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Contre la financiarisation de nos villes

Aline Fares

—26 juin 2024

Repenser à la crise financière de 2008 fait ressurgir quelques images marquantes: les files interminables devant les banques, les manifestations de gens en colère devant les tours de verre et des expulsions par millions, aux États-Unis et à travers l’Europe.

La crise financière de 2008 évoquait à la fois les agissements des banques, la façon dont on gère l’accès au logement dans une société capitaliste, mais aussi l’interconnexion entre la finance et notre vie quotidienne. Elle démontrait qu’il n’y a pas la grande finance internationale et ses traders d’un côté, et les habitantes et habitants lambda de l’autre, mais bien que les deux sont, malgré nous, imbriqués, et que les agissements des financiers ont des conséquences directes et néfastes sur nos existences – et notamment celles des personnes les plus précarisées.

Ce n’est pas un sujet nouveau, le marché du logement est historiquement lié au secteur bancaire. Mais, en même temps, de nouveaux acteurs sont apparus récemment sur ce marché et ont commencé à investir dans nos villes, à Bruxelles, Charleroi ou Anvers. Ils y investissent de plus grandes sommes ou s’engagent dans certains «segments» du marché, comme les logements étudiants, la colocation, les résidences pour personnes âgées ou les logements touristiques meublés. C’est pour comprendre l’arrivée de ces nouveaux acteurs et le développement de ces nouvelles pratiques, et en dénoncer l’impact, que l’on parle généralement de financiarisation du logement.

Les formes de financiarisation du logement

Historiquement, l’accès à la propriété individuelle, qui est une base sur laquelle s’appuient les politiques du logement en Belgique et les économies capitalistes en général, dépend du secteur bancaire par le biais des crédits hypothécaires. À de rares exceptions près, les personnes qui souhaitent (et peuvent) acheter un logement pour y habiter contractent un prêt auprès d’une banque. L’accès à ces crédits est soutenu par les pouvoirs publics de différentes façons: réductions d’impôts, primes, garanties publiques sur les prêts contractés, voire prêts publics via les fonds du logement. Pour les banques, ces crédits hypothécaires représentent 90% des prêts vendus à la population, le reste étant pour l’essentiel des prêts à la consommation ou des leasings de voiture. Le crédit hypothécaire représente donc une part conséquente de l’activité bancaire de base 1 Ce n’est pas la plus rentable, mais elle garantit aux banques une base de clientèle stable. C’est à partir de ces prêts qu’elles construisent la «fidélité» de leur clientèle, avec des crédits qui courent sur vingt, vingt-cinq ans. Pendant cette période, elles pourront vendre d’autres produits à leurs clients emprunteurs: assurances, comptes d’épargne, compte-titres, ou d’autres crédits. Là, on parle du lien entre secteur bancaire et propriété d’usage individuelle ou propriété occupante, c’est-à-dire l’accès à un logement pour y habiter, via la contraction d’un prêt.

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