciements temporaires se transforment progressivement en pertes d’emploi permanentes. Non seulement de nombreux employés de petites et moyennes entreprises sont licenciés lorsque leurs employeurs font faillite, mais il semble également probable que les plus grandes entreprises se serviront de la pandémie comme prétexte pour flexibiliser leurs conditions d’emploi et réduire leurs effectifs. Bien que les répercussions d’un tel coup de frein soient drastiques, les effets accélérateurs de ces activités sont susceptibles d’avoir des implications encore plus profondes, notamment en termes d’augmentation considérable du nombre de personnes travaillant depuis leur domicile, de recours aux commandes de biens et de services en ligne et de main-d’œuvre nécessaire à leur livraison.

La crise du coronavirus a mis en évidence et exacerbé une polarisation croissante sur le marché du travail entre le travail et les travailleurs «fixes» et «libres»9, les besoins des personnes immobilisées, que ce soit en raison de contraintes professionnelles, d’une incapacité, de la vieillesse ou d’un risque de contamination, étant de plus en plus satisfaits grâce à l’hypermobilité des autres travailleurs itinérants, qui doivent leur fournir les biens et services qu’ils ne peuvent pas aller chercher eux-mêmes, leur prodiguer des soins physiques ou les transporter vers et depuis les lieux où ils doivent être traités en personne. Cette situation a entraîné une augmentation du nombre de travailleurs précaires, principalement des migrants et des personnes issues de minorités noires et ethniques (BAME), dont la vie a été mise en danger et qui, pour cette raison notamment, représentent une proportion scandaleusement élevée des décès dus au coronavirus10. Bien que leur sécurité personnelle soit sacrifiée, ces travailleurs sont parmi les moins susceptibles de bénéficier de protections, notamment en termes d’indemnités de maladie, de protection de l’emploi ou de salaire minimum.

L’augmentation de cette main-d’œuvre mobile, à laquelle s’est ajoutée une grande partie des travailleurs licenciés d’autres secteurs, obligés de travailler en temps et en espace «réels», s’est traduite par une croissance exponentielle du travail «virtuel» chez les cols blancs (qui sont également plus susceptibles d’avoir la peau blanche)11, qui, en raison des fermetures de bureaux et des demandes de distanciation sociale, sont obligés de travailler depuis leur domicile, et de se connecter numériquement avec leurs employeurs, clients ou consommateurs. Un tiers des Européens ont déclaré avoir adopté le télétravail à la suite de la pandémie12. Bien qu’ils travaillent dans des conditions très différentes de celles des travailleurs mobiles qui répondent à leurs besoins, et bien qu’ils soient mieux protégés physiquement, ces télétravailleurs partagent au moins une caractéristique en commun avec eux: ils sont de plus en plus susceptibles de faire l’objet d’une cybersurveillance de la part d’une entreprise multinationale, point sur lequel je reviendrai plus loin dans cet essai.

Concentration et expansion du capital

Entre-temps, ces nouvelles conditions ont permis une expansion fulgurante de certains secteurs du capital, ainsi qu’une concentration des richesses. Selon un rapport de l’US Institute for Policy Studies and Americans for Tax Fairness paru en juin 2020, les fortunes des cinq plus grands milliardaires (Jeff Bezos, Bill Gates, Mark Zuckerberg, Warren Buffett et Larry Ellison) avaient vu leur valeur nette combinée augmenter de 584 milliards USD au cours des trois premiers mois de 2020. Au cours de la même période, la richesse des ménages reculait de 56 500 milliards USD.

Un « loguage » de la main-d’oeuvre met les travailleurs sous une pression continue tout en augmentant leur interchangeabilité.

