Articles

La conscience de classe au XXIe siècle

Cécile Piret

+

Mathieu Strale

—30 septembre 2024

Le concept de conscience de classe a presque disparu de la sociologie du travail. Cependant, de nouvelles recherches mettent en évidence la persistance d’une forte identité de classe. Ce n’est pas Pierre Bourdieu, mais Karl Marx qui semble bien vivant.

Les travailleuses et les travailleurs ont-ils le sentiment d’appartenir à un collectif, à une classe sociale ? Comment perçoivent-ils leur exploitation par le patronat ou les actionnaires, donc les capitalistes ? Ces questions renvoient à la « conscience de classe », une notion fondamentale du marxisme. Loin d’être un enjeu uniquement théorique, la conscience de classe pose la question de la capacité de cette même classe travailleuse à lutter collectivement contre le capitalisme et ses conséquences sociales, économiques ou environnementales et pour aller vers une autre société. Depuis plusieurs décennies, cette conscience serait mise à mal par la fermeture de nombreuses usines et la « désindustrialisation » de notre économie. Voulant dépasser ce constat convenu et réducteur, Cécile Piret a mené un travail sociologique original, alliant une étude de terrain auprès des travailleurs de l’industrie et une relecture critique de la sociologie des classes sociales héritée de Bourdieu.

Mathieu Strale Pour commencer, peux-tu présenter ton travail et le contexte dans lequel tu l’as réalisé ?

Cécile Piret Ma thèse de doctorat porte sur la conscience de classe d’ouvriers1de la sidérurgie liégeoise, licenciés suite à l’annonce de nouveaux plans de restructuration en 2013 par ArcelorMittal dans le bassin liégeois. Pour mener ce travail, je suis allée vivre pendant plusieurs mois à Seraing, au côté des travailleurs. Mon enquête m’a amenée à suivre les mobilisations qui ont suivi cette annonce et à participer au quotidien de ces travailleurs licenciés au sein d’une cellule de reconversion. Je me suis demandée comment les ouvriers faisaient face aux transformations de leur entreprise ? Comment l’internationalisation et la financiarisation affectaient leur vision du monde, leurs interprétations du capitalisme ? Comment les conflits et les mobilisations sociales avaient évolué ? En quoi cela façonnait, parmi les ouvriers, un rapport particulier aux syndicats et à l’engagement politique ou militant ? Autrement dit, je me suis demandée comment évoluait leur conscience de classe dans ce contexte de « restructurations permanentes » fortement défavorable au travail2.

Cécile Piret est sociologue à l’Université libre de Bruxelles. Sa thèse , défendue en 2023 , portait sur la conscience de classe des anciens ouvriers de la sidérurgie liégeoise. Ses travaux actuels portent sur les dimensions politiques du syndicalisme en Belgique.

Commençons d’emblée par préciser ce que signifie la conscience de classe. À l’origine, la conscience de classe renvoie à la distinction opérée par Marx entre la classe en soi et la classe pour soi. À travers celle-ci, Marx considérait que la prolétarisation des individus et leur regroupement dans les usines ( = la classe en soi ) allaient faire émerger de nouvelles subjectivités, donc de nouvelles idées, une nouvelle lecture du monde, issues de leur position d’exploitation dans les rapports sociaux de production. Les individus prolétarisés allaient tendre à développer une conscience de la situation d’exploitation et de la nécessité de la combattre, via le développement d’une classe organisée collectivement, syndicalement et politiquement ( = la classe pour soi ). Au fond, mon intention a été d’approfondir concrètement dans une enquête sociologique les deux questions posées par cette notion de conscience de classe : comment les travailleurs perçoivent la domination du capital sur le travail et la possibilité de la dépasser, de s’en émanciper ?

En te lançant dans ce travail, tu as été rapidement mise en face d’une contradiction entre ce que tu observais sur le terrain et ce que tu trouvais dans la littérature scientifique sur la conscience de classe, en particulier dans le monde francophone.

Le contexte académique et générationnel dans lequel j’ai commencé la thèse était caractérisé par une éclipse du marxisme et une mise à l’écart des théoriciens et des thématiques marxistes. C’était clairement le cas avec la conscience de classe, devenue absente des travaux sociologiques sur les mondes du travail. En somme, la conscience de classe avait disparu à la fois comme sujet de recherche et comme concept issu du marxisme, en particulier dans la sociologie francophone.

J’ai vécu plusieurs mois à Seraing , au côté des travailleurs d’ArcelorMittal pour étudier  l’évolution de leur conscience de classe après la restructuration.

Cela m’a semblé en effet contradictoire à deux égards. D’abord, parce qu’on ne peut pas dire que la conflictualité sociale autour des enjeux du travail ait disparu. En Belgique ou ailleurs, les mobilisations sur les pensions, sur les salaires, sur l’organisation du travail et de l’emploi, sur les conditions matérielles d’existence donc – pensons aux conflits chez Delhaize, aux Gilets jaunes, à la campagne « Enough is Enough » en Angleterre, aux grèves dans l’automobile aux USA, les mobilisations contre l’extractivisme néo-colonial dans le Sud global, etc. – résultent bel et bien de formes de conscientisation et de mobilisation sur les conflits autour de la répartition de la richesse produite, des injustices économiques, d’exploitation et de domination au travail.

