Une vague de politiques antidémocratiques – nationalistes et racistes – déferle sur l’Europe. Alimentée par le mécontentement de larges couches de la population.
En 2020, le candidat du Parti démocrate Joe Biden a remporté l’élection présidentielle étasunienne face au président sortant, le républicain Donald Trump. Ce dernier avait placé sa présidence et sa campagne élec- torale sous le slogan « Make America Great Again ». En mars 2021, le président Biden a ensuite annoncé sa« stratégie de sécurité nationale» : « Je crois que nous sommes au milieu d’un débat historique et fondamental sur la direction que prendra notre monde à l’avenir. Face à tous les défis auxquels nous sommes confrontés, certains affirment que l’autocratie est la meilleure solution. Mais il y a aussi ceux qui comprennent que la démocratie reste essentielle pour relever tous les défis de notre monde en mutation.»
En octobre 2022, il ajoutait : « Au niveau mondial, le besoin de leadership américain n’a jamais été aussi grand. Nous sommes au cœur d’une suren- chère stratégique pour l’avenir de l’ordre international»1. La Chine avait déjà été déclarée principal rival par ses prédécesseurs. Depuis 2022, la guerre en Ukraine s’est transformée en une guerre par procuration et de propagande de l’ « Occident libre» contre la Russie et l’autocrate Poutine. Ce dernier est soutenu en Extrême-Orient par le « dictateur» Xi Jinping. La ministre écolo des Affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne, Annalena Baerbok, se voit déjà en guerre contre la Russie de Poutine. Dans un discours sur la « stratégie de sécurité nationale», elle s’adresse à l’ennemi : « Nous défendrons notre Europe, chaque centimètre carré de notre Europe, de notre liberté». Le président réélu de la Commission européenne et le nouveau commissaire européen aux Affaires étrangères, originaire d’Estonie, sont tout à fait du même avis. Le sommet de l’OTAN qui s’est tenu à Washington en juillet 2024 avait pour but de montrer cette nouvelle union des forces de l’alliance occidentale dans la lutte mondiale contre l’autocratie et les ennemis de la liberté.
La montée de la droite
Depuis un certain temps, les résultats des élections et la formation de coalitions dans les États capitalistes développés de l’Occident ont mis en évidence « de graves menaces pour la société pluraliste et la démocratie moderne». « Au cours des crises qui ont marqué les deux dernières décennies, des tendances de plus en plus autoritaires se sont manifestées dans une partie de la population, y compris dans les sociétés occidentales »2. Après la victoire de Biden, les partisans de Trump avaient pris d’assaut le Capitole le 6 janvier 2021. Un fascisme étasunien sanglant et aveugle a refait surface et a misé sur une nouvelle victoire électorale de Trump. En France, l’extrême droite a triomphé aux élections européennes. Toutefois, lors des élections législatives nationales suivantes, elle a été battue par le Front populaire de gauche et les libéraux de Macron. Ce résultat électoral annonce une période d’ingouvernabilité. Les cadres autour de Marine Le Pen parlent d’une « victoire différée ». L’extrême droite fait déjà partie des gouvernements en Hongrie, en Italie et aux Pays-Bas. En Belgique, la Nieuwe Vlaamse Alliantie ( N-VA) séparatiste de Bart De Wever a remporté les élections nationales du 24 juin avec près de 20% des voix. Elle est favorable à la séparation de la Flandre du reste de la Belgique et s’est de plus en plus rapprochée de l’extrême droite ces dernières années. La N-VA siège au Parlement européen au sein du groupe ECR, avec le parti au pouvoir post-fasciste de Giorgia Meloni, Fratelli d’Italia. Le Vlaams Belang, parti d’ex- trême droite, est devenu le deuxième plus grand parti en Flandre. Un point de lumière : le jeune parti travailliste marxiste ( PVDA/PTB) a augmenté son score pour atteindre environ 10%. Les partis de droite dominent également en Scandinavie ( Suède, Finlande) et veulent à tout prix que leur pays rejoigne l’OTAN. En Allemagne, l’AfD obtient dans les sondages et aux élections plus de 30%, surtout dans la partie orientale de la République fédérale. De plus, la CDU/CSU a également progressé. Lors des élections européennes de juin 2024, les gains les plus importants ont été réalisés par les eurosceptiques, les nationalistes et les extrémistes de droite, aux côtés des démocrates-chrétiens conservateurs. Une vague de politiques antidémocratiques – nationalistes et racistes – a déferlé sur les centres capitalistes, mais aussi sur les États membres de l’UE dans le sud-est de l’Europe. Ce courant est alimenté par le mécontentement de larges couches de la population – avant tout des classes inférieures – à l’égard des développements sociaux, économiques et politiques et se manifeste par une aversion pour les anciens partis démocratiques3. La classe politique et ses affaires parlementaires sont tenues en piètre estime!
Après la longue période d’hégémonie néolibérale, les métropoles occidentales se trouvent depuis 2008 dans un état de polycrise permanent.
Cet article examine les causes de ce glissement à droite du système politique des pays occidentaux. Pour ce faire, nous examinons la proposition suivante : le passage d’une « longue» vague de croissance capitaliste expansive dans le dernier quart du 20e siècle à une longue vague dépressive de crises depuis la crise financière et économique de 2008/2009 a-t-il également déterminé la crise politique du système de démocratie représentative, y compris l’aversion d’une partie de plus en plus importante de la population pour les valeurs et les partis démocratiques? La question suivante s’inscrit dans ce contexte : existe-t-il un lien entre le credo néolibéral du capitalisme moderne et la tendance croissante à agir de manière autoritaire-fasciste pour garantir la domination du capitalisme bourgeois? Actuellement dominent dans le bloc du pouvoir en place4 des stratégies qui, dans une période de gestion de crise permanente, dépendent des majorités des « partis anciens ou du système» ( ainsi désignés par la droite). Ou bien ils sont contraints par les résultats des élections de former des coalitions avec des partis d’extrême droite. La cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, par exemple, est reconnue et courtisée comme partenaire par les conservateurs en Italie et dans l’UE. Ici, le virage à droite est pris dans le cadre de la Constitution existante et de l’ordre juridique de l’UE.