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L’esprit de Bandung

Il y a 70 ans, en 1955, la ville indonésienne de Bandung réunissait les chefs de gouvernement de vingt-neuf pays d’Afrique et d’Asie. Au centre des discussions : la décolonisation, le processus de paix mondiale et le développement. De cette vision de solidarité et de coopération est née une idée : l’esprit de Bandung.

Cette conférence afro-asiatique était historique. Pour la première fois, des représentants de centaines de millions d’habitants du tiers monde se réunissaient pour discuter du vaste processus social que représente la décolonisation, et pour en évaluer les implications.

Qu’est-ce qu’une colonie
si ce n’est la vérité brutale
que lorsque nous parlons
les tombes s’ouvrent.
Et les morts marchent ?1

Sukarno (1901-1970), le dirigeant du gouvernement indonésien, introduisait la conférence – dont il était hôte – par un discours qui laissait entrevoir les ambitions des organisateurs. Il disait souhaiter que la conférence « guide l’humanité » vers « la voie à suivre pour parvenir à la sécurité et à la paix ». Les dirigeants présents s’étaient réunis non seulement pour célébrer l’indépendance de l’Inde (1947), la révolution chinoise (1949) et la dévolution du pouvoir en Côte-de-l’Or (1951) – qui allait finalement aboutir à un Ghana libre en 1957 –, mais aussi pour « prouver qu’une nouvelle Asie et une nouvelle Afrique étaient nées »2.

L’Institut Tricontinental de Recherche Sociale est une institution de recherche internationale étroitement associée aux mouvements sociaux. Elle s’attache à stimuler le débat intellectuel qui sert les intérêts humains, et non ceux de l’argent.

Ruslan Abdulgani (1914-2005), fidèle de Sukarno, était le secrétaire général de la conférence de Bandung. Pendant et après la conférence, il a évoqué un « esprit de Bandung », décrit comme « l’esprit de l’amour de la paix, de la non-violence, de l’anti-discrimination et du développement pour tous, sans essayer de se causer du tort les uns les autres, et en se respectant mutuellement »3. Loin d’être idéaliste, cet « esprit de Bandung » avait une base matérielle ancrée dans les luttes pour la liberté des peuples colonisés, que l’Assemblée générale des Nations unies mentionnera cinq ans plus tard dans la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux comme « un processus de libération […] irrésistible et irréversible4».

L’esprit de Bandung a été la voix de millions de personnes qui ont vécu sous la domination coloniale et qui ont dénoncé l’horreur du colonialisme tout en exprimant l’espoir d’un monde nouveau

Cet esprit, né des les luttes populaires contre le colonialisme, avait déjà été repris par les militants anticolonialistes lors de rencontres telles que le Sixième Congrès démocratique international pour la paix de 1926 à Bierville, en France, et lors du Premier Congrès international contre le colonialisme et l’impérialisme à Bruxelles l’année d’après. Abdulgani avait aussi déclaré que les participants à ces conférences avaient « le même esprit passionné, et qu’ils parlaient tous d’une même voix résonnante : c’est-à-dire l’esprit et la voix de leurs peuples, qui ont été colonisés, opprimés et humiliés »5. L’esprit de Bandung, c’est donc la voix des centaines de millions de personnes qui ont vécu sous la domination coloniale et qui ont dénoncé l’horreur du colonialisme, tout en exprimant leur espoir d’un monde nouveau.

Depuis, l’esprit de Bandung s’est dissipé. Entre autres causes, l’effet des pressions exercées par la structure néocoloniale, qui s’est maintenue malgré la fin officielle de la domination coloniale. De l’esprit, il n’est resté que de la nostalgie. Les générations nées après la colonisation ne portent plus en elles les séquelles des longues et difficiles luttes anticoloniales. Le programme de libération nationale s’est détérioré au contact de la structure néocoloniale. Les paysans et les autres travailleurs de l’ère post-coloniale considèrent leurs propres classes dirigeantes comme le problème, et non les restes hérités de cette structure inébranlable.

Septante ans après la conférence de Bandung, il est donc intéressant de se demander si une part de l’esprit de Bandung persiste dans les pays du Sud global, même sous la forme d’un brouillard éthéré. Tel est l’objectif de ce dossier, qui est davantage un mémoire comprenant quelques appréciations subjectives que le fruit d’un programme de recherche à long terme6.

Partie I : Le sens de l’esprit de Bandung

Des intrus dans un monde oriental

Du 5 octobre au 14 décembre 1953, le vice-président des États-Unis, Richard Nixon, effectuait une vaste tournée en Asie, visitant quatorze pays du continent (du Japon à l’Iran) et deux pays limitrophes (l’Australie et la Nouvelle-Zélande). Il avait quelques objectifs importants : rassurer les alliés des États-Unis sur l’armistice signé dans la péninsule coréenne quelques mois plus tôt ; évaluer la position des États-Unis en Indochine ; et comprendre le rôle de la révolution chinoise en Asie. Dans ses mémoires, rédigées deux décennies plus tard, Nixon reviendra sur cette visite. Il écrira que « bien que les optimistes de Washington et des autres capitales occidentales affirmaient que la Chine communiste ne serait pas une menace en Asie, étant si arriérée et sous-développée », il avait vu « que son influence s’étendait déjà dans toute la région ». Il précise que, contrairement aux Soviétiques, qui « comme nous, n’étaient encore que des intrus dans le monde oriental », « les communistes chinois avaient mis en place des programmes d’échange pour les étudiants, et un grand nombre d’entre eux étaient envoyés en Chine rouge pour y suivre une formation universitaire gratuite »7.