Évidemment, enquêter aujourd’hui sur la conscience de classe, c’est s’inscrire dans un contexte d’affaiblissement de la classe ouvrière occidentale3depuis le dernier quart du XXe siècle. La difficulté à imposer un agenda politique distinct, les disqualifications symboliques et les formes d’invisibilisation médiatique et politique de l’exploitation, les attaques néolibérales sur le travail ont attaqué la classe ouvrière. Mais cela ne veut pas dire que la conscience de classe ait disparu pour autant. Dans l’industrie sidérurgique, les annonces de plans de restructuration depuis les années 1970 se sont accompagnées de très fortes mobilisations. On peut rappeler qu’en 2012, après l’annonce de la fermeture complète de la phase à chaud par ArcelorMittal, 10.000 manifestants s’étaient rassemblés à Seraing et 40.000 avaient rejoint une manifestation interprofessionnelle à Liège. Avec la réduction drastique de l’emploi, l’ampleur de ces mobilisations s’est évidemment réduite au fil du temps. Mais il me semble que le problème n’est pas tant une moindre mobilisation – qui pourrait attester d’une réduction de la conscience de classe – qu’un retournement du rapport de force, notamment dans l’entreprise, j’y reviendrai. Et c’est précisément l’évolution de cette conscience de classe dans le contexte d’attaques contre le monde du travail que j’ai interrogé.

Je ne voulais pas appréhender les ouvriers de l’industrie en Belgique à travers une lecture passéiste, comme la fin d’un monde à documenter dans une société soi-disant post-industrielle. Au lieu de ne voir dans les restructurations et les fermetures d’usine que la chronologie d’une mort annoncée, il me semblait qu’il fallait les penser comme des enjeux actuels importants dans les recompositions d’un capitalisme globalisé. La question « est-ce que la conscience de classe existe encore parmi les ouvriers ? » me semblait problématique, parce qu’elle était d’emblée passéiste et n’interrogeait pas non plus ce qu’on mettait derrière cette notion. J’ai préféré dès lors me poser comme question : « quels sont, concrètement, les éléments d’une conscience de classe qui s’expriment aujourd’hui ? ».

Peux-tu donner un exemple de cette vision passéiste de la classe travailleuse qui aurait disparu ou perdu conscience de son existence et de sa force ?

Je prendrai l’exemple du livre Retour sur la condition ouvrière des sociologues français Stéphane Beaud et Michel Pialoux dont la thèse a eu une répercussion importante dans le champ français4. Les deux sociologues ont mené une enquête remarquable dans les années 80 auprès d’ouvriers de l’usine Peugeot de Sochaux-Béliard, en France, alors que l’évolution du travail ouvrier était délaissée en sociologie. Ils ont montré que la condition ouvrière existait bel et bien, qu’elle subissait au travail de nouvelles formes de domination, mais que la classe ouvrière, elle, comme acteur collectif, n’existait plus. La culture de solidarité des ouvriers plus âgés était mise à mal par des réorganisations du travail et par l’arrivée de jeunes précaires et diplômés rejetant la culture de leurs aînés.

Mathieu Strale est chercheur à l’Institut de Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du territoire ( DGES-IGEAT ) de l’Université Libre de Bruxelles. Ses recherches portent sur les problématiques de mobilité métropolitaine à Bruxelles et en Europe.

Cette thèse d’ « ouvriers sans classe sociale » est intéressante lorsqu’elle met en évidence les processus qui éprouvent les solidarités et les résistances au travail, comme l’augmentation du recours à l’emploi précaire et intérimaire ou la montée en puissance d’une pensée managériale individualisant les travailleurs. Mais elle me semble problématique dès lors qu’elle s’articule à une vision qu’il y aurait eu un âge d’or de la classe ouvrière ( que les auteurs situent dans une période allant de 1936 à 1980 ) et que le présent est vu uniquement comme le déclin de ce passé. Penser qu’il n’y aurait plus de conscience de classe dans ces mondes du travail témoigne selon moi d’une utilisation figée du concept de classe sociale. Alors que Beaud et Pialoux s’inscrivent dans la théorie des classes sociales du sociologue Pierre Bourdieu, je me suis demandée comment celle-ci avait contribué à brouiller et éloigner les questions entourant la notion de conscience de classe.

Ton travail de thèse s’emploie effectivement à critiquer et dépasser le cadre théorique de Pierre Bourdieu au sujet de la conscience de classe. Bourdieu est pourtant un pilier de la sociologie critique francophone.

Je me suis appuyée sur les travaux du sociologue britannique Michael Burawoy qui propose une lecture critique de la théorie de Bourdieu en la revisitant avec des lunettes marxistes5. Ses travaux m’ont semblé très originaux pour éclairer sous un nouveau jour la pensée du sociologue français. La thèse forte de Burawoy consiste ainsi à dire que, fondamentalement, Bourdieu ignore le capitalisme. Pour un des sociologues critiques français les plus importants de la fin du XXème, prenant position en faveur de plusieurs mouvements sociaux tout le long de sa carrière, engagé dans une lecture critique notamment du colonialisme français en Algérie, des inégalités et du néolibéralisme, cette thèse peut sembler exagérée. Et pourtant, lorsqu’on y regarde de plus près, elle est très convaincante et met en évidence des impensés de la sociologie héritière de Bourdieu.

