Plus grand parti en France après la Seconde Guerre mondiale avec jusqu’à un million de membres, le Parti communiste français fête ses 100 bougies. Les débats qui ont entouré la fondation de ce «parti des travailleurs pour les travailleurs» restent très actuels.
Il y a 100 ans, en décembre 1920, naissait le Parti communiste français (PCF). La fondation de ce parti n’est pas un évènement isolé. À la fin de la Première Guerre mondiale, dans toute l’Europe, y compris en Belgique, le mouvement ouvrier qui avait commencé à se structurer au 19e siècle se scinde en deux: les sociaux-démocrates (l’ancêtre du PS actuel en Belgique) et les communistes (tradition dans laquelle s’inscrit le PTB).
D’où viennent les partis socialistes actuels? Pourquoi des partis communistes ont-ils vu le jour? Quelles étaient (et sont encore) les points de désaccords entre socialistes et communistes? Pour répondre à ces questions, nous avons rencontré Julian Mischi, sociologue français, qui publie un livre à l’occasion du centenaire du PCF. Il nous fait remonter au début du 20e siècle, au temps de la Deuxième Internationale. Cette organisation, fondée en 1889, regroupait les partis ouvriers essentiellement européens et avait comme objectif de coordonner leur action. «Avec le développement du suffrage universel masculin, et des États-nations, les partis ouvriers se structurent à la fin du 19e siècle, explique ce spécialiste de l’histoire du PCF. Au temps de la Première Internationale de Karl Marx et de Friedrich Engels, il n’y avait pas de parti très fort ni réellement structuré. Le mouvement ouvrier s’appuyait sur des associations ou des syndicats».
Michaël Verbauwhede. La Deuxième Internationale marque la volonté d’unifier divers courants socialistes qui traversent les partis ouvriers de l’époque. Pourquoi et comment ces différents courants s’unifient-ils? Quel était le poids des ces partis dans la vie politique en Europe et comment voyaient-ils l’articulation du travail parlementaire et du combat pour le socialisme?
Julian Mischi. Les mouvements étaient très divers dans l’ensemble des pays. En France, par exemple, il y avait différents partis, comme le Parti ouvrier français de Jules Guesde. En paroles, il était le plus marxiste. Son organisation était relativement petite, mais très bien organisée. Il y avait aussi le Parti socialiste français, de Jean Jaurès, qui était beaucoup plus tourné vers l’action parlementaire. Il faut attendre 1905 pour que soit fondée la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), le parti socialiste qui est affilié à la Deuxième Internationale. L’unification est une injonction de la Deuxième Internationale. Pour elle, les partis doivent se structurer pour être plus puissants. Mais que ce soit en Allemagne, en Italie, en Belgique ou en France, il y a en leur sein différents courants avec une forte diversité idéologique.
Le Parti social-démocrate (SPD) devient le premier parti d’Allemagne dès 1912, en termes de suffrages recueillis. La SFIO devient le deuxième groupe à la Chambre française lors des élections législatives de 1914, avec 102 députés.
Officiellement, ces partis mettent toujours en avant «l’urne et le fusil». C’est-à-dire, à la fois le combat dans la rue et le combat dans les urnes. Mais en réalité, on voit qu’il y a un glissement. La SFIO est progressivement dominée par les parlementaires et leurs collaborateurs1. Et c’est le groupe parlementaire qui donne le «la» de ce qu’est, et de ce que fait le mouvement socialiste. Le parti en tant que tel est relativement faible. En réalité, il est fort par son groupe parlementaire. Le parti se structure très vite autour de ses élus et de la conquête d’une position importante dans le Parlement (ce n’est pas une spécificité française: ce sera aussi le cas du Parti ouvrier belge, du Parti travailliste au Royaume-Uni… NdlR).
Au début du 20e siècle, les dirigeants des partis socialistes prévoient le déclenchement futur d’une guerre au niveau européen. Quelle va être leur position à l’approche de la Première Guerre mondiale?
La Deuxième Internationale avait très rapidement mis en avant la lutte contre le chauvinisme, contre le militarisme. Dans les discours, on critiquait la course aux armements des gouvernements, leurs comportements bellicistes.
Il y avait bien une mobilisation contre les risques de guerre. Mais en réalité, la Deuxième Internationale est plutôt une instance internationale de coordination de différents partis nationaux. Elle a très peu de moyens, très peu de représentants et elle se contente souvent de diffuser des manifestes et des appels. Lorsqu’elle appelle à l’organisation de grands rassemblements, ce sont bien les partis nationaux qui dominent et qui ont une marge de manœuvre très importante. Ces partis ont progressivement structuré leur action politique dans le cadre de leur État-nation. Si bien que tous les appels contre la guerre de la Deuxième Internationale volent en éclats lors du déclenchement du conflit. Une grève générale ouvrière aurait dû être simultanément et internationalement organisée contre le conflit.