Que Bezos, le PDG d’Amazon, ait été le plus grand gagnant en termes absolus, avec une croissance de 43,8 milliards USD au cours de la période de trois mois, n’est guère surprenant étant donné l’explosion des ventes en ligne. En termes de pourcentage, l’augmentation de 38,7% de sa fortune personnelle a été dépassée par une augmentation phénoménale de 58,6% de la fortune de Zuckerberg (PDG de Facebook) pendant la même période, ce dernier ayant bénéficié du passage à la communication en ligne au sein d’une population confinée et isolée. Deux autres des cinq mastodontes, Gates et Ellison, doivent également leur fortune à l’économie numérique (Microsoft et Oracle)13. Le cinquième, Buffet, est un capitaliste plus classique, qui joue sur plusieurs tableaux à la fois, notamment une participation importante dans Apple ainsi que dans des banques et des entreprises alimentaires. Berkshire Hathaway, la société dont il est le PDG, a habilement revendu toutes ses participations dans des compagnies aériennes au début de 2020.

Ces milliardaires sont emblématiques d’une tendance beaucoup plus large, qui voit les grandes entreprises étendre leur emprise. Dans certains cas, cela résulte de l’extraction de diverses formes de rentes, par exemple sur les licences de logiciels, qui augmentent proportionnellement à l’utilisation croissante des technologies numériques. Dans le contexte du confinement, il va sans dire que la demande pour ces technologies a augmenté de manière exponentielle. Par exemple, le service de vidéoconférence Zoom a indiqué qu’en avril 2020, son utilisation était passée à 300 millions de participants par jour aux réunions, contre seulement 10 millions en décembre 2019 (rapportant 328 millions de dollars de recettes au cours du trimestre février-avril)14. Dans d’autres cas, les entreprises transnationales (comme les supermarchés, les chaînes de restauration rapide et les plateformes en ligne fournissant des services aux ménages) colonisent des pans entiers de l’économie autrefois dominés par des petites entreprises et des commerces individuels, aidées par leur capacité à organiser la livraison juste à temps aux consommateurs isolés, en recourant à une main-d’œuvre dispersée et contrôlée numériquement.

Parmi les autres bénéficiaires de la crise figurent les entreprises dont les bénéfices sont basés sur la sous-traitance des services publics. À la suite d’une chute précoce de la demande lorsque la pandémie est apparue, et ce avant même que des politiques gouvernementales n’aient été formulées pour y faire face, il est apparu clairement que les entreprises de sous-traitance voyaient dans la crise du Covid une nouvelle source prometteuse de contrats. En juin 2020, les appels d’offres pour les marchés publics ont augmenté de 40%, avec la publication de contrats Covid-19 estimés à 4,3 milliards de livres sterling au Royaume-Uni, dont un contrat de 326 millions de livres sterling relatif à la création d’hôpitaux temporaires pour le traitement de la Covid-19, et un contrat de 750 millions de livres sterling portant sur la réalisation d’une étude sur les infections, outre divers autres contrats pour la fourniture de vidéoconférences pour les consultations à distance avec les patients. Démontrant de manière graphique comment la pauvreté de la population en général devient une opportunité pour l’expansion des entreprises, deux grands contrats ont été attribués par le ministère de l’Enseignement pour soutenir les étudiants issus de milieux défavorisés, l’un pour la fourniture de repas scolaires gratuits, et l’autre pour des ordinateurs portables et autres supports pédagogiques15. Pour prendre toute la mesure de ce secteur, il suffit de souligner que, depuis 2012, le gouvernement britannique y a attribué des contrats privés à hauteur de 3500 milliards de livres sterling16.

La croissance d’une main-d’œuvre «loguée»

Nous voici donc, en 2020, face à une situation caractérisée, d’une part, par une domination croissante du marché du travail par de très grandes entreprises multinationales fortement tributaires des technologies numériques pour organiser le flux de travail et gérer leur main-d’œuvre et, d’autre part, par une dépendance croissante de la population à l’égard des technologies numériques. Celle-ci doit recourir de plus en plus à ces technologies non seulement pour acquérir les biens et services dont elle a besoin pour survivre, mais aussi pour accéder à un travail rémunéré et l’effectuer — que ce soit depuis l’isolement physique de son domicile, en se déplaçant pour livrer des marchandises ou fournir des services, voire dans des contextes à plus haut risque comme les hôpitaux, les maisons de soins, les écoles, les entrepôts, les champs, les usines de transformation alimentaire et d’autres espaces jugés suffisamment essentiels pour que les travailleurs soient obligés d’y travailler en contact direct avec d’autres personnes, malgré le risque d’infection.