La notion d’exploitation est , à de rares exceptions près , inexistante des travaux de Bourdieu. Fondamentalement , il ignore le capitalisme.

Comme d’autres chercheurs l’ont également souligné6, la théorie bourdieusienne des classes sociales fait fi du rapport entre le capital et le travail. Il fait comme s’il n’existait pas ou, plus précisément, entend défendre qu’une analyse des classes sociales peut se réaliser indépendamment des dynamiques de ce rapport social. La notion d’exploitation est d’ailleurs, à de rares exceptions près, inexistante de ses travaux7. Dans sa représentation de l’espace social, l’appartenance à une classe sociale est définie par la possession et la structure de capitaux culturels et économiques, entendus comme des ressources. Dans ce cadre, les classes sociales sont avant tout des groupes de classement, des « classes sur le papier », pour reprendre ses termes : elles permettent de classer, catégoriser, hiérarchiser des groupes d’individus.

En leur sein, les milieux populaires sont donc appréhendés comme des groupes sociaux qui ont peu de ressources culturelles et économiques plutôt que comme des travailleurs exploités par les capitalistes. La domination exercée par les groupes sociaux dominants sur les groupes sociaux dominés réside dans leur monopole des normes de légitimité culturelle, de logiques de classification et d’infériorisation que le système scolaire, en particulier, reproduit. Cette édiction de normes par le haut fait que les milieux populaires, qui ont intériorisés ces normes, se sentiraient inférieurs – ce qui génère des comportements de relégation, d’auto-exclusion et des sentiments de honte sociale de son origine. Les relations entre les classes sociales sont donc appréhendées dans une lecture culturelle de la domination plutôt que comme des rapports d’exploitation dans la production.

Il n’a y donc pas de luttes de classes dans sa théorie, et ce, à deux niveaux. Au niveau sociétal, il n’y a pas de luttes de classes comme contexte générateur de conflits et de changements social, ce qui fait dire à Burawoy qu’il n’y a pas de « moteur de l’histoire » dans la théorie de Bourdieu. Au niveau des individus, il n’y a pas non plus de luttes sociales qui prennent pour objet l’exploitation. De plus, les luttes sont moins collectives qu’individuelles : les individus sont en concurrence dans des champs sociaux8 pour accéder à des positions de pouvoir et exercer une influence sur leur fonctionnement. Et lorsque Bourdieu conçoit la classe ouvrière comme une « classe mobilisée », il s’arrête aux luttes symboliques nécessaires pour advenir comme acteur politique, sans les relier aux luttes entourant le travail. C’est bien sûr important de souligner qu’un groupe, pour exister, lutte dans l’objectif d’imposer sa propre vision du monde social. Mais ces luttes ont lieu aussi dans les usines, au niveau des rapports de production, ce que Bourdieu étudie peu, préférant analyser le champ politique ou médiatique.

Or, pour Bourdieu, si la classe n’est pas mobilisée, elle n’existe pas. Elle redevient une classe « sur le papier », une classification dans l’espace social9. Autrement dit, il reste des ouvriers, mais dont l’appartenance à une classe est uniquement conçue comme un positionnement dans l’espace social. Toujours selon lui, les classes sociales précèdent la lutte de classes, c’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait des classes mobilisées pour que la lutte de classes existe. Puisqu’il n’y aurait plus de classe mobilisée, il n’y aurait donc plus de lutte non plus. Dans le marxisme, fondamentalement, c’est l’inverse, la lutte de classes préexiste aux classes. La lutte de classes, en tant que reproduction contradictoire et conflictuelle des rapports de production, agit même lorsque des groupes ne sont pas constitués collectivement autour d’intérêts de classes et contribue à former une conscience et une appartenance de classe. À nouveau, cela témoigne chez Bourdieu de l’absence d’une théorie du capitalisme en arrière-plan de son analyse des classes sociales.

Comment Bourdieu envisage-t-il la représentation politique et syndicale, son rôle de politisation et d’organisation ?

Bourdieu a en outre une vision pessimiste de la représentation politique et syndicale10. Il développe une théorie de l’aliénation politique selon laquelle les dominés, ne se sentant pas aptes et compétents pour rentrer dans l’action politique, sont obligés de s’en remettre à des porte-paroles qui tendent à agir davantage pour eux même que pour les personnes qui les ont désignés. Il dénonce ainsi les processus de professionnalisation de la représentation au sein desquels les porte-paroles de la classe, représentants syndicaux et politiques substituent les intérêts des travailleurs à leurs propres intérêts et font exister en paroles une classe ouvrière parce qu’ils sont intéressés à croire et à faire croire qu’elle existe. Critiquer les effets de la bureaucratisation et de l’autonomisation des enjeux de la représentation me semble très important, à l’époque comme aujourd’hui. Mais, d’une certaine façon, Bourdieu bascule dans la caricature inverse : les représentants ne sont pas pensés comme étant des acteurs jouant un rôle de politisation et d’organisation, mais comme évoluant dans un champ syndical déconnecté des conflits du travail.