Donc, dès que la guerre est déclenchée, ces partis soutiennent la guerre. Que s’est-il passé? Comment le justifient-ils?
Au déclenchement de la guerre, les dirigeants socialistes français et allemands font bloc derrière leur gouvernement respectif au nom de la défense de leur nation. Et ce, quelques jours après qu’il y a encore eu des slogans contre la guerre, pour le socialisme international. Dès le 4 août, les députés français votent les crédits de guerre et répondent à l’appel à l’Union sacrée (l’union de toutes les forces politiques et religieuses) lancé par le président de la République Raymond Poincaré. Les socialistes vont entrer au gouvernement. Avec, notamment, Jules Guesde, une des principales figures du socialisme français, et Marcel Sembat, rédacteur à L’Humanité.
Pour les sociaux-démocrates, la défense de la nation est aussi une défense du socialisme contre l’envahisseur allemand.
Pour eux, cette défense de la nation est aussi une défense du socialisme dans le sens où ils disent défendre la nation issue de la Révolution française, de la Commune de Paris, contre l’envahisseur allemand. Ils s’opposent au militarisme et à l’impérialisme allemands, et c’est considéré comme une guerre défensive juste au nom des valeurs du socialisme et de l’Internationale. Du côté allemand, on tient un discours comparable.
Avant la guerre, les dirigeants socialistes défendent l’internationalisme, la solidarité, le socialisme… Des mots qui semblent bien creux lorsqu’ils rejoignent l’Union sacrée. Comment les ministres socialistes vont-ils agir au gouvernement pendant la guerre?
De chaque côté, il y a eu ce qu’on peut appeler une nationalisation des partis socialistes et du mouvement ouvrier. Progressivement, les intérêts des États-nations et de leur bourgeoisie nationale ont été incorporés au sein même des partis du mouvement ouvrier.
Le mouvement ouvrier s’était déjà divisé sur une base nationale lors de l’entrée des socialistes au Parlement. Par exemple, des lois sociales avaient été votées, lois qui favorisaient la distinction entre nationaux et étrangers, notamment pour le droit du travail. Progressivement, l’identité allemande, française ou belge est devenue prépondérante pour les socialistes dans leur manière de faire, si bien que le tournant de l’Union sacrée est vécu de manière assez naturelle par la plupart des dirigeants.
En fait, ils vont accompagner toute la censure et toute la répression de ce gouvernement. On le verra ainsi dans la répression des mutineries sur le front à la fin de la guerre2. Cette répression s’étendra aussi au mouvement ouvrier. Un cas marquant est celui des usines d’armement. Le ministre qui s’occupe de l’armement est le socialiste Albert Thomas, qui a intégré le gouvernement durant la guerre. Surnommé le «ministre des obus», il met en place un contrôle des milieux ouvriers puisqu’il y a des débuts de contestation dans les usines d’armement. Albert Thomas travaille en partenariat avec le patronat pour augmenter la productivité, pour aider et développer la discipline ouvrière. Progressivement, une opposition grandit et critique Albert Thomas en disant que le peuple souffre dans les tranchées ou dans les usines, alors que les chefs socialistes sont des planqués dans les ministères et dans les bureaux.
Les opposants à la guerre sont peu nombreux au début du conflit. Qui sont-ils? De quels milieux sont-ils issus?
Au départ, très peu de voix vont s’opposer à la dérive chauvine et à l’entrée en guerre. Ces voix minoritaires sont de plus censurées par les organisations ouvrières, que ce soit à la SFIO ou au syndicat CGT. Dans L’Humanité, il va y avoir un appui très fort au socialisme de guerre et à l’Union sacrée. Les socialistes français sont aussi interdits de participer à des réunions avec des socialistes allemands. Différentes initiatives sont prises au niveau international, notamment par les socialistes italiens qui, dans le pays, sont neutres.
Il y a aussi un certain conformisme dans la population. Donc, indépendamment du fait d’être socialiste ou pas, quand le pays entre en guerre, vu que tous les médias, que les chefs (même ceux qui semblaient les plus «radicaux», comme Jules Guesde) vont dans le même sens, il y a une évidence à prendre les armes contre l’envahisseur allemand. Il existe un élan populaire pour accepter l’entrée dans la guerre.
Les opposants à la guerre sont des syndicalistes minoritaires de la CGT, des militants anarchistes, quelques socialistes, des féministes. Ce qui est intéressant, c’est que ce sont des militants qui ne se rencontraient pas spécialement auparavant. Il y a une sorte de recomposition du mouvement ouvrier, notamment autour des syndicalistes révolutionnaires. Ça se fait souvent en lien avec des réfugiés politiques, notamment russes, très nombreux à Paris. Grâce à ces réseaux, des militants qui sont isolés dans leur organisation se rassemblent. Progressivement émerge l’idée de refonder une nouvelle Internationale et de redynamiser le mouvement ouvrier autour de valeurs internationalistes et pas autour de valeurs nationalistes.
