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Choisissez l’avenir, choisissez le socialisme

Paul Cockshott

—25 mars 2020

Les évolutions en matière d’inégalité, démographie et ressources annoncent la chute du capitalisme. Le problème d’établissement de relations économiques socialistes n’est pas technique ou théorique, il est politique.

Le capitalisme a pour caractéristique principale d’être un système de classes. Il s’agit d’une forme de société structurée de façon hiérarchique, dans laquelle une classe supérieure de riches règne en maître. Comme toute société de classes, le capitalisme engendre l’inégalité et exploite la majorité des travailleurs. Lorsque l’inégalité et l’exploitation sont transmises de génération en génération, des classes émergent. Lorsque les riches transmettent leur richesse à leurs enfants et que ces derniers ont un accès privilégié à l’éducation et aux postes de direction, on assiste au développement d’une société de classes.

Classes et exploitation dans la société féodale

Jusqu’à il y a cent ans, les différences de classe se manifestaient ouvertement et sans gêne aucune, et les familles aristocratiques se targuaient de descendre de Charlemagne. Dans la société féodale, la hiérarchie entre les seigneurs et les paysans était déterminée par les relations dans la production agricole. L’exploitation de la paysannerie par les seigneurs était directe et brutale. Un seigneur possédait à la fois la terre et la main-d’œuvre, et les paysans étaient des serfs ou des métayers. Si la noblesse a pu maintenir sa mainmise économique, c’est grâce à ses capacités militaires et à sa détention sans partage des pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif. Son pouvoir économique reposait exclusivement sur les intérêts (rémunérés sous forme de travail, de biens ou d’argent).

Dans le capitalisme, les classes sont plus discrètes que sous le féodalisme mais non moins réelles.

Les serfs devaient travailler pour leurs maîtres sans rémunération et étaient liés à la terre. Le degré d’exploitation peut être exprimé sous forme d’un taux d’exploitation ou d’une part du travail (tableau 1). Le taux d’exploitation est le rapport entre la part du revenu du travail qui revient à la classe exploitante et la part revenant aux travailleurs. En Angleterre, au 11e siècle, environ 17 % de la population vivait du surplus de la production des agriculteurs. La part du travail des agriculteurs dans l’économie agricole était donc de 83 %, ce qui équivaut à un taux d’exploitation de 21 %.

Tableau 1. Estimation du taux d’exploitation en Angleterre féodale

Citadins

4.5%

Serfs

+ 12.3%

Autres

+ 0.7%

Vivant de l’excédent

= 17.5% (e)

Population productive

82.5% (p)

Taux d’exploitation en milieu rural 

21.2% (e/p)

À partir de la fin du 12e siècle, une partie de l’excédent s’est retrouvée sur les marchés urbains, ce qui a favorisé l’émergence de la bourgeoisie urbaine en tant que troisième ordre. Les villes produisaient des biens de consommation destinés à l’aristocratie. La société agricole, pour sa part, était toujours composée de communautés paysannes. L’inégalité régnait parmi ces communautés, mais jusqu’à la fin du 15e siècle, la répartition des richesses au sein de chacun de ces ordres –noblesse, clergé et bourgeoisie urbaine– est restée relativement faible. En revanche, les différences de pouvoir politique et juridique entre les ordres étaient très prononcées1. Au 14e siècle, la peste a causé une véritable catastrophe démographique, donnant lieu à une première crise de la féodalité. Face à la pénurie de métayers, les seigneurs ont tenté de sécuriser leurs revenus en imposant des taux d’intérêt plus élevés, provoquant par-là même d’importants soulèvements. C’est ainsi qu’a été brisé le monopole du pouvoir de la noblesse.

Deux développements importants se sont produits au cours de la période 1500-1800. Le féodalisme a évolué vers une forme d’État aux caractéristiques embryonnaires d’un État moderne, et des marchés nationaux ont progressivement fait leur apparition. Deux groupes spécifiques ont pu en tirer du profit : d’une part, les banquiers et les spéculateurs commerciaux, et d’autre part, la riche bourgeoisie. Le premier groupe a su tirer parti des secrets commerciaux et de l’art de la comptabilité pour lever des taux d’intérêts élevés sur les transactions commerciales2. De son côté, une partie de la bourgeoisie nantie s’est enrichie grâce à la spéculation foncière et à l’achat et la vente de toutes sortes de postes officiels et de privilèges fiscaux. Ces évolutions ont bouleversé les anciens rapports de production et de pouvoir politique. Les nouveaux propriétaires terriens bourgeois ont acheté des terres communes avec l’appui du pouvoir souverain, remplaçant les règles du droit coutumier qui régissait l’utilisation des terres par des droits de propriété absolus.