Pour Bourdieu , les classes sociales précèdent la lutte des classes ; pour le marxisme , c’est l’inverse : la lutte des classes existe avant les classes.

En outre, les travailleurs, dominés dans l’espace social, ne sont pas pensés comme étant des acteurs de la constitution d’une classe mobilisée : ils sont mobilisés par les représentants, jamais les acteurs de cette mobilisation. Bourdieu ne considère ainsi pas vraiment que les individus dominés dans l’espace social puissent s’approprier le monde politique, être acteurs de leur propre politisation par le fait même de faire l’expérience de l’exploitation et de la domination au travail. Comme Burawoy le souligne, Bourdieu ne fait par exemple jamais référence à la société civile et aux associations qui la composent et qui sont pourtant de nombreux lieux où s’élaborent des consciences politiques et du pouvoir d’agir.

S’il n’y a pas de luttes de classes, d’où vient alors la possibilité d’une émancipation des travailleurs chez Bourdieu ?

Le sociologue français porte des propos très critiques sur la possibilité que se construise une conscience de classe. Il faut savoir qu’il était très hostile aux intellectuels marxistes de son époque et on peut considérer que son analyse des classes sociales et de la domination constitue une réaction à un certain marxisme dogmatique. En quelque sorte, son concept de violence symbolique, à travers lequel il théorise la domination, est un pied de nez aux militants marxistes qui ont selon lui une vision de la conscience de classe soit trop mécaniste ( les expériences de classes mèneraient mécaniquement à une conscience de classe ), soit trop volontariste ( il suffirait de « révéler » aux ouvriers la réalité de l’exploitation pour qu’ils aient envie de s’en émanciper ). Par opposition, il définit la violence symbolique comme une domination profondément intériorisée dans les structures psychiques des individus de telle sorte que ceux-ci ne l’identifient pas comme telle et la reproduisent inconsciemment11. Autrement dit, comme les dominés participent activement à reproduire la domination de manière inconsciente, ils ne sont pas en mesure – ni n’ont forcément envie – de s’en émanciper.

C’est pourquoi, selon Bourdieu, la conscience des dominations ne peut venir que de l’extérieur des individus. C’est le rôle qu’il attribue à la sociologie : les sociologues seuls sont capables de révéler les rapports de domination, Paradoxalement, alors qu’il critique cette posture d’avant-garde parmi les militants marxistes, c’est celle-là qu’il reprend pour élaborer son propre projet d’une sociologie engagée.

Quelles sont les conséquences selon toi de la théorie bourdieusienne sur la recherche actuelle sur les classes sociales et la vision de la conscience de classe ?

On peut considérer que la sociologie française des classes populaires qui s’est inscrite dans la continuité de Pierre Bourdieu a prolongé cette analyse post-marxiste des classes sociales. C’est comme si la notion de classe sociale n’était plus appréhendée par la centralité des luttes et du travail sous prétexte que la classe ouvrière n’existerait plus, mais était devenue un terme descriptif12. Les classes populaires ont fait l’objet d’analyses plus descriptives et micro-sociologiques, décontextualisées des processus macro-sociologiques des conflits de classes et de leurs dynamiques de changement. Par exemple, les études ont privilégié l’analyse des modes de vie, des ressources individuelles, des sociabilités, en mettant à distance le contexte plus global. Pour le dire simplement : on y parle plus de capital culturel et de capital économique que de capitalisme.

On peut rétorquer qu’il s’agit de deux niveaux d’analyses différents, qu’une enquête qualitative, forcément située dans un temps et un espace limités ne peut pas étudier en même temps les dynamiques globales. Je pense au contraire que tout l’enjeu pour la sociologie des classes sociales est d’articuler ces deux échelles, de ne pas réduire le micro au macro, mais de ne pas faire non plus comme si on pouvait étudier le micro sans se référer aux dynamiques macrosociologiques générées par l’économie capitaliste.

À travers les luttes et l’éducation , les travailleurs prennent conscience qu’ils sont exploités et qu’ils ont intérêt à s’organiser en tant que classe.

Je rajouterais à cela le prolongement d’une vision domino-centrée des classes populaires. Dans la suite de Bourdieu, des enquêtes sur les classes populaires tendent à appréhender le sentiment d’appartenance à des groupes dominés comme étant négatifs, liés à la honte sociale, au rejet d’une condition ouvrière, dans le travail ou à l’école13. Il est certain que la frontière avec le misérabilisme est souvent franchie et tend à réduire et à silencer les multiples façons mises en œuvre par la classe travailleuse pour expérimenter la domination et y résister. Or ce n’est pas du tout ce que j’ai observé sur le terrain. Les ouvriers que j’ai rencontrés lors de mon enquête n’étaient pas dans la honte d’eux-mêmes, de leur classe sociale. Par contre, ils revendiquaient de pouvoir vivre de manière digne et respectable en tant que travailleurs.