Vous évoquez deux révolutionnaires dans votre livre: Rosa Luxembourg (Allemagne) et Lénine (Russie). Quel est leur rôle?
Ils ont une influence parce qu’ils sont insérés dans des réseaux internationaux. Lénine voyage en Suisse, en France, publie dans des journaux internationaux. Si leur influence est faible par rapport à la population, sur la masse de militants internationalistes par contre, ils ont une influence très forte. Ce qui fait leur force, c’est qu’ils raisonnent au niveau international en disant qu’il y a une «faillite de la Deuxième Internationale» (titre d’une œuvre de Lénine, NdlR) et qu’il y a besoin de ressourcer le mouvement ouvrier. Pour eux, la Deuxième Internationale est morte lorsque la Première Guerre mondiale a été déclenchée sans opposition de la part des dirigeants socialistes. Ils appellent donc à faire émerger une nouvelle structure internationale et surtout une révolution internationale. Selon eux, la sortie de la guerre passe par le fait que les différents peuples se mettent ensemble et se retournent contre leurs bourgeoisies nationales.
Alors que Lénine ou Luxembourg espéraient une révolution socialiste en Allemagne, car c’était le pays le plus industrialisé et avec le parti socialiste le plus puissant, c’est en Russie qu’elle va avoir lieu, en 1917. Comment cet évènement est-il accueilli ailleurs en Europe?
C’est un événement qui a eu une influence très forte. Il faut rappeler qu’il y a eu deux révolutions, d’abord une révolution en février, qui renverse le régime tsariste et qui impulse la constitution des soviets. Ce sont des conseils de délégués ouvriers et soldats qui appellent très vite à la paix. La seconde révolution a lieu en octobre et aboutit à la prise de pouvoir des bolchéviques qui étaient très actifs dans les soviets. Le gouvernement soviétique conclut un armistice, le traité de Brest-Litovsk, très vite après la révolution, en mars 1918.
Du côté français, il y a un engouement certain pour la révolution de Février au sein de la SFIO et de la CGT. On apprécie la fin du régime autoritaire du tsar Nicolas II d’autant plus que les Russes se maintiennent dans la guerre aux côtés de la France et du Royaume-Uni contre l’Empire allemand. Par contre, la SFIO et de la CGT se méfieront très fort du soulèvement d’octobre 1917. Cette révolution-là est plutôt mal perçue pour plusieurs raisons, mais notamment parce qu’elle signifie la fin de la participation des Russes à la Première Guerre mondiale. Pour la première fois, un pays important se retire du combat.
Pour les communistes, les parlementaires auront des comptes à rendre aux membres et ils devront défendre à l’assemblée des mots d’ordre discutés dans le parti.
Pour les opposants à la guerre, Octobre est vue de manière plus positive. D’autre part, grâce au pouvoir ouvrier au travers des soviets, la révolution d’Octobre va progressivement être vue comme la première révolution socialiste qui fonctionne. Mais, il faudra plusieurs années pour qu’il y ait un engouement fort autour de la révolution. Notamment, à partir de 1918-1919, lorsque la Première Guerre mondiale s’arrêtera et qu’il y aura un réengagement militaire international contre la Russie: des forces armées britanniques et françaises interviendront en Russie aux côtés des anciennes forces tsaristes (les «Blancs»), contre les «Rouges»3. C’est surtout à ce moment qu’un basculement se produira, même pour ceux qui n’étaient pas spécialement pour les bolchéviques au départ.
Comment va-t-on finalement aboutir à la scission de la Deuxième Internationale et à la fondation de la Troisième Internationale («Internationale communiste») en mars 1919?
Au sortir de la guerre, la question nationale («la défense de la Patrie») est mise de côté et la question sociale revient au premier plan. Il y a beaucoup de luttes contre la vie chère. Les anciens soldats qui retournent à la vie civile ont beaucoup de difficultés dans leur vie personnelle et à retrouver un emploi. Les syndicats et organisations socialistes françaises grossissent parce qu’elles se radicalisent. À partir de 1918-19, il y a aussi une répression très forte du mouvement ouvrier. Les grévistes sont réprimés en étant accusés d’être bolchéviques, pro-russes ou pro-allemands, même lorsqu’ils ne se mobilisent pas au nom de la révolution russe. Le mouvement des cheminots est particulièrement réprimé. Il y a plusieurs grèves très importantes en 1920 avec une répression très forte, et une révocation de 15000 cheminots. Au printemps 1920, l’idée d’un complot bolchévique contre la sûreté de l’État est créée de toutes pièces par le gouvernement. Cela aboutit à l’emprisonnement des principaux dirigeants syndicaux et socialistes de l’aile gauche.
