Les opposants aux vaccins réclament un tribunal de Nuremberg 2.0 pour condamner la politique adoptée face à la pandémie pour crime contre l’humanité. C’est là un cas d’école d’une fake news juridique qui, au passage, banalise les crimes perpétrés par les nazis.
Un avocat peut et doit parfois faire preuve d’imagination.Mais il y a des limites. Si le droit n’est pas une science exacte, ce n’est pas non plus un art où la liberté est de mise. Au contraire, une certaine « rigueur » juridique s’impose. À l’origine de cet article, un appel de plus en plus fort en faveur d’un Tribunal de Nuremberg 2.0 visant à condamner la politique mondiale de gestion de la pandémie de coronavirus et sanctionner ses instigateurs et exécutants. Certaines personnes qui souffrent des mesures de pandémie ou les sceptiques et les opposants aux vaccins estiment qu’un tel procès serait une punition méritée pour les politiciens et les scientifiques.
C’est l’avocat germano-américain Reiner Füllmich qui a lancé l’idée dès le début du mois d’octobre 2020. Il se réfère explicitement aux crimes contre l’humanité, tels qu’ils ont été définis par les procès de Nuremberg au lendemain de la Seconde Guerre mondiale1. À partir du 12 octobre 2020, l’idée devient virale, avec un titre tapageur : « Urgent news! Organizers of COVID genocide will face a criminal tribunal! » 2.
L’avocat belge Michaël Verstraeten, président de « Viruswaanzin », appelle également à « poursuivre et juger tous les responsables », et ce dans le monde entier. Le 14 mars 2021, il évoquait lors d’un congrès des membres de « Viruswaanzin » un « procès international de Nuremberg » 3. Pendant ce temps, certains coronasceptiques s’impatientent. Depuis le début de la pandémie, les recherches « Nurenberg trials » et, désormais « Nurenberg trials 2021 » se multiplient sur Google 4.
Comparer les mesures avec le travail forcé dans les camps de concentration pour l’industrie de guerre allemande est aussi grotesque qu’inacceptable.
L’appel devient si pressant que même l’instigateur de cette initiative en vient à tempérer ses propos. Dans un entretien accordé au « Trueman Show » le 10 juin 2021, Reiner Füllmich dit :« Je suis d’avis qu’un jour peut-être, nous nous retrouverons dans une situation où il faudra mettre en place un tribunal international Corona. Une sorte de Nuremberg 2.0, mais nous n’en sommes pas encore là » 5. Que des professionnels, surtout des avocats, lancent et encouragent aveuglément une telle idée est aussi grotesque qu’inacceptable. Ils ne font même pas le moindre effort pour mettre de l’ordre dans toute la phraséologie liée à Nuremberg.
Lorsque l’on parle de Nuremberg 2.0, on fait inévitablement référence à Nuremberg 1, à savoir le tribunal militaire international qui a jugé en 1945-1946 les dirigeants politiques du régime nazi. C’est par là que je commencerai aussi. Je parlerai ensuite aussi du « procès des médecins de Nuremberg » et du « code de Nuremberg ». Nous verrons ensuite si l’on peut s’autoriser à comparer les crimes des nazis avec la politique de gestion de la pandémie. Enfin, je me pencherai sur le cadre juridique actuel des crimes contre l’humanité et, pour terminer, sur le rôle de Reiner Füllmich, coordinateur mondial autoproclamé de la résistance juridique aux mesures liées à la pandémie.
- 1 Le Tribunal militaire international de Nuremberg contre les dirigeants politiques du régime nazi
- 2 Le procès des médecins à Nuremberg
- 3 Le code dit de Nuremberg
- 4 Banalisation de l’Holocauste
- 5 Pas Nuremberg, mais La Haye
- 6 Reiner Füllmich, coordinateur de l’opposition juridique aux mesures de lutte contre la pandémie ou vendeur de vent ?
- 7 Conclusion
Le Tribunal militaire international de Nuremberg contre les dirigeants politiques du régime nazi
La réalité est qu’il n’y a et qu’il n’y aura toujours qu’un seul tribunal international de Nuremberg.