En septembre 1954, huit pays formaient l’Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est (OTASE), suite à la signature d’un traité de défense collective appelé Pacte de Manille. Seuls trois de ces pays étaient situés en Asie (le Pakistan, les Philippines et la Thaïlande), tandis que deux se trouvaient en Europe (la France et le Royaume-Uni). Les trois autres pays membres, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, avaient déjà signé un pacte militaire en 1951 : le traité de sécurité ANZUS (Australia, New Zealand, United States Security Treaty). L’OTASE et ce traité s’ajoutaient à trois autres traités clés sur le flanc pacifique de l’Asie : le traité de paix de San Francisco de 1951 entre le Japon et les puissances alliées, le traité de défense mutuelle de 1953 entre la Corée du Sud et les États-Unis, et le traité de défense mutuelle de 1954 entre la République de Chine (anciennement République de Formose, aujourd’hui Taïwan) et les États-Unis8.

En 1951, John Foster Dulles, devenu secrétaire d’État en 1953, avait soutenu que les États-Unis devaient construire une chaîne insulaire de bases navales allant du Japon à la péninsule malaise (qui englobe des parties du Myanmar, de la Thaïlande, de la Malaisie et de Singapour) afin d’encercler l’Union soviétique et la République Populaire de Chine (RPC). Ces cinq traités en ont donc posé les bases9.

En 1956, un fonctionnaire du département d’État étasunien recevait un mémorandum britannique « concernant la planification militaire de l’OTASE, partant du principe que des armes nucléaires et non nucléaires allaient être utilisées pour la défense de la zone… Toute planification qui ne prendrait pas en compte les armes nucléaires serait évidemment irréaliste et sans intérêt »10. En d’autres termes, les cinq traités qui encerclaient la Chine encourageaient le placement d’armes nucléaires aux confins de l’Asie et autorisaient leur utilisation en cas de besoin.

Il est important de rappeler que rien de tout cela n’était qu’une simple hypothèse. Les États-Unis avaient déjà utilisé des bombes atomiques sur le Japon en 1945 et avaient bombardé toutes les infrastructures dans la partie nord de la Corée à la fin de l’année 1951 – ils avaient poursuivi jusqu’en 195311. Le major général Emmett O’Donnell, commandant de l’armée de l’air et responsable du bombardement de la Corée, déclarait au Sénat en juin 1951 : « Tout est détruit. Il n’y a rien plus rien de reconnaissable ». O’Donnell avait ajouté que lorsque les forces chinoises avaient franchi le fleuve Yalu, à la frontière avec la Corée du Nord, en novembre 1950, l’armée de l’air étasunienne avait immobilisé ses bombardiers car « il n’y avait plus de cibles en Corée »12.

Ainsi, en décembre 1953, le président Eisenhower laissait entendre à Churchill que les États-Unis largueraient des bombes atomiques sur la Chine si celle-ci violait l’armistice coréen. Et peu après, en mars 1955, le gouvernement étasunien faisait savoir à la Chine qu’il était prêt à utiliser des armes nucléaires si l’Armée populaire de libération pénétrait dans Formose (aujourd’hui Taïwan)13.

Coexistence pacifique

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis se sont peu à peu imposés comme la force dominante de l’ancien bloc impérialiste, notamment en raison de leur avantage militaire et économique massif par rapport à une Europe meurtrie. Au même moment, la Grande-Bretagne menait une violente contre-insurrection dans la péninsule de Malaisie (face à l’insurrection communiste de 1948 à 1960) De son côté, la France menait une misérable guerre d’arrière-garde en Indochine (les Néerlandais avaient déjà été vaincus en Indonésie en 1949).

Le sang imprégnait donc le sol de l’Asie, comme il soulevait le cœur des leaders anticolonialistes venus à Bandung. C’est la raison pour laquelle les discussions de la conférence se sont concentrées sur la paix et le racisme : les dirigeants anti-coloniaux présents craignaient la persistance de la vieille mentalité coloniale de la division internationale de l’humanité, de même que l’usage débridé de la violence contre ceux que les colonialistes considéraient comme se trouvant de l’autre côté de cette division. Les Dasasila (les dix principes de Bandung) développaient les cinq principes de l’accord de Panchsheel, que la Chine et l’Inde avaient rédigés en 1954 pour les aider à surmonter leurs différends. Ces principes de « coexistence pacifique » s’opposaient fermement à l’établissement d’alliances et de bases militaires dans toute l’Asie et à la menace d’attaques nucléaires contre certains pays.