Ces changements économiques ont entraîné une disparité sans précédent en Europe occidentale entre, d’une part, une oligarchie de propriétaires terriens, de commerçants et de hauts fonctionnaires, et de l’autre, des agriculteurs et une population active prolétarienne3. Jusqu’au 17e siècle, les sociétés féodales se caractérisaient par une faible mobilité sociale, bien que le nombre absolu de nantis ait progressivement augmenté à partir du 16e siècle. À l’aube du capitalisme et de la montée des États modernes, l’inégalité et l’exploitation ont soudain pris des proportions très différentes.

Classes et exploitation dans le capitalisme

Dans le capitalisme, les classes sont plus discrètes mais non moins réelles. L’historiographie officielle du capitalisme décrit comment ce nouveau système de production allait détruire les États et créer une méritocratie plus démocratique. Deux importants économistes politiques du 19e siècle –John Stuart Mill et Alfred Marshall– ont fait naître le mythe du marché comme moyen d’amélioration au plan économique4. Le marché offrait à un travailleur la possibilité d’augmenter ses revenus. L’État moderne devait garantir une éducation solide et accessible afin que les meilleurs de la classe ouvrière et de la classe moyenne puissent être intégrés dans les cadres moyens politiques et économiques –cadres, fonctionnaires, journalistes, etc. Mais cette prédiction de mobilité sociale s’est-elle effectivement réalisée?

Plus récemment, le taux d’exploitation est de 78 %, soit près de quatre fois supérieur à celui de 1086.

Dans les registres des étudiants des prestigieuses universités d’Oxford et de Cambridge en Angleterre, véritable berceau du capitalisme (figure 1), figurent, aujourd’hui encore, des noms normands renvoyant à l’élite du début du Moyen Âge tels que Darcy, Mandeville, Montgomery, Neville, Percy. Le capitalisme et le libéralisme auraient dû apporter la démocratie et la mobilité sociale. Or les chercheurs relèvent que « la mobilité sociale après la révolution industrielle n’augmente pas avec l’essor des institutions sociales modernes telles que l’éducation publique, la démocratie de masse et la fiscalité redistributive »5.

Figure 1. Noms de famille rares de l’élite au Moyen Âge
Ces études montrent que les familles de l’élite du 12e siècle sont encore surreprésentées dans les meilleures universités d’Angleterre. Tirés du Domesday book.
( Normand), Inquisition Post Mortem. (IPM ), Actes et noms d’origine locative. Tendance à la baisse de leur présence à Oxbridge, par Gregory Clark et Neil Cummins. « Surnames and social mobility in England, 1170-2012 », Human Nature, 25( 4 ) : 517-537, 2014.

Les sociologues concluent, sur la base de l’étude des noms de famille de l’élite d’Oxbridge, que la persistance du statut d’élite familiale ne s’est pas réduite depuis l’époque féodale. Au fil des siècles, le pourcentage de la couche supérieure de la classe dirigeante qui a pu conserver son statut s’élève à 93 %, tandis que ce pourcentage est de 80 % dans le cas de la couche intermédiaire. Le degré de persistance est resté inchangé malgré l’industrialisation, la croissance démographique et la baisse de fécondité de la classe supérieure. Ce phénomène n’est pas spécifique à l’Angleterre. Une étude de la Banca d’Italia montre que les familles aisées de la Florence du 15e siècle ont une situation encore plus aisée aujourd’hui6.

Quelle comparaison peut-on établir entre l’exploitation sous le capitalisme et sous la féodalité? La figure 2 montre l’évolution de la part du travail dans les États-Unis capitalistes. Deux éléments retiennent l’attention. Tout d’abord, la longue tendance à la baisse : les travailleurs reçoivent une part de plus en plus réduite de ce qu’ils produisent. Chaque période de prospérité culmine à un point inférieur et est suivie d’une récession au cours de laquelle la part octroyée à la main-d’œuvre diminue encore davantage. Nous constatons également que, au cours de la meilleure période, à savoir les années 1950, ce pourcentage a reculé à 66 %, ce qui est nettement inférieur à ce qu’il était au début de la période féodale en Angleterre. Plus récemment, ce taux est retombé à 56 %. Cela correspond à un taux d’exploitation de 78 %, soit près de quatre fois supérieur à celui de 1086.