Dans ce contexte, comment as-tu imaginé ( re )construire un cadre d’analyse marxiste de la conscience de classe pour dépasser ces limites et disposer d’un cadre théorique qui correspondait mieux à ce que tu observais sur le terrain ?

Je me suis inspirée de la perspective du marxisme sociologique proposée par Michael Burawoy et Erik O. Wright visant à prolonger la tradition de recherche marxiste en la réactualisant par des recherches empiriques14. Alors que Bourdieu envisageait le marxisme comme un bloc monolithique, il existe une diversité d’auteur.trice.s, d’approches et de débats en interne que l’on peut visualiser, pour reprendre la métaphore des deux auteurs, comme étant différentes « branches » de recherches qui prolongent le « tronc » marxiste, son noyau théorique. C’est ainsi que j’ai « bricolé » un cadre d’analyse avec des auteurs qui m’offraient des outils conceptuels utiles pour interroger empiriquement la conscience de classe : le concept de formation de la classe sociale de l’historien britannique Edward P. Thompson et d’hégémonie du théoricien Antonio Gramsci.

Edward P. Thompson propose une approche de la formation de la classe ouvrière au sein de laquelle les individus sont acteurs de l’histoire15. C’est dans les luttes, les grèves, mais aussi dans la culture, l’éducation populaire, que les travailleurs forgent la conscience qu’ils sont exploités par les capitalistes et qu’ils ont un intérêt objectif à s’organiser en tant que classe pour s’opposer au capitalisme. Alors que, chez Bourdieu, comme on l’a vu, la classe doit exister symboliquement avant de pouvoir entrer en lutte ; chez Thompson la lutte de classes précède la classe. Cela signifie qu’en arrière-plan, il y a toujours une conflictualité de classes qui génère des subjectivités, une conscience, même lorsque celles-ci ne débouchent pas ouvertement dans une organisation politique. Ce cadre permet par exemple de penser d’où viennent des contestations sociales qui semblent faire soudainement irruption, comme les Gilets jaunes ou, plus récemment, les agriculteurs et qu’on ne peut comprendre sans revenir sur l’histoire au long cours des conflictualités.

Pour Thompson, la conscience de classe n’est pas la révélation savante du fonctionnement antagoniste du système capitaliste. Elle est un processus de prise en charge consciente d’expériences des déterminations de classes qui peuvent se traduire dans des contestations variées de l’économie capitaliste. La conscience de classe est imbriquée dans une économie morale, c’est-à-dire des perceptions de la justice économique et de l’exploitation qui varient en fonction des contextes et de l’imbrication avec d’autres rapports sociaux. Autrement dit, il n’y a pas chez Thompson de relation mécanique et immédiate entre les expériences de classes et les consciences de classe, celles-ci pouvant prendre des formes variées.

De quelle manière explorez-vous la manière dont la conscience de classe se traduit politiquement, par exemple par un vote pour la gauche ou la droite ?

Pour ce faire, il convient d’utiliser les travaux du marxiste italien Antonio Gramsci sur l’idéologie, le « sens commun » et la « pensée quotidienne ».16. Son travail montre comment les consciences de classe sont façonnées par les luttes pour l’hégémonie, c’est-à-dire la manière par laquelle une classe sociale ou des fractions de classes en viennent à être dominantes en dirigeant la société vers leur projet politique et économique. L’hégémonie d’une classe peut prendre différentes directions. Stuart Hall analyse par exemple comment, en Grande-Bretagne, l’hégémonie social-démocrate, qui s’était imposée avec le parti travailliste comme la formation politique majoritaire d’après-guerre la plus crédible pour contenir les conflits de classes, a été remplacée dans les années 1980 par le populisme de droite de Thatcher, dans une lutte pour former une nouvelle étape hégémonique17.

L’évolution des rapports de force et l’affaiblissement de la classe ouvrière occidentale ne signifient pas que la conscience de classe a disparu.

L’hégémonie constitue ainsi, dans la théorie de Gramsci, un mode de direction qui combine la coercition, l’usage de la force et le consentement au projet de la société dominante. À travers le consentement, il y a cette idée d’une adhésion, plus ou moins active ou passive, à la direction de la classe dominante sur la société. Il s’exerce sur le terrain de la lutte idéologique et culturelle, mais possède également une dimension matérielle : les individus consentent au projet de la classe au pouvoir parce qu’elle rencontre, au moins partiellement, les intérêts matériels perçus et/ou réels de la classe dominée, à travers des processus d’alliance, de compromis, de concessions, etc.

Dès lors, pour Gramsci, les travailleurs ne méconnaissent pas tant la domination de classe comme chez Bourdieu mais y adhèrent parce qu’elle semble crédible. Cependant, en raison de la reproduction contradictoire et conflictuelle des rapports de classe sous le capitalisme, débouchant sur des crises cycliques, le consentement est instable, la crédibilité accordée à un projet politique est remis en question et c’est dans ces remises en cause de l’hégémonie que Gramsci considère la possibilité d’une émancipation et d’une conscientisation. Les partis et les syndicats sont alors des acteurs essentiels – des intellectuels organiques, dans ses propres termes – pour orienter et organiser les contestations dans un projet de société pour la classe ouvrière. Autrement dit, ils ne font pas qu’accroître la conscience de classes, il lui donnent une direction par le fait d’adhérer à l’un ou l’autre horizon social.

