Alerta Arizona

« La taxation des plus-value de l’Arizona épargnera les plus riches »

Martial Toniotti

—25 juin 2025

Alerta Arizona n*1 – Retrouvez les opinions enflammées contre le désert social de De Wever et Bouchez de notre série Alerta Arizona.

Martial Toniotti est économiste , affilié au Louvain Institute of Data Analysis and Modeling (LIDAM) à l’UCLouvain.

Jusqu’à l’accord de gouvernement de l’Arizona, la Belgique faisait partie du club très fermé des pays n’ayant pas de taxation des plus-values, au côté d’autres paradis fiscaux comme les îles Caiman ou Monaco. Cette situation était injuste, car l’essentiel des plus-values sur action sont faites par les ménages les plus aisés. Vooruit a pu sortir de la négociation gouvernementale avec ça dans sa poche : les riches allaient enfin payer ! Mais qui va réellement payer cette taxe de 10% sur les plus-values annoncée par le gouvernement fédéral ?

Il se trouve que cette taxation contient des exemptions; d’abord pour les “petits” investisseurs, qui réalisent moins de 10’000€ par an de plus-value et ne payeront rien. Ensuite, pour les gros investisseurs, qui possèdent plus de 20% d’une société, le premier million de profits serait exonéré d’impôt, les neuf millions de profits suivants feraient l’objet d’une taxation progressive allant de 1,25 à 10%. Ce n’est qu’au-delà de 10 millions de profits que le taux de 10% de taxation s’appliquerait. Ainsi, l’Echo prenait l’exemple, après l’annonce de l’accord, d’un certain M. Coucke qui, s’il vendait une entreprise qu’il possède à 30% avec une plus-value de 20 millions d’euros, devrait seulement payer 6.66% d’impôt dessus. Soit moins qu’un investisseur “moyen”, possédant moins de 20% d’une entreprise, qui lui doit payer 10%. 

C’est sans prendre en compte le fait que, comme le montre la littérature sur le sujet, les plus riches peuvent décider de ne pas réaliser leurs gains pendant des décennies, voir pour toujours pour éviter cette taxation des plus-values dans les pays où elle a lieu. En laissant leurs profits dans des sociétés plutôt qu’en les encaissant en leur nom propre. Ce qui n’est pas le cas d’un “petit” épargnant qui finira par avoir besoin de cet argent épargné.

Bref, cette taxe va toucher des gens ayant des revenus élevés, c’est vrai; les chirurgiens, les avocats, les notaires et autres professions très bien payées. Mais elle ne touchera pas ou en tout cas peu les M. Coucke de ce monde. 

Cette taxation des plus-values ne va pas régler le problème qu’aujourd’hui en Belgique, tout le monde paye au moins 30% (voir 40 pour énormément de gens) de ses revenus en taxes sauf les 1% des plus-riche qui en paye 20%.1

Ça ne va pas régler non-plus les problèmes de déficit de l’état et d’ “efforts” à consentir par la population. Avec un revenu estimé à 0.5 milliard € par an, soit 20x moins que le revenu potentiel d’un impôt sur la fortune en Belgique, il y a à peine de quoi combler les erreurs de calcul d’un gouvernement régional sur son budget communautaire.

Si on estime que les plus riches ne payent pas assez d’impôts ou en tout cas si on veut que, comme le voudrait la logique de la progressivité au cœur de nos systèmes d’impôts, que plus on est aisé, plus on paye d’impôt, il existe une solution. Si on veut dégager des fonds pour permettre des projets futurs (comme par exemple investir dans l’innovation pour aider à la transition écologique), il y a une mesure qui le permet. Il faut instaurer une taxation, progressive, de la fortune comme le demandent des experts du monde entier depuis des années ainsi qu’une partie des pays du G20.

Footnotes

  1. Inégalités en Belgique, un Paradoxe ? , 2024, Fig. 7.4.