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La conscience de classe au XXIe siècle

Cécile Piret

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Mathieu Strale

—30 septembre 2024

Le concept de conscience de classe a presque disparu de la sociologie du travail. Cependant, de nouvelles recherches mettent en évidence la persistance d’une forte identité de classe. Ce n’est pas Pierre Bourdieu, mais Karl Marx qui semble bien vivant.

Les travailleuses et les travailleurs ont-ils le sentiment d’appartenir à un collectif, à une classe sociale ? Comment perçoivent-ils leur exploitation par le patronat ou les actionnaires, donc les capitalistes ? Ces questions renvoient à la « conscience de classe », une notion fondamentale du marxisme. Loin d’être un enjeu uniquement théorique, la conscience de classe pose la question de la capacité de cette même classe travailleuse à lutter collectivement contre le capitalisme et ses conséquences sociales, économiques ou environnementales et pour aller vers une autre société. Depuis plusieurs décennies, cette conscience serait mise à mal par la fermeture de nombreuses usines et la « désindustrialisation » de notre économie. Voulant dépasser ce constat convenu et réducteur, Cécile Piret a mené un travail sociologique original, alliant une étude de terrain auprès des travailleurs de l’industrie et une relecture critique de la sociologie des classes sociales héritée de Bourdieu.

Mathieu Strale Pour commencer, peux-tu présenter ton travail et le contexte dans lequel tu l’as réalisé ?

Cécile Piret Ma thèse de doctorat porte sur la conscience de classe d’ouvriers1de la sidérurgie liégeoise, licenciés suite à l’annonce de nouveaux plans de restructuration en 2013 par ArcelorMittal dans le bassin liégeois. Pour mener ce travail, je suis allée vivre pendant plusieurs mois à Seraing, au côté des travailleurs. Mon enquête m’a amenée à suivre les mobilisations qui ont suivi cette annonce et à participer au quotidien de ces travailleurs licenciés au sein d’une cellule de reconversion. Je me suis demandée comment les ouvriers faisaient face aux transformations de leur entreprise ? Comment l’internationalisation et la financiarisation affectaient leur vision du monde, leurs interprétations du capitalisme ? Comment les conflits et les mobilisations sociales avaient évolué ? En quoi cela façonnait, parmi les ouvriers, un rapport particulier aux syndicats et à l’engagement politique ou militant ? Autrement dit, je me suis demandée comment évoluait leur conscience de classe dans ce contexte de « restructurations permanentes » fortement défavorable au travail2.

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