Il s’ensuit une augmentation du nombre de travailleurs qui rentrent dans la catégorie que j’ai décrite par ailleurs comme étant celle de la main-d’œuvre «loguée»17 : une modalité de travail caractérisée par trois facteurs, dont chacun peut être décrit par le terme «logué», selon les différentes acceptions du terme originel «log» en anglais. Tout d’abord, les différents processus de travail sont décomposés en tâches distinctes — un peu comme un arbre abattu est découpé en bûches ou rondins (en anglais «log») distincts —, qui (bien que ces tâches puissent en pratique nécessiter des compétences tacites considérables) sont traitées comme standardisées et interchangeables du point de vue de l’exécution et de la rétribution. Deuxièmement, les processus de gestion et de contrôle sont gérés par des plateformes en ligne, le travailleur ou l’utilisateur du service devant être en ligne (ou «connecté», en anglais «logged on») afin d’être informé des travaux disponibles et de rendre compte de l’avancement de leur exécution. Troisièmement, le fait même que chaque aspect du travail soit géré en ligne signifie que chaque interaction laisse une trace numérique, générant des données qui peuvent être utilisées non seulement pour enregistrer et suivre les activités en cours, mais aussi pour construire des algorithmes toujours plus sophistiqués afin d’améliorer l’efficacité des activités futures. Les travailleurs et les utilisateurs sont donc soumis à une surveillance étroite, ce qui signifie que leurs activités sont également «consignées» dans le sens qui était historiquement utilisé pour décrire le suivi des mouvements dans le journal de bord (en anglais «log») des navires.

La surveillance des travailleurs est assurée par divers moyens, dont le GPS, la reconnaissance faciale, l’enregistrement audio des appels au service clientèle et l’historique des achats et de la navigation sur les réseaux sociaux, et couvre les processus de travail dans leurs moindres détails. À titre d’exemple, le système utilisé par UPS pour surveiller ses 450 000 chauffeurs s’appuie sur plus de 200 capteurs installés dans chaque véhicule de livraison pour recueillir des informations qui sont colligées en un flux continu avec les données GPS, les informations des clients et les données recueillies via les scanners manuels. Ces données sont analysées afin de prescrire des protocoles précis pour le comportement du conducteur, jusque dans les détails: par exemple, le fait de démarrer le camion d’une main tout en le faisant tourner de l’autre, ou l’endroit où placer son stylo18.

Les milliardaires tels que Jeff Bezos sont emblématiques d’une tendance beaucoup plus large, qui voit les grandes entreprises étendre leur emprise.

Ainsi, Cogito, un système utilisé dans les centres d’appel pour analyser les enregistrements d’appels, permettrait de «mesurer et interpréter en temps réel les données sur l’énergie, l’empathie, la participation, le ton et le rythme des téléopérateurs». Un autre système similaire dénommé CallMiner «envoie trois à cinq notifications par minute à un agent pour un appel type, allant… «des messages de félicitations et de photos d’animaux mignons lorsque le logiciel suggère qu’un client est satisfait» à «une suggestion de se calmer et une liste de points de discussion apaisants lorsque la frustration de l’appelant est détectée»19. Un autre système basé sur l’intelligence artificielle, Isaak, déjà utilisé au Royaume-Uni dans plusieurs cabinets d’avocats, une société de formation et une agence immobilière, recueille des données sur une série d’actions dont il se sert ensuite pour obtenir «des informations en temps réel sur chaque employé et sa position au sein du réseau organisationnel», montrant aux managers «comment les travailleurs collaborent et s’ils sont des influenceurs ou des faiseurs de tendances»20.