L’exploitation est la source ultime de l’inégalité sociale. Plus l’exploitation croît, plus l’inégalité entre les classes se creuse. Une part croissante du revenu national revient aux 1 % des plus riches alors que la moitié de la société s’appauvrit. Aux États-Unis, les 1 % les plus riches de la population reçoivent un cinquième du revenu total, tandis que la moitié la plus pauvre doit se contenter de 12,5 %. Une personne appartenant à la catégorie des 1 % est donc 80 fois mieux lotie qu’une personne appartenant à la moitié inférieure.

Figure 2. Déclin de la valeur ajoutée de la part du travail aux États-Unis, Bureau of Labour Statistics, États-Unis.
Les zones colorées indiquent les récessions, selon la définition du Bureau national de recherche économique (NBER).
Source : U.S. Bureau of Labor Statistics.

Ces chiffres ne présentent cependant qu’une vue partielle de l’affaire. Si, dans un premier temps, les travailleurs ne touchent qu’une fraction de ce qu’ils produisent, ils ne cessent par la suite de se faire gruger de manière répétée. Ils sont par exemple obligés de remettre entre le quart et la moitié de leurs revenus à un propriétaire. « En 2016, le loyer mensuel médian en Angleterre équivalait à 27 % du revenu mensuel médian. Autrement dit, un travailleur anglais devait débourser 27 % de son salaire mensuel pour un logement privé. À Londres et dans le sud-est, l’est et le sud-ouest du pays, les pourcentages étaient plus élevés. Dans l’ensemble, le loyer médian se situait entre 23 % dans le nord-est et 49 % à Londres. » (Housing summary measures analysis : 2016, Office of National Statistics)

Au cours des trente dernières années du capitalisme néoliberal, on peut parler d’une destruction de la population.

Ensuite, les banques viennent également soutirer leur part. Au Royaume-Uni, la dette moyenne des ménages dépasse 57.000£. Sur ce montant, 10.000£ correspondent à des dettes de cartes de crédit et à des achats de consommation. Du fait des taux d’intérêt élevés, 3,5 % d’un revenu est consacré au seul paiement des intérêts. Ensuite, il y a encore les impôts. Ceux-ci peuvent en partie être considérés comme un coût salarial social, cependant une part importante va à la défense des riches ou disparaît directement dans leurs poches. Ainsi, aux États-Unis, 54 % du revenu fédéral disponible est reversé au Pentagone. Près de 7 % des fonds sont consacrés au remboursement des dettes nationales.

Bilan démographique du capitalisme néolibéral

Au cours des trente dernières années, on peut parler d’une destruction de la population. Après avoir plongé la moitié de la population dans la misère et le désespoir, le capitalisme ne pourra plus assurer à long terme le potentiel d’emploi dont il est dépendant. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, on observe déjà les signes avant-coureurs d’une baisse de l’espérance de vie. Décès dus à l’intoxication, au suicide, à la cirrhose du foie –les maladies du désespoir font de plus en plus de victimes. (Figure 3)7.

L’intoxication est en grande partie due à la promotion de l’utilisation d’opiacés. L’East India Company le faisait déjà en Chine dans les années 1840; en 1895, Bayer vendait de l’héroïne en tant que « remède » contre la dépendance à la morphine et en 1995, Purdue Pharmacy a lancé de manière agressive l’Oxycontin sur le marché. Pour les entreprises, les toxicomanes représentent une source sûre de revenus. Les fabricants de drogues « légales » ouvrent la porte aux dépendances avec, dans leur sillage, le commerce de drogues illicites. Les profits sont blanchis par l’intermédiaire de banques ordinaires de la City de Londres, comme HSBC, une banque qui a réalisé d’importants bénéfices grâce au commerce de l’opium avec la Chine.

Figure 3. Hausse de la mortalité liée aux maladies du désespoir aux États-Unis.
Décès par 100 000 hab.,
 empoisonnements,
 cancer du poumon,
 suicides,
 maladies chroniques du foie,
diabète.
Les intoxications sont principalement dues à des surdoses, tandis que la cirrhose du foie est principalement due à l’abus d’alcool.