Ce tribunal s’est refermé le 1er octobre 1946 par la condamnation du premier accusé, Herman Göring, ainsi que d’un grand nombre d’autres dirigeants nazis. Les mesures prises dans le monde pour lutter contre l’épidémie de COVID ne sont pas comparables, même de loin, à ces crimes nazis.
Les accusations portées contre les dirigeants nazis étaient les suivantes 6 :
- Crimes contre la paix : planifier, préparer, lancer ou mener une guerre d’agression, etc. 7
- Crimes de guerre, à savoir toute violation des lois ou coutumes de guerre : meurtre, mauvais traitements ou déportation à des fins d’esclavage, etc. 8
- Crimes contre l’humanité : meurtre, extermination, esclavage, déportation et autres actes inhumains commis contre une population civile, avant ou pendant la guerre ou persécution pour des motifs politiques, raciaux ou religieux en lien avec un crime relevant de la compétence du Tribunal 9.
Le premier accusé, Herman Göring, a été condamné pour, entre autres, le « traitement spécial » infligé aux travailleurs polonais en Allemagne, les rafles de Polonais et de Néerlandais envoyés aux travaux forcés, et l’imposition d’une amende de 1 milliard de marks aux Juifs. En tant que commandant en chef de la Luftwaffe, il a exigé du chef SS Heinrich Himmler des esclaves pour ses usines souterraines de production aéronautique. Les prisonniers des camps de concentration devaient également être utilisés à ces fins.
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Les accusés du « proces de médecins » ont été condamnés pour avoir réalisé dans les camps de concentration des expériences avec l’eau de mer, le gaz moutarde et la congélation.
Ernst Kaltenbrunner était un autre de ces dirigeants clés, chef du Reichssicherheitshauptamt, l’Office central de la sûreté du Troisième Reich. Kaltenbrunner a été condamné pour avoir lui-même organisé l’exécution de prisonniers dans les camps et être en partie responsable de l’évacuation des prisonniers des camps de concentration. Beaucoup ont été liquidés pour éviter qu’ils ne soient libérés par les armées alliées. C’est sous le régime de Kaltenbrunner qu’a été adopté le « Kugel-Erlass », un décret prévoyant que les prisonniers de guerre évadés soient abattus. Tandis que Kaltenbrunner est à la tête du RSHA, la Gestapo et le SD continuent de tuer et de maltraiter la population dans les zones occupées, en recourant notamment à la torture et à l’emprisonnement dans des camps de concentration, généralement sur ordre de Kaltenbrunner. Tout ceci est documenté en détail dans le dossier officiel du Tribunal militaire international de Nuremberg10.
Les mesures de lutte contre le coronavirus ne peuvent en aucun cas être comparées à la planification d’une guerre d’agression ou à des crimes de guerre, qui ont été jugés lors du procès militaire international de Nuremberg.
Des crimes contre l’humanité alors ? Les adeptes d’un Tribunal de Nuremberg 2.0 affirment que les mesures contre le coronavirus ont un impact dévastateur sur la santé publique et l’économie mondiales, d’une ampleur telle qu’elles peuvent être définies comme des crimes contre l’humanité. Ils parlent ensuite de mesures telles que le confinement, les masques, les tests, la distanciation « sociale » et la quarantaine, qui seraient aussi « criminelles » que l’esclavagisme, le travail forcé dans les camps de concentration pour l’industrie de guerre allemande, les mauvais traitements, les tortures, le meurtre de la population dans des territoires occupés 11.
Le procès des médecins à Nuremberg
En ce qui concerne l’aspect spécifiquement médical des mesures Covid (vaccination), la référence à Nuremberg ne se justifie pas non plus.