Il existe une infinité d’exemples de ce type. En bref, le recours à ces outils de surveillance s’est considérablement répandu depuis l’arrivée de la pandémie. À titre d’exemple, Sneek, qui «reste actif tout au long de la journée de travail et prend des photos des travailleurs constamment actualisées toutes les une à cinq minutes via la webcam de leur ordinateur portable», fait état d’un décuplement des inscriptions en mars 2020, et compte plus de 10 000 utilisateurs21.

Un tel «loguage» de la main-d’œuvre ne contribue pas seulement à sa normalisation et à son intensification, en mettant les travailleurs sous une pression continue tout en augmentant leur interchangeabilité, mais il supprime également — ou rend très difficile — la possibilité d’un dialogue direct entre les travailleurs et leurs supérieurs. Lorsque le seul moyen de communication est une interface numérique anonyme, il n’est pas possible d’identifier la source du pouvoir ou de négocier avec elle. Même si le système présente des dysfonctionnements et qu’il existe un motif valable de plainte, le mieux que puisse normalement faire un travailleur donné est de s’adresser, via un centre de contact automatisé ou un chatbot, à un autre travailleur tout aussi aliéné, qui n’a pas ou peu de pouvoir de décision sur le système, dans un monde kafkaïen où les responsabilités sont sans cesse rejetées et où il est impossible de répondre aux autorités. Le modèle normatif des relations industrielles établi dans les économies développées au 20e siècle est ainsi contourné de manière aussi concluante que les contrats de travail type normatifs qui ont été négociés dans le cadre de ce modèle.

Les contre-mouvements

L’histoire nous apprend que chaque mouvement est accompagné d’un contre-mouvement et qu’en outre, plus le changement est important et rapide, plus le contrecoup risque d’être important et véhément. La portée et l’ampleur sans précédent de la crise pandémique semblent capables de provoquer un véritable tsunami de réactions parmi les victimes de ce dernier bouleversement capitaliste.

La fin du «there is no alternative».

L’un des effets les plus remarquables de la crise a été de démasquer la notion néolibérale selon laquelle «il n’y a pas d’alternative», qui a longtemps été considérée comme du bon sens politique, si bien que peu de travailleurs de moins de 55 ans se souviennent d’une époque où d’autres opinions prévalaient. Sa domination s’est étendue au chômage de masse résultant de la désindustrialisation des années 80 et aux politiques d’austérité introduites après la crise financière de 2008, insistant sur le fait que les souffrances de millions de personnes étaient inévitables et incontestables. À long terme, affirmait-on, seul le marché peut gagner. Permettre à l’État d’intervenir est une distorsion de ce marché, qui ne fera finalement que prolonger la douleur. En revanche, si nous laissons libre cours au marché, voyez ce qu’il peut nous apporter de bon: des produits bon marché, de nouvelles technologies à l’appui d’une société du loisir et de l’oisiveté, un flux infini de divertissements, l’épanouissement personnel, la liberté de choix et la flexibilité!

L’arrivée de la pandémie a brisé ce mythe à la vue de tous, montrant très clairement que le marché ne peut pas faire face à une véritable crise, que l’État a un rôle important à jouer et qu’il est, de fait, essentiel à bien d’autres fins que le maintien de l’ordre public. Les gouvernements qui ont prétendu pendant des décennies qu’il n’y avait pas d’argent pour fournir des services sociaux et de santé élémentaires ont soudain trouvé les ressources nécessaires pour dépenser des milliards en subventions aux employeurs pour qu’ils mettent les travailleurs au chômage technique, et renflouent les institutions en difficulté. Le sentiment d’avoir été trompé s’accompagne d’une prise de conscience que des choix politiques étaient possibles dans le passé — et le sont toujours. Cette prise de conscience a déclenché une grande vague de colère à l’idée que tous les sacrifices avaient été vains, une colère qui s’est mêlée à d’autres formes de rage contre l’État néolibéral, par exemple à l’égard de la manière dont ses politiques de maintien de l’ordre et d’incarcération (toujours curieusement exemptes des coupes qui ont affecté les autres dépenses publiques) sont utilisées de manière meurtrière contre les populations de couleur et les minorités ethniques (BME).