Ce cadre théorique revu t’a permis de mieux analyser et comprendre ce que tu observais sur le terrain dans le bassin liégeois. Quels sont les principaux résultats de ton enquête ? Que peux-tu dire sur la conscience de classe aujourd’hui ?

Mon enquête sur la conscience de classe a donc interrogé comment les contestations des restructurations donnent à voir des perceptions de la domination économique et les perspectives d’émancipation. Je n’ai pas postulé a priori la conscience de classe des ouvriers, j’ai cherché à interroger comment elle s’exprime concrètement, sans considérer qu’elle soit forcément une vision du monde homogène, mais en étant justement attentive aux contradictions et aux variations. Pour cela, il fallait avant tout ancrer les contestations dans ce contexte de restructurations, analyser leurs conséquences sur les parcours des ouvriers, l’évolution de l’emploi et du travail, ainsi que leurs impacts sur le syndicalisme.

On l’a dit, le contexte de restructurations permanentes de la sidérurgie liégeoise depuis les années 1970 est défavorable au travail. Les annonces régulières d’intention de licenciement collectif, la réduction massive des effectifs dans l’entreprise et les fermetures des sites génèrent des divisions en interne, s’imposent sur le travail et l’agenda syndical dont les représentants sont devenus des professionnels de la négociation des restructurations, comme certains enquêtés me l’ont dit eux-mêmes. Si les effets les plus néfastes des licenciements collectifs ont d’ailleurs pu être compensés par des départs massifs à la prépension, c’est parce que le syndicalisme au sein de l’entreprise, historiquement fort, a été capable de les négocier avec les représentants patronaux, mais aussi avec l’État, qui a commencé à se montrer réticent à octroyer des prépensions anticipées dès la fin des années 1990. Rappelons qu’en Belgique, à travers la loi Renault de 1998, les organisations syndicales sont un acteur des négociations qui suivent l’intention de l’employeur d’effectuer un licenciement collectif.

La tendance est cependant bien à une perte de pouvoir de négociation à l’échelle de l’entreprise. Particulièrement, l’internationalisation progressive de l’entreprise – avec le rachat par le groupe Usinor en 1998, le groupe Arcelor en 2003 et puis ArcelorMittal en 2006 – met à mal les leviers d’action historique de la concertation sociale en entreprise. C’est un phénomène que l’on observe dans les transformations de la structure de l’entreprise de manière générale : la concertation sociale en entreprise est mise à mal par différentes stratégies patronales. Avec l’éloignement des centres de décision, les syndicats font face à un patron absent qui préfère contourner la concertation sociale. De plus, avec l’internationalisation de la concurrence et des choix de localisation des investissements, les syndicats sont contraints de faire des concessions pour la sauvegarde de l’emploi.

Cela est particulièrement visible si on considère l’évolution des conditions dans lesquelles les travailleurs qui restent continuent à travailler et qui ont été très bien étudiées par Cédric Lomba18. Un double mouvement s’est opéré à l’occasion des restructurations : la réduction des emplois stables et protégés du « cœur » de l’entreprise et le développement d’une « périphérie », composée de sociétés sous-traitantes et de contrats intérimaires et à durée déterminée. C’est marquant si on regarde les parcours dans l’entreprise d’un point de vue générationnel : les travailleurs qui rentrent avant le rachat par Usinor en 1998 ont un parcours dans l’entreprise caractérisé par la sécurité d’emploi, la possibilité d’une mobilité interne choisie, l’aspiration à travailler « à vie » à Cockerill et davantage de protections face aux restructurations. Pour ceux qui rentrent après cette date, leur parcours dans l’entreprise est caractérisé par davantage de précarité, un cumul de contrats temporaires sur plusieurs années, une mobilité contrainte et moins de protections face aux restructurations.

Mais les restructurations, parce qu’elles bousculent des trajectoires de vie individuelles et familiales, des aspirations, des compromis entre les travailleurs et l’employeur, sont aussi des expériences de politisation et des moments importants de conflictualités sociales. Le niveau de conflictualité dans cette entreprise a certes diminué au fil du temps et s’est ritualisé, mais il est resté plus élevé qu’ailleurs. Le niveau d’affiliation syndicale n’a pas non plus été impacté par les restructurations. Cela peut être expliqué par différents facteurs, mais on peut constater qu’une culture syndicale s’est maintenue dans l’entreprise ( et s’est transmise, du moins en partie, aux ouvriers de la périphérie ) grâce au rôle joué par de nombreux militants syndicaux.

Historiquement, la culture syndicale qui s’est développée dans l’entreprise a été caractérisée par la présence de militants radicaux à gauche de l’aile socialiste de la FGTB. Les militants communistes, et puis les militants proches ou membres du PTB, ont continué à conférer au syndicalisme un caractère offensif19. Bien sûr, il y a de nombreux conflits entourant les délégués et les permanents syndicaux, leurs stratégies, leur travail et leurs décisions. Mais ce sont précisément ces conflits sur la légitimité et la définition du rôle des syndicats qui attestent de l’importance du fait syndical parmi les ouvriers, ainsi que de l’attachement à ce qu’il soit un lieu de débats et de démocratie.