Dans la plupart des pays, lors de cette période très conflictuelle de l’après-révolution russe, des scissions se produisent dans les organisations socialistes. Soit des courants minoritaires, révolutionnaires, internationalistes sont mis dehors. Soit ces courants partent d’eux-mêmes pour s’organiser de manière indépendante. Dans le cas français, il n’y a pas eu de scission jusqu’en décembre 1920. Lors du 18e Congrès de la SFIO, à Tours, la majorité (70% des délégués) choisit de rejoindre l’Internationale communiste, et de devenir la Section française de l’Internationale communiste (SFIC, ancêtre du Parti communiste français).
Le PCF rassemble environ le quart des suffrages sous la quatrième république de 1946 à 1958.
La scission est menée par la minorité qui refuse d’adhérer à l’Internationale communiste. Ce sont les socialistes les plus proches de l’Union sacrée du socialisme de guerre. En Allemagne, c’est plus sanglant. Les militants communistes s’étaient déjà séparés du SPD durant la guerre. Ils mènent une révolution en 1918-19. Elle est matée dans le sang. Les militants communistes sont assassinés, sur ordre du ministre de l’Intérieur, Noske, qui est un social-démocrate.
Quelles sont les grandes divergences entre les socialistes et ceux qu’on appelle désormais les communistes?
D’abord, les futurs communistes critiquent l’attitude des dirigeants socialistes lors de la Première Guerre mondiale. Au congrès de Tours, les délégués qui souhaitent rejoindre l’Internationale communiste veulent mettre de côté les social-chauvins, ceux qui ont compromis les valeurs socialistes pendant la guerre. C’est vraiment d’abord au nom du pacifisme et de l’internationalisme que se structure un clivage qui va se renforcer.
Mais ils critiquent aussi la participation de socialistes au gouvernement.
Les communistes critiquent le fait que les élus et les dirigeants n’ont pas rendu de comptes sur leurs actions aux militants. Il est question d’avoir un parti plus structuré, dans lequel le groupe parlementaire, mais aussi la presse, seront sous la supervision des militants et de la direction du parti. On imagine donc un parti «de type nouveau», où on aurait une discipline militante. Les parlementaires auront des comptes à rendre aux membres et ils devront défendre à l’assemblée des mots d’ordre discutés dans le parti. Ils ne seront plus libres de faire ce qu’ils souhaitent, mais ils devront porter la parole de manière plus collective. En plus, leurs profils vont évoluer. Avant la guerre, c’étaient essentiellement des avocats, des journalistes, des professions libérales avec un discours qui pouvait être assez radical. Mais en réalité, ils étaient issus de milieux sociaux assez privilégiés. À partir des élections législatives de 1924, de nouveaux profils vont émerger avec des parlementaires d’origine ouvrière.
Il y a une critique d’un embourgeoisement des dirigeants socialistes, point assez central dans la critique contre les «réformistes».
Ce qui gêne le plus les militants qui vont voter l’adhésion à l’Internationale communiste, ce sont les amitiés entre les chefs socialistes et les autres représentants politiques au sein du Parlement, amitiés qui ont progressivement abouti à la collaboration de classes. Au détriment de ceux qui ont été envoyés se battre sur le front. Leur style de vie, leur embourgeoisement, leur position sociale, leurs fréquentations: tout cela fait qu’ils sont devenus proches de la bourgeoisie qu’ils étaient censés combattre. Ces représentants politiques mais aussi syndicaux se sont progressivement détachés des luttes ouvrières, des conditions de vie des masses populaires. Ils ont fait de leur engagement un métier politique qui les empêche de voir la réalité du monde du travail. Ils se sont aussi embourgeoisés au niveau de leurs idées: ils se sont modérés. Ils ont gardé un discours qui pouvait être symboliquement virulent. Mais, dans leur choix, dans leurs pratiques de vie et dans leur engagement, ils se sont modérés. C’est ce refus des compromissions qui est mis en avant par tout un ensemble de militants.
Dans le PCF, il y a des élus qui parlent au nom de la classe ouvrière en étant issus.
C’est un point de clivage fondamental. Le mode de fonctionnement de l’organisation est le point de cristallisation des oppositions. Tant à la SFIO qu’à la CGT, beaucoup de syndicalistes révolutionnaires adhèrent au communisme pour remettre en cause la bureaucratie syndicale, la coupure progressive entre les dirigeants et la base militante. L’idée est de renouer avec une démocratie ouvrière et prolétarienne. Il faut qu’il y ait une discipline militante plus forte et que les parlementaires et la presse soient plus soumis aux collectifs militants.
