Historiquement, le Sud global a souffert de l’hégémonie du dollar étasunien. Si les membres des BRICS parviennent à surmonter ces contraintes, le système financier mondial pourrait être transformé.
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L’impact de l’hégémonie du dollar étasunien sur les membres des BRICS
Historiquement, les premiers pays membres des BRICS ont souffert du rôle hégémonique du dollar étasunien. Tout au long de son histoire, le Brésil a été exploité par le capital britannique et étasunien, avec l’émergence de diverses méthodes de profit. Après l’effondrement du système de Bretton Woods, le dollar étasunien a flotté librement. Toute appréciation ou dépréciation substantielle de cette monnaie a été synonyme de catastrophe pour le Brésil. Le capital étasunien a également été libre d’entrer et sortir du marché boursier indien, faisant monter les prix de certaines actions avant de les vendre à découvert. Cela a entraîné de grandes fluctuations sur ce marché et certaines grandes entreprises indiennes ont ainsi souffert d’excès et de pénuries de liquidités en capital.
En parallèle, l’Afrique du Sud, la Russie et la Chine ont été soumises à des sanctions financières de la part des États-Unis. Ces derniers ont imposé des amendes et des sanctions aux entreprises financières sud-africaines pour blanchiment d’argent présumé et violations des sanctions économiques mises en place par les États-Unis contre d’autres pays. Les exemples de sanctions étasuniennes contre le gouvernement russe et de restrictions imposées à diverses entreprises russes sont innombrables. Après le déclenchement de la guerre en Ukraine, les États-Unis ont gelé et confisqué les avoirs en dollars étasuniens détenus par plusieurs citoyens russes fortunés, et ont également gelé 300 milliards de dollars d’avoirs de la Banque centrale de Russie en menaçant de les confisquer pour subventionner l’effort de guerre de l’Ukraine. Bien sûr, la Russie a menacé de riposter en nature et de confisquer les actifs occidentaux en Russie, mais cela n’a pas dépassé une « guerre des mots ».
Par le passé, les États-Unis ont accusé la Chine de manipuler des devises en raison de ses importantes détentions d’actifs en dollars étasuniens. Ils ont ainsi imposé des sanctions à la Chine sur la base d’une allégation selon laquelle l’augmentation rapide des exportations de la Chine était due à la manipulation du taux de change du RMB. Pourtant, ce sont les États-Unis qui bénéficient de manière disproportionnée de cette relation. D’une part, les États-Unis importent un grand nombre de produits manufacturés de Chine et bénéficient de produits bon marché pour réduire leur taux d’inflation. D’autre part, la Chine engrange une grande quantité de dollars étasuniens, mais n’a nulle part où les investir. Elle n’a donc pas d’autre choix que d’acheter des bons du trésor étasunien, fournissant au passage des capitaux bon marché aux États-Unis.
Les États-Unis ont fréquemment utilisé le dollar comme une arme pour imposer des sanctions financières aux pays qu’ils n’apprécient pas.
Malgré cette double victoire, les États-Unis souhaitent exercer davantage de pression sur la Chine. Ainsi, les États-Unis se plaignent faussement de la prétendue manipulation du taux de change par la Chine. En réalité, les États-Unis veulent forcer la Chine à accepter l’appréciation du RMB et à ouvrir son marché financier, ce qui créerait une bulle d’actifs financiers importés. Jusqu’à présent, ces efforts ont été vains car la Chine n’a pas cédé à la pression.
Comme les premiers pays des BRICS, les nouveaux membres de l’organisation ont également connu de nombreux démêlés avec le dollar étasunien. L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Iran sont tous des producteurs et exportateurs de pétrole et de gaz naturel. En 1971, en pleine crise du dollar étasunien, Richard Nixon, le président étasunien de l’époque, a fermé la fenêtre pour la convertibilité libre du dollar étasunien en or afin qu’il puisse se déprécier fortement. Le dollar étasunien est la principale monnaie d’évaluation du pétrole, et sa dépréciation a provoqué une flambée des prix. À cette époque, les pays producteurs de pétrole n’avaient pas la capacité de l’extraire et de le raffiner. Le développement des champs pétrolifères était géré par des compagnies pétrolières britanniques et étasuniennes, qui ne payaient aux pays producteurs de pétrole qu’une redevance annuelle fixe d’extraction fixée en dollars étasuniens. Avec la dépréciation du dollar étasunien et la flambée des prix du pétrole, la répartition des bénéfices est devenue injuste. Les pays producteurs de pétrole ont exigé un nouvel arrangement, mais les compagnies pétrolières britanniques et étasuniennes ont refusé. Après le déclenchement de la guerre israélo-arabe en 1973, les pays producteurs de pétrole ont conjointement lancé un embargo pétrolier contre Israël et ses alliés. Ce n’est qu’après le premier choc pétrolier qu’ils ont retrouvé leur pouvoir de négociation vis-à-vis des compagnies pétrolières occidentales.