Les entreprises transnationales colonisent des pans entiers de l’économie autrefois dominés par des petites entreprises et des commerces individuels.

Cette critique n’est pas venue de nulle part, bien sûr. Cela était déjà évident, par exemple, dans le soutien croissant aux visions alternatives promues par Jeremy Corbyn et Bernie Sanders à la fin des années 2010, en particulier parmi la génération qui est entrée sur le marché du travail (ou a essayé de le faire) dans la période qui a suivi la crise de 2008, dont les expériences de vie leur avaient appris que, aussi «autonomes» ou «créatives» qu’elles puissent être, le marché ne leur offrait pas les opportunités qu’il promettait. Ceux qui ne sont pas tombés dans la dépression ou l’anomie faisaient déjà activement campagne pour le changement avant que le virus ne frappe, notamment en explorant de nouvelles options politiques et sociales. Cette critique a également été alimentée par les réponses à la crise du changement climatique, qui a atteint son point culminant en 2019, lorsque des incendies ont fait rage en Australie et que la fonte des calottes glaciaires est devenue une évidence. Vers le milieu de l’année 2020, il est apparu qu’une sorte de point de basculement avait été franchi pendant la pandémie, où l’incrédulité face au discours selon lequel «there is no alternative» a gagné une masse critique de la population, suggérant une nouvelle ouverture aux idées alternatives.

Mobilisation

La fin des années 2010 n’a pas seulement vu un changement d’attitude chez les jeunes, elle a également vu se développer de nouvelles formes de mobilisation sociale, dont le mouvement Black Lives Matter est peut-être l’exemple le plus emblématique. De nouvelles formes d’organisation ont également essaimé parmi les travailleurs précaires, comme la National Domestic Workers Alliance aux États-Unis et l’App Drivers and Couriers Union (ADCU) au Royaume-Uni, qui ont toutes deux élargi leurs effectifs et leurs activités depuis le début de la pandémie. Les deux organisations ont développé une analyse qui met particulièrement l’accent sur le fait que la majorité de leurs membres appartiennent à la catégorie des BAME, et s’appuient sur cela à des fins politiques. Comme beaucoup d’autres mobilisations partant de la base de la population, elles ont développé une analyse judicieuse des tendances du marché du travail, illustrée récemment par l’observation de James Farrar, secrétaire général de l’ADCU, selon lequel après la pandémie, «les applications vont revenir en force. Nous allons voir un monde dominé par les applications.»22 Ces organisations ont également favorisé la solidarité internationale, par exemple en créant la Fédération internationale des travailleurs domestiques (FITD) en 2014 et l’Alliance internationale des travailleurs du transport basé sur les applications (IAATW) en 2019.

Outre le développement de nouvelles organisations pour représenter les travailleurs précaires, une autre preuve de cette nouvelle mobilisation provient de l’augmentation du nombre de membres des syndicats traditionnels. En 2019, par exemple, le Trade Union Congress (TUC) britannique a signalé une augmentation de 100 000 membres en une seule année23. Un an plus tard, après le déclenchement de la pandémie, le trafic sur la page du site web du TUC «Join a Union» en mai 2020 était six fois plus élevé qu’en mai 2019, et la plupart des nouveaux membres sont issus de milieux jusqu’ici non syndiqués. Le nombre de femmes syndiquées au Royaume-Uni atteint un niveau record, s’élevant à 3,69 millions. L’afflux de personnel soignant dans le syndicat du secteur public Unison est en hausse de 202%24. La fin des années 2010 a également connu une vague de grèves et d’autres formes d’action collective parmi les travailleurs faiblement rémunérés dans des entreprises allant d’Amazon à McDonald, une vague qui s’est encore amplifiée pendant la crise pandémique. Ainsi, plus de 800 grèves, débrayages, arrêts de travail et autres perturbations ont été enregistrés aux États-Unis entre mars et juin 2020, dont un grand nombre sur des lieux de travail jusqu’alors non syndiqués25.