Quant à l’opposition à l’adhésion à l’Internationale communiste, elle se base essentiellement sur le mode de fonctionnement de celle-ci: adhérer à l’Internationale communiste, c’est remettre en cause l’autonomie nationale du parti français et toute une tradition du socialisme français. Du côté de Léon Blum4 et de ceux qui refusent l’adhésion, il y a le refus de se soumettre à l’Internationale communiste, c’est-à-dire, selon eux, le refus que les bolchéviques russes aient leur mot à dire sur ce qui se passe en France, le refus d’une soumission du parti français qui ne serait plus alors que la section française de l’Internationale communiste.
D’autre part, le qualificatif de «réformiste» est rejeté par ceux qui refusent l’Internationale communiste. Albert Thomas ou Léon Blum estiment que la tradition du système français a toujours été d’être révolutionnaire dans les institutions, que la révolution se fait aussi par les réformes. Ils font référence au «réformisme révolutionnaire» de Jean Jaurès. Ils refusent que la ligne de partage se fasse entre réformistes et révolutionnaires. Pour eux, la ligne de partage passe entre ceux qui veulent une organisation démocratique pour le Parti socialiste et ceux qui veulent une organisation plutôt autoritaire et une soumission du parti français à l’Internationale communiste.
Comment va évoluer le PCF après sa fondation au Congrès de Tours?
Le PCF va petit à petit devenir un vrai parti de masse, un parti ouvrier en rupture avec le mode de fonctionnement de la SFIO. Il faut attendre un certain nombre d’années pour que le parti se structure autour d’une élite militante d’origine ouvrière. Pendant les années 1920 et au début des années 30, le parti est encore très faible. En fait, il décline continuellement alors que le Parti socialiste, lui, est en essor. Il faut attendre le milieu des années 1930 pour que le Parti communiste devienne un parti de masse très puissant. Il se renforce encore plus à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, grâce à sa participation à la résistance et à la Libération. Il rassemble environ le quart des suffrages sous la Quatrième République de 1946 à 1958. Dans les années 1970, c’est le principal parti de gauche en France.
Le PCF s’est construit dans différentes réalités françaises parce qu’il a su adapter son message à différents types de groupes sociaux. Il a été influent dans les régions ouvrières, dans les banlieues urbaines, mais également dans les campagnes, puisqu’il a eu une très forte influence auprès des petits paysans, car il défend la petite propriété familiale. Il y a une articulation de la lutte pour l’émancipation de la classe ouvrière avec d’autres types de luttes, que ce soit des luttes pour les droits des femmes, pour les immigrés, pour tout un ensemble de groupes opprimés. En France, l’engagement communiste a symbolisé la protestation contre la société capitaliste et a été une source d’émancipation individuelle pour de nombreuses femmes, pour des ouvriers, pour des enfants d’immigrés.
C’est donc un parti original dans le paysage politique français?
Oui, parce que c’est un parti qui est dirigé par des ouvriers, alliés à des intellectuels. En fait, c’est un parti assez représentatif de la population française. Les classes populaires y sont très bien représentées, à la base mais également chez les dirigeants. Depuis le milieu des années 1920, depuis qu’une élite ouvrière a été mise aux avant-postes, c’est un parti qui est plutôt dirigé par des ouvriers. Et ça, ça contredit les règles de fonctionnement ordinaires de la vie politique dans les démocraties libérales, où de manière très classique, ce sont les élites sociales et représentantes des classes supérieures qui dominent les assemblées nationales et les gouvernements. Il y a tout simplement une marginalisation des classes populaires, essentiellement les ouvriers et les petits paysans, qui sont exclues de la vie politique.
Le PCF va permettre à des ouvriers et à des paysans de contrebalancer cette domination de la bourgeoisie sur la scène politique et de devenir des porte-parole des mondes populaires. Alors que, souvent, des personnes parlent au nom des classes populaires sans en être issues, il y a ici des élus qui parlent au nom de la classe ouvrière en en étant issus. Ça, c’est une vraie originalité sur la scène politique.
Vous soulignez beaucoup ce point dans vos écrits. Pourquoi est-ce important? Quel rôle joue l’émergence de porte-parole issus des classes populaires?
À mon sens, ces porte-parole jouent deux rôles très importants. D’abord, le fait de voir des militants d’origine ouvrière prendre la parole crée une identification forte avec tout un langage populaire qui est valorisé. C’est directement opposé à la stigmatisation sociale qui s’abat sur les classes populaires. En général, on dit qu’elles sont incompétentes, qu’elles ne sont pas faites pour faire de la politique, qu’elles n’ont pas les ressources scolaires, culturelles. Là, il y a une lutte contre ce sentiment d’illégitimité sociale à faire de la politique. Cela a un impact fort sur la base des ouvriers et des paysans, impact qui les pousse à entrer plus facilement sur la scène politique. Deuxièmement, il y a aussi un impact très puissant sur ce que ces dirigeants ouvriers vont défendre. Le fait de venir du monde ouvrier, d’avoir connu le travail à l’usine, la répression, le fait d’être issu d’une famille ouvrière ou paysanne, d’avoir des frères ou des sœurs de cette condition, d’avoir subi une stigmatisation à l’école en étant enfant: toute cette socialisation, toutes ces conditions de vie jouent sur ce qu’ils vont défendre. Ils ont une sensibilité aux intérêts des classes populaires qui est forcément plus forte puisqu’ils en viennent. Il y a une radicalité plus forte qui est défendue par des militants issus des classes populaires.