Le dollar étasunien a entravé la coopération internationale
Dans une ère où le monde se dirige vers un ordre multipolaire, l’hégémonie du dollar étasunien a entravé la coopération internationale entre de nombreux pays. Depuis leur « guerre contre le terrorisme », les États-Unis ont découvert qu’utiliser l’hégémonie du dollar pour imposer des sanctions financières aux pays qui violent leur « ordre basé sur des règles » est beaucoup plus efficace par rapport aux guerres commerciales traditionnelles. Cette conception a été exposée en détail par Juan Zarate, un ancien fonctionnaire étasunien sous l’administration de George W. Bush, dans son livre de 2013 Treasury’s War : The Unleashing of a New Era of Financial Warfare (La guerre du trésor : le déclenchement d’une nouvelle ère de guerre financière). Au cours des dernières décennies, les États-Unis ont fréquemment utilisé le dollar comme une arme pour imposer des sanctions financières aux pays qu’ils n’apprécient pas.
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Ils s’appuient sur leurs lois nationales pour justifier l’imposition de sanctions à des entreprises et gouvernements étrangers dans le monde entier, une pratique connue sous le nom de « juridiction extraterritorial». De plus, si des acteurs non sanctionnés ne suivent pas les sanctions des États-Unis contre un pays et osent défier la volonté de Washington, ils peuvent eux aussi devenir la cible de sanctions secondaires. Le système de règlement en dollars étasuniens est devenu un instrument que les États-Unis utilisent pour déterminer qui a respecté ou défié ses interdictions de commercer avec les pays sanctionnés et imposer des sanctions coûteuses à ceux qui n’y adhèrent pas. Le gouvernement étasunien a infligé des amendes de plusieurs milliards de dollars à de nombreuses banques européennes pour des violations présumées de sanctions.
Ces dernières années, le nombre de cas dans lesquels les États-Unis ont abusé de l’utilisation des sanctions financières a augmenté. En conséquence, les pays détenant d’importants actifs financiers en dollars étasuniens s’inquiètent quant à la sécurité à long terme de leurs avoirs. Le cas de l’Iran est instructif. L’accord de Vienne sur le nucléaire iranien a été conclu en 2015 entre l’Iran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies ( les États-Unis, le Royaume-Uni, la Russie, la France et la Chine) ainsi que l’Allemagne et l’Union européenne. Dans ce cadre, toutes les sanctions économiques liées au nucléaire contre l’Iran ont été levées, et le pays a pu s’engager dans une coopération internationale accrue. Suite à cet accord, la coopération euro-iranienne a progressé sans heurts. De nombreuses entreprises européennes ont renforcé leurs liens avec l’Iran et effectué des règlements en euros.
Cependant, après son arrivée au pouvoir aux États-Unis, Donald Trump a aboli l’accord sur le nucléaire iranien, réimposé des sanctions contre l’Iran et contraint les entreprises européennes à se retirer du marché iranien. Ces pratiques ont suscité des craintes dans de nombreux pays du Moyen-Orient quant à leur sort futur. Historiquement, les États-Unis ont fourni des garanties de sécurité à de nombreux pays de la région, ces pays étant obligés d’acheter de grandes quantités d’actifs financiers étasuniens pour leur fournir un capital bon marché. Si les relations entre l’Iran et les pays arabes du Moyen-Orient devaient s’améliorer et que la « protection » des États-Unis n’était plus nécessaire, ces pays continueraient-ils à acheter autant d’actifs en dollars étasuniens ?
La Réserve fédérale des États-Unis a fortement augmenté ses taux d’intérêt en 2023, ce qui a provoqué une fuite des capitaux dans de nombreux pays du Sud global et a rendu le taux d’intérêt de leur dette en dollars impossible à servir.