En 1956, quatre ans après l’adhésion de la Turquie à l’OTAN, le poète communiste turc Nazim Hikmet écrivait La petite fille, un poème en hommage à une fillette de sept ans morte à Hiroshima :

Les enfants morts ne grandissent pas […]
Je frappe à votre porte, écoutez-moi donc
Et de votre nom faites-moi le don,
Afin que l’on ne tue les enfants désormais
Qu’ils puissent toujours goûter les bonbons. 14

Ce poème reflète l’essence même de l’esprit de Bandung, cette essence qui imprègne les dix principes publiés dans le communiqué final de la conférence, le 24 avril 1955 :

1. Respect des droits humains fondamentaux en conformité avec les buts et les principes de la charte des Nations unies.

2. Respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de toutes les nations.

3. Reconnaissance de l’égalité de toutes les races et de l’égalité de toutes les nations, petites et grandes.

4. Non-intervention et non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays.

5. Respect du droit de chaque nation à se défendre individuellement et collectivement conformément à la charte des Nations-unies.

6. (a) Refus de recourir à des arrangements de défense collective destinés à servir les intérêts particuliers des grandes puissances quelles qu’elles soient. (b) Refus par une puissance quelle qu’elle soit d’exercer une pression sur d’autres.

7. Abstention d’actes ou de menaces d’agression ou de l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un pays.

8. Règlement de tous les conflits internationaux par des moyens pacifiques, tels que négociation ou conciliation, arbitrage et règlement devant les tribunaux, ainsi que d’autres moyens pacifiques que pourront choisir les pays intéressés, conformément à la charte des Nations unies.

9. Encouragement des intérêts mutuels et coopération.

10. Respect de la justice et des obligations internationales.15

Dans les faits, ces principes plaidaient en faveur d’un ordre international ancré dans la Charte des Nations unies (1945) plutôt que fondé sur la création de blocs militaires et sur l’utilisation de la force militaire pour façonner le monde et subvertir la souveraineté. Dans ses réflexions sur la conférence de Bandung, Abdulgani a suggéré qu’il s’agissait d’un forum destiné à « déterminer les normes et les procédures des relations internationales actuelles » et qu’il défendait la coexistence au lieu de la co-destruction16. En 1955, alors que 76 pays avaient signé la Charte des Nations unies, qui imposait des obligations conventionnelles à ses signataires, environ 80 territoires, dont la majeure partie du continent africain et la majorité des îles du Pacifique, demeuraient sous contrôle colonial. La Charte des Nations unies était alors – et reste encore aujourd’hui – le document consensuel le plus important au monde. Et au fur et à mesure qu’ils gagnaient leur indépendance entre la fin des années 1950 et les années 1970, les pays rejoignaient les Nations unies en tant que membres à part entière.

L’esprit de Bandung a voyagé rapidement, se posant au Caire pour la Conférence de solidarité des peuples afro-asiatiques de 1957-1958, puis à Accra pour la Conférence panafricaine des peuples de 1958, avant de se rendre à Tunis pour la Conférence panafricaine des peuples de 1960, à Belgrade pour la Conférence au sommet des chefs d’État ou de gouvernement du mouvement des non-alignés de 1961, et enfin à La Havane pour la Conférence tricontinentale de 1966. Chacune de ces conférences a mis en place des organes institutionnels : l’Organisation de solidarité des peuples afro-asiatiques, le Mouvement des non-alignés et l’Organisation de solidarité des peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. La lutte contre l’impérialisme, axée sur la menace nucléaire et le désarmement, ainsi que la préservation des richesses sociales étaient au cœur de leurs préoccupations. Tous les mécanismes de contrôle des armements qui ont été développés au cours de cette période, comme le traité d’interdiction partielle des essais nucléaires de 1963, sont le fruit des négociations imposées par ces projets d’États non-alignés du tiers monde.

Coopération au développement

Au-delà de l’appel à la souveraineté et à la paix, l’ère de Bandung portait également en elle les germes d’un nouvel ordre économique international. La coopération Sud-Sud était au centre des discussions de Bandung. La première partie du communiqué final se consacrait entièrement à la coopération économique et soulignait la volonté de développement économique et d’assistance technique. Également mentionné, un appel à la création d’un Fonds spécial des Nations unies pour le développement économique afin de financer les investissements dans les pays du Sud. L’impérialisme n’ayant développé les colonies que dans le but de production de matières premières, l’accent était mis sur la nécessité de stabiliser les prix de ces produits et de développer les capacités nationales de leur transformation avant exportation.

En 1956, cinq traités encerclaient la Chine, encourageaient le placement d’armes nucléaires aux confins de l’Asie et autorisaient leur utilisation en cas de besoin

L’un des effets durables de la conférence de Bandung a été son influence sur la création d’institutions et de processus multilatéraux qui perdurent encore aujourd’hui, bien que souvent sous une forme réduite ou cooptée17. On peut citer la création du Fonds spécial des Nations unies pour le développement économique en 1958, qui est devenue le Programme des Nations unies pour le développement en 1965. Autre exemple, la création de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) en 1964 et son Nouvel ordre économique international, un ensemble de propositions qui ont été adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies en 1974 – le secrétaire général adjoint Pedro Manuel Moreno avait d’ailleurs mentionné l’esprit de Bandung lors du soixantième anniversaire de la CNUCED18.