Vous pointez aussi le caractère très féminin du PCF.
C’est de loin le parti le plus féminin des partis français. Je le mets en avant parce que c’est souvent oublié. Le Parti communiste français, en luttant contre la domination capitaliste, en luttant pour l’émancipation de la classe ouvrière, a aussi été un instrument de lutte contre la domination masculine. Il a été un solide outil d’émancipation pour les femmes. C’est le premier parti qui permet aux femmes de faire de la politique en France de manière massive. Il va d’ailleurs présenter des femmes sur ses listes lors des élections municipales et législatives durant l’entre-deux-guerres, alors qu’elles n’ont pas encore le droit de vote. Elles sont même élues à différents endroits et sont ensuite révoquées puisque c’est illégal.
Le PCF est un parti qui est dirigé par des ouvriers, alliés à des intellectuels. En fait, c’est un parti assez représentatif de la population française.
Dès que le droit de vote féminin est acquis à la Libération, c’est de loin le parti qui présente le plus de femmes aux élections et qui fait entrer les femmes au Parlement. Entre 1945 et la fin des années 1970, 50 à 70% des femmes à l’Assemblée nationale française sont des communistes. Et ce, alors même que le PCF affiche plutôt un certain conservatisme sur le plan de la morale. Après un afflux très fort de féministes radicales qui rejoignent le Parti communiste dans les années 1920, le PCF s’est en effet replié sur des valeurs plutôt conservatrices et familiales dès les années 1930. S’il y a une modération par rapport à ces discours féministes, ça n’empêche pas les femmes d’être assez à l’aise dans le Parti communiste et d’y être valorisées. Le parti va défendre le fait que les femmes ont le droit de faire de la politique autant que les hommes et leur donner les outils matériels pour le faire.
Beaucoup de commentateurs ont tendance à réduire le rôle du PCF. Pourtant, la vie des Français et Françaises est encore impactée aujourd’hui par la marque qu’a eue ce parti dans l’histoire politique française.
Le PCF a eu un rôle très important. Il a permis de grandes avancées sociales, par exemple en soutenant le gouvernement lors du Front populaire. Les acquis de 1936 doivent beaucoup aux pressions du PCF et de la CGT. Cela a abouti aux congés payés, à la réduction du temps de travail. Mais aussi en participant aux gouvernements, comme il l’a fait entre 1945 et 1947. Il participe alors à plusieurs gouvernements avec des ministres d’origine ouvrière, ce qui était vraiment très rare. Cela a permis à des militants d’origine ouvrière de se retrouver dans les plus hautes fonctions politiques en France. La Sécurité sociale est mise sur pied avec Ambroise Croizat, ministre communiste (et ancien métallo). Le statut de la fonction publique est créé avec Maurice Thorez5. Des avancées sociales se produisent parce que les communistes ont une influence sur le gouvernement ou parce qu’ils font peur puisqu’ils sont très puissants.
D’une manière générale, de nombreuses réformes sociales sont réalisées en Europe de l’Ouest après la Seconde Guerre mondiale pour répondre à la menace communiste. En fait, c’est une manière d’éviter une révolution communiste. Toutes ces réformes sociales sont donc aussi à mettre à l’acquis de la puissance des communistes. On peut estimer que pour les classes populaires, les communistes ont eu une influence très forte sur le type de législations prises par ces démocraties dites bourgeoises.
Pourtant, le Parti communiste français, qui est un parti des classes populaires comme on l’a vu, voit son influence diminuer parmi les ouvriers au tournant des années 1970. Est-ce dû à la désindustrialisation? Est-ce une évolution sociologique? Ou un choix plus ou moins conscient?
On assiste effectivement à un déclin de cette identité ouvrière, surtout à partir des années 60 et 70. On voit que les catégories ouvrières régressent dans les rangs militants au profit surtout des enseignants, des professions intermédiaires et des classes moyennes. C’est lié à une évolution politique: c’est la période où le PCF va défendre l’Union de la gauche et une alliance avec le Parti socialiste en vue de la participation au gouvernement. Dès ce moment-là, il y a beaucoup d’employés, de personnes qui travaillent dans l’animation socio-culturelle qui rentrent au PCF. C’est volontaire dans le cadre d’une ouverture politique, qui est aussi une ouverture sociologique.