Deux tendances se dessinent. D’une part, une précarité croissante qui laisse de plus en plus de gens sur le carreau – travailleurs non qualifiés issus de familles socialement vulnérables, manquant totalement des connaissances ou des réseaux nécessaires pour survivre dans ce qui reste de l’État-providence. Ces personnes sont soit sans emploi, soit exploitées par le secteur intérimaire ou par toutes sortes de montages véreux dans l’économie de l’ombre. Il existe une autre catégorie de personnes ayant reçu une formation, possédant des compétences ou disposant d’accès aux réseaux, qui peuvent toujours obtenir un emploi régulier mais qui sont de plus en plus exposées aux mécanismes de l’exploitation. Le nombre d’heures à prester augmente, de même que les exigences de rendement. L’analyse de Marx concernant le lumpenprolétariat et l’exploitation absolue du travail sont à nouveau très actuelles.

Les grandes transitions économiques du passé sont liées à l’épuisement des ressources.

Ajoutons à cela l’industrie florissante de la dette et l’on obtient un cocktail explosif de facteurs de stress8. Ce n’est pas une coïncidence si des psychologues critiques établissent un lien entre les dépendances et les problèmes mentaux d’une part et l’inégalité croissante dans le capitalisme néolibéral d’autre part. Il existe un lien de causalité manifeste entre le manque de bien-être social sous le régime néolibéral et l’explosion des dépendances. La détermination biologique des individus à ingérer des opiacés, par exemple, n’est pas plus forte que par le passé, mais la psychopathologie du système fait que beaucoup d’entre eux prennent des substances pour affronter les difficultés quotidiennes. Ce n’est pas non plus un hasard si l’anorexie, les troubles de la personnalité, etc. ont pris leur essor et sont « combattus » au moyen d’une panoplie douteuse de produits psycho-pharmaceutiques9.

Figure 4. Évolution de la population Population (en milliers)
Europe de l’Est
Europe de l’Est hors Russie
Estimation basée sur les perspectives démographiques mondiales de l’ONU 2015.

Dans toute l’Europe socialiste, la population n’a cessé de croître jusqu’à la transition vers le capitalisme. À partir de ce moment, la courbe démographique a fortement baissé.

L’illustration la plus frappante des effets pathologiques du capitalisme sur la population est à trouver dans les anciens pays socialistes (voir figure 4). Alors que dans de nombreux pays capitalistes, les taux de natalité et de mortalité diminuent, la mortalité en Russie a fortement augmenté (voir tableau 2 et figure 5). C’est l’augmentation la plus drastique jamais enregistrée dans un pays développé en temps de paix. Elle concerne principalement les travailleurs non universitaires, c’est-à-dire les ouvriers et les agriculteurs; la mortalité au sein de l’intelligentsia est restée inchangée. Le même phénomène s’est ensuite produit au sein de la classe ouvrière blanche aux États-Unis, avec des causes similaires : le chômage de masse et la désindustrialisation10. La figure 6 permet de constater que tous les anciens pays socialistes ont connu une crise démographique. Le capitalisme en plein essor et la détérioration des conditions sociales qui s’en est suivie ont entraîné un déclin démographique dans toute la région.

Tableau 2. Les décès supplémentaires suite à l’introduction du capitalisme en Russie

Année

Décès (milliers)

Excédent par rapport à 1986

1986

1498

0

1987

1531

33

1988

1569

71

1989

1583

85

1990

1656

158

1991

1690

192

1992

1807

309

1993

2129

631

1994

2301

803

1995

2203

705

1996

2082

584

1997

2015

607

1998

1988

490

1999

2144

646

2000

2225

727

2001

2251

753

2002

2332

834

2003

2365

867

2004

2295

797

2005

2303

805

2006

2166

668

2007

2080

582

2008

2075

577

2009

2010

512

total

48388

12436

Figure 5. Évolution des taux denatalité et de mortalité en Russie
Évolution des taux de natalité et de mortalité en Russie sous l’ère soviétique et pendant la période post-Glasnost. Courbe de Bézier. La zone colorée désigne la période post-Glasnost.
Taux de natalité
Taux de mortalité