Il y a effectivement eu un « procès des médecins » à Nuremberg, qui ne faisait pas partie du tribunal international, mais s’est déroulé devant un tribunal militaire américain 12. Ce procès de Karl Brandtxiii xiv et d’autres personnes s’est clôturé le 20/08/1947 13 14. Les accusés ont été condamnés pour avoir réalisé des expériences dans les camps de concentration de Dachau, Natzweiler, Ravensbrück, Sachsenhausen, Buchenwald, Auschwitz, donc sur des personnes privées de liberté. La plupart de ces expériences ont servi à l’armée allemande et à l’effort de guerre allemand.
On parle notamment :
- D’expériences de congélation. pour le compte de l’armée de l’air allemande, afin d’étudier le moyen le plus efficace de traiter les personnes en hypothermie grave ou congelées ;
- D’expériences sur le gaz moutarde pour étudier le traitement le plus efficace des blessures causées par le gaz moutarde.
- D’expériences sur le sulfanilamide. pour étudier l’efficacité de cette substance. Des blessures ont été infligées aux sujets, puis infectées par des bactéries telles que le streptocoque, la gangrène gazeuse ou encore le tétanos. Leur circulation sanguine a été bloquée en ligaturant les vaisseaux sanguins aux deux extrémités de la plaie pour créer un état similaire à celui d’une blessure subie sur le champ de bataille. L’infection a été aggravée en introduisant des copeaux de bois et de verre broyé dans les plaies. L’infection a ensuite été traitée avec du sulfanilamide et d’autres médicaments pour déterminer leur efficacité.
- D’expériences avec de l’eau de mer. Des expériences ont été menées pour le compte de l’armée de l’air et de la marine allemandes afin d’étudier les différentes méthodes permettant de rendre l’eau de mer potable. Les sujets ne recevaient aucun autre aliment que de l’eau de mer traitée chimiquement.
Tout ceci est également documenté en détail 15. Ici encore : qu’est-ce que l’aspect médical de la lutte contre la pandémie de Covid a à voir avec les crimes condamnés dans le cadre du procès des médecins de Nuremberg ? Les défenseurs du Tribunal de Nuremberg 2.0 affirment que les médecins nazis ont été condamnés pour avoir mené des expériences. Partant du principe que la vaccination est également une « expérience », ils en concluent que les médecins et le personnel médical qui collaborent à la vaccination sont des criminels. La réalité des expériences nazies menées dans les camps de concentration illustre clairement l’absurdité de cette « logique ».
En outre, le droit de porter atteinte à l’intégrité physique des patients est inhérent au métier des médecins et des professionnels de la santé, sinon ils seraient passibles de sanctions en cas d’accidents et de blessures au cours de toute procédure médicale importante, ce qui rendrait tout bonnement impossible l’exercice de la profession médicale. Aucun médecin ne pourrait retirer un appendice, aucune infirmière ne pourrait pratiquer la respiration artificielle sur une personne inconsciente, …
Ce qu’il faut souligner, et c’est important, est que le verdict du procès des médecins de Nuremberg reconnaît que « certains types d’expériences médicales sur l’être humain, quand elles sont inscrites dans des limites raisonnablement bien définies, sont conformes à l’éthique de la profession médicale en général. Les protagonistes de la pratique de l’expérimentation humaine justifient leurs vues sur le fondement de ce que de telles expériences produisent des résultats pour le bien de la société, qui sont impossibles à obtenir par d’autres méthodes ou moyens d’étude. Tous s’accordent, quoi qu’il en soit, sur ceci que certains principes fondamentaux doivent être observés afin de répondre aux notions morales, éthiques et légales ».
Le « Code de Nuremberg » n’est devenu viral qu’à partir du moment où le plan de vaccination a commencé à se concrétiser.
Or, le verdict indique que « les principes de base n’ont pas été respectés ». Il relève également que « un grand nombre des détenus de camps de concentration, qui furent victimes de ces atrocités étaient des citoyens d’autres pays que le Reich allemand. Ils étaient des nationaux non allemands, incluant des Juifs et des « asociaux » (…) qui avaient été emprisonnés et forcés de subir ces tortures et barbaries sans même un semblant de procès (…). Les expériences furent (…) conduites au hasard, sans raison scientifique précise, et dans des conditions matérielles révoltantes. Dans chacune de ces expériences, les sujets subirent une douleur ou une torture extrêmes, et dans la plupart d’entre elles, ils souffrirent de
lésions permanentes, de mutilation ou moururent du fait des expériences, directement ou à cause de l’absence de soins de suite appropriés. À l’évidence, toutes ces expériences (…) furent conduites au mépris absolu des conventions internationales, des lois et coutumes de la guerre, des principes généraux du droit pénal tels qu’ils dérivent des lois pénales de toutes les nations civilisées » 16.