L’annonce tonitruante de Washington selon laquelle les actifs en dollars étasuniens de la Russie seraient confisqués suite à l’éclatement de la guerre en Ukraine n’a fait qu’intensifier les inquiétudes parmi les pays arabes. Contrairement à la Russie, ces pays ne possèdent pas d’armes nucléaires et ne peuvent pas non plus égaler ses capacités militaires. Si les États-Unis devaient utiliser leur « juridiction extraterritorial » pour geler ou confisquer leurs actifs en dollars étasuniens, ils n’auraient aucun pouvoir pour riposter.
Ces expériences posent des questions importantes pour les membres des BRICS, dont beaucoup ont été soumis à divers degrés de sanctions étasuniennes. S’ils ne parviennent pas à développer un mécanisme de règlement autre que le dollar étasunien pour la coopération transfrontalière, de nombreux autres pays pourraient être ciblés par des sanctions des États-Unis à l’avenir.
De même, malgré les succès de l’initiative Belt and Road (BRI) lancée par la Chine il y a dix ans, de nombreux pays du Sud global sont à nouveau tombés dans le piège du dollar étasunien. Cela est dû à la forte augmentation des taux d’intérêt par la Réserve fédérale étasunienne en 2023. Celle-ci a provoqué une fuite des capitaux dans ces pays et a rendu leur taux d’intérêt sur la dette en dollars insoutenable. La dédollarisation est le seul choix pour assurer la continuation du succès de la BRI à l’avenir.
Le dollar étasunien présente des risques financiers significatifs
Même du point de vue de la protection des actifs financiers, il est risqué pour un pays de détenir trop d’actifs libellés en dollars étasuniens. Ce risque est inhérent à la monnaie fiduciaire. À l’époque des métaux précieux, les réserves de ceux-ci étaient la base de l’émission monétaire. S’il y avait trop de sorties d’or et d’argent, cela provoquait une crise monétaire. Après l’effondrement du système de Bretton Woods, le dernier bastion de l’étalon-or a été détruit et le monde est entré dans l’ère de la monnaie fiduciaire.
La base de la monnaie fiduciaire est la confiance dans le gouvernement. En d’autres termes, la dette publique est la base de la monnaie. Plus le gouvernement émet de dettes, plus la quantité de monnaie en circulation sur le marché augmente. Cependant, le niveau de la dette publique doit correspondre aux recettes fiscales du gouvernement et la dette doit correspondre à la taille de l’économie. Sinon, sa durabilité ne peut pas être garantie et une crise de la dette éclate. La crise de la dette détruit la confiance des détenteurs de monnaie, ce qui déclenche une crise monétaire.
Alors que les États-Unis participent à deux « guerres par procuration » simultanées, on est amené à se demander combien de temps le gouvernement pourra financer ses excursions militaires ?
Depuis le début du XXIe siècle, la dette publique des États-Unis a dépassé tous les records historiques. Lorsque George W. Bush a quitté ses fonctions, la dette publique des États-Unis dépassait 10 000 milliards de dollars. Lorsque Barack Obama a quitté ses fonctions, elle avait grimpé à 20 000 milliards de dollars et pendant les quatre années de pouvoir de Donald Trump, elle est montée à 26 000 milliards de dollars. Enfin, au cours des trois premières années de l’administration de Joe Biden, la dette publique des États-Unis a dépassé 34 000 milliards de dollars. En 2020, le ratio de la dette publique des États-Unis par rapport au produit intérieur brut a dépassé 130 % . Quand la Réserve fédérale a augmenté les taux d’intérêt, les taux d’intérêt sur les bons du trésor étasunien ont augmenté rapidement. En 2024, les paiements d’intérêts du gouvernement étasunien sur la dette nationale dépasseront 1000 milliards de dollars, dépassant le budget militaire officiel 1. Un niveau de dette aussi élevé suscite des inquiétudes quant au fait que le gouvernement fera défaut tôt ou tard.
Quand la dette du gouvernement étasunien atteint un niveau aussi élevé, peut-on encore croire qu’il pourra échapper à l’inflation et à la dévaluation monétaire ?
Suite à la crise financière internationale de 2008, les économistes étasuniens Carmen M. Reinhart et Kenneth S. Rogoff ont publié This Time Is Different: Eight Centuries of Financial Folly (cette fois, c’est différent : huit siècles de folie financière) (2009). Leur livre révèle une vérité historique profonde : lorsque le fardeau de la dette des pays souverains devient trop lourd, tous, sans exception, comptent sur l’inflation et la dévaluation monétaire pour annuler leur dette et échapper à la crise. Avec la dette du gouvernement étasunien à un niveau aussi élevé, peut-on encore croire qu’il pourra échapper à ce destin historique ?