La hausse des taux de mortalité en Union soviétique doublée de l’effondrement du nombre de naissances entraîne une diminution de la population.11 La diminution de la part des salaires signifie qu’un seul revenu ne suffit plus à subvenir à une famille. Face à la pression croissante des études et du travail, et au manque de maisons familiales et de garderies abordables, les femmes remettent à plus tard ou renoncent définitivement à leur désir d’avoir des enfants. De plus en plus de personnes restent seules et perdent tout espoir de fonder un jour une famille. Ces tendances sont particulièrement marquées dans les pays où le capitalisme a été introduit brutalement, bien que le modèle de taux de natalité qui ne dépasse pas le nombre de décès se retrouve dans l’ensemble du monde capitaliste. L’impact le plus prononcé est observé au Japon, où 946.000enfants sont nés en 2017 contre 1,34million de décès, autrement dit une baisse de la population de 394.000personnes en un an. En 2018, la baisse devrait être de plus d’un demi-million. La figure6 montre comment cette évolution s’étend à toutes les sociétés capitalistes.

Figure 6
Japon, Europe de l’Est et Europe du Sud
Les courbes indiquent les ratios actuels et projetés de l’évolution démographique pouar 1.000 habitants par an. Un chiffre tel que -4 signifie donc que la population diminue de 0,4 % par an. (Estimation basée sur la base de données démographique des Nations Unies).

Dans le passé déjà, cette incapacité à maintenir le niveau démographique avait annoncé la chute de certaines sociétés de classe. L’Empire romain, par exemple, avait dû faire face à ce problème. Contrairement à l’économie féodale qui parvenait à maintenir sa population à niveau, le mode de production de l’Antiquité –fondé sur le servage– ne disposait d’aucun mécanisme interne permettant de maintenir ses ressources potentielles de main-d’œuvre12. Le système était alimenté par un afflux constant de prisonniers enchaînés. Selon Weber13, l’économie esclavagiste n’était en mesure de pallier ce déficit permanent que par le recours à des sources extérieures. Au cours des premiers siècles, lorsque la République puis l’Empire se sont étendus à travers l’Italie, l’Afrique du Nord, la Grèce, l’Asie mineure et une grande partie de l’Europe, les Romains faisaient des prisonniers de guerre.

À l’origine, le capitalisme urbain du Haut Moyen Âge était aussi gourmand de main-d’œuvre. Les villes moribondes aux économies capitalistes embryonnaires ne pouvaient exister que grâce à un approvisionnement constant depuis les campagnes.

Quand l’exploitation par les élites devient insoutenable, quand la population décline, une société entre en crise, et cela peut se manifester sous différentes formes. La chute du capitalisme ne sera pas un calque de la chute de l’Empire romain, ni de la grande crise européenne du 14e siècle. Mais les symptômes d’une crise imminente sont déjà visibles14.

Le rendement du capital est déterminé par le rapport entre le revenu total du capital (l’excédent économique) et le capital lui-même. Face aux profits engrangés par les flux monétaires, des millions de personnes consacrent leurs revenus à l’achat de biens. Étant donné que l’argent est un étalon à valeur variable, nous pouvons exprimer la marge bénéficiaire en termes réels comme suit :

le nombre de personnes travaillant pour produire l’excédent économique


le nombre d’années-homme que représente le stock de capital

Figure 7. Diminution du taux de profit réel au Japon.
Équilibre JPN filtré
Profit réel JPN filtré

La courbe continue montre l’équilibre marxien de la marge bénéficiaire pour une économie présentant le même taux de croissance de la population active et le même ratio d’accumulation que le Japon à l’heure actuelle. Le taux de profit réel suit l’équilibre marxien avec un décalage. Pour les conclusions, voir la note en fin de texte.

Si le stock de capital augmente plus rapidement que le nombre de personnes produisant l’excédent, la marge bénéficiaire baisse. Par conséquent, une accumulation rapide de capital avec une augmentation plus modérée de la population tend à réduire la marge bénéficiaire. Si la population stagne ou diminue, un taux de profit positif n’est plus compatible avec l’accumulation de capital. Ce phénomène s’est produit pour la première fois au Japon, un pays qui a traditionnellement un taux d’investissement élevé et où la stagnation puis la contraction de la population sont les plus prononcées (figure 7)15.