Pourtant, les permanents et les dirigeants restent ouvriers et revendiquent toujours le fait que la classe ouvrière est prioritaire et qu’il doit exister un monopole du groupe ouvrier sur la direction. Mais, à y regarder de plus près, on voit bien qu’à partir de la fin des années 70, ces dirigeants ouvriers, même s’ils sont toujours d’origine ouvrière, sont «un peu moins ouvriers» que les générations précédentes. Ils ont été ouvriers pendant des périodes beaucoup plus courtes. Ils deviennent permanents beaucoup plus tôt, y compris au niveau local.
Pourquoi y a-t-il ce changement?
Il y a un essor électoral lors des élections municipales de 1977, suite à l’alliance avec le Parti socialiste. Beaucoup de mairies sont alors conquises. L’organisation se développe aussi très fortement à ce moment-là, avec beaucoup d’adhérents. Le PCF retrouve un niveau d’organisation très fort, comparable à celui de la Libération. Il y a donc besoin de beaucoup de cadres pour organiser ces nouveaux adhérents. La promotion se fait avec des jeunes militants qui ont peu travaillé dans la production, qui ont peu travaillé dans les usines. Il faut aussi rajouter à cela un début de désindustrialisation: beaucoup ont perdu leur emploi très tôt.
Donc, on voit que ce sont toujours des dirigeants ouvriers, mais des dirigeants qui ont été beaucoup moins ouvriers et qui n’ont pas ce passé de militant syndicaliste. Auparavant, beaucoup de permanents du parti le devenaient après avoir été viré de leur entreprise, après avoir participé à des conflits syndicaux durs.
Il y a un déclin numérique du groupe ouvrier. Mais ce qui est plus important, c’est que ce groupe ouvrier se déstructure. De plus en plus d’ouvriers ne travaillent plus dans les grandes usines où on pouvait militer de manière plus facile que dans les petites boîtes. Vous avez aussi affaire à un éclatement de ces classes populaires, à une diversification forte ainsi qu’à une féminisation du salariat. De plus en plus d’ouvriers travaillent dans les services, dans la logistique.
Le style de vie des ouvriers évolue également. Cela concourt à les éloigner de l’organisation communiste, mais aussi de toutes les organisations ouvrières, notamment des syndicats. Il existe une crise générale du mouvement ouvrier qui n’est pas propre au Parti communiste. Il y a des freins plus importants dans les milieux populaires pour s’engager, que ce soit dans les réseaux catholiques, socialistes, syndicaux ou communistes.
Quels sont plus concrètement ces changements dans le style de vie des ouvriers qui expliquent ce déclin de l’engagement?
Les ouvriers ne vivent plus nécessairement à l’endroit où ils travaillent, alors qu’auparavant, jusque dans les années 60-70, il existait une superposition entre le lieu de vie et le lieu de travail. Ça avait un rôle très important dans les sociabilités populaires, dans l’entre-soi, dans le développement d’une certaine culture ouvrière et qui permettait aux réseaux militants de s’ancrer dans cette culture ouvrière. Or là, il y a une séparation de plus en plus forte. Les ouvriers sont souvent exclus des agglomérations et ils vont dans les périphéries, soit même dans des régions rurales. Le lien entre résidence et travail disparaît petit à petit.
La massification scolaire a aussi un effet. Les ouvriers communistes des générations précédentes avaient souvent une scolarité courte qu’ils ont compensée dans un engagement communiste. Cet engagement militant leur permettait de poursuivre un travail culturel et de poursuivre un certain type d’enseignement. Car militer, c’est aussi faire un travail intellectuel sur l’écrit. Ils devenaient des intellectuels de parti tout en étant d’origine ouvrière.
Entre 1945 et la fin des années 1970, 50 à 70 % des femmes à l’assemblée nationale sont des communistes.
Une scolarité qui s’allonge, c’est aussi la diffusion de certaines valeurs sur la méritocratie, sur la compétition individuelle: cela a un rôle important dans le désengagement. Ces valeurs sont aussi diffusées par les entreprises, par la formation professionnelle. Cela casse des idéologies de solidarité. Tout un ensemble de dispositifs, comme un management agressif, vont diviser les collectifs ouvriers. Les entreprises fonctionnent de plus en plus avec des primes au mérite, une compétition interne. Alors qu’avant, il y avait plutôt une promotion interne à l’ancienneté, une démarche plus collective, dans laquelle on voyait l’intérêt de s’appuyer sur les syndicats.
Ce n’est pas tant le déclin numérique du groupe ouvrier que sa recomposition au sein des classes populaires plus diverses et qui sont en proie à des conditions de travail et de vie plus difficiles qui joue dans ce désengagement ouvrier.
Voit-on un retour de cet engagement ouvrier, voire d’une certaine «centralité ouvrière» au sein du mouvement communiste français ces dernières années?