En fait, le gouvernement étasunien a une longue histoire de rupture de contrat. En 1971, la dette étasunienne a explosé et le dollar étasunien était en crise. Le président Nixon a décidé de dissocier le taux de change du dollar étasunien du prix de l’or. Le dollar étasunien s’est fortement déprécié, et le système financier international de Bretton Woods s’est effondré. Le contexte de ce défaut du dollar étasunien était la guerre du Vietnam. L’augmentation des dépenses militaires des États-Unis pour la guerre et la forte augmentation de la dette causée par le déficit budgétaire ont amené les pays d’Europe occidentale à perdre confiance dans le dollar étasunien.
Si les membres des BRICS veulent s’engager dans une coopération monétaire, l’instabilité des taux de change entre leurs monnaies sera un obstacle majeur à surmonter.
De même, après le déclenchement de la guerre en Ukraine, les États-Unis ont continué à allouer des fonds pour lui fournir une aide militaire. Le déficit budgétaire des États-Unis a également continué à augmenter, la charge financière a continué de s’alourdir et la dette nationale a rapidement dépassé le plafond fixé par le Congrès. Les négociations entre l’administration Biden et le Congrès pour relever le plafond de la dette sont devenues un élément permanent de la scène politique étasunienne. Depuis octobre 2023, les États-Unis sont impliqués dans une autre « guerre par procuration » et soutiennent la campagne militaire d’Israël à Gaza avec des dépenses militaires croissantes. Alors que les États-Unis participent à deux « guerres par procuration » simultanées, on est amené à se demander combien de temps le gouvernement pourra financer ses excursions militaires ?
Nous pouvons constater qu’il y a de nombreuses raisons pour que les membres des BRICS choisissent de renforcer la coopération monétaire et d’accélérer le processus de dédollarisation. Le développement des technologies de communication et de règlement modernes, telles que la blockchain, leur offre également un chemin plus sûr pour qu’ils se dédollarisent.
L’histoire sert de miroir pour éclairer la direction du développement futur
SI les BRICS sont impatients de se dédollariser, comment peuvent-ils atteindre cet objectif ? L’expérience de l’histoire peut nous fournir certains indices. Après l’effondrement du système de Bretton Woods dans les années 1970, la dépréciation du dollar étasunien a provoqué une inflation mondiale. Bien que la valeur du dollar étasunien soit devenue instable, il reste la monnaie la plus utilisée au monde en raison de l’inertie dans l’utilisation des devises. Lorsque de nombreux pays sont habitués à utiliser une certaine monnaie dans le commerce international et l’investissement transfrontalier, ils sont moins enclins à changer leurs habitudes.
De plus, après la première crise pétrolière, le secrétaire d’État étasunien de l’époque, Henry Kissinger, s’est engagé dans une « navette diplomatique », visitant continuellement les pays producteurs de pétrole du Moyen-Orient. Finalement, il a convaincu l’Arabie saoudite de fixer le dollar étasunien comme la seule monnaie pour le prix du pétrole et l’Arabie saoudite, à son tour, a persuadé d’autres pays exportateurs de pétrole de faire de même. Les États-Unis ont accordé à ces pays, qui détiennent de grandes quantités de dollars étasuniens, le privilège financier d’acheter directement des bons du trésor étasunien sur le marché primaire. Les pays producteurs de pétrole du Moyen-Orient ont adopté l’idée et cela a été extrêmement rentable. Le commerce des contrats à terme sur le pétrole est le plus grand marché de marchandises au monde. Une fois que le pétrole a été évalué en dollars étasuniens, une énorme demande a été créée. Les autres marchés à terme sur marchandises ont immédiatement copié le marché à terme du pétrole et ont utilisé le dollar étasunien pour fixer les prix. De cette manière, la demande de dollars étasuniens est devenue de plus en plus importante.
Les pays d’Europe occidentale ont créé le Système monétaire européen en 1979 en réponse à la crise du dollar étasunien.
Le dollar étasunien a accédé à la position de plus grande monnaie de réserve et d’échange du monde. Cependant, quand le dollar étasunien a perdu son ancrage à l’or, sa valeur faciale est devenue instable. Son appréciation ou sa dépréciation a provoqué de grandes fluctuations de prix sur le marché des contrats à terme sur marchandises et a eu un impact significatif sur d’autres pays importateurs.