Conservatisme technologique

Une population active stagnante entraîne une baisse des profits et la baisse des profits est un frein à l’accumulation. Les classes dirigeantes tentent de pallier la pathologie de leurs sociétés en important de la main-d’œuvre. Elles reportent la conséquence prévisible d’un marché du travail exigu, à savoir l’augmentation de la part du travail. Cependant, une main-d’œuvre bon marché a également des conséquences économiques. Tant que la main-d’œuvre est bon marché et que l’accumulation est faible, il n’y a aucune raison d’investir dans des machines permettant d’économiser de la main-d’œuvre. Dans le monde capitaliste, la stagnation de l’accumulation et l’augmentation de l’exploitation vont de pair avec le conservatisme technologique. Ce qui entraîne un ralentissement général du taux de croissance démographique (figure 9)16. Le Royaume-Uni en offre l’exemple le plus parlant (figure 8). Dans ce pays, la croissance récente est entièrement attribuable à l’importation de main-d’œuvre bon marché17. Cette rupture dans la croissance technologique intervient juste avant une crise environnementale majeure qui augmentera considérablement les coûts réels de la main-d’œuvre pour de nombreux produits.

Figure 8. Croissance de la productivité de la main-d’oeuvre
Croissance de la productivité de la main-d’oeuvre
Moyenne mobile
Régression logarithmique

Avec l’exploitation croissante au Royaume-Uni, il devient de moins en moins rentable pour les capitalistes d’investir dans de nouvelles machines permettant d’économiser du travail. Cette croissance est due à l’utilisation inefficace d’une main-d’oeuvre plus abondante et moins chère.

Les grandes transitions économiques du passé sont liées à l’épuisement des ressources. L’émergence de l’économie agricole au Néolithique pourrait bien avoir été causée par l’extinction de la mégafaune mésolithique. À la fin du 18e siècle, une pénurie de bois pour la production de fer a entraîné un basculement vers le charbon. L’industrie avait besoin de machines à vapeur pour pomper l’eau des mines, et ces machines ont ouvert la voie au capitalisme industriel.

Un nouveau gouvernement socialiste devrait avant toute chose promulguer une loi interdisant l’exploitation.

Aujourd’hui, le capitalisme dépend lourdement des combustibles fossiles. Ceux-ci génèrent près de 90 % de l’énergie primaire mondiale, alors que la part de l’énergie nucléaire et des sources renouvelables a eu tendance à stagner, voire à diminuer ces dernières années. Près de 60 % de l’énergie produite est destinée à l’industrie et au commerce, 20 % aux transports et autant à l’usage résidentiel. Les seules alternatives éprouvées sont l’énergie nucléaire et l’énergie hydraulique. L’hydroélectricité est fortement liée à la géographie. L’énergie nucléaire est politiquement controversée et seul un nombre limité de pays peut faire construire ce type de centrales. En termes de coût de production d’électricité, elle peut déjà concurrencer le charbon18.

Les deux alternatives réalisables et en progression sont l’énergie solaire et l’énergie éolienne. Leurs prix ont considérablement baissé et aux États-Unis, elles peuvent déjà concurrencer le charbon si les coûts sont calculés sur l’ensemble du cycle de vie du système de production. Les deux dépendent du soleil et du vent, la production varie donc en fonction du lieu.

Figure 9. Croissance annuelle moyenne du Nord et tendance
Croissance annuelle (pondérée en fonction de la population)
Moyenne mobile sur quatre ans

L’utilisation des combustibles fossiles prendra fin avec l’épuisement des réserves de pétrole ou les efforts internationaux visant à les interdire. Si les modèles climatiques du GIEC sont corrects et si la tendance actuelle se maintient, des changements climatiques importants auront été amorcés d’ici là. Dans certaines régions du monde, les récoltes de denrées alimentaires de base pâtiront du stress thermique vers la fin du 21e siècle. « Les grandes régions agricoles telles que l’est de la Chine, le nord des États-Unis, le sud-ouest de la Fédération de Russie et le sud du Canada coïncident avec des hot spots ou zones sensibles au stress thermique. La production agricole est susceptible de diminuer considérablement dans les pays tempérés19. »

Le maïs, qui fait appel à un mécanisme de photosynthèse de type C4, pourrait être le plus touché. Celui-ci ne peut pas tirer parti des effets fertilisants de l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère au même titre que les céréales et le soja, qui ont une photosynthèse20 de type C3. Les rendements des récoltes vont diminuer et les prix des denrées alimentaires augmenter dans la mesure où les différentes cultures seront touchées. Dans les régions qui, à l’heure actuelle, dépendent fortement du maïs, les pénuries alimentaires peuvent être catastrophiques si des cultures alternatives ne sont pas trouvées. Dans des scénarios plus extrêmes avec une augmentation de la température de l’ordre de 10°, certaines zones pourraient même devenir totalement inhabitables. Dans un tel cas de figure, la majorité de la population actuelle ne pourra pas survivre, et encore moins l’agriculture. Mais même avant d’en arriver là, le rendement du travail aura fortement baissé car il fera fréquemment trop chaud pour travailler21.