Le code dit de Nuremberg
Ceux qui sont favorables à un Tribunal de Nuremberg 2.0 estiment que la campagne de vaccination est une expérience médicale qui est donc punissable en ce sens qu’elle violerait le « Code de Nuremberg ».Le « verdict des médecins » a établi que les expériences sur les humains ne sont pas interdites dans l’absolu, mais que certains principes de base doivent être respectés. Les juges du procès des médecins de Nuremberg ont été amenés à réitérer ces principes en réponse à la défense Les médecins inculpés avaient en effet invoqué leur « droit » de mener des expériences.
« La communauté juive est choquée par le comportement de nombreux citoyens qui, depuis le début de la pandémie de coronavirus, s’assimilent à des victimes de la Shoah. »
Pour réfuter cet argument, l’arrêt a édicté 10 principes fondamentaux, tels que « le consentement volontaire, le fait que l’expérience produise des résultats avantageux pour le bien de la société, impossible à atteindre par d’autres méthodes, q’elle soit conduite de façon telle que soient évitées toute souffrance physique et mentale non nécessaire, etc. Le « verdict des médecins », dans son intégralité, compte 896 pages. Les 10 principes de base tiennent sur une page et demie. Ils ne constituent donc qu’une partie mineure de la peine et ne constituent en aucun cas un code sur lequel se baser pour prononcer des sanctions. Les médecins n’ont pas été condamnés pour avoir violé le « code », mais pour crimes contre l’humanité.
Lors de ses premières apparitions, Reiner Füllmich n’a pas non plus mentionné le « Code de Nuremberg ». Ce mot n’est devenu viral qu’à partir du moment où le plan de vaccination a commencé à se concrétiser.
Les partisans du Tribunal de Nuremberg se trompent doublement dans leur comparaison.
- « La vaccination n’est ni une expérience médicale ni un essai scientifique clinique », précise Stéphanie Dagron, professeure à l’Université de Genève, spécialiste du droit international, européen et national en matière de santé, ajoutant « les vaccins qui sont aujourd’hui sur le marché ont reçu une autorisation préalable » 17.
- Par ailleurs, le code de Nuremberg n’est pas une loi pénale en vertu de laquelle vous pouvez être condamné, mais bien un ensemble de principes éthiques (à l’instar du Code de déontologie médicale de l’Ordre des médecins). Bérangère Taxil, professeure de droit international à l’Université d’Angers, dit très justement que « ces principes découlent de la jurisprudence, ils constituent l’éthique médicale élaborée par les médecins eux-mêmes, mais ne constituent pas un code au sens juridique du terme. Ils ne font pas partie des règles juridiquement contraignantes du droit national ou international » 18.
En bref, le code de Nuremberg n’a aucune valeur pour condamner la politique de gestion de la pandémie de coronavirus.
Banalisation de l’Holocauste
La référence au procès de Nuremberg a objectivement une double fonction :
- Mettre sur un même plan la « souffrance » des victimes du coronavirus et celle des victimes des nazis. Assimiler les opposants aux mesures sanitaires à des résistants héroïques.
- Assimiler les gouvernements qui mènent une politique de gestion de la pandémie de corona à des criminels nazis, qui méritent une punition sévère, voire la peine de mort.