Le syndicat, même dans ce contexte, reste donc un acteur de politisation important. Je l’ai également observé au sein de la cellule de reconversion mise en place pour les travailleurs licenciés d’ArcelorMittal. D’anciens délégués syndicaux étaient recrutés au sein de la cellule de reconversion en tant qu’ « accompagnateur social », une fonction les amenant à appuyer des demandes de formations, à fournir des informations ( sur les entreprises qui recrutent par exemple ), ou à donner un soutien administratif aux travailleurs sommés de retrouver un emploi. À travers cette fonction, les anciens délégués syndicaux ont continué à politiser les travailleurs ( par exemple en dénonçant la chasse aux chômeurs ) et à les mobiliser. Ce fut notamment le cas lorsqu’ils mobilisèrent les travailleurs partis en prépension contre la réforme du régime de chômage avec complément d’entreprise en 2015. Cela montre l’importance du maintien d’une présence syndicale après la perte d’emploi, susceptible de mobiliser un collectif de travail et de créer éventuellement un rapport de force ou, du moins, d’encadrer le ressentiment des travailleurs, voire leur colère, après la perte d’emploi.

Justement, ce ressentiment, cette colère, comment cela s’exprime ?

Les ouvriers n’adhèrent pas aux discours de justification de l’entreprise consistant à présenter les restructurations comme une nécessité, mais au contraire s’indignent et dénoncent le capitalisme sauvage et prédateur d’ArcelorMittal. On retrouve parmi les ouvriers interrogés un sens spontané des antagonismes de classe, une forte distinction entre deux camps. Ils ont une conscience assez claire que l’accumulation et la concentration de la richesse dans les mains du patron et des actionnaires se font sur leur dos, par la dépossession de leur emploi.

Pour autant, cet « ultra-capitalisme » est souvent critiqué à partir d’une référence à un capitalisme plus « juste ». Leurs propos témoignent d’une économie morale du compromis fordiste, fondée sur le partage des gains de productivité et d’une redistribution des richesses qui rendrait possible une “ humanisation ” de l’entreprise contre les logiques de prédation du capitalisme financier. Il y a cette vision qu’une version plus redistributive du capitalisme telle qu’elle existait avant le virage néolibéral de la fin du XXe siècle ( welfare capitalism ) est la réponse la plus crédible aux processus de dépossession générées par le capitalisme globalisé et financiarisé. Cela s’exprime différemment selon les parcours des travailleurs et les effets de génération, mais il y a bien différentes versions de cet horizon hégémonique qui continuent à exister. Pour les travailleurs plus âgés, cela peut se traduire dans une nostalgie pour l’ancienne entreprise Cockerill, vue a posteriori comme respectant davantage les ouvriers et où ils avaient plus leur mot à dire ( ce qui est bien sûr discutable, surtout si l’on considère qu’elle était notamment dans les mains de la Société générale de Belgique, groupe financier central de l’économie capitaliste belge et de l’exploitation coloniale au Congo ).

Parmi les travailleurs d’ArcelorMittal , nous remarquons un sens spontané du conflit de classe et une forte distinction entre deux camps.

Pour les travailleurs plus jeunes, ce welfare capitalism est un horizon plus incertain auquel ils ont du mal à se rattacher, notamment parce que leur parcours est davantage caractérisé par la précarité de l’emploi et par des conditions d’existence plus dures. Toutefois, les imaginaires politiques exprimés montrent que l’horizon de l’entreprise capitaliste est difficile à dépasser. Suivant Mandel, on peut y voir le résultat d’un anachronisme entre le cycle économique et le cycle de la lutte de classes, la conscience de classe résultant de la période précédente20. Ainsi, par exemple, dans la proposition d’alternative à la fermeture qui avait été proposée par les organisations syndicales – qui n’a pas été retenue –, le modèle d’entreprise défendu est un modèle privé-public régionalisé, avec un pouvoir renforcé de l’acteur syndical en son sein.

Significativement, cette entreprise devait s’appeler Cockerill …comme un symbole du capitalisme industriel précédent. En somme, ce que montre donc mon enquête sur la conscience de classe, ce n’est pas tant une perte de lecture d’un antagonisme de classes que la difficulté de se projeter dans un projet de société alternatif. Pour autant, cette adhésion à l’économie morale sociale-démocrate n’est pas figée, mais reflète un moment particulier de l’histoire et des conflictualités. Dans un contexte de poursuite d’attaques sur le travail, cette adhésion pourrait bien se fissurer et évoluer vers des radicalités nouvelles.

Vu le contexte politique actuel, que retires-tu de ton enquête pour élaborer une vision du monde en rupture avec celle de la classe dominante ?