Dans ce contexte, les pays d’Europe occidentale ont créé le Système monétaire européen en 1979 en réponse à la crise du dollar étasunien. Initialement, ils ont choisi de faire flotter leurs monnaies ensemble contre le dollar étasunien, dans une certaine limite. Ce système est connu sous le nom de « serpent flottant ». Cependant, comme le dollar étasunien continuait de se déprécier, ce système ne pouvait pas résoudre le problème de l’inflation importée des États-Unis. Après une période d’expérimentation, les pays d’Europe occidentale ont constaté que l’Allemagne de l’Ouest avait le taux d’inflation le plus bas, et que la valeur du Deutsche Mark était donc la plus stable. Par conséquent, le Deutsche Mark a été utilisé comme monnaie d’ancrage du Système monétaire européen , auquel les monnaies des autres pays d’Europe occidentale ont été rattachées. Grâce à cette pratique, les pays d’Europe occidentale ont introduit des facteurs anti-inflationnistes en provenance d’Allemagne de l’Ouest et l’inflation dans les pays de la Communauté européenne s’est stabilisée.
Aujourd’hui, les États-Unis font face à une crise similaire. La coopération monétaire entre les BRICS exige également qu’ils trouvent une monnaie d’ancrage autre que le dollar étasunien. Ensemble, ces pays possèdent les plus grandes réserves mondiales de ressources et d’énergie et les capacités de production les plus étendues. L’échange de production industrielle et de ressources peut être réalisé grâce à un système de règlement sans dollar étasunien. Si les pays des BRICS établissent un tel système, leur développement économique sera à l’abri de l’impact négatif des fluctuations du dollar étasunien.
Historiquement, le Sud global a souffert de l’hégémonie du dollar étasunien. Si les membres des BRICS parviennent à surmonter ces contraintes, le système financier mondial pourrait être transformé.
Cependant, les devises de la plupart des membres des BRICS sont encore, plus ou moins, indexées sur le dollar étasunien, et leurs taux de change sont également instables. Si les BRICS veulent s’engager dans une coopération monétaire, l’instabilité des taux de change entre leurs monnaies sera un obstacle majeur à surmonter. Choisiront-ils le RMB comme leur monnaie d’ancrage ? Aux États-Unis et en Europe, comme les taux d’inflation sont déjà élevés, les banques centrales augmentent constamment les taux d’intérêt pour freiner l’inflation, mais l’effet n’est pas idéal. En revanche, en Chine, le taux d’inflation est très stable et bas depuis assez longtemps, et on parle plutôt de la menace de la déflation. Par conséquent, en tant que devise, le pouvoir d’achat du RMB est garanti, en particulier grâce aux fortes capacités de production de la Chine, qui peuvent répondre à la demande pour une large gamme de produits industriels manufacturés.
Les BRICS sont les représentants de la montée collective du Sud global. S’ils parviennent à mener à bien une coopération monétaire et à surmonter les contraintes du dollar étasunien, de plus en plus de pays du Sud global participeront à ce mécanisme de coopération monétaire à l’avenir. Le système financier mondial sera transformé, constituant un aspect important des « grands changements inédits en un siècle ».
Traduction de « What Is Driving the BRICS’ Debate on De-Dollarisation », d’abord publié par Wenhua Zongheng (Journal of Contemporary Chinese Thought) as a New Media special feature (January 2024) et disponible sur www.thetricontinental.org.
Footnotes
- En 2022, les dépenses militaires des États-Unis ont atteint 1,53 trillion de dollars, soit plus du double de ce qui est reconnu par le gouvernement étasunien. Voir Gisela Cernadas et John Bellamy Foster, « Actual US Military Spending Reached $1.53 trillion in 2022 – More than Twice Acknowledged Level: New Estimates Based on US National Accounts », Monthly Review, 1 novembre 2023, https://monthlyreview.org/2023/11/01/actual-u-s-military-spending-reached-1-53-trillion-in-2022-more-than-twice-acknowledged-level-new-estimates-based-on-u-s-national-accounts/; Tricontinental : Institute for Social Research, Hyper-Imperialism: A Dangerous Decadent New Stage, Studies on Contemporary Dilemmas no. 4, 23 janvier 2024, https://thetricontinental.org/studies-on-contemporary-dilemmas-4-hyper-imperialism/.