Y a-t-il des lois contre ce genre de discours ? Le 27 janvier 2021 a eu lieu la Journée internationale de commémoration des victimes de l’Holocauste. Josepf Schuster, président du Conseil central des Juifs d’Allemagne, s’est indigné du fait que les manifestants portent une étoile jaune avec l’inscription « opposant à la vaccination » : « La communauté juive est choquée par le comportement de nombreux citoyens qui, depuis le début de la pandémie de coronavirus, s’assimilent à des victimes de la Shoah. (…) Le port d’étoiles jaunes ‘juives’ lors des manifestations contre les mesures corona revient à relativiser l’Holocauste, est provocateur et punissable. La police et les tribunaux devraient sanctionner de tels incidents de manière plus stricte » 19.
La Cour a jugé que la comparaison entre les Juifs dans des camps de concentration et les animaux vivant en captivité minimisaient grossièrement les souffrances endurées par les victimes juives durant l’Holocauste.
La Belgique dispose également d’une loi qui rend passibles de poursuites judiciaires : « quiconque nie, minimise grossièrement, cherche à justifier ou approuve le génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale » 20.
Un problème est que les partisans d’un Tribunal de Nuremberg 2.0 ne peuvent pas, à proprement parler, être jugés coupables de « nier, minimiser, justifier ou approuver le génocide de la Seconde Guerre mondiale ». Au contraire, ils mettent littéralement en lumière le génocide, mais il n’est pas certain qu’ils s’en sortent par cette pirouette tordue.
La Cour européenne des Droits de l’homme n’est pas tombée dans ce piège lorsqu’elle a statué dans les affaires Witschz 21 et Peta 22. Dans l’arrêt Witschz du 13 mars 2005, la Cour a noté que l’auteur n’était apparemment pas coupable de négation de génocide, mais qu’il affirmait que Hitler et le NSDAP n’en étaient pas coupables. Ce faisant, il a nié un fait historique et, selon la Cour, a fait preuve de mépris . envers les victimes de l’Holocauste.
L’arrêt du 18.03.2013 dans l’affaire Peta était dans la même veine. L’organisation de défense des animaux Peta a mené une campagne publicitaire utilisant des images de Juifs dans des camps de concentration. L’intention de l’organisation de défense des animaux Peta avec cette campagne était de faire une comparaison avec les animaux vivant en captivité. La Cour a jugé que les affiches minimisaient grossièrement les souffrances endurées par les victimes juives durant l’Holocauste.
Pas Nuremberg, mais La Haye
D’accord, laissons tomber l’idée d’un Tribunal de Nuremberg 2.0, mais des crimes contre l’humanité ont bien été commis, n’est-ce pas ? C’est ce que soutiennent ceux qui s’opposent aux mesures sanitaires et à la vaccination.
Un droit pénal international a effectivement été développé au lendemain de la Seconde guerre mondiale. La Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 était une réponse directe aux crimes perpétrés par les nazis. Il était nécessaire de créer un tribunal compétent pour les crimes contre le droit international. C’est ce qui a conduit à la création de la Cour pénale internationale de La Haye en 199823, reconnue par plus de 100 pays, dont la Belgique 24.
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La compétence de la Cour pénale internationale est « limitée aux crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale : génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre, crime d’agression » 25.
La notion de « crimes contre l’humanité » est précisée comme suit : « l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de l’attaque : meurtre, extermination, réduction en esclavage, déportation ou transfert forcé de population, emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international, torture, etc. »26.
Le Procureur de la Cour n’enquête pas sans motifs raisonnables. Et, même après enquête, la Cour peut déclarer une affaire irrecevable, par exemple parce qu’elle n’est pas suffisamment grave 27. Il ne suffit donc pas d’envoyer un dossier à la Cour pénale internationale pour que celle-ci ouvre une enquête, et encore moins un procès. Les avocats israéliens Ruth Makhacholovsky et Aryeh Suchowolski créent l’illusion que cela pourrait fonctionner.
Selon eux, la campagne de vaccination israélienne s’apparente à un génocide et constitue une violation du code de Nuremberg. L’avocate Ruth Makhacholovsky a déclaré à Israel News le 11 mars 2021 :« l’expérience de Pfizer dans l’État d’Israël a été menée en violation du code de Nuremberg, qui fait partie du droit pénal international et relève de la compétence du Tribunal de La Haye. Nous attendons maintenant une décision » 28.