Un monde de coups d’État

En avril 1955, quelques semaines avant la conférence de Bandung, le secrétaire d’État étasunien John Foster Dulles rencontrait l’ambassadeur britannique aux États-Unis, Sir Roger Makins, et lui déclarait qu’il était « considérablement déprimé » par la « situation générale en Asie ». Cette « situation » était notamment incarnée par un discours prononcé par Jawaharlal Nehru, le premier Premier ministre de l’Inde après l’indépendance, devant le Parlement indien le 31 mars 1955, en prévision de la réunion de Bandung. Nehru y attaquait l’OTASE, la qualifiant de pacte hostile, ainsi que l’OTAN, pour son soutien apporté au Portugal voulant s’accaparer Goa en Inde, au régime d’apartheid en Afrique du Sud et à l’Occident pour son « ingérence » en Asie occidentale. Le discours de Nehru, déclarait Dulles, « avait adopté la ligne générale selon laquelle la civilisation occidentale avait échoué et qu’un nouveau type de civilisation était nécessaire pour la remplacer ». « Déprimé » donc, Dulles voulait faire échouer la conférence de Bandung. Selon lui, cette dernière était, « par sa nature et son concept même, anti-occidentale »19.

Les coups d’État en Iran (1953) et au Guatemala (1954) avaient déjà annoncé le refus de l’Occident de permettre la construction d’un nouvel ordre mondial. Après Bandung, ces coups d’État ont été suivis par une série d’autres en Afrique (contre le peuple congolais en 1961 et contre le peuple ghanéen en 1966), en Amérique latine (contre le peuple brésilien en 1964) et en Asie (contre le peuple indonésien en 1965, qui s’est soldé par l’assassinat d’un million de communistes). Chacun de ces quatre derniers coups d’État a constitué un épicentre de la réaction impérialiste, les nouveaux régimes militaires de ces pays jouant un rôle continental dans l’étouffement de toute évolution progressiste.

Partie II : que reste-t-il de l’esprit de Bandung ?

Baigné de nostalgie

En avril 1965, le gouvernement chancelant de Sukarno organisait une conférence pour célébrer le dixième anniversaire de Bandung. Des délégués de trente-sept pays y ont pris part. Cependant, il ne s’agissait que d’un pâle reflet de la conférence originale : l’Indonésie avait suspendu son adhésion aux Nations unies en janvier et son armée allait bientôt quitter les casernes pour renverser Sukarno.

En 1965 toujours, une tentative pour organiser une deuxième conférence afro-asiatique à Alger a dû être annulée en raison du renversement de Ben Bella, mais aussi à cause du conflit sino-soviétique et des divisions entre les nouveaux États africains indépendants – le groupe de Casablanca, marqué à gauche, souhaitant une forme de panafricanisme, et le groupe de Brazzaville, prônant des liens plus étroits avec les anciens maîtres coloniaux. Si l’on tient compte du fait que bon nombre d’institutions issues de la conférence de Bandung de 1955 sont restées intactes et ont exercé une influence marquée sur les affaires mondiales au cours des décennies suivantes, les raisons de l’échec de l’organisation d’une deuxième conférence de Bandung ne sont pas aussi évidents qu’il n’y paraît.

Mais ce qui a vraiment détruit l’esprit de Bandung, c’est la crise de la dette du tiers monde. Catapultés dans une situation permanente d’endettement et d’austérité, plusieurs pays ont vu leurs aspirations au développement se faire torpiller. Cette crise de la dette révèle l’incapacité de l’esprit de Bandung à surmonter, en peu de temps, la base matérielle de la division néocoloniale du travail : si les conditions subjectives de la coopération et de l’échange existaient, les conditions objectives n’étaient quant à elles pas réunies. En effet, toutes les infrastructures héritées par les nouveaux États indépendants avaient été construites par l’impérialisme pour faciliter l’exploitation des matières premières de la périphérie vers le centre. En 1963, plus de 70 % des exportations de ces pays étaient destinées aux pays développés20. Les anciens liens commerciaux au sein de ce que nous appelons aujourd’hui le Sud global avaient été rompus par le colonialisme et les reconstruire n’était pas simple. En outre, ces nouveaux États ne représentaient qu’une faible part du commerce mondial, alors même qu’ils abritaient la majorité de la population mondiale. Enfin, leur faible niveau de développement technologique a empêché un partage efficace de l’expertise technique.

Ce qui a vraiment détruit l’esprit de Bandung, c’est la crise de la dette du tiers monde

Chacun de ces nouveaux États, qui étaient indépendants ou en voie de le devenir lors de leur présence à Bandung, était caractérisé par une formation spécifique de son capital et de ses structures de classe internes, et chacun restait cloisonné dans la division internationale du travail déterminée par l’impérialisme21. Ils n’ont pas réussi à surmonter le schéma de sous-développement colonial, en plus de l’assaut impérialiste des coups d’État et des contre-insurrections. La crise de la dette a marqué le passage d’un esprit de coopération à la loi de la concurrence. Cette crise a été utilisée pour diviser et discipliner la périphérie et la réincorporer dans un marché mondial à des conditions favorables aux capitaux multinationaux22.