Depuis la fin des années 2000, la direction du PCF réaffirme un souci d’ancrage spécifique dans les milieux populaires, en insistant sur l’importance de s’organiser dans les quartiers populaires et les entreprises. On observe un retour critique sur les transformations opérées depuis le milieu des années 90, durant lesquels les dispositifs de formation interne et une politique des cadres favorable aux catégories populaires ont été abandonnées. Par ailleurs, la vision classique de la classe ouvrière, industrielle et masculine, s’est élargie aux figures populaires et féminines des services. Cette attention se lit dans la composition des listes aux dernières élections, avec la valorisation de syndicalistes et militant.es de quartier.
Mais le déclin du PCF se poursuit car beaucoup reste à reconstruire, et les freins à l’engagement populaire sont nombreux. Les élections d’Abdel Sadi à la tête de la ville de Bobigny (54000 habitants) ou d’Azzédine Taïbi à Stains (40000 habitants) symbolisent les potentialités d’un communisme populaire qui se renouvelle à travers des figures issues de l’animation des quartiers et des mouvements migratoires récents. Le PCF, même affaibli, garde une base militante importante (près de 50000 adhérents) et hérite d’un lien aux classes populaires, qui fait largement défaut aux autres forces politiques de la gauche française, qui demeurent surtout investies par des catégories très diplômées.
Le contexte politique a-t-il aussi joué un rôle dans le déclin de l’engagement ouvrier, dans le PCF ou les syndicats?
L’offensive générale des forces néolibérales à partir des années 80 entraîne un contexte politique défavorable pour l’engagement ouvrier au sein du parti. Le Parti communiste est fragilisé par l’essor du Parti socialiste, essor qui se fait à son détriment. Le parti est aussi fragilisé dans les milieux ouvriers par ses participations au gouvernement. Le Parti communiste participe à un gouvernement avec les socialistes, entre 1981 et 1984. Or, en 1983, il y a le «tournant de la rigueur6». Des politiques néolibérales sont décidées et le PCF est associé à ce tournant puisqu’il reste au gouvernement. Il ne le quitte qu’en 1984. Et ça, ça a été très coûteux pour son lien avec les milieux populaires. Progressivement, il est associé aux socialistes qui appliquent des politiques néolibérales de remise en cause des acquis précédents. C’est encore renforcé en 1997, lorsque le PCF participe encore à un gouvernement avec les socialistes. Ce gouvernement de Lionel Jospin organise aussi des privatisations et revient sur des acquis sociaux. Du point de vue des milieux populaires, il y a une confusion dans le sens où le Parti communiste, auquel ils se sont identifiés, est difficilement séparé des socialistes. Or ces derniers sont perçus comme ceux qui ont remis en cause les acquis sociaux conquis notamment à la Libération.
Pourquoi étudier les cent ans du PCF aujourd’hui? Étudier l’histoire du Parti communiste français permet-il d’éclairer les débats politiques actuels, les luttes sociales actuelles?
Mon travail a beau être historique, il analyse également la période récente et vise à alimenter les débats du moment. On peut difficilement estimer que la lutte contre la monopolisation du pouvoir politique par la bourgeoisie, qui est au cœur du projet communiste, n’est plus d’actualité. La marginalisation politique des classes populaires s’est même renforcée depuis les années 80 avec la diffusion des idées néo-libérales partout en Europe. Or, comme l’a illustré la mobilisation des Gilets jaunes en France, les aspirations radicales au changement dans ces milieux n’ont pas disparu. Mais elles manquent de relais politiques. De ce point de vue, l’histoire du PCF et la conquête d’acquis sociaux en France soulignent l’importance d’arrimer le parti au quotidien des luttes menées dans les lieux de résidence et de travail. La forme du parti, à condition d’être bien articulée avec d’autres réseaux associatifs et syndicaux, demeure probablement un outil incontournable pour coordonner la lutte anticapitaliste.
Les communistes ont eu une influence très forte sur le type de législations prises par ces démocraties dites bourgeoises.
Se pencher sur l’histoire du communisme français implique aussi de s’interroger sur les logiques bureaucratiques des partis où le pouvoir se concentre dans les mains de quelques personnes. Le PCF a constitué un formidable outil d’émancipation individuelle mais il a aussi laissé peu de place aux voix discordantes. Face à cela, il paraît essentiel de se tourner vers des formes d’organisation non autoritaire: la liberté et la démocratie espérées pour la société future méritent d’être des impératifs déjà dans l’organisation elle-même.
Le défi pour une gauche de transformation sociale est de parvenir à construire un modèle
organisationnel facilitant l’entrée et la promotion des militants de tous les horizons sociaux sans pour autant étouffer la démocratie interne. Prétendre représenter des catégories dominées (femmes, racisés, travailleurs manuels, etc.) implique de promouvoir ces catégories elles-mêmes dans une organisation de lutte ainsi renforcée par des militants porteurs d’expériences variées de la domination.