Divers sites web et pages FB d’opposants aux mesures de lutte contre la pandémie se délectent de cette « breaking news ». Ils sont ravis. On dit dans ces milieux que la Cour pénale internationale de La Haye a « accepté » la plainte des avocats israéliens. Les opposants et les sceptiques à la vaccination clament que l’État d’Israël devra répondre de sa politique en matière de vaccination devant la Cour pénale internationale.
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Or, ces avocats ont deux problèmes. Tout d’abord, la vaccination ne relève pas de la compétence de la Cour pénale internationale, qui n’est compétente que pour les crimes les plus graves, génocide, crimes de guerre tels que le massacre d’une population civile, etc. Deuxièmement, il y a un monde de différence entre le fait que la Cour pénale internationale « accuse réception » d’une plainte et que la Cour pénale internationale « accepte » une plainte 29.
Le « nous attendons maintenant une décision » de l’avocate Ruth Makhacholovsky est pour le moins trompeur et explicitement contredit par le document officiel du 09 mars 2021 de la Cour pénale internationale elle-même. Ce document du Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale « accuse réception » des documents envoyés par les avocats et ajoute : « Veuillez noter que cet accusé de réception ne signifie pas qu’une enquête a été ou sera ouverte par le Bureau du Procureur ».
Reiner Füllmich, coordinateur de l’opposition juridique aux mesures de lutte contre la pandémie ou vendeur de vent ?
Reiner Füllmich, un avocat américano-allemand, se présente comme le « meilleur avocat », collaborant avec un millier d’avocats dans le monde entier pour traduire devant le « tribunal » le « pire crime contre l’humanité ». Il affirme depuis des mois que « c’est pour bientôt », mais on ne trouve pas ou peu de traces de son travail juridique concret.
On voit par contre pulluler les vidéos Youtube où il s’entretient avec des personnes partageant les mêmes idées, qu’il s’agisse d’avocats ou d’autres. Apparemment doué pour établir des réseaux avec des alliés de tous les continents, il fait ainsi figure de coordinateur mondial de la résistance juridique aux mesures de lutte contre la pandémie.
Cette renommée, il la doit aussi au fait qu’il aurait mis Volkswagen à genoux lors du « Dieselgate » (l’affaire dite du « logiciel trafiqué »). Une autoproclamation pour le moins douteuse, à en croire le Test-Achats allemand, qui, couvrant toute l’histoire juridique du Dieselgate, mentionne de nombreux avocats, mais pas une seule fois Reiner Fullmich30. Pire, même : une victoire inédite à la Cour suprême fédérale a bien été obtenue le 25 mai 2020, mais par l’avocat Claus Goldenstein 31.
Les aspirants avocats commencent par prêter le serment suivant : « je jure de ne conseiller ou défendre aucune cause que je ne croirai pas juste en mon âme et conscience ».
Le cœur de l’argument de Füllmich est que le test PCR n’est pas fiable et que, par conséquent, toutes les mesures de lutte contre la pandémie dans le monde se basent sur un test défectueux. Il va jusqu’à le comparer au logiciel de simulation de Volkwagen. Les petits et grands entrepreneurs qui ont été lésés du fait de ces mesures devraient donc être indemnisés par les responsables des mesures de lutte contre la pandémie. Pour y parvenir, il envisage un recours collectif qui sera déposé aux États-Unis et au Canada, mais pour participer à celui-ci, il faut d’abord s’acquitter de 800 euros (plus TVA). On estime que Füllmich a déjà collecté 1,3 million d’euros 32.
Entretemps, le tribunal de New York a rejeté un cas similaire contre le test PCR (qui n’émanait pas de Füllmich) 33. Füllmich reste assez flou sur la nature des cas qu’il compte soumettre. Ce recours collectif semble être avant tout une affaire d’indemnisation civile et non une affaire pénale, mais Füllmich parle du pire crime contre l’humanité, s’alignant ainsi clairement sur le récit de Nuremberg 2.0. L’« avocat de haut niveau » comme se présente Füllmich crée de la sorte de faux espoirs chez les opposants aux mesures de lutte contre la pandémie, qui lui font confiance à tort.