Je dirais deux choses. D’une part, il y a un intérêt à développer des enquêtes sur la conscience de classe afin de mieux appréhender les préoccupations des travailleuses et travailleurs et leurs visions du monde économique, y compris dans des secteurs d’activités et des situations de travail où l’acteur syndical est bien moins présent que dans le secteur de la sidérurgie. C’est en prenant pour point de départ les critiques, mêmes discrètes, les résistances déjà là, que l’on peut rendre compte d’une autre parole sur le travail et élaborer un projet politique qui n’ignore pas les consciences de classes actuelles. D’autre part, c’est peut-être banal mais, il me semble que mon enquête montre l’importance pour les individus de pouvoir se projeter dans un horizon social et politique clair.

Pour expliquer le succès de la droite et la défaite de la gauche, Thierry Bodson, à la radio, avait ainsi mentionné le fait que le PS avait un catalogue de revendications, mais pas de projet de société clairement identifiable. Face à la nouvelle hégémonie des droites, c’est une hégémonie de gauche, résolument engagée dans un référentiel ambitieux et ancrée dans les mondes du travail qu’il faut construire une hégémonie capable d’élargir les imaginaires politiques.

Footnotes

  1. L’emploi du masculin est ici utilisé pour rendre compte du genre des personnes interviewées , les ouvriers de la sidérurgie étant tous des hommes.
  2. Lomba Cédric , La restructuration permanente de la condition ouvrière : de Cockerill à ArcelorMittal. Editions du Croquant , Vulaines sur Seine , 2018.
  3. La notion de classe ouvrière renvoie ici à la constitution d’une classe sociale en tant qu’acteur politique. Elle est synonyme de classe travailleuse ou de classe qui vit du travail , englobant l’ensemble des travailleurs actifs ou non actifs et non pas uniquement la catégorie d’ouvriers.
  4. Beaud Stéphane , Pialoux Michel , Retour sur la condition ouvrière : enquête aux usines Peugeot de Sochaux-Montbéliard , Fayard , Paris , 1999.
  5. Burawoy Michael , Conversations avec Bourdieu , Editions Amsterdam , Paris , 2019 ; Burawoy , Pour une récupération critique de Bourdieu , SociologieS , 2021. https://journals.openedition.org/sociologies/18007.
  6. Granjon Fabien , Bourdieu et le matérialisme marxien , Contretemps , 2016.
  7. Bourdieu Pierre , La double vérité du travail , Actes de la recherche en sciences sociales,. 89-90 , 1996.
  8. Dans la théorie de Bourdieu , la société est composée de champs sociaux différenciés ( le champ artistique , le champ juridique ou le champ politique par exemple ) qui fonctionnent de manière relativement autonome les uns par rapport aux autres , ont leurs propres enjeux et ressources.
  9. Bourdieu Pierre , Espace social et genèse des « classes» , Actes de la recherche en sciences sociales , 52 , pp.3-14 , 1984.
  10. Bourdieu Pierre , La délégation et le fétichisme politique , Actes de la recherche en sciences sociales , 52 , pp.49-55 , 1984.
  11. Bourdieu P. , La domination masculine , Seuil , Paris , 1998.
  12. Béroud Sophie et al. , En quête des classes populaires. Un essai politique , La Dispute , Paris , 2016.
  13. Voir par exemple Thibault Martin , Ouvriers malgré tout. Enquête sur les ateliers de maintenance des trains de la Régie autonome des transports parisiens , Raisons d’Agir , Paris , 2013 ; Eckert Henri , Avoir vingt ans à l’usine , La Dispute , Paris , 2006.
  14. Burawoy Michael , Erik O. Wright , Pour un marxisme sociologique , Les Editions Sociales , Paris , 2021.
  15. Thompson Edward , La formation de la classe ouvrière anglaise , Paris , Seuil , 2012 ; Thompson E. , Misère de la théorie : contre Althusser et le marxisme anti-humaniste , L’Echappée , Montreuil , 2015.
  16. Gramsci Antonio , Guerre de mouvement et guerre de position. Textes choisis et présentés par Razmig Keucheyan , La Fabrique , Paris , 2012. La conception du monde des classes opprimées est fragmentée. D’une part , on a des conceptions implicites qui s’expriment dans la façon dont on agit. Tant dans le travail que dans la lutte , la population laborieuse est renvoyée à elle-même , elle doit être solidaire. La conscience qui est comprise dans l’action est ce que Gramsci qualifie de « bon sens ». Par ailleurs , pour expliciter ces conceptions , on doit souvent faire appel à des concepts de la classe dirigeante. C’est ce que Gramsci appelle « la pensée quotidienne ».
  17. Hall Stuart , Identités et cultures : politiques des cultural studies , Editions Amsterdam , Paris , 2017.
  18. Lomba C. , La restructuration permanente de la condition ouvrière : de Cockerill à ArcelorMittal , op.cit.
  19. Piret Cécile , Comprendre l’émergence du PTB à Liège : penser l’héritage social-démocrate à partir du cas des ouvriers de la sidérurgie , Revue travail emploi formation , n°18 , pp. 69-84 , 2024.
  20. Stutje Jan Willem , Ernest Mandel , Un révolutionnaire dans le siècle , Editions Syllepse , Paris , 2022.