Le recours à ces outils de surveillance s’est considérablement répandu depuis l’arrivée de la pandémie.

Si la plupart de ces actions ont pris une forme très physique, leur organisation n’aurait guère été possible sans l’utilisation généralisée des communications électroniques. En outre, le succès de ces actions, en termes de la publicité qu’elles engendrent et, très souvent, de l’attention qu’elles portent aux réactions scandaleusement hostiles des employeurs et de la police, peut également être attribué à la diffusion en direct de preuves captées sur les smartphones et diffusées via les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux ont également fourni des forums pour une discussion sérieuse sur les modèles sociaux alternatifs qu’il convient de promouvoir pour le jour où le monde sortira de son confinement. Ceux-ci vont des coopératives de travailleurs aux régimes de revenu de base universel, en passant par des alternatives à la prison et la création d’emplois durables.

La crise du coronavirus a, en effet, donné lieu à un foisonnement inédit d’initiatives communautaires locales, collaboratives, depuis la base de la population, et souvent organisées par le biais du numérique, par exemple pour distribuer des denrées alimentaires aux personnes précaires, fournir une aide sociale aux personnes âgées isolées, organiser une aide au logement pour les sans-abri, fournir des refuges aux victimes de violences domestiques ou des solutions de scolarisation alternatives aux enfants confinés26. Sidérées par l’incapacité de l’État à leur fournir les moyens élémentaires de survie et de protection personnelle, consternées par l’irresponsabilité et l’égoïsme des employeurs, et enragées par le comportement de la police, de nombreuses personnes, équipées de leurs nouvelles technologies et de la capacité de les utiliser de façon novatrice et, dans certains cas, disposant de plus de temps que d’habitude, émergent de la torpeur des années néolibérales, avec un regain d’énergie et de motivation. Ce faisant, elles développent des modèles préfigurant ce à quoi pourrait ressembler une société alternative post-Covid, et, en leur donnant une forme concrète, stimulent la prise de conscience que de telles alternatives sont possibles, contribuant par là même à l’avènement d’une telle société.

Conclusion

L’histoire du capitalisme est une double histoire, dans laquelle chaque développement contient en lui les germes de sa propre destruction. Une fois que la division technique du travail a atteint un point où il était nécessaire d’avoir une main-d’œuvre alphabétisée et numérisée, cette main-d’œuvre alphabétisée et numérisée a utilisé ces nouvelles compétences pour s’organiser et exiger une représentation démocratique. Une fois que la division spatiale du travail a atteint un point où il fallait des communications internationales rapides pour la coordonner, les travailleurs ont pu utiliser le télégraphe et le téléphone, et plus tard le courrier électronique, le fax et le SMS, pour se connecter les uns aux autres et partager leurs expériences.

L’arrivée de la pandémie a brisé ce mythe à la vue de tous, montrant très clairement que le marché ne peut pas faire face à une véritable crise.

Maintenant que nous disposons d’une main-d’œuvre mondiale gérée numériquement, qui a besoin d’un smartphone ou d’un ordinateur portable avec une application pour être mise au travail, ces nouveaux outils peuvent également être utilisés pour organiser la résistance. Et si la poursuite du développement du capitalisme exige de l’innovation, les travailleurs, qui expérimentent de nouvelles façons de faire les choses, génèrent de nouvelles idées et imaginent de nouvelles applications et solutions organisationnelles, peuvent alors mettre leur compétence, leur intelligence et leur créativité au service de l’invention de nouvelles façons de vivre et d’organiser l’économie et la société. Qui sème le vent récolte la tempête.

Article originellement paru dans Socialist Register 2021 (réd: Leo Panitch et Greg Albo).