Conclusion
Toute cette histoire de Nuremberg 2.0 est un exemple typique de fake news juridique. Que faire par rapport à cela ? Sur le plan juridique, pratiquement rien n’est possible, dans la mesure où les coronasceptiques évoluent dans le cadre de la « liberté de penser » et de la « liberté d’expression ». Ces droits sont repris dans la Convention européenne des droits de l’homme en tant qu’articles 9 et 10 respectivement. Selon la Convention, ils constituent « la règle » et les restrictions à ces droits « l’exception ». Même lorsque l’exception est inscrite dans la loi, comme celle relative à la lutte contre le négationnisme, le juge, dans un cas concret, examinera l’exception à la lumière de la règle. Les affaires Peta et Witzsch mentionnées ci-dessus illustrent justement ce cas de figure. Avant de se prononcer, le juge européen a examiné les affaires Peta et Witzsch à la lumière des articles 10 (pour Peta) et 9 et 10 (pour Witzsch). Cela signifie également qu’interdire les fake news juridiques à titre préventif est pratiquement impossible.
Que faire lorsque d’aucuns font miroiter un Tribunal de Nuremberg et assimilent les mesures de lutte contre la pandémie à des « crimes contre l’humanité » ? S’il s’agit d’avocats et de juristes, c’est répréhensible. Ils diront toutefois qu’ils défendent les intérêts de leurs clients et se retrancheront derrière le « droit d’accès à la justice », qui est également inscrit dans le Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Tout ce que ces avocats risquent, c’est de perdre le procès.
Indépendamment de cela, il y a aussi des règles déontologiques. Les aspirants avocats commencent par prêter le serment suivant : « je jure de ne conseiller ou défendre aucune cause que je ne croirai pas juste en mon âme et conscience ». Ce sont des termes très subjectifs. On pourrait considérer toute le discours lié à Nuremberg comme une ecroquerie punissable par la loi. L’avocat Füllmich, par exemple, aurait reçu des avances substantielles de clients qui croient à son histoire. Cependant, la charge de la preuve incombe à la victime d’une escroquerie, qu’il n’est pas si simple de prouver. C’est la question de l’œuf et de la poule : qui a lancé le discours de Nuremberg 2.0 ? Le client ou son avocat ? En tout état de cause, c’est dans la sphère publique que se combattent les opinions contestables, et non au tribunal.
Footnotes
- Video 03/10/2020 en Transcript testimony Reiner Fuellmich
- What does Яков Джугашвили Argue and was a Lawsuit Filed against Coronavirus?
- Dossier Coronacrisis Vincent Merckx zo 14 maart 19:04 – Nauwe banden tussen groepen als Viruswaanzin en Artsen Voor Vrijheid: wie zit erachter en wat willen ze bereiken?
- Nuremberg Code from WWII has nothing to do with coronavirus despite bogus Facebook claims
- The Trueman Show #29 met Dr. Reiner Fuellmich /
- Trial of the major war criminals before the international military tribunal Nuremberg 14 november 1945- 1 october 1946. Published at Nuremberg, Germany 1947, Volume I Official Text in the English Language. Official Documents. Charter of the international military tribunal, p. 11, https://www.loc.gov/rr/frd/Military_Law/pdf/NT_Vol-I.pdf
- Artikel 6a van het Charter van het internationaal militair tribunaal
- Artikel 6b van het Charter van het internationaal militair tribunaal
- Artikel 6c van het Charter van het internationaal militair tribunaal
- Trial of the major war criminals before the international military tribunal Nuremberg, 14 november 1945 – 1 october 1946, published at Nuremberg,Germany, 1947; schuldigverklaring Göring, p. 279 e.v.; schuldigverklaring Kaltenbrunner, p. 291 e.v.