Les modèles climatiques du GIEC sont peut-être erronés et les températures au sol sont peut-être moins sensibles aux concentrations de gaz à effet de serre que ce que l’on pensait22, mais même dans ce cas, l’augmentation exponentielle de l’utilisation du pétrole combinée à la baisse de sa production aura de sérieuses répercussions sur les différentes technologies sur lesquelles repose la société capitaliste :

Acier

L’acier est le matériau de base de la société capitaliste, cependant, de grandes quantités de CO2 sont libérées lors de la production. Tant que la réduction du minerai de fer par l’hydrogène ne deviendra pas techniquement réalisable, la disponibilité de l’acier sera limitée au recyclage de la ferraille dans les fourneaux électriques. Cela aura un impact majeur sur le prix de tout ce qui est fabriqué en acier : véhicules, bateaux, ponts, bâtiments, etc. L’aluminium peut le remplacer en partie, mais il est beaucoup plus cher et moins adapté à de nombreuses applications.

Béton

Depuis le milieu du 20e siècle, l’urbanisation est fondée sur le béton, or cette production libère également de grandes quantités de CO2. Par conséquent, son utilisation devra être réduite de manière drastique. L’alternative la plus évidente est la brique, mais pour la produire, il faut brûler du charbon. La pierre naturelle, le matériau de construction du capitalisme du 19e siècle, constituerait une solution acceptable, mais elle augmente nettement le coût de la construction.

Transport maritime

La machine à vapeur à triple expansion de la fin du 19e siècle et, plus tard, les moteurs diesel marins23 ont jeté les bases de la mondialisation capitaliste. Tous deux utilisent des combustibles fossiles. S’ils sont interdits, il faudra passer aux voiliers, aux cargos à propulsion nucléaire ou à l’ammoniac liquide comme combustible pour les turbines à gaz.

Comment pouvons-nous échapper au capitalisme?

La capacité du capitalisme en tant que moteur du progrès technique est telle que les préoccupations environnementales devront bientôt mettre un terme aux bonnes vieilles habitudes de l’industrie. Les économies capitalistes ne sont pas en mesure de financer la transition vers un avenir sans combustibles fossiles. La part du PNB investie dans les moyens de production diminue et une part croissante de l’excédent économique est consacrée à la consommation de produits de luxe et aux secteurs financiers improductifs.

Les pays capitalistes tentent de réaliser la transformation environnementale avec des incitations et des mécanismes de marché. En France, par exemple, des mesures libérales classiques ont été adoptées : Macron a fait taxer le diesel plus lourdement et a supprimé l’impôt sur la fortune, prétendument pour encourager la population à se tourner vers les voitures électriques et donner aux plus nantis la possibilité d’investir. En réalité, il a utilisé la protection de l’environnement comme prétexte pour dissimuler un transfert de ressources autrement brutal des pauvres vers les riches.

Imaginez un instant que l’on est dans le cadre d’une approche socialiste. Les émissions de CO2 ne peuvent que diminuer à mesure que le parc de véhicules existant est remplacé par un parc électrique, des quotas cibles annuels pour les nouveaux véhicules à moteur à combustion interne sont fixés, avec une élimination progressive de la production de nouvelles voitures diesel sur une période d’environ deux ans. Dans le même temps, le gouvernement commande des bus et des trams électriques et développe le réseau de fret ferroviaire pour remplacer complètement le transport par camion sur longue distance. Au niveau local, les marchandises sont transportées à leur destination finale par des véhicules électriques à partir des dépôts.

Tout cela n’a évidemment pas de place dans le cas d’entreprises privées de transport routier. En effet, les investissements nécessaires dans les réacteurs nucléaires, l’énergie éolienne, l’infrastructure ferroviaire seraient énormes, comparables uniquement au développement des économies d’État de la Chine et de l’Union soviétique, ou à la réorientation de l’État vers une économie de guerre aux États-Unis après 1941.