En 2005, 106 des 177 pays d’Afrique et d’Asie ont participé, à Bandung, au sommet Asie-Afrique du cinquantième anniversaire. Plusieurs pays d’Amérique latine y étaient également présents en tant qu’observateurs. Comme l’avaient fait leurs prédécesseurs cinquante ans auparavant, les chefs de gouvernement ont quitté l’hôtel Savoy Homann et emprunté la rue Asie-Afrique (nommée en commémoration de la première conférence) pour se rendre sur le lieu du sommet. Le rassemblement était empreint de nostalgie, mais aussi du sentiment que le monde était en transition. Même si, au même moment, se déroulait une sale guerre « contre le terrorisme », qui avait déjà détruit l’Afghanistan et l’Irak, et qui allait bientôt ravager toute une série d’autres pays – y compris l’Indonésie, où les attentats à la bombe d’octobre 2002 à Bali avaient introduit en Asie du Sud-Est ce type de guerre. Le communiqué final de cette réunion anniversaire, intitulé A New Asian-African Strategic Partnership (un nouveau partenariat stratégique entre l’Asie et l’Afrique) était truffé de concepts néolibéraux d’avantages comparatifs et d’objectifs de développement, qui s’éloignaient de la logique anti-impérialiste de la déclaration initiale. L’esprit de Bandung n’était plus que jamais une façade.

Le nouvel état d’esprit des pays du Sud global

Ce n’est que lorsque la troisième grande dépression s’est installée (2007-2008) qu’il est devenu clair que l’Occident ne permettrait pas aux pays du Sud global de progresser. En 2009, cette prise de conscience a donné naissance au processus des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui, en 2025, a été élargi à cinq autres pays (Égypte, Éthiopie, Indonésie, Iran et Émirats arabes unis) et à treize États partenaires23. Alors que les premiers sommets des BRICS étaient axés sur la coopération Sud-Sud, ou sur le commerce et l’investissement dans le Sud global, les sommets suivants ont réintroduit l’idée d’une indépendance économique par rapport au Nord global, ainsi que celle d’un multilatéralisme politique au lieu d’une unipolarité dictée par les États-Unis.

La croissance économique qui a commencé à caractériser les grands pays d’Asie a donné de l’élan au processus des BRICS et à d’autres structures Sud-Sud de ce type

On ne peut faire une évaluation approfondie du projet des BRICS au bout de seulement seize années d’existence. Au cours de ces années, il a souffert de divergences politiques entre ses membres (la Chine et l’Inde, par exemple) et du changement de nature de leurs dirigeants (comme le Brésil, qui est passé du gouvernement de centre-gauche de Dilma Rousseff au gouvernement néofasciste de Jair Bolsonaro, avant de revenir au centre-gauche sous Luiz Inácio Lula da Silva).

Par contre, la croissance économique qui a commencé à caractériser les grands pays d’Asie (Chine, Vietnam, Inde, Bangladesh et Indonésie en particulier) lui a donné un certain élan (ainsi qu’à d’autres structures Sud-Sud de ce type). Le déplacement du centre de gravité de l’économie mondiale vers l’Asie a donné naissance à une nouvelle confiance, un « nouvel état d’esprit », dans les pays du Sud global. Les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine sont devenus moins dépendants des institutions du Nord pour le financement et la technologie.

Le projet chinois de la Nouvelle route de la soie (NRS), adopté en 2013, a constitué un développement extrêmement important à cet égard, car il a fourni à la coopération Sud-Sud des conditions objectives qui n’existaient pas à l’époque de la conférence de Bandung. Des initiatives telles que la construction de chemins de fer en Afrique de l’Est et l’ouverture d’un nouveau port au Pérou créent des conditions préalables au commerce intérieur entre les pays du Sud global. En 2023, 46,6 % des échanges commerciaux de la Chine se faisaient avec les pays du réseau de la NRS24. Bien qu’il soit beaucoup trop tôt pour affirmer qu’il s’est produit une quelconque « dissociation », il est clair qu’un changement majeur est en train de s’opérer, la Chine étant désormais le principal partenaire commercial de plus de 120 pays25. Entre-temps, la NRS a connu des hauts et des bas et exige de ses pays membres qu’ils proposent leurs propres projets de développement national.

Dans de nombreuses publications de Tricontinental, l’expression « nouvel état d’esprit » a été utilisé pour définir le présent. Les principaux objectifs du « nouvel état d’esprit du Sud global » sont ancrés dans deux concepts : le régionalisme et le multilatéralisme, tous deux motivés par le désir de démocratiser l’ordre mondial en termes économiques et politiques. De l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) au Marché commun du Sud (Mercosur), le régionalisme est déjà en cours de développement, et il a été renforcé par une augmentation des échanges en devise locale, rendant ainsi matériellement possible d’atteindre « l’autodétermination économique » et « la complémentarité régionale26», selon les termes d’Indira López Argüelles, du ministère cubain des Affaires étrangères. L’expansion du concept de multilatéralisme est lié à ce régionalisme. Il s’agit de la conviction selon laquelle les instituts mondiaux (comme les Nations unies et l’Organisation mondiale du commerce) ne doivent pas être des instruments du Nord global, mais doivent permettre à tous leurs États membres de définir leur agenda.