- Transcript testimony Reiner Fuellmich
- Dit lijkt misschien een detail, maar het doorprikt de demagogie van het “internationaal” Neurenbergtribunaal 2.0. Ter verduidelijking: er zijn meerdere processen gehouden tegen oorlogsmisdadigers. Met hét proces van Neurenberg bedoelt men het proces tegen de kopstukken van het naziregime, zoals Göring. Dat is het enige internationale proces dat gehouden werd door de geallieerden. Nadien hebben elk van de geallieerde staten nog talloze processen gevoerd tegen oorlogsmisdadigers. Zoals het “artsenproces” dat plaatsvond – weliswaar in Neurenberg – maar voor een Amerikaanse militaire rechtbank.
- Karl Brandt was de rijkscommissaris voor gezondheidszorg en gezondheid onder directe controle van Hitler. Hij was de hoogste medische autoriteit in het Reich. (zie Trials of war criminals before the Nuernberg military tribunals under control council law n° 10, Volume I, Nuernberg october 1946-april 1949 for sale by the superintendant of Documents, U.S. Government Printing Office, Washington 25, D.C. – price $2.75 (Buckram), p. 33 e.v.)
- Karl Brandt werd schuldig bevonden aan talloze medische experimenten, aan de planning en uitvoering van het euthanasieprogramma van het Reich en aan lidmaatschap van de criminele organisatie SS. (zie Trials of war criminals before the Nuernberg military tribunals under control council law n° 10, Volume II, Nuernberg, October 1946-april 1949, For sale by the Superintendent of Documents. U. S. Government Printing Office Washington 25. D. C. – Price $2.75 Buckram, p. 189 e.v.
- Trials of war criminals before the Nuernberg military tribunals under control council law n° 10, Volume II, Nuernberg, October 1946-april 1949, For sale by the Superintendent of Documente. U. S. Government Printing Office Washington 25. D. C. – Price $2.75 Buckram, p. 175 e.v. )
- Trials of war criminals before the Nuernberg military tribunals under control council law n° 10, Volume II, Nuernberg, October 1946-april 1949, For sale by the Superintendent of Documente. U. S. Government Printing Office Washington 25. D. C. – Price $2.75 Buckram, p. 181 e.v.
- « Code de Nuremberg » et tribunal de La Haye, le spectaculaire coup de bluff des antivaccins
- « Code de Nuremberg » et tribunal de La Haye, le spectaculaire coup de bluff des antivaccins
- Schuster: Gelbe Corona-Sterne volksverhetzend
- Artikel 1 van de wet van 23 maart 1995 tot bestraffing van het ontkennen, [minimaliseren], rechtvaardigen of goedkeuren van de genocide die tijdens de tweede wereldoorlog door het Duitse nationaal-socialistische regime is gepleegd. (B.St 30-03-1995) (Erratum, zie B.St. 22-04-1995, p.10571)
- Application no. 7485/03 by Hans-Jürgen WITZSCH against Germany
- Application no. 7485/03 by Hans-Jürgen WITZSCH against Germany
- Het Statuut van Rome van het Internationaal Strafgerechtshof dd 17 juli 1998
- Wet van 25 mei 2000, Belgisch Staatsblad 01 12 2000
- Art. 5.1 a b c d van het Statuut van Rome, zoals vermeld in de Wet van 25 mei 2000
- Art. 7.1 a b c d e f van het Statuut van Rome, zoals vermeld in de Wet van 25 mei 2000
- Art. 15.6 en 17.1.d van het Statuut van Rome, zoals vermeld in de Wet van 25 mei 2000
- The court in The Hague accepted the complaint for violating the Nuremberg Code of the Israeli government
- Er is zelfs nog een derde probleem: Israël heeft het Statuut van Rome niet ondertekend en erkent de autoriteit van het Internationaal Strafhof van Den Haag niet.
- Abgasskandal: Chronik der Ereignisse
- Der Fall Herbert Gilbert vor dem Bundesgerichtshof
- Die Verschwörungsindustrie
- Vonnis dd 02 maart 2021 i.z. Aviles e.a. tegen De Blasio e.a.