Les infrastructures de production de métaux devront également être modernisées. Une expansion majeure de la production d’aluminium est nécessaire. Dès que cela sera techniquement possible, la réduction du minerai de fer dans la production d’acier nécessitera l’utilisation d’hydrogène ionisé au lieu de coke. Cette conversion n’a, elle aussi, qu’un seul précédent : le développement rapide de l’industrie sidérurgique dans la Russie soviétique. Tous les navires alimentés par des combustibles fossiles doivent être remplacés par des voiliers modernes ou des navires équipés de turbines à gaz alimentées à l’ammoniac. La construction navale nécessitera une énorme quantité de main-d’œuvre et de matières premières pour ce tour de force.

Comment y parvenir dans une société où les réserves de main-d’œuvre se contractent? Cela ne peut se faire que par l’établissement de nouvelles relations économiques socialistes qui privilégient les véritables innovations permettant d’économiser du travail plutôt que d’économiser des coûts. La grande erreur de la pensée capitaliste est qu’elle exprime tout en termes financiers et ignore la différence entre le progrès économique réel et l’exploitation brutale. Ford ne se soucie pas de savoir si elle réduit ses coûts en employant 25 % de travailleurs en moins ou en délocalisant une usine dans un pays où les salaires sont 25 % moins élevés, pourvu que les coûts baissent.

Si les travailleurs étaient propriétaires de leur entreprise, il ne leur viendrait pas à l’esprit de réduire les coûts en se payant moins. Ils amélioreraient la rentabilité de leur entreprise coopérative en introduisant des innovations permettant de réduire la part du travail ou en faisant preuve de plus de sobriété dans l’utilisation de l’énergie et des matières premières. La transformation de l’ensemble de l’économie en un système de coopératives est une première étape dans la transition d’une économie monétaire vers une économie basée sur l’utilisation rationnelle du travail. Un nouveau gouvernement socialiste devrait avant toute chose promulguer une loi interdisant l’exploitation, stipulant que la valeur ajoutée d’une entreprise appartient à ses employés et que ses dirigeants doivent être élus. Ce serait toujours une économie de marché, mais au moins une économie sans exploitation. Pour la transition vers une société socialiste à part entière, deux autres étapes doivent être franchies : l’introduction d’une planification démocratique et le remplacement de l’argent par un système basé sur le temps de travail.

Dans une économie statique, cette transition est difficile, mais dans le contexte d’une restructuration à grande échelle visant à relever les défis environnementaux, la situation est différente. Les entreprises détenues par les travailleurs devraient adapter leurs processus de production afin de minimiser l’utilisation de combustibles fossiles et, plus généralement, de réduire leur empreinte écologique : il ne s’agit pas d’impératifs privés, mais d’impératifs sociaux. Les investissements supplémentaires devraient provenir de la fiscalité générale, et des subventions publiques devraient être accordées pour les nouvelles usines et les nouveaux équipements s’ils servent l’intérêt public. Le système industriel pourrait être intégré dans un plan global, étape par étape, éventuellement par l’intermédiaire des syndicats ouvriers. Avec les capacités actuelles des TIC, cela pourrait se faire beaucoup plus rapidement et plus précisément que sous le socialisme du 19e siècle, qui dépendait du calcul humain bureaucratique.

Un système socialiste dans lequel la richesse revient aux personnes qui la produisent permettra également d’écourter le temps de travail et donnera aux parents la confiance nécessaire pour mettre au monde une nouvelle génération. Les problèmes techniques et théoriques de l’abolition de l’économie monétaire capitaliste sont faciles à résoudre, les recettes sont connues depuis des années. Le problème est politique. Il s’agit de convaincre la population qu’elle sera gagnante directement et à court terme avec le socialisme.

Merci à Jelle Versieren pour ses quelques passages explicatifs et notes additionnelles.

Footnotes

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  4. Jelle Versieren, « Two Economics Tropes of Commodity and Capital Fetishism : Sensationalism and Monotony (1700–1900) », in History of Intellectual Culture, 1(11), 2016, pp.14-7.
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  8. Voir les différents chapitres de Tom Boland et Ray Griffin, The Sociology of Unemployment, Manchester, Manchester University Press, 2015.
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  10. Voir Anne Case et Angus Deaton, op. cit., et David Stuckler, Lawrence King et Martin McKee, « Mass privatisation and the post- communist mortality crisis : a cross-national analysis », The Lancet, 373(9661) :399-407, 2009.
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