L’esprit de Bandung a disparu

Dans les années 1950 et 1960, les mouvements de libération nationale disposaient d’une base de masse (souvent la majorité de leur population). Bien que ces mouvements aient été dirigés – dans la plupart des cas – par la petite bourgeoisie et des sections de l’élite foncière, leur engagement en faveur de la libération nationale les a poussés soit sur la voie du socialisme, soit à prendre le contrôle de gouvernements au sein des structures du néocolonialisme, répondant en cela à leur base de masse. Ces « socialismes » ont pris des orientations différentes, qu’il s’agisse de la « voie socialiste vers la société » du deuxième plan quinquennal indien (1956-1961), du socialisme africain de la déclaration d’Arusha (rédigée par Julius Nyerere de Tanzanie en 1967), ou des variantes du populisme en Amérique latine, comme le péronisme argentin (¡Ni yanquis, ni marxistas !, ¡ peronistas !, « Ni yankees, ni marxistes, mais péronistes ! »). Malgré les orientations de classe des dirigeants de ces tendances et l’étroitesse de leurs propres perspectives, les masses en action ne leur auraient pas permis d’abandonner le plus vaste programme de libération nationale. C’est pourquoi on pouvait parler d’un Bandung « d’en bas ».

Le déplacement du centre de gravité de l’économie mondiale vers l’Asie a donné naissance à une nouvelle confiance dans les pays du Sud global

Aujourd’hui, l’état des mouvements populaires est beaucoup plus faible. Ils ne sont aux commandes de la société que dans un nombre restreint de pays du Sud global. Les gouvernements progressistes de notre époque sont des coalitions de différentes classes, dont une petite bourgeoisie et une bourgeoisie libérale qui ne peut plus tolérer les atrocités du néolibéralisme, mais qui ne pourra pas facilement rompre avec ses orthodoxies. Si la deuxième vague rose en Amérique latine, par exemple, et l’émergence de gouvernements progressistes dans des pays comme le Sénégal et le Sri Lanka sont un effet de l’effondrement du néolibéralisme et une réponse à l’horreur de la droite, elles ne sont pas portées par des mouvements de masse organisés, et ne sont pas unies autour d’un programme qui rompt avec le néolibéralisme27.

Dans la région du Sahel – au Niger, au Mali et au Burkina Faso –, des coups d’État militaires anti-impérialistes sont soutenus par une nouvelle vague de mouvements sociaux qui sont encore en train de formuler un projet plus large de souveraineté et de développement. Ces développements sont susceptibles de créer un nouvel état d’esprit – un « esprit BRICS », par exemple – mais pas encore l’équivalent de l’esprit de Bandung. Il serait prématuré, voire idéaliste, d’annoncer un tel phénomène, un esprit de Bandung d’en bas de notre époque, un phénomène de masse capable d’entraîner le mouvement même de l’histoire.

Le contexte fondamental qui façonne ce nouvel état d’esprit, et la menace imminente qui nécessite la renaissance de l’esprit de Bandung, est l’hyper-impérialisme28. Dans le cadre de nos recherches, nous avons suggéré qu’il n’existe qu’un seul véritable bloc politico-économico-militaire dans le monde : l’alliance de l’OTAN et d’Israël, dirigée par les États-Unis. Malgré le déclin de sa puissance économique et technologique, ce bloc conserve une puissance militaire inégalée et un contrôle important sur le système d’information mondial. L’utilisation de tactiques de guerre hybride et la menace ou l’utilisation de la violence contre des nations à la recherche de souveraineté, même modeste, exigent une réponse collective du Sud global, qui pourrait prendre la forme d’une renaissance de l’esprit de Bandung.

Cependant, un ensemble de facteurs limite l’émergence d’une nouvelle ère de Bandung dans le Sud global :

1. Il subsiste à la fois une crainte et un désir de leadership occidental, malgré ses nombreux échecs, sa décadence et sa dangerosité. Il est logique que les États du Sud global craignent la possibilité d’une guerre hybride (des mesures coercitives unilatérales aux bombardements aériens), car il ne s’agit pas d’une hypothèse théorique, mais d’un fait réel29. Dans le même temps, il existe un sentiment fort selon lequel le leadership occidental est nécessaire étant donné les vestiges de l’ordre international dominé par l’Occident.

2. Les progrès réalisés en Asie, en particulier par la Chine, manquent de clarté dans les pays du Sud. Les autres pays ne considèrent pas que ces gains – en particulier les forces productives qualitativement nouvelles – soient facilement reproductibles. Cela conduit à une sous-estimation mutuelle de la force potentielle d’un Sud global collectif. En outre, et contre toute évidence, les pays du Nord poussent de plus en plus l’idée que les progrès des locomotives du Sud seront dangereux pour les pays les plus pauvres. Ils suggèrent que les progrès des pays asiatiques, en particulier, constituent une menace plus importante que le danger représenté par le Nord global depuis des centaines d’années.

