En 1982 , Wilfried Martens a introduit le néolibéralisme en Belgique. Cela a marqué le début de l’ère de la discipline économique et de l’austérité, mais également de l’effritement du pilier catholique et du déclin électoral du CVP.
Qui a introduit le néolibéralisme en Belgique ?1 La réponse la plus évidente est sans doute : Guy Verhofstadt. Ce n’est pas sans raison qu’il a été surnommé Baby Thatcher, lui qui, dans les années 1980 et 1990, a redéfini le parti libéral flamand en s’inspirant de la Dame de fer. Sur le plan des idées, Guy Verhofstadt constituait en effet une figure clé pour l’introducion du néolibéralisme. C’est également sous cet angle que le sujet est générale- ment abordé : comme l’émergence d’un ensemble d’idées plus ou moins cohérentes.2. Si la bataille des idées à l’origine du bouleversement néolibéral a marqué les esprits, elle n’explique pas tout.
En effet, le néolibéralisme ne consti- tuait pas seulement une « innovation » idéologique, mais aussi un change- ment politique concret. Le point de basculement s’est produit en 1982, lorsque Wilfried Martens ( CVP ) et son gouvernement rassemblant libéraux et sociaux-démocrates ( Martens V) ont eu recours aux pouvoirs spéciaux pour forcer l’austérité et la stagnation salariale. Ils ont intro- duit une nouvelle politique de discipline économique et transformé les relations existant avec l’État-providence pilarisé. À l’époque, Guy Verhofstadt n’était pas encore un poids lourd sur la scène nationale. Pour comprendre le tournant néolibéral en Belgique, il convient d’identifier les causes et les conséquences du gouvernement Martens V.
Le CVP est parvenu à imposer le néolibéralisme, mais cela ne pouvait pas se faire en menant une politique de confrontation dure à la Thatcher ou Reagan.
Pour souligner l’importance de 1982, il faut d’abord définir le néolibéralisme, sans se référer à Hayek ou Friedman. L’ouvrage récent de Fritz Bartel, The Triumph of Broken Promises ( Le triomphe des promesses brisées ), nous propose une alternative forte.3 Dans ce livre, Bartel décrit comment la crise des années 1970 a mis sous pression l’État-providence, tant dans l’Ouest capitaliste que dans l’Est socialiste. Il était devenu évident que les deux blocs n’étaient plus en mesure de promettre une prospérité croissante. La discipline économique semblait constituer l’unique alternative possible. La question était bien sûr de savoir comment les politiques pouvaient mettre en œuvre une discipline économique sans se mettre hors-jeu sur le plan politique, puisque cela représentait une attaque contre le contrat social sur lequel le consensus d’après-guerre était construit. Il fallait donc trouver une force politique capable de briser les promesses. Cette démarche a été couronnée de succès à l’Ouest avec les politiques néolibérales, mais a échoué à l’Est. Avec la chute de l’Union soviétique, le contrat social de prospérité croissante pour tous s’est aussi écroulé.