Interview

Les pauvres ne sont pas les seuls à être en colère

Vijay Prashad

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Peter Mertens

—26 juin 2024

Mutinerie, le dernier livre de Peter Mertens, traite de l’évolution rapide des rapports de force dans le monde. L’historien et auteur marxiste indien Vijay Prashad est l’une des personnes qui ont inspiré Peter. Lava les a réuni pour une conversation sur le nouvel état d’esprit dans les pays du Sud.

« Mutinerie est un livre sur la lutte des classes, même si ce terme n’est probablement pas utilisé une seule fois », explique Vijay Prashad qui, en tant qu’éditeur, souhaite lui-même faire connaître le même genre d’histoires. «Ces récits sur la lutte des classes à l’échelle mondiale sont nécessaires pour comprendre que quelques réformes dans son propre environnement ne suffisent pas à tout résoudre. »

« Analyser tout ce qui se passe lors de conférences jusqu’à ce que l’on rentre chez soi avec une dépression n’apporte pas de conscience socialiste », acquiesce Mertens. «Les travailleurs ont un potentiel de pouvoir, et ce potentiel est plus grand que la plupart des gens ne le pensent. Nous devons apporter une perspective, afin que les gens marchent la tête haute, fiers de leur classe. »

Il y a plus de grèves en France aujourd’hui et plus de jours de grève qu’en 1968.

Mertens n’en est pas à son premier ouvrage du genre. L’analyse et la théorisation par le biais de la narration d’histoires sont devenues une marque de fabrique unique. Il l’avait déjà fait avec Comment osent-ils? sur l’euro et la crise bancaire, Au pays des profiteurs sur l’élite et ses politiciens, et Ils nous ont oubliés sur la pandémie de Covid. Tous ces titres sont devenus des best-sellers et ont trouvé un public enthousiaste au-delà des frontières nationales, en français, en anglais, en allemand et en espagnol.

Dans Mutinerie, vous regardez le monde entier et analysez comment les événements en Belgique et en Europe sont liés à ce qui se passe dans le Sud global. Pourquoi avez-vous cette fois opté pour cette perspective plus large ?

Peter Mertens Lorsque nos agriculteurs protestent, comme c’est le cas actuellement, il ne s’agit pas seulement d’un problème local. Lorsqu’on analyse la formation des prix tout au long de la chaîne alimentaire, on voit que c’est également lié aux multinationales de l’agroalimentaire et même aux compagnies pétrolières. Il s’agit d’inflation et de superprofits. L’Europe est en ébullition, les luttes sociales sont nombreuses. J’ai remarqué, par exemple, qu’en France, il y a aujourd’hui plus de grèves, plus de personnes en grève et plus de jours de grève qu’en 1968. Pourtant, 1968 est gravée dans la mémoire collective comme l’année des manifestations de masse. En rédigeant le chapitre sur l’infirmière britannique Kath, j’ai découvert qu’il y avait plus de jours de grève actuellement en Grande-Bretagne contre le gouvernement et les politiques d’austérité qu’il n’y en avait contre Margaret Thatcher dans les années 80. Les conflits sociaux sont de plus en plus nombreux. La lutte des classes est toujours bien vivante en Europe.

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