3. Il y a un abandon face à la réalité du contrôle de l’Occident sur les paysages numériques, médiatiques et financiers ; un contrôle présenté comme insurmontable.

4. Une partie importante de l’élite économique dirigeante du Sud reste profondément liée au capital financier mondial. Cela se manifeste en particulier par la dépendance à l’égard du dollar étasunien en tant que refuge sûr pour les investissements et par la participation à l’extraction de la richesse de leur propre pays pour l’investir dans les marchés immobiliers et financiers du Nord. Ces intérêts de classe sont volontiers soutenus par des intellectuels et des décideurs politiques qui ne voient pas plus loin que les théories de l’économie néoclassique et du consensus de Washington30. C’est pourquoi Tricontinental plaide en faveur d’une nouvelle théorie du développement pour les pays du Sud31.

5. Dans de nombreux mouvements sociaux, une vieille conviction persiste selon laquelle la gauche doit systématiquement s’opposer à tout projet politique de la classe capitaliste alors que cela l’empêche de gagner le pouvoir. Tout compromis dans le but de prendre le pouvoir et de faire avancer son programme est perçu comme une dissolution de ses objectifs finaux. L’incapacité à gagner est une inclination fascinante qui était inconnue à l’époque de la libération nationale, lorsque la conquête du pouvoir de l’État était l’objectif immédiat non négociable. Il existe même une orientation selon laquelle les mouvements de gauche devraient combattre la droite, construire une dynamique contre le néolibéralisme pour ensuite, plutôt que de revendiquer et de s’emparer du pouvoir d’État, le remettre à la social-démocratie. Mais la pire orientation reste de ne pas contester du tout le pouvoir d’État.

Tant que les peuples du Sud ne seront pas capables de surmonter certains de ces défis, il est peu probable que l’esprit de Bandung s’inscrive dans le vrai mouvement de l’Histoire. Nous sortons peut-être lentement de l’une de ses ères, celle de l’impérialisme, mais nous ne sommes pas encore entrés dans une nouvelle époque qui se situe au-delà. Cet impérialisme reste la structure dont il est le plus difficile de se défaire.