Footnotes

  1. J’ai écrit plus longuement sur ces développements dans Labour in Contemporary Capitalism: What Next?, Palgrave Macmillan, 2019.
  2. Jennifer L. Schenker, «The Platform Economy» , The Innovator, janvier 2019.
  3. «Global Parcel Delivery Market Insight Report», Apex Insight, 2020.
  4. Tom Sasse, Benoit Guerin, Sarah Nickson, Mark O’Brien, Thomas Pope et Nick Davies, «Government Outsourcing: What has worked and what needs reform?», Institute for Government, 2019.
  5. Ursula Huws, Neil H. Spencer, Matt Coates et Kaire Holts, «The Platformisation of Work in Europe: results from research in 13 European countries», Bruxelles: Foundation for European Progressive Studies, 2019.
  6. Ursula Huws, Neil H. Spencer, et Matt Coates, «Platform Work in the UK 2016-2019», Foundation for European Progressive studies and the Trades Union Congress, 2019.
  7. Tim Bowler, «Seafarers in limbo as coronavirus hits shipping», BBC News, 16 avril 2020.
  8. Joan Faus, «This is how coronavirus could affect the travel and tourism industry», World Economic Forum with Reuters, 17 March 2020; Tripp Mickle et Preetika Rana, «A Bargain With the Devil – Bill Comes Due for Overextended Airbnb Hosts», Wall Street Journal, 29 avril 2020.
  9. J’ai fait cette distinction dans Ursula Huws, «Fixed, footloose, or fractured: Work, identity, and the spatial division of labor in the twenty-first century city», Monthly Review 57 (10), 2006, pp. 34-44.
  10. Haroon Siddique, «Key findings from Public Health England’s report on Covid-19 deaths», The Guardian, 2 juin 2020.
  11. «Coronavirus and homeworking in the UK labour market : 2019», Office of National Statistics, disponible sur: www.ons.gov.uk.
  12. Oscar Vargas Llave, «COVID-19 unleashed the potential for telework —How are workers coping?» Eurofound, 9 juin 2020.
  13. Chuck Collins, Institute for Policy Studies, 18 juin 2020.
  14. Jacob Kastrenakes, «Zoom saw a huge increase in subscribers —and revenue— thanks to the pandemic», The Verge, 2 juin 2020.
  15. «Factsheet #2: Covid-19 & UK Public Procurement», Tussell, mai 2020; «Factsheet #4: Covid-19 & UK Public Procurement», Tussell, juillet 2020.
  16. «2019 Update on Strategic Suppliers», Tussell, mars 2020.
  17. Ursula Huws, «Logged labour: a new paradigm of work organisation?», Work Organisation, Labour and Globalisation 10(1), 2016, pp. 7-26.
  18. Moritz Altenried, «On the Last Mile: Logistical Urbanism and the Transformation of Labour», Work Organisation, Labour & Globalisation 13(1), 2019, pp. 114-29.
  19. Camilla Cannon, «Recorded for Quality Assurance: The datafication of affect in the call-center industry», Real Life, 19 septembre 2019.
  20. Robert Booth, «UK businesses using artificial intelligence to monitor staff activity», The Guardian, 7 avril 2019.
  21. Aaron Holmes, «Employees at home are being photographed every 5 minutes by an always-on video service to ensure they’re actually working — and the service is seeing a rapid expansion since the coronavirus outbreak», Business Insider, 23 mars 2020.
  22. Consulté le 29 juin 2020 à l’adresse suivante: www.facebook.com/ADCUnion.
  23. Carl Roper, «Trade union membership rises by 100 000 in a single year — but challenges remain», TUC, 30 mai 2019.
  24. Lesley Riddoch, «Unions thriving amid national crisis», The Scotsman, 22 juin 2020.
  25. Jason Koslowski, «A Historic Wave of Workers’ Struggle is Sweeping the U.S. — and It’s Speeding Up», Left Voice, 22 June 2020. Concernant le nombre réel de grèves, voir Chris Brooks, «Fact Check: Have there been 500 wildcat strikes in June?», organizing work, 23 juin 2020.
  26.  Il n’y a pas de place pour détailler ici les nombreux exemples. Ceux qui sont intéressés peuvent en trouver quelques-uns dans le groupe Facebook «Prefiguring a positive post-COVID society».