Footnotes

  1. Eavan Boland, « Witness », 1998. Eavan Boland était la fille de Frederick Boland, le président de l’Assemblée générale des Nations unies en décembre 1960.
  2. Sukarno, « Discours d’ouverture prononcé par Sukarno (Bandung, 18 avril 1955) », Asia-Africa Speak from Bandung, Djakarta, Ministère des Affaires étrangères, République d’Indonésie, 1955, pp. 19-29.
  3. Ruoeslan Abdulgani, Bandung Spirit : Moving on the Tide of History (, Djakarta :, Prapantja, 1964), et The Bandung Connection : The Asia-Africa Conference in Bandung in 1955,( Singapour :, Gunung Aguna, 1981), p. 89.
  4. Assemblée générale des Nations unies, Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (A/RES/1514), 14 décembre 1960.
  5. Abdulgani, The Bandung Connection, op. cit. p. 11.
  6. Le récit général de ce dossier s’inspire largement de Vijay Prashad, The Darker Nations : A People’s History of the Third World (, New York:, The New Press, 2007), et The Poorer Nations  : A Possible History of the Global South (,New Delhi, La connexion de Bandung : LeftWord, 2013). Il servira de base à The Brighter Nations (2026).
  7. Richard Nixon, RN : The Memoirs of Richard Nixon (, New York :, Grosset and Dunlap, 1978), p. 136. Voir également Richard Nixon, « Asia After Viet Nam », Foreign Affairs, 1er  octobre 1967, https://www.foreignaffairs.com/articles/united-states/1967-10-01/asia-after-viet-nam.
  8. Pour en savoir plus sur le traité de San Francisco, voir Tricontinental : Institute for Social Research, The New Cold War Is Sending Tremors through Northeast Asia, dossier n° 76, 21 mai 2024, https://thetricontinental.org/dossier-76-new-cold-war-northeast-asia/.
  9. Pour une présentation complète de l’argument, voir John Foster Dulles, Policy for the Far East, Washington, US Government Publishing Office, 1958.
  10. Memorandum of a Conversation Between the Counsellor of the Department of State (MacArthur) and the British Ambassador (Makins), Department of State, Washington, February 29, 29 février1956’, US Department of State, Conference Files Lot 62 D 181, CF 656, Secret ; John P. Glennon, Edward C. Keefer et David W. Mabon, éd., Foreign Relations of the United States, 1955-1957, East Asian Security ; Cambodge ; Laos, Volume XXI, (Washington :, United States Government Printing Office, 1990), pp. 180-181.
  11. Su-kyoung Hwang, Korea’s Grievous War, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2016
  12. I. F. Stone, The Hidden History of the Korean War, 1950-1951, New York, Little Brown, 1969, p. 312.
  13. Lors d’une conférence de presse tenue le 15 mars 1955, John Foster Dulles a affirmé que si la Chine pénètrait à Formose, les États-Unis utiliseraient des armes nucléaires tactiques contre les forces chinoises. Voir Elie Abel, « Dulles Says US Pins Retaliation on Small A-Bomb », New York Times, 16 mars 1955, https://www.nytimes.com/1955/03/16/archives/dulles-says-us-pins-retaliation-on-small-abomb-lessthanmassive.html. Lorsqu’on a demandé à Eisenhower de confirmer la déclaration de Dulles le lendemain, il a déclaré que les armes nucléaires tactiques ne devaient pas être utilisées « exactement comme on utiliserait une balle ou n’importe quoi d’autre ». Voir William Klingaman, David S. Patterson et Ilana Stern, ed, Foreign Relations of the United States, 1955-1957, National Security Policy, Volume XIX (Washington : United States Government Printing Office, 1990), 61.
  14. Nazim Hikmet, « La petite fille », in C’est un dur métier que l’exil, Paris, Le Temps des cerises.
  15. Asia-Africa Speak from Bandung, op. cit. pp. 161-169.
  16. Abdulgani, Bandung Spirit, op. cit. p. 72.
  17. Gilbert Rist, The History of Development : From Western Origins to Global Faith, Londres, Zed Books, 2008.
  18. Pedro Manuel Moreno, 60 years of UNCTAD : Charting a New Development Course in a Changing World, UN Trade and Development, 14 mai 2024, https://unctad.org/osgstatement/60-years-unctad-charting-new-development-course-changing-world-session-1.
  19. John P., Harriet D. Schwar et Louis J. Smith, eds, ’Memorandum of a Conversation, Department of State, Washington, April 7, 1955’, in Foreign Relations of the United States, 1955-1957, China, Volume II (Washington : United States Government Printing Office, 1986), 454.
  20. Bela Balassa, Trends in Developing Country Exports, 1963-88, Policy, Research, and External Affairs working papers n°o.  WPS 634, Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde, 31  mars 1991, http://documents.worldbank.org/curated/en/561401468766799448/Trends-in-developing-country-exports-1963-88.
  21. Aijaz Ahmad, In Theory : Classes, nations, literatures, Londres, Verso, 1992, p 16.
  22. S. B. D. de Silva, The Political Economy of Underdevelopment (, Londres :, Routledge, 1982), p. 506.
  23. Pour en savoir plus sur la troisième grande dépression, voir Tricontinental : Institute for Social Research, The World in Economic Depression : A Marxist Analysis of Crisis, cahier n° 4, 10 octobre 2023, https://thetricontinental.org/dossier-notebook-4-economic-crisis/.
  24. The State Council Information Office, ‘« China’s Trade with BRI Countries Booms in 2023’’ », communiqué de presse, 12  janvier 2024, http://english.scio.gov.cn/m/pressroom/2024-01/12content_116937407.htm#:~:text=China’s%20trade%20with%20countries%20participating,2022%2C%20customs%20data%20showed%20Friday.
  25. Alessandro Nicita et Carlos Razo, « China: The Rise of a Trade Titan », Conférence des Nations unier le commerce et le développement, 27 avril 2021, https://unctad.org/news/china-rise-trade-titan. Pour en savoir plus sur la déliaison, voir Tricontinental : Institute for Social Research, Globalisation and Its Alternative : An Interview with Samir Amin, cahier n° 1, 29  octobre 2018, https://thetricontinental.org/globalisation-and-its-alternative/.
  26. Pour en savoir plus sur le régionalisme, voir Tricontinental : Institute for Social Research, Sovereignty, Dignity, and Regionalism in the New International Order, dossier n° 62, 14 mars 2023, https://thetricontinental.org/dossier-regionalism-new-international-order/.
  27. Pour en savoir plus sur la deuxième marée rose en Amérique latine, voir Tricontinental : Institute for Social Research, To Confront Rising Neofascism, the Latin American Left Must Rediscover Itself, dossier n° 79, 13 août 2024, https://thetricontinental.org/dossier-neofascism-latin-america/.
  28. Tricontinental : Institute for Social Research, Hyper-impérialisme : A Dangerous Decadent New Stage, Studies on Contemporary Dilemmas n° 4, 23 janvier 2024, https://thetricontinental.org/studies-on-contemporary-dilemmas-4-hyper-imperialism/ Tricontinental : Institute for Social Research, The Churning of the Global Order, dossier n° 72, 23 janvier 2024, https://thetricontinental.org/dossier-72-the-churning-of-the-global-order/.
  29. Pour en savoir plus sur les mesures coercitives unilatérales, voir Tricontinental : Institute for Social Research, Imperialist War and Feminist Resistance in Global South, dossier n° 86, 5 mars 2025, https://thetricontinental.org/dossier-imperialism-feminist-resistance.
  30. Pour en savoir plus sur le rôle des intellectuels des deux côtés de la lutte des classes, voir Tricontinental : Institute for Social Research, The New Intellectual, dossier n° 12, 11 février 2019, https://thetricontinental.org/the-new-intellectual/.
  31. Tricontinental : Institute for Social Research, Towards a New Development Theory for the Global South, dossier n° 84, 14 janvier 2025, https://thetricontinental.org/towards-a-new-development-theory-for